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Chapitre 7 — Fractures

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-04-10 19:28:12

Léa

Je me réveille en sursaut. Le matin est encore jeune, une lumière blafarde filtre à travers les rideaux. Je suis allongée sur le canapé, les draps m'entourent comme un cocon brisé. Le souvenir de la nuit dernière me hante déjà. Nathan, ses yeux fixés sur moi, sa main tendue, ce baiser que je n’aurai jamais cru possible. C’était tellement réel, tellement vrai, et pourtant tout semble déjà échapper. Tout semble déjà brisé avant même d’avoir eu le temps de se reconstruire.

Je tourne la tête. Nathan est là, figé dans son fauteuil, son regard perdu dans le vide. Il n’a pas bougé. Pas un centimètre. Peut-être qu’il n’a même pas dormi. Il est épuisé, et moi aussi. Mais c’est la peur qui m’écrase, cette peur sourde et insidieuse qui me ronge depuis que j’ai franchi ce seuil, depuis que j’ai accepté de tomber dans cet abîme avec lui.

Je me lève lentement, mes jambes encore lourdes de sommeil. Je m’approche de lui, mais je n'ose pas le toucher. Je sais qu’il a besoin de cet espace, même si je le déteste. Et moi, j’ai besoin de le comprendre, de le savoir accessible et inaccessible à la fois. Je suis une contradiction vivante. Une furie qui s’ignore.

— Nathan, je murmure, tu veux parler ?

Il tourne la tête lentement, ses yeux cernés par des nuits blanches qu’il n'a jamais réellement confrontées. Ses lèvres s'étirent en un semblant de sourire.

— Je suis un homme brisé, Léa. Un homme sans avenir.

Sa voix est douce, presque apaisée, mais je sens la colère qui bouillonne sous chaque syllabe. Je me laisse tomber à genoux devant lui, captivée par cette fragilité qu’il ne veut pas me laisser voir. Je sais que sous cette carapace d’indifférence, il y a un homme qui souffre, un homme qui m'attend. Mais je suis trop effrayée pour le voir pleinement.

— Nathan, tu n’es pas brisé. T’es juste… perdu.

Ses yeux brillent d’un éclat presque douloureux. Il ferme les yeux un instant, comme s'il ne voulait pas voir la vérité dans mon regard. Mais je sais que c’est ce qu’il cherche. Et c’est peut-être ça qui le tue.

— Tu ne sais pas ce que tu dis. Je suis trop loin, Léa. Trop loin pour revenir. Regarde-moi. Ce que j’étais… tout ça est mort. Il ne reste rien de cet homme que tu crois connaître.

Je ferme les yeux, et je me laisse aller dans le tourbillon de ses mots, dans l’impuissance de cette situation qui nous engloutit tous les deux. Je devrais fuir. Je sais. Mais chaque fois que je tente de m'éloigner, je me retrouve attachée à lui par des fils invisibles, des chaînes qu’il porte, mais que je partage.

Je me redresse, m’éloignant légèrement pour lui donner un peu d’espace. Il suit chaque mouvement, ses yeux sur moi, ses pensées en proie à la tourmente. Je sais qu’il veut me dire quelque chose. Mais il ne peut pas. Pas encore.

— Tu dis que t’es brisé. Mais moi, je vois une femme qui se cache derrière ses peurs. Une femme qui a oublié comment aimer, comment se donner. Tu sais, je t’ai vu hier, Nathan. Pas comme celui que tu tentes de devenir, mais comme celui que tu étais avant. Et je… je t’ai vu, malgré tout.

Il serre les poings. C’est une réaction instinctive. Mais il ne dit rien.

— Léa… Tu penses que ça suffit ? Tu penses qu’on peut réparer ce qui est détruit, ce qui a été arraché à jamais ?

Je le regarde, son visage déformé par la douleur. Je suis perdue. Perdue entre la promesse de son regard et la peur de tout perdre. J’ai l’impression de ne plus savoir où je vais, où il va. Mais je sais une chose : je suis là. Je ne fuis pas. Même si tout m’invite à courir.

— Peut-être que tu as raison. Peut-être que rien ne reviendra jamais comme avant. Mais moi, je crois en la reconstruction, Nathan. Je crois qu’on peut guérir, même les âmes les plus brisées.

Je suis étonnée par la douceur de ma propre voix. C’est comme si, à cet instant, tout ce que je voulais, c’était l'aider. Lui donner une raison de continuer. Lui offrir l’espoir qu’il refuse. Mais je sais que j’ai tort de penser que je peux réparer ce qui est irréparable. Ou peut-être que je suis juste trop naïve pour voir la vérité en face.

Il se lève alors, doucement, avec une lenteur qui trahit la douleur qu’il cache sous chaque mouvement. Il se tient devant moi, son corps grand et imposant, et je sens mon cœur battre plus fort. Il n’a jamais été aussi proche et, en même temps, il semble plus distant que jamais.

— Je suis fatigué de me battre contre moi-même, Léa. Et je suis fatigué de te voir t’accrocher à des illusions.

Ses mots me frappent, mais je ne bouge pas. Pas encore. Je le regarde, sans détourner les yeux, me demandant si je suis prête à l’accepter tel qu’il est, ou si je dois, moi aussi, tourner la page.

Je devine dans ses yeux une souffrance plus profonde que tout ce que j’ai imaginé. Une souffrance qu’il ne veut partager, mais qui explose en mille morceaux sous la surface. Je me sens infiniment petite face à lui. Mais je suis là, prête à tout, prête à l’aider à se relever… si tant est qu’il me laisse faire.

Le silence s’installe, lourd et pesant. Je sais que cette confrontation est une étape cruciale. Que tout ce qui s’est passé, tout ce que nous avons partagé jusqu’à maintenant, ne sera plus jamais pareil. Peut-être qu’il a raison. Peut-être que rien ne reviendra. Mais, peut-être aussi que je n’ai pas encore tout compris.

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