ÉléonoreSon ton est un mélange de douleur et de tendresse déchirante.Mon cœur se serre.Je refuse de l’abandonner.Pas après tout ce que nous avons vécu.Pas après ce que je ressens pour lui.Alors je fais ce que mon instinct me dicte.Je tends la main et attrape la sienne.Un frisson traverse sa peau glacée.Ses yeux s’élargissent légèrement.— Éléonore…— On trouvera un moyen, Andréas. Ensemble.Il ouvre la bouche pour protester, mais une lueur dorée éclate autour de nous.La force invisible qui m’écrasait disparaît brusquement.Les runes sur les murs s’illuminent.Une onde puissante nous traverse.Et alors, je comprends.Ce n’est pas lui qui est piégé.C’est nous deux.Nous sommes liés par quelque chose d’ancien, de plus profond que la malédiction elle-même.Et cette connexion, cette force…Elle change tout.— Andréas… on peut briser ce cercle.Son regard se fige.Puis, lentement, une étincelle d’espoir traverse ses prunelles sombres.Et c’est à cet instant que le sol sous nos pi
Andréas.L’odeur familière de cendres et d’herbes séchées flotte dans l’air.Je suis dans mon atelier.Un soupir m’échappe alors que je me redresse lentement. Mes membres sont engourdis, ma tête lourde, comme si je venais de traverser un rêve trop réel. Mais ce n’était pas un rêve.Mon cœur manque un battement alors que je tourne brusquement la tête.Il est là.Allongé sur le sol, immobile.Son corps est pâle, presque translucide sous la lumière de la lune qui filtre à travers les fenêtres poussiéreuses. L’espace d’un instant, une panique glaciale me traverse.Et s’il n’avait pas survécu à la transition ?— Andréas !Je me précipite vers lui, posant mes mains sur son visage.Il est froid.Trop froid.— Non, non, non… réveille-toi, je t’en prie.Mon souffle est saccadé alors que je cherche un signe, n’importe quoi.Puis, soudainement, son corps se crispe.Ses paupières se soulèvent brusquement, révélant deux yeux d’un noir profond.— Éléonore… Sa voix est rauque, faible.Un soulagement
ÉléonoreLes flammes de la bougie vacillent, projetant des ombres mouvantes sur les murs de mon atelier. Andréas est figé devant le vieux grimoire, ses yeux rivés sur les lettres noircies par le temps.Son souffle s’est suspendu.Son regard est hanté.— C’est impossible… murmure-t-il.Mais il sait aussi bien que moi que l’impossible n’a plus de sens depuis longtemps.Je m’approche lentement.— Ce nom… il t’est familier ?Andréas ne répond pas tout de suite. Ses doigts se crispent sur le bord de la table, et je peux voir la tension parcourir tout son corps.— Je le connais, finit-il par lâcher, la voix rauque. Mieux que personne.Il relève les yeux vers moi, et dans l’éclat sombre de ses prunelles, je vois le reflet d’un passé qui refuse de mourir.— C’est lui qui m’a maudit.Un frisson me traverse.— Raconte-moi.Il hoche la tête, mais reste silencieux un long moment.Puis, enfin, il commence.---Il y a trois siècles, Andréas n’était pas un spectre errant. Il était un homme. Un noble
Andréa Elle pousse la porte.L’intérieur est encore plus oppressant que l’extérieur.L’air est lourd, chargé d’une odeur d’encens et de métal brûlé. Des étagères croulant sous des objets étranges s’élèvent jusqu’au plafond : crânes gravés de symboles, fioles remplies de substances inconnues, poupées de cire aux yeux cousus.Et au centre de la pièce, assis derrière un comptoir couvert de parchemins, un homme nous attend.Il lève la tête.Ses yeux ne sont que ténèbres.— Éléonore… Cela faisait longtemps.Sa voix est un murmure rauque, semblable au froissement d’un papier trop ancien.Elle s’avance sans montrer la moindre peur.— Nous avons besoin d’informations.Un sourire étire lentement les lèvres du Marchand.— Tout a un prix.Il tourne ses yeux vides vers moi.— Et lui… il sent la mort.Je me crispe.Éléonore garde son calme.— Nous cherchons quelqu’un. Gabriel Moreau.Un silence glisse entre nous.Puis le Marchand éclate de rire, un rire sifflant, inhumain.— Vous jouez avec un fe
ÉléonoreMon sang se glace.— L’Abîme.Le Marchand hoche lentement la tête.— Là où les âmes égarées finissent… et où ceux qui veulent disparaître s’effacent à jamais.Andréas serre les poings.— Alors c’est là que nous devons aller.Mais une peur viscérale s’insinue en moi.L’Abîme n’est pas un simple endroit. C’est une prison d’ombres et d’illusions. Un lieu où le passé devient réalité, où les souvenirs vous consument.Et surtout… un endroit d’où personne ne revient vraiment.Je regarde Andréas.— Es-tu prêt à affronter les fantômes de ton passé ?Son regard s’obscurcit.— S’ils se dressent sur mon chemin… je les détruirai.Nous quittons le Marchand d’Ombres avec un poids terrible sur les épaules.J’ai vendu une part de mon avenir pour un indice, et Andréas est prêt à affronter un lieu que même les âmes les plus damnées craignent.L’Abîme nous attend.Et avec lui, les vérités que nous avons toujours redoutées.Le vent souffle avec une intensité glaciale, soulevant des volutes de bru
ÉléonoreMa mère se lève doucement, son regard fixé sur moi.— Pourquoi dis-tu cela, ma fille ?Son intonation est parfaite. Trop parfaite. Comme une mélodie répétée à l’infini pour tromper celui qui l’entend.Je recule.— Tu es morte.Le sourire sur son visage ne bouge pas.— Morte ? Oh, ma chérie… comme tu peux être cruelle.Elle fait un pas vers moi, et une odeur monte dans l’air. Un parfum que je n’ai pas senti depuis mon enfance. Lavande et camomille.C’était l’odeur de sa chambre.— Reviens à la maison, Éléonore, murmure-t-elle. Tout cela… toutes ces souffrances… ce n’est qu’un mauvais rêve.Ses bras s’ouvrent dans une invitation à l’étreinte.Et pendant un instant, un seul, je veux y croire.Je veux croire que tout cela est faux, que ma mère n’est jamais morte dans cet incendie, que je peux rentrer chez moi et tout oublier.Mais Andréas est là.Et son regard me ramène à la réalité.Il voit ce que je vois, mais il n’entend pas ce que j’entends.Pour lui, ce n’est pas ma mère.C’
Éléonore— Je suis celui qui vous attendait. Celui qui veille sur cette prison depuis des siècles.Il tourne lentement la tête vers moi.— Et toi, Éléonore… tu es celle que j’ai toujours cherchée.Un frisson me parcourt l’échine.— Je ne te connais pas.— Oh, mais moi, je te connais.Il fait un pas vers moi, et l’air se contracte.— Tu portes en toi l’héritage des Valmeray.Mes doigts se crispent sur mon collier.Il sait qui je suis.Mais je ne sais rien de lui.Gabriel gémit faiblement.Je me précipite vers lui malgré la menace du spectre, tombant à genoux à ses côtés.— Gabriel !Ses paupières papillonnent et il entrouvre difficilement les yeux.— …Éléonore…Sa voix est rauque, brisée.— Ne… t’approche pas de lui…Son avertissement me glace le sang.Je lève les yeux vers l’ombre, qui nous observe en silence.Puis, lentement, il tend une main décharnée vers moi.— Viens, Éléonore.Ma respiration se bloque.Une force invisible me tire vers lui.Je lutte, mais mes membres refusent de m
ÉléonoreL’air est saturé d’électricité.L’ombre ne me quitte pas des yeux, son regard ardent rivé sur moi, comme s’il voulait sonder mon âme.— Tu es mienne, Éléonore.Sa voix résonne à travers la salle, douce et terrible à la fois.Je recule d’un pas, mais mon dos heurte le torse d’Andréas. Il est là, solide, protecteur, son souffle court, prêt à frapper au moindre mouvement.— Elle ne t’appartient pas, gronde-t-il.L’ombre penche la tête, amusée.— Et pourtant, elle l’a été.Un silence pesant tombe.Il continue, sa voix plus douce, presque caressante :— Nous étions liés par un serment d’âmes. Une magie ancienne, plus puissante que la mort elle-même.Ses yeux, d’un argent glacé, brillent dans l’obscurité.— Et ce serment, ma chère, n’a jamais été rompu.Je ressens une pression invisible sur ma poitrine. Un frisson me parcourt l’échine.Un serment d’âmes…Je ne comprends pas tout, mais une chose est certaine : cette connexion entre lui et moi est réelle.Andréas resserre sa prise su
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en