ÉléonoreLe silence dans la salle est aussi pesant qu’un linceul.La porte de l’Abîme s’est refermée, mais je ressens encore son appel, un frisson glacé sur ma peau, comme une main invisible cherchant à m’attirer vers un gouffre que je refuse de regarder.Je devrais me sentir soulagée.Mais il n’y a aucun répit.Les ténèbres se sont dissipées, et pourtant, l’absence qu’elles laissent derrière elles est écrasante.Je l’ai rejeté.Et dans son regard, j’ai vu plus qu’une menace. J’ai vu une détresse abyssale.Andréas me serre contre lui, son torse solide, sa chaleur me ramenant à la réalité.— Tu trembles.Je ne réponds pas.Je laisse mon front reposer contre son épaule, cherchant un ancrage.— C’est fini, Éléonore.Je ferme les yeux.— Non.Il inspire profondément, son souffle effleurant mes cheveux.— Je sais.Nous restons ainsi quelques instants, suspendus entre le passé et l’avenir, avant qu’il ne prenne doucement mon visage entre ses mains, me forçant à le regarder.— Il ne reviendr
ÉléonoreJe pourrais mentir.Je pourrais lui dire que c’est le hasard, que mes pas m’ont menée ici sans raison.Mais ce serait faux.Alors, je choisis la vérité.— Pour comprendre.Ses traits se crispent.Je continue, ma voix plus forte :— Qui es-tu vraiment ?Il esquisse un sourire triste.— Tu connais déjà la réponse.Je secoue la tête.— Non. Je connais celui que tu étais. Pas celui que tu es devenu.Son regard s’assombrit.— Il n’y a pas de différence.Mais il ment.Je le vois dans ses yeux.Il a changé.Et je dois savoir jusqu’à quel point.---Le Pacte Brisé— Que veux-tu, Éléonore ?Sa voix est douce, presque suppliante.Je sens mon cœur se serrer.Je ne peux pas répondre.Parce que je ne suis pas sûre de la réponse.Lui ?Ou la liberté ?Le passé ?Ou l’avenir ?Je ferme les yeux un instant, essayant de chasser cette douleur qui me ronge.Et quand je les rouvre, je prends ma décision.— Je veux la vérité.Un silence.Puis, enfin…Il sourit.Un sourire déchirant.— Alors prépa
ÉléonoreLe temps semble suspendu.Le regard d’Andréas se fixe sur moi avec une intensité que je ne lui ai jamais vue auparavant.Il n’y a plus de murmures. Plus d’ombres.Juste lui.Lui et son regard qui me supplie.— Ne fais pas ça, Éléonore.Il s’approche lentement, prudemment, comme si un simple faux pas pouvait briser ce fragile équilibre.Mon cœur bat si fort que j’en ai mal à la poitrine.Je sens la présence du spectre derrière moi, silencieuse mais oppressante.Il ne dit rien.Il attend.Attendant mon choix.Je déglutis avec peine.— Pourquoi es-tu venu, Andréas ? murmuré-je.Sa mâchoire se contracte, et il ne répond pas tout de suite.Puis, sa voix grave fend l’air, rauque d’émotion :— Parce que je ne pouvais pas te laisser seule avec ça.Un frisson me parcourt.Il sait.Il a compris ce que je m’apprête à faire.Et il veut m’arrêter.Je serre les poings.— Tu ne comprends pas.— Alors explique-moi.Je me tourne légèrement, affrontant son regard, cherchant une once de doute e
ÉléonoreMa voix est rauque, éraillée, à peine un murmure.Il ne répond pas tout de suite, mais je vois la tension dans sa mâchoire, la lueur voilée dans son regard.— Est-ce vraiment fini, Éléonore ?Son ton est bas, presque une caresse, mais il porte un poids immense.Je ferme les yeux un instant.— Je l’ai libéré.— Et toi ?Mon souffle se bloque.— Moi ?Il incline la tête légèrement.— T’es-tu libérée, toi aussi ?Je détourne les yeux.L’ai-je fait ?Le spectre n’est plus là, la malédiction s’est brisée avec l’effondrement de la crypte… mais pourquoi ai-je encore ce poids sur la poitrine ?Pourquoi ai-je la sensation que quelque chose m’échappe encore ?— Viens.La voix d’Andréas me ramène à la réalité.Il m’offre sa main.Je l’observe, hésitante.Puis, lentement, je glisse mes doigts dans les siens.Sa paume est chaude.Solide.Vivante.Et cela me fait un bien fou.Il me tire doucement vers lui, nous éloignant des ruines.— Il est temps de rentrer.Je hoche la tête, sans trouver
AndréasLe poids des secretsLa boutique de Madame Rozen est encore fermée lorsque j’y arrive.Mais je sais qu’elle est là.Les rideaux sont légèrement entrouverts, laissant entrevoir une lueur vacillante de chandelle.Je frappe trois fois, un code qu’elle seule reconnaît.Quelques secondes passent avant que la porte ne s’ouvre.Madame Rozen apparaît, ses longs cheveux blancs attachés en une tresse négligée, son regard perçant m’étudiant immédiatement.— Tu as l’air fatiguée, ma fille.Elle m’invite à entrer sans un mot de plus.L’intérieur de la boutique est toujours le même : des étagères croulant sous des grimoires poussiéreux, des herbes suspendues au plafond, l’odeur entêtante de la sauge et du bois brûlé.Je prends place en face d’elle, et elle sert une infusion sans me poser de questions.Elle sait que je parlerai quand je serai prête.Finalement, après plusieurs gorgées, je murmure :— La malédiction est brisée.Madame Rozen hoche la tête.— Je l’ai senti. Un grand poids s’est
AndréasL’Histoire OubliéeElle nous guide jusqu’à l’arrière de la boutique, là où se trouve une pièce plus sombre, plus intime, emplie de vieilles reliques et de chandelles vacillantes.Au centre, un miroir ancien, aux bordures gravées de symboles mystérieux.Madame Rozen pose une main sur le verre froid, et un frémissement parcourt sa surface.— Regardez.Je me rapproche, mon cœur battant à tout rompre.L’image reflétée n’est pas la nôtre.Je vois une femme, aux longs cheveux noirs, vêtue d’une robe d’un autre siècle.Ses yeux brillent d’un éclat féroce…Je me vois.Mais ce n’est pas moi.Un homme est à ses côtés, vêtu d’une tunique de guerrier, une épée accrochée à sa ceinture.Mais lui non plus… n’est pas vraiment lui.— C’était il y a des siècles. dit Madame Rozen, sa voix s’élevant à travers la pièce comme un murmure du passé.— Éléonore, tu étais autrefois une sorcière d’un royaume oublié, promise à un autre homme.Mon cœur se serre, et je sens Andréas tressaillir à mes côtés.
Andréa Le visiteur de minuitNous arrivons enfin chez Éléonore.Elle verrouille immédiatement la porte derrière nous, sa respiration saccadée.Je l’observe en silence.Son corps est tendu, ses doigts tremblants.— Éléonore…Elle sursaute presque en entendant ma voix.Je pose une main sur son bras.— On va trouver une solution.Elle hoche la tête, mais son regard me dit qu’elle n’en est pas convaincue.Un long silence s’installe.Puis, enfin, elle relâche un souffle tremblant.— Je vais prendre une douche.Je la regarde disparaître dans la salle de bain, le poids de la situation me tombant sur les épaules.Je suis seul dans le salon, l’esprit troublé.Je devrais aller me reposer.Mais quelque chose m’en empêche.Un instinct profond.Je me dirige vers la fenêtre et j’écarte légèrement le rideau.Et mon cœur rate un battement.Dans la rue, à peine éclairé par la lueur des réverbères, quelqu’un se tient là.Une silhouette sombre, immobile, tournée vers la maison.Un frisson me traverse.
AndréasLe froid me mord la peau, mais ce n’est pas le vent nocturne qui m’inquiète.C’est cette présence.Invisible, insaisissable.Mais terriblement réelle.Je la ressens depuis des jours, se tapissant dans l’ombre, nous guettant.Et maintenant…Elle s’est montrée à Éléonore.Elle a brisé le silence.Le temps nous est compté.Je serre les poings, le regard fixé sur l’obscurité au-delà de la fenêtre.Si je devais les affronter seul, je le ferais.Mais cette fois, ils ne s’en prennent pas qu’à moi.Ils la veulent, elle aussi.Ils veulent Éléonore.Et ça, je ne le permettrai jamais.---L’ombre du passé— Tu ne dors pas ?Sa voix me tire de mes pensées.Je me retourne et trouve Éléonore, une couverture enroulée autour d’elle, son regard encore empreint des visions qu’elle a traversées.Je l’observe un instant, gravant son image dans ma mémoire.Les mèches de ses cheveux effleurent ses épaules.Ses lèvres sont légèrement entrouvertes, comme si elle cherchait les bons mots.Elle est magn
ÉléonoreJe ne sais pas exactement ce que je cherche. Peut-être que, dans ce labyrinthe d’ombres et de mensonges, je cherche juste un moyen de respirer. Un peu de clarté dans cet enchevêtrement d’émotions et de mystères. Le poids de la vérité m’écrase, et pourtant, je sais que je n’ai pas le choix. La voie que nous avons choisie, Andréas et moi, nous ne pouvons plus en revenir.Je me tiens à ses côtés, dans cette pièce qui semble à la fois familière et étrange, comme si le temps s’était figé, comme si ce lieu n’avait jamais existé ailleurs que dans nos esprits. La lumière pâle d’un chandelier vacille dans l’obscurité, projetant des ombres mouvantes sur les murs de pierre. La pièce elle-même semble engloutie par le silence, et pourtant, il y a cette sensation étrange de présences invisibles qui nous entourent, de murmures lointains que je ne peux saisir.— C’est ici, n’est-ce pas ? Andréas murmure à mes côtés, sa voix pleine de doute. Ses yeux se posent sur une vieille porte en bois, à
AndréasIl m’était difficile de comprendre ce que j’avais ressenti dans cette chambre, en présence de cette entité. Tout avait basculé en un instant. L’air lourd de révélations, l’impression d’être englouti par une vérité bien trop vaste pour être pleinement saisie. Valmeray. Ce nom résonnait dans ma tête comme un écho sinistre, comme une promesse d’un futur encore plus obscur que le présent. Chaque fibre de mon être semblait vibrer sous l’intensité de cette découverte. Mais en même temps, quelque chose en moi se rebellait.La lumière qui nous avait enveloppés, cette chaleur insoutenable, avait disparu, nous laissant dans une pénombre inquiétante. Pourtant, même dans l’obscurité, je pouvais sentir sa présence. Elle était là, dans chaque recoin, dans chaque souffle du vent qui passait sous la porte, dans chaque frémissement de l’air. La réalité elle-même semblait déformée, comme si tout autour de nous était une illusion, un miroir brisé qui ne reflétait plus les choses telles qu’elles
ÉléonoreJe sentais l’air autour de nous se densifier, comme si la réalité elle-même pliait sous le poids des révélations imminentes. La silhouette mystérieuse, dont les contours semblaient à la fois trop nets et trop flous, continuait de se rapprocher, et avec chaque pas, le sol sous nos pieds vibrait légèrement, comme si l'espace était tout à coup plus petit, plus confiné. Chaque instant passé dans sa présence m’écrasait sous une sensation de perte, de doute, mais aussi d’une étrange attirance. Comme si cet être appartenait à un autre monde, mais en même temps, semblait être une partie intégrante de notre existence. Je sentais un souffle glacé dans l’air, un vent glacé qui semblait souffler du fond même de la porte, du seuil qu’Andréas et moi venions de franchir.— Pourquoi êtes-vous ici ? La voix était maintenant claire, précise, mais restait empreinte d'une autorité qui dégageait une étrange forme de sérénité. C’était une question, mais elle n’avait pas besoin d’être répondue. Nou
ÉléonoreLes battements de mon cœur résonnaient dans mes oreilles, martelant l’air lourd de la pièce, comme une mélodie macabre, une bande-son pour ce moment que je savais être décisif. Andréas se tenait à mes côtés, l’air solennel, ses traits marqués par une fatigue que je n’avais jamais vue auparavant. Il était aussi résolu que moi, mais une ombre persistante habitait ses yeux. Une ombre de doute, de peur. Je savais que la décision que nous venions de prendre nous marquerait à tout jamais. La porte qui se dressait devant nous était plus qu’un simple passage physique. C’était un seuil entre deux mondes, un portail qui pouvait aussi bien libérer une malédiction que nous offrir une chance de rédemption. Mais je ne pouvais plus reculer. Il n’y avait plus de place pour l’hésitation. Nous devions avancer, ensemble.Je me tournai lentement vers Andréas, mes mains tremblantes cherchant les siennes. À ce moment-là, je n’avais besoin que de lui. Besoin de ce lien que nous partagions, ce lien
ÉléonoreLe silence s’installa entre nous, lourd, presque oppressant. Chaque mot, chaque souffle semblait peser plus lourd que le précédent, et même la lumière qui nous entourait semblait retenir son souffle. Andréas ne bougeait pas, ses yeux fixant un point lointain, perdu dans ses pensées. Une tension invisible se formait autour de nous, une sorte de champ de forces qui étouffait l’air. Nous étions sur le point de découvrir la vérité, et pourtant, je savais que rien ne pourrait me préparer à ce qui allait suivre.— Andréas… murmurai-je finalement, incapable de supporter le silence plus longtemps. Que veux-tu dire par « rôle » ? Pourquoi avons-nous été choisis pour cela ?Il se tourna lentement vers moi, ses yeux brillants d’une lueur étrange. Je pouvais voir qu’il luttait avec lui-même, que chaque mot qu’il allait prononcer serait un pas de plus dans un abîme sans fin. La vérité était là, juste à la portée de ma main, mais il y avait une lourdeur dans l’air, une sensation que quelqu
ÉléonoreLe monde se distordait autour de nous. L’intensité de la lumière me frappait comme un coup de marteau, chaque cellule de mon corps vibrante d’énergie pure. Mes yeux se fermaient et se rouvrent, tentant de s’adapter à la clarté aveuglante qui envahissait tout. Andréas se tenait à mes côtés, sa main toujours posée sur le médaillon, et je pouvais sentir la chaleur émanant de lui, mais aussi un étrange froid qui se glissait dans l’air, comme un écho de quelque chose de plus vaste, de plus ancien.— Reste avec moi, murmurais-je, ma voix brisée par la force de cette lumière. Je ne savais pas si c’était une simple inquiétude, ou si c’était un véritable instinct de survie, mais la vérité était que je me sentais perdue dans ce tourbillon de lumière. Ce n’était pas normal, cette intensité. C’était comme si quelque chose au-delà de notre contrôle était sur le point de se manifester.Andréas tourna lentement la tête vers moi, son regard brillant d’une détermination nouvelle. Mais il y av
AndréasL’ombre s’éteignit lentement, se fondant dans l’obscurité avec une fluidité presque surnaturelle. La pièce semblait se refermer sur nous, comme un piège invisible, et l’air devenait plus lourd à chaque seconde. Je pouvais sentir la chaleur croissante de la lumière du médaillon, comme un soleil mourant, vacillant entre la vie et la mort. Éléonore, à côté de moi, semblait aussi troublée que moi, ses mains tremblantes serrant son propre pendentif, comme si elle cherchait une réponse dans sa chaleur. Mais il n’y avait pas de réponses faciles, pas ici.— Tu crois que c’était… elle ? murmurai-je, la voix étranglée par l’intensité du moment.Éléonore tourna lentement la tête vers moi, ses yeux cherchant les miens, pleins de confusion et de peur. Elle hésita, avant de secouer la tête, comme si elle tentait de dissiper une brume qu’elle n’arrivait pas à chasser.— Je ne sais pas. Elle inspira profondément, et ses lèvres se frémirent, mais aucun son ne sortit. Puis elle souffla enfin, s
ÉléonoreLa voix mystérieuse résonnait encore dans mon esprit, ses mots se glissant comme une brume lourde. « La vérité a un prix. Celui que vous êtes prêts à payer. » C’était une promesse, une menace, ou peut-être un avertissement. J’avais l’impression de m’être glissée dans un autre monde, un monde où chaque pensée, chaque action, avait une résonance profonde, où rien n’était comme avant.La lumière du médaillon vacillait, presque trop intense pour être supportée. Je pouvais sentir son énergie, une force indomptable qui semblait vouloir dévorer tout sur son passage, engloutir nos espoirs et nos peurs dans une même spirale. Et pourtant, je ne pouvais m’empêcher de me sentir attirée par elle, comme un aimant qui tirait chaque fibre de mon être vers l’inconnu. Il y avait quelque chose là-dedans, une vérité que je ne pouvais ignorer, quelque chose qui avait attendu des siècles pour se manifester.— Andréas, murmurais-je, mes lèvres sèches, on ne peut pas revenir en arrière, n'est-ce pas
AndréasLe temps semblait suspendu, une toile d’incertitude se tissant autour de nous. Nous étions ici, à la frontière du possible et de l’impossible, où chaque décision pouvait nous mener à la destruction ou à la rédemption. Le médaillon, sur son piédestal, pulsait dans une lumière vacillante, comme une âme perdue cherchant son chemin à travers l’obscurité. Son éclat faible, mais régulier, me fascinait autant qu’il m’effrayait.Éléonore, près de moi, n’avait pas quitté des yeux l’objet. Je pouvais sentir la tension dans son corps, son esprit en proie à mille questions sans réponse. Elle savait, tout comme moi, que ce que nous faisions maintenant marquerait la fin de notre histoire telle que nous la connaissions, et l’initiation d’un autre cycle. Un cycle dont les règles échappaient à notre compréhension.— Ce n’est pas un simple artefact, murmurai-je, plus pour moi-même que pour elle, mes doigts effleurant le médaillon avec une prudence mêlée de crainte. Il est une clé, une porte...