Scott m’intime de rentrer chez lui sous prétexte de garder Gégé. Franchement ! J’ai l’air d’une nounou pour serpent à quatre pattes ? Malgré mes protestations, il affirme que ma présence ici est indispensable. Pourquoi ne me ramène-t-il pas chez François ?
Après réflexion, je me tais et obéis. Scott semble serein... en apparence.
Contrainte et forcée, je sors de la voiture en rechignant. Ben oui, les Françaises, ça grogne !À l’intérieur, tout paraît fade, d’une tristesse sans nom. Il manque l’âme du maître de maison, son odeur, ses muscles en action, sa capacité à me donner l’impression que nous sommes ensemble depuis des lustres. Statufiée sur le seuil, mon regard arpente le grand séjour en observant le vivarium. Gégé a les pattes de devant sur la vitre. Il me supplie de le réconforter comme s’il pressentait la gravité de cette journée. Dire qu’il y a quelques jours, il m’a terrorisée ! Enfin, ma peur n’a pas totalement disparu. Nous avons copiné en partageant n
La tempête a causé pas mal de dégâts, depuis, l’équipe du ranch s’attelle à remettre en place les clôtures, réparer les toits envolés. Frank ainsi que les autres m’ont ordonné d’organiser le mariage sans me soucier de l’intendance. Néanmoins, la mort de Feu Follet me déprime, outrepassant même ma joie de m’unir à ma petite Française. Le shérif Runway piste les responsables. Mais ses soupçons se portent sur mon voisin, Caldum. Or cet ours mal léché peut s’avérer sanguin, mais pas aussi pointilleux que ceux qui ont mis au point l’empoisonnement de ma jument. Le docteur Gary, après les tests, a décrété qu’elle a été empoisonnée (cela on le sait), mais une fois enlevée, elle a été de nouveau intoxiquée, puis relâchée dans la nature. Je préfère ne pas savoir comment elle a agonisé, et Gary a choisi de me laisser dans l’ignorance. Pour l’heure, je suis assis sur un banc, dans le fond de la grande propriété de François, sous le séquoia. Le temps, redevenu sec, présage un épisode de
La tempête s’est enfin calmée, les bourrasques se ralentissent. L’air lourd couvre encore le ciel, mais le pire est derrière… ou pas. Cela m’amène à la grande question. Que va-t-il se passer ensuite ? Il m’est impossible de répondre, tout ce que je sais à l’heure actuelle, c’est que Scott m’a fait l’amour comme un dieu et que mes sentiments grandissent en un temps record. Je m’acclimate un peu trop vite à mon goût au Texas, surtout aux Texans, enfin à un en particulier. Les barrières infranchissables de la langue, de la distance se sont disloquées grâce à mon futur mari. Il s’endort à côté de moi, un bras sous sa nuque, son visage viril se pare d’une drôle d’ombre quand il sombre dans le sommeil. Je le regarde plonger dans les rêves quand soudain un soubresaut l’agite. Pour le calmer, mes doigts caressent ses cheveux, comme on le fait avec un enfant. Aussitôt, il cesse de gesticuler.Les yeux dans le vague, je refais le film de nos ébats fous en revivant la douce torpeur dans laq
Le déjeuner a été une réussite, tous mes amis apprécient Anaëlle, son magnétisme agit sur eux. Elle est à l’aise au milieu de son nouveau monde, je la sens en osmose avec moi, mais je soupçonne que les trois verres de champagne qu’elle a avalés l’ont désinhibée. Dès que maître Plissard a tourné le dos, elle s’est ruée sur le buffet en ingurgitant une poignée de petits fours et un verre d’alcool. Mon pressentiment de tout à l’heure ne fait qu’augmenter en supposant qu’ils n’ont pas échangé que des banalités. Son sourire forcé en me prenant la main, et son obstination à ne pas me répondre implique qu’elle a des soucis.Lesquels ?Je lui ai dit que je l’aime, que nous formons un couple parfait. J’en suis certain. Elle et moi,
Notre nuit de noces a été sensationnelle, mon sourire béat n’a pas quitté mes lèvres de la journée. Scott a été un amant formidable, doué, plein de tendresse ou de bestialité selon nos humeurs. Et j’en redemande ! Il suscite en moi des émotions que je n’ai jamais connues avant, avec qui que ce soit. Le septième ciel, nous l’avons atteint, et avons franchi le huitième, le neuvième, et sommes arrivés à la pointe de l’extase. Tantôt douces, tantôt pleines d’ardeurs, ses caresses ont su révéler des aspects de ma personnalité enfouis au plus profond de moi. Je ne me serais jamais crue capable de pousser des cris à la limite de l’hystérie. En ressentant des orgasmes aussi magiques, mon corps entier a voulu témoigner mon émotion à mon mari. Magiques ! C’est exactement ça ! Mon vol continue, surplombant le petit nuage sur lequel nous naviguons tous les deux. À l’abri, sous le séquoia, nous regardons les étoiles nous veiller. Extatiques, nous nous laissons porter par la brise de la nuit. Sou
Accroché au volant, je conduis au radar, le ranch me paraît plus vaste que d’habitude. Ma vue redevient claire, mais ce n’est pas sans peine, car j’ai dû m’arrêter à plusieurs reprises. Ma tête cogne, et ma nuque raidie par le coup ne se détend pas. En me massant, cela atténue un peu la douleur, par contre, cela ne me calme pas du tout. Savoir Anaëlle seule à la maison me met dans un état second. Mes pensées se heurtent les unes aux autres. Mes agresseurs ont-ils un rapport avec la mort de ma jument ? Quand ils m’ont assommé, je n’ai rien vu à part deux vagues silhouettes. Un homme et une femme. Mis à part ces deux informations, aucun détail ne m’a frappé. Ils se sont tus, et l’action s’est passée si vite que je n’ai pas pu réagir. En atteignant la grille de la demeure fermée, me voilà soulagé, puisque personne ne possède le code d’entrée à part Amber, Anaëlle, Frank et moi. Elle se trouve donc en toute sécurité. Ma pression artérielle diminue, tout à coup, un voile se pose
Une fois que Scott s’est évanoui, j’ai appelé Frank qui a appelé le médecin. Par un hasard fort heureux, le même docteur qui m’a auscultée ce soir-là est de garde puisqu’il s’avère être le seul du petit comté en dehors de Beaumont. Ce dernier est retenu par des accouchements. Alors, il me confie la tâche de veiller sur mon mari jusqu’à son réveil. Tout ceci par conversations interposées entre Frank, le docteur et moi. Une fois que les ambulanciers ont emmené Scott à l’hôpital, j’ai profité de ce temps pour m’en aller, ne laissant qu’un mot sur le frigo.La manœuvre, immorale, mais salvatrice m’a permis de me sentir plus légère. Dès lors mon intention de partir prise, mes valises se sont entassées dans son 4X4. La route a défilé, les pneus bien accrochés à la terre aride, les miles se sont enfilés des heures. Le temps n’a plus d’importance.Il s’est écoulé des heures et des heures depuis mon départ. Il a fait très chaud dans l’après-midi, le désert est apparu sordide so
La comtoise me rend fou. Le tic-tac de la trotteuse bat à l’unisson de mes tempes douloureuses. Runway m’a averti ce matin de sa découverte. Anaëlle a trouvé refuge chez Ricardo, l’épicier vers le parc. À mille lieues de penser qu’elle ait pu être en danger, j’ai d’abord éclaté de colère. Puis le shérif m’a raconté sa mésaventure. Tout de suite mes sentiments ont viré de bord, de colériques, ils se sont mués en peur. Je l’ai imaginée déjà mutilée, morte dans un coin du square, se débattant contre des violeurs. Ce flash aussi bref qu’angoissant n’a pas annihilé l’étincelle de rage qui sommeille. Il me faut des explications, des raisons valables… de sa bouche. Pourquoi est-elle partie pendant mon malaise ?Je compte lui arracher des aveux à n’importe quel prix. Enfin, la voiture de police pénètre dans l’allée. Anaëlle semble abattue. J’ai autant envie de l’enlacer et de l’embrasser que de la gifler. Penaude, toute débraillée, presque sale ; son corps se déplace lourdement,
Une fois de plus je me dérobe. Mes mots ont choqué Scott, l’ont blessé, mais cette éternelle anxiété face à ceux qui prétendent m’aimer se ranime, comme si le bonheur ne devait pas m’atteindre. Qu’il faut absolument qu’il rate sa cible. Dans ma chambre, les oreillers se transforment en punching-ball, mes mains cognent dessus jusqu’à ce que l’un d’eux explose. Les plumes gravitent au-dessus du lit en s’échouant lamentablement sur la courtepointe. Ma colère n’a d’égale que ma tristesse. En me traînant jusqu’à la salle de bains, le miroir se dresse sur ma route. L’image peu flatteuse qu’il me renvoie, la décrépitude physique, la désuétude morale m’écœurent. Je suis en train d’abandonner les résolutions qui m’ont redonné le goût de vivre. En une seule semaine, ma vie a entamé une ascension phénoménale et une descente aux enfers. Vais-je seulement prendre une décision juste ? En me regardant, mouillée de la tête aux pieds inondant le parquet, les cheveux collés au front, l’impact
Les obsèques d’Agathe se déroulent dans une petite chapelle proche de sa maison. Sa famille est réunie, ses enfants, ses petits-enfants. Tous se recueillent en silence. Le prêtre invite l’assemblée à se diriger vers le cimetière.Je tiens la main d’Anaëlle. Ma femme a su combattre ses démons à l’hôpital. Elle a été exemplaire, néanmoins, elle n’a pas cédé. Dès que les médecins ont autorisé les visites à sa tante, elle lui a parlé, de femme à femme, et non de nièce meurtrie à tante aigrie. Sur la fin de sa vie, la vieille a témoigné d’un regain de générosité. Son dernier souffle a servi à apaiser les consciences. Tante Agathe a été au courant de l’héritage avant sa nièce. Une lettre est parvenue à ma femme bien avant celle qui a contribué à nous réunir. Sa tante a orchestré une rencontre entre Plissard et Sophie lors d’un dîner chez une cousine à elle. Sûre de son coup quant à l’attirance qui allait se créer entre sa nièce de cœur et le notaire ; elle a ensuite exigé une c
Deux jours après nos retrouvailles, je donne mon congé à Maryse les larmes aux yeux. Mon histoire l’a touchée. Sur le pas de la porte, une dernière embrassade, je la quitte définitivement. Nous avons convenu avec Scott de retourner à Mont-de-Marsan avant de nous envoler pour les États- Unis. Désormais, le Texas deviendra mon pays. Maître Vianne nous attend. Je suis heureuse d’avoir eu un allié dans cette aventure ubuesque. Grâce à lui mon mari est vivant, et nous allons vivre dans la demeure de François. Scott ne souhaite pas vivre où son animal a été sauvagement massacré. Cela se comprend aisément. Gégé était un être à sang froid très attachant. Aussitôt que nous en avons parlé, il s’est mis à pleurer. Ses trois amis sont morts dans un court laps de temps, et il n’a pas eu le temps de faire leur deuil. Je l’ai épaulé en lui disant que pleurer n’a rien d’efféminé, au contraire, ce sont ses larmes qui m’ont attendrie lorsque je me cachais dans son 4X4. — Tout est bien qui fin
Anaëlle dort profondément, enroulée contre moi. Nous avons déplié le canapé à notre troisième round. Les ressorts n’ont pas apprécié notre dynamisme. Nous avons été si heureux que les voisins ont crié à travers les murs de nous taire. Ma femme possède un organe vocal hors du commun quand elle jouit. Je me délecte du tableau. Elle est belle, très belle, plus belle que dans mes souvenirs. Je vous le concède « souvenirs » est un peu exagéré si l’on compte que nous nous sommes quittés seulement deux semaines auparavant. Mais pour moi, une éternité s’est écoulée. Ma maison ne ressemble plus à rien après la destruction de Miss Grognasse. La vision du terrarium vide est insoutenable, et sans Anaëlle, c’est pire. Sa douceur m’a manqué terriblement, son sale caractère aussi. Alors, j’ai déménagé chez François. Chez lui, il y a l’odeur de mon épouse, quelques affaires oubliées dans la chambre. J’ai dormi avec sa nuisette mauve tous les soirs. Je l’ai respirée en m’imprégnant de chaque
Le soleil cogne contre la paroi vitrée, dispersant les ombres sur le trottoir. Je me colle plus près de la porte vitrée afin de confirmer ma vision. Scott.Il se tient au lampadaire, les yeux rivés sur la boutique.Il attend. Il m’attend.Eh bien, il ne va pas être déçu ! Les souvenirs s’entrechoquent, les bons, les mauvais, les situations, les douleurs, mais aussi les joies, l’amour, la haine. Un tourbillon de sentiments me parcourt. Lequel choisir parmi eux ? La colère ! Je suis en colère contre lui, contre François, contre Sophie, contre… moi ! J’y ai cru. Et ça, ça me mine plus que l’énervement. Le pire, je le tasse bien profondément au fond, car je ne serai pas à la hauteur du combat. Mon amour pour lui évincera ma perception des choses. J’oublie le magasin, mes responsabilités, et me dirige à grands pas sur le trottoir de l’autre côté de la rue.Scott. Scott. Scott.Je répète son prénom jusqu’à ce qu’il soit une série delettres sans aucun sens.Et
— Fais attention à toi, Scott !— Promis, je t’envoie un message en route. Tu crois que... — J’en suis sûr. Hé, mec ! T’es un Texan, un dur à cuire ! Tu t’en es tiré, alors, ce morceau-là, c’est du pipi de chat.— Merci, Frank, merci pour tout.Je prends mon ami dans les bras en le serrant brutalement, à l’image des cow-boys. Il en est différemment de l’intérieur, si à l’extérieur, Scott, le dur à cuire montre au monde entier qu’il tient les rênes, la vérité est toute autre. Mon cœur tambourine en passant les portiques de sécurité, mes jambes flageolent en montant l’escalier de l’avion. Je tends mon billet à l’hôtesse de l’air. Assis sur le siège, la ceinture bouclée, le long courrier perce l’air, les réacteurs tonnent, puis l’allure de croisière me berce un moment. Ce temps de repos, trop court, cesse quand Anaëlle m’apparaît dans un rêve. Elle me déteste, me somme de repartir en me dispensant la plus grosse gifle de ma vie. L
La petite boutique de Maryse, la femme d’Albert, se situe au centre de la ville de Beaumont. J’en ris encore, comme Baptiste. Ce rire n’enlève rien à mon chagrin, cependant, j’admets que le coup de pouce du destin m’a bien arrangée. Je travaille depuis deux semaines Aux mains d’argent, et réside au-dessus du magasin, dans un studio simple et fonctionnel. Malgré les efforts déployés par mes employeurs, l’étroitesse du lieu me rend claustrophobe, les grands espaces me manquent, le Texas me manque, Scott me manque plus que tout. Je passe mes soirées sur un divan convertible à regarder les photos de notre mariage en retombant amoureuse de lui sans cesse. Pourtant, la face de Sophie me revient comme si c’était tout de suite, je les revois à l’aéroport, son bras sous celui de mon mari, sa bouche collée à la sienne. Avec toutes les preuves du monde sous les yeux, il y a une chose que mon cœur n’accepte pas : le détester. Je l’aime quand même, mon être entier a envie de lui, de ses
Je suis attaché à la chaise, n’ayant qu’une faible marge de manœuvre pour me détacher, mes tentatives deviennent hésitantes.Trop occupé à me narrer son projet du début à la fin, Plissard n’a pas jugé bon de me ligoter les jambes. Son plan est aussi aberrant qu’absurde. Il regarde trop de films !Voici un condensé de notre conversation avant qu’il n’aille s’envoyer en l’air.— Comment parviendrez-vous à récupérer légalement la somme que François m’a léguée ?— Facile, tu vois la caméra ? Nous allons jouer une partie de poker, toi, moi, Sophie et un quatrième qui nous rejoindra. Tu perdras tout, et me feras une reconnaissance de dette. C’est astucieux, n’est-ce pas ?Complètement débile me semble plus juste. Je ne connais pas la loi sur le bout des doigts, mais à moins de me tuer puis de faire disparaître mon corps, son idée semble sortie d’une tête de gosse attardé. Là où ma colère m’a rongé, c’est le moment où il m’a avoué qu’Anaëlle sera destituée de ses biens puisq
Trente-six heures de vol, douloureux, angoissants et blessants. Baptiste a été le plus compréhensif des hommes, me consolant comme si nous nous étions connus depuis des lustres. Mieux, il m’a considérée comme sa fille, et c’est sur son épaule qu’exténuée, je me suis endormie durant la fin du voyage nous ramenant sur le sol français. À mon grand étonnement, nous avons atterri à Aulnat, l’aéroport proche de Beaumont. J’ai découvert un paysage citadin, entouré de montagnes verdoyantes malgré la chaleur. Les températures sont élevées, mais l’air y est moins suffocant qu’au Texas. L’heure tardive apporte un léger vent frais, assez pour respirer normalement et reprendre contact avec la vraie vie. Car le long courrier Beaumont-Aulnat m’a paru s’éterniser. Je ne sais plus quel jour nous sommes ni même quelle année tellement le jet-lag me déconnecte.— Nos chemins s’arrêtent ici, ma chère Anaëlle.Baptiste me regarde me décomposer, ma tête renvoie toutes mes inquiétudes. Où vais-je all
Le parking dépassé, nous traversons un grand hall à l’allure d’un repaire pour millionnaire. Beaumont possède donc ce genre de bâtiment ! Les boîtes aux lettres alignées sur un pan de mur révèlent des noms en surbrillance qui me sont impossibles à déchiffrer d’où nous sommes. Je présume que les propriétaires entrent dans le lot des businessmans dont le pied-à-terre texan sert à la fois aux affaires et à la villégiature. Les New-Yorkais aiment se ressourcer sur nos terres, puis se vanter de leur périple auprès de leurs amis en se congratulant d’avoir vécu dans un pays hostile. Je suis mort de rire intérieurement.Lorsque mon sérieux revient, la réalité l’accompagne. Ce petit break mental m’a permis de relativiser. Plissard va en avoir pour son argent, dès que nous serons à l’abri des regards, mes poings joueront des castagnettes sur son minois de bourgeois. Je les suis sans broncher. Nous prenons l’ascenseur en compagnie d’une vieille dame. Son petit yorkshire dans les bra