Chapitre 03

Nous roulons pendant trois heures avant que mes pensées ne commencent à se bousculer dans ma tête.

La première qui me frappe fait monter une vague de peur en moi.

Où allons-nous ?

Je ne peux pas nous emmener chez mes parents. La meute de Hunter est très puissante, et il ne tardera pas à venir me chercher. Il m'accusera de tentative de meurtre, m'arrachera Maya avant de me tuer. Mes parents ne pourront pas l'en empêcher, et la meute de Hunter le soutiendra.

Alors peut-être devrions-nous aller ailleurs.

J'ai un cousin éloigné qui vit à quelques villes d'ici. J'ai ma carte bancaire et une carte de crédit dans ma poche, heureusement, celle que Hunter ne peut pas utiliser. J'avais mis de l'argent de côté pour l'éducation de Maya, au cas où Hunter déciderait de ne plus financer ses études ; je vais devoir en utiliser une partie pour nous éloigner de lui.

Les larmes me montent aux yeux et je les ravale, gardant les yeux sur la route, observant les nuages épais et lourds dans la nuit.

J'ai vécu dans une telle peur pour ma fille, toujours prête à affronter tout ce qui pourrait nous arriver, et toujours prête à intervenir si Hunter décidait de ne plus s'occuper d'elle. Je sais que je devrais le détester.

Je devrais le haïr pour détester Maya, sa propre fille. Il a même voulu la tuer, et je devrais souhaiter qu'il brûle en enfer pour ça.

Pourtant, je ne peux m'empêcher de comprendre.

Les larmes coulent alors qu'un sanglot secoue mon corps et je me laisse pleurer.

Tout est de ma faute.

Je serre le volant plus fort et pleure en silence.

Hunter a besoin d'un fils pour maintenir le titre d'Alpha dans la lignée de sa famille. Son père et son grand-père avaient tous des fils. Il est le seul à ne pas en avoir, et s'il n'en a pas, la meute devra choisir un autre Alpha et il perdra son titre. Ce serait une honte pour lui, un déshonneur pour son nom et sa famille, tout ça parce que sa compagne ne lui a pas donné d'héritier mâle.

Je nettoie mes larmes, renifle, puis ris doucement.

Je suis ridicule !

Il n'aurait jamais dû recourir à la violence. Peu importe les circonstances !

Les violences qu'il m'a infligées ne m'ont pas fait l'aimer davantage, la douleur, les heures de coups et d'agressions n'ont pas fait de moi une mère plus féconde. Je suis bien plus que mon corps, et il ne m'a jamais vue autrement.

Je le déteste maintenant. Héritier ou pas, il peut brûler en enfer pour ce que ça me fait !

« Maman ? »

La voix endormie de Maya me sort de mes pensées et je suis surprise de voir que le soleil se lève déjà. Les nuages sont maintenant des amas moelleux de lumière et de couleur, et même s'il n'est pas encore tout à fait l'aube, ça ne saurait tarder.

« Oui, Maya ? »

« Est-ce qu'on va voir grand-mère et grand-père ? »

Je ris et essuie mon visage du dos de la main avant de secouer la tête.

« Non, pas encore. Un jour, nous reviendrons les voir, mais d'abord, nous devons nous éloigner de papa le plus possible. »

Je regarde la réaction de ma fille dans le rétroviseur, et ce que je vois me brise le cœur. Le visage de Maya devient triste, comme si elle se rappelait de ce qui a failli lui arriver, mais tout d'un coup, elle cache tout cela et un regard déterminé apparaît dans ses yeux, elle relève le menton et hoche la tête. Elle comprend.

Aucun enfant ne devrait avoir à traverser ça.

Encore quelques heures de route passent et bientôt, nous traversons une zone plus peuplée. La ville a un charme pittoresque et je vois Maya se hisser sur le siège pour mieux voir les fontaines et les gens. Il y a un grognement moins d'une minute plus tard, et elle se tourne vers moi.

« J'ai faim. »

Mes yeux se portent sur l'heure affichée dans la voiture et je fronce les sourcils. Il est déjà neuf heures du matin. Elle aurait dû prendre son petit-déjeuner.

Je cherche un hôtel et quand j'en vois un, nous nous y rendons.

« Viens, rafraîchissons-nous avant de manger quelque chose. »

Maya attend que je gare complètement la voiture avant de sortir, mais dès que je le fais, je lui prends la main et la tire vers moi.

Des loups !

L'air est épais et lourd de leur odeur. Je me couvre légèrement le visage avec mes mains en demandant à mon loup de se calmer. Je suis farouchement protectrice envers ma fille et des loups d'une autre meute pourraient signifier des ennuis.

« Tout va bien, maman ? »

Je secoue la tête et serre ma fille contre moi.

« Reste près de moi, Maya, et si quelque chose de dangereux semble se produire, cache-toi. »

Elle hoche la tête et baisse les yeux. La voir ainsi me donne tout le courage dont j'ai besoin et nous marchons bravement vers la réception. La dame à la réception est humaine et nous enregistre avec une efficacité polie. Nous n'avons pas de bagages, donc nous montons directement dans la chambre, et tout le temps, je reste sur mes gardes.

L'espace que j'ai réservé est une chambre avec un petit salon, et étant donné que le coût n'est pas si élevé, je me dis que nous pourrions nous cacher ici quelques jours. Si j'ai senti d'autres loups tout à l'heure, cela signifie qu'il doit y avoir une meute à proximité. Cela pourrait faire partie de leur territoire. Si Hunter réussit à nous retrouver ici, il n'y a aucun doute qu'il sera furieux. Il sera confronté aux autres loups présents et avant qu'il ne nous atteigne, je serai déjà partie avec Maya.

J'entends à nouveau ce grognement, plus fort cette fois, et mon rire est aussi doux que le sourire qui illumine mon visage.

« Allons remplir ce petit ventre. »

Maya hoche la tête et après nous être brossées les dents, nous sortons. La réceptionniste nous indique un restaurant à proximité de l'hôtel, alors nous y allons en voiture.

Le Diner de Joe est un petit endroit à la mode, peint de couleurs vives et doté de grandes fenêtres claires comme du cristal. Dès que nous sommes assises, Maya parcourt déjà le menu et moins d'une minute plus tard, elle le pose sur la table et pointe un des plats.

« Je veux celui-là. »

Je prends le menu et le tourne vers moi, et je ne suis pas surprise.

« Œufs et bacon. Tu ne manges que des œufs et du bacon, Maya, pourquoi ne pas essayer autre chose pour changer ? »

Cet air obstiné revient sur son visage et je ris avant de lever les mains en signe de reddition.

« D'accord, ce sera des œufs et du bacon. »

Le serveur arrive et prend nos commandes, et bientôt Maya a une assiette fumante d'œufs et de bacon devant elle. Elle ne me regarde même pas avant de se mettre à manger goulûment, et cela me fait sourire.

C'est une petite louve, ma Maya, et en parlant de loups...

« Tu ne manges pas, maman ? »

Je suis figée, ne sachant que faire.

« Maya, » L'odeur des loups-garous mâles est forte dans l'air et je pense qu'ils savent que nous sommes là « Peux-tu poser ta fourchette maintenant et te lever ? »

L'odeur de l'un d'eux se rapproche de moi.

« Salut beauté, je peux avoir ton nom ? »

Dès qu'il parle, je sais qu'il est déjà à notre table et quand je me retourne, je le vois. Un homme à l'allure rude, une vilaine cicatrice sur le menton, mais habillé de façon élégante. Ses cheveux bruns dorés sont coiffés en arrière et atteignent même ses épaules, mais cela ne diminue pas le danger que je ressens émaner de lui.

« Maya, lève-toi. »

« Hé, j'ai posé une question. »

« Nous ne faisons que passer, » Je ne bégaie pas et ne cherche pas mes mots « Nous ne faisons que passer et nous ne voulons pas d'ennuis. »

Il me saisit par le bras et me tire vers lui, une lueur violente dans les yeux.

« Je veux juste savoir d'où tu viens, ma jolie. »

Je lui arrache ma main avec toute la force dont je suis capable, et je suis surprise de réussir. Je marche vers la porte, Maya collée à moi.

Je peux sentir la tension dans l'air.

Le silence qui a envahi le restaurant et la menace de violence qui plane dans l'air me font frissonner. J'avance plus vite et je suis presque à la porte, je suis presque à ma sortie, mais la porte s'ouvre et un homme entre, ce qui me fait m'arrêter net.

Je regarde dans ses yeux d'un bleu profond, unique.

Merde.

Il a une aura d'Alpha.

Il a un froncement de sourcils sur le visage, mais nos yeux se croisent, et au moment où cela se produit, je déglutis.

Merde.