En poussant la porte, je m’attends à trouver Calliste, mais me voici dans une espèce de placard à peine éclairé. Seuls des escaliers menant à une trappe me permettent de quitter l’endroit. Me mèneront-ils directement à mon but? Une petite voix me dit que d’autres périples m’attendent avant que l’on m’accorde le droit de rejoindre la grande prêtresse. Je me dis durant un court instant que cette quête ne s’arrêtera jamais et que j’ai été attirée dans un piège.«Ce n’est pas mon intention! Tu es l’une des nôtres.»—C’est ce que vous avez dit aux sorcières de notre clan après avoir conclu votre pacte avec Barral?La Saëcerin ne répond pas et une pointe de culpabilité naît dans ma poitrine. Pointe qui disparaît rapidement quand je me rappelle que je ne serais pas là à courir pour ma vie si elle avait protégé ses sœurs. Alatar n’aurait pas eu besoin d’être sauvé des griffes de Barral si elle avait accompli son devoir de cheffe. Elena,
Je descends de cheval et m’élance dans les bras d’Astian. Celui-ci me serre contre lui en remerciant le ciel de me retrouver en un seul morceau, avant d’enlacer son frère.—Astian… j’ai vu ce qui vous est arrivé, annoncé-je tristement.Le prince prend un air grave. Il jette un œil à son frère puis soupire.—Nous n’avons pourtant pas été pris par surprise! Le roi de Provenoc nous a prévenus de l’arrivée imminente de l’armée de Barral. Mais ils étaient trop nombreux et trop forts! S’ils avaient été jusqu’au bout…Victoire aurait été détruite. Barral a donné l’ordre à son armée de se replier une fois qu’il a accompli sa volonté: avertir le roi Arsène et par la même occasion, me faire peur. Malheureusement, son but est plus qu’atteint.—Et Père? demande Even d’une voix dégoulinante d’angoisse.Astian le fixe longuement avant de répondre. Il semble si triste qu’on pourrait penser que le roi est mort. Mais je
Me voilà à nouveau sur les ruines du royaume d’Hosmor. Des hurlements fusent autour de moi, tandis que le claquement des épées produit un sifflement dans mes oreilles. L’odeur du sang mêlé à celui des bâtiments qui brûlent s’infiltre dans mes narines, rendant l’air irrespirable. Pourtant, je suis seule. Il n’y a pas âme qui vive. Un frisson parcourt mon dos, les poils de mes bras se hérissent alors que l’aigre parfum du soufre balaie toute autre sensation. Jusqu’à ce qu’un pouvoir si sombre, si destructeur m’éclabousse et m’enveloppe de ses bras glaciaux. Je reconnais cette aura. Je sais à qui elle appartient. Je me retourne pour voir une large silhouette entièrement vêtue de noir avancer vers moi. Je ne m’attendais pas à une confrontation si tôt, du moins, j’espérais que je n’aurais plus à croiser mon pire ennemi ailleurs que sur le champ de bataille. Barral s’arrête à quelques pas de moi. Un sentiment de peur naît dans le creux de mon ventre, parsème mon épiderme de sueur tout en gel
Les longs cheveux blancs et la robe assortie d’Adamé, chef du clan des centaures, me paraissent irradier à la lueur du soleil. Il brandit son sceptre de bois représentant une tête de cheval entouré d’une paire d’ailes. Les autres s’écartent sur son passage lorsqu’il avance dans ma direction. Il mesure plus de deux mètres de haut et je suis contrainte de ployer la nuque pour fixer ses iris alors qu’il se fige à quelques centimètres de moi. Son odeur terreuse et animale envahit mes narines.—Vous lui ressemblez d’ailleurs, Princesse de Drail.Je ne peux détourner le regard de ces yeux d’un bleu presque translucide entouré de rides. Je suis hypnotisée par la lueur d’intérêt qui y brille. Soudain, je le vois dans ses jeunes années en pleine conversation avec une femme dont les cheveux châtains, identiques aux miens, cascadent dans son dos. Je reprends mes esprits en voyant le vieil homme sourire.—Vous avez connu ma mère!—En effet, jeune
Même si le temps a été plus clément, le retour est bien plus éprouvant que l’allée. Toutefois, je suis ravie de constater que toutes les créatures que j’ai rencontrées ont répondu à mon appel. D’autres, ayant appris que je parcourais les alentours, sont venues à moi de leur propre chef. En l’espace de trois jours, j’ai réussi à constituer une petite troupe que j’espère pouvoir mener jusqu’aux Champs Brûlés, de préférence sans heurt car, si j’ai appris une chose durant ces dix jours de voyage, c’est que les clans ne s’entendent pas, loin de là.Entre rancœur et rivalité, les répliques acerbes fusent. Les uns reprochent aux autres d’avoir laissé Barral conquérir Alatar sans lever le petit doigt. Certains considèrent leurs voisins comme des êtres inférieurs et indignes de leur intérêt. D’autres ne viennent que pour assouvir leur vengeance tout en se fichant éperdument de l’avenir d’Alatar.Malgré la mauvaise humeur générale et les tensions pesant sur mon dos, je suis soulagé
Saisissant son intention, je regarde derrière moi et espère que la distance qui nous sépare du champ de bataille suffira à épargner les combattants. Hélas, une vision me prouve le contraire. Barral va incendier les champs entiers y compris les guerriers, et ce, en quelques secondes seulement. Comment peut-il être aussi puissant? Je lève les yeux vers le mage noir. Les flammes nimbent à présent son corps. Je dois l’arrêter avant qu’il lance son sort! J’empoigne fermement mon épée et tente de lui administrer un coup dans l’abdomen mais suis violemment projetée à terre. Des morceaux de mon épée jonchent le sol, seul le pommeau demeure enfermé dans ma poigne.—Je suis intouchable en cet instant, avoue Barral avec fierté. Tu ne pourras rien faire pour éviter mon courroux. Maintenant, prépare-toi à sentir ta jolie peau devenir cendres!Ma respiration s’accélère alors qu’une peur panique me terrasse. Il est trop tard pour évacuer les combattants, trop tar
Le château de Moresang est comme je l’avais imaginé: froid et lugubre. De gros nuages flottent au-dessus du bâtiment pointu fait de cristaux noirs et forment une espèce d’auréole de fumée sombre. La demeure de Barral est plus effrayante encore que tous les châteaux hantés décrits par mon père lorsqu’il me racontait des histoires qui m’empêchaient de dormir. Je suis Ethéa et Olérine à travers des dédales de couloirs encore plus obscurs que ceux de la tour d’Odréon. Tout dans ce château–des sols de marbres noirs aux murs de pierres noircies–me fait penser à son propriétaire et lorsque je pénètre dans la chambre de Barral, je retiens ma respiration tant l’odeur de soufre est intense. Les fenêtres sont recouvertes de lourdes tentures qui ne laissent paraître aucune lumière. Seules quelques chandelles apportent une faible lueur sans pour autant éclairer la pièce. J’entends même Galdor pousser un juron quand il se cogne contre un meuble. Lorsque l’une des sorciè
Je serre mes parents contre moi, heureuse de les retrouver pour de bon, cette fois. Après ma convalescence dans mon village d’enfance, je me rends à Victoire afin d’assister au couronnement d’Astian et à son mariage avec l’élue de son cœur, Fleur d’Etrope. C’est avec émotion que je vois mon meilleur ami échanger des vœux solennels et teintés d’un amour puissant avec la jolie et douce jeune femme qu’il désespérait de faire sienne. La réception est somptueuse et je peux enfin profiter pleinement du monde paisible qu’est devenu Alatar. Les créatures surnaturelles qui s’étaient cachées si longtemps se mêlent désormais pacifiquement aux humains. Les nymphes enchantent les invités par leur beauté et leurs voix mélodieuses. Les centaures ont regagné leur terre mais veillent sur leurs alliés d’antan. Enfin, les sorcières jouent de nouveau leur rôle de gardiennes de l’équilibre. Je peux donc partir tranquillement: Alatar est bien gardé.Lorsque je sors dans la cour de Drail
Je serre mes parents contre moi, heureuse de les retrouver pour de bon, cette fois. Après ma convalescence dans mon village d’enfance, je me rends à Victoire afin d’assister au couronnement d’Astian et à son mariage avec l’élue de son cœur, Fleur d’Etrope. C’est avec émotion que je vois mon meilleur ami échanger des vœux solennels et teintés d’un amour puissant avec la jolie et douce jeune femme qu’il désespérait de faire sienne. La réception est somptueuse et je peux enfin profiter pleinement du monde paisible qu’est devenu Alatar. Les créatures surnaturelles qui s’étaient cachées si longtemps se mêlent désormais pacifiquement aux humains. Les nymphes enchantent les invités par leur beauté et leurs voix mélodieuses. Les centaures ont regagné leur terre mais veillent sur leurs alliés d’antan. Enfin, les sorcières jouent de nouveau leur rôle de gardiennes de l’équilibre. Je peux donc partir tranquillement: Alatar est bien gardé.Lorsque je sors dans la cour de Drail
Le château de Moresang est comme je l’avais imaginé: froid et lugubre. De gros nuages flottent au-dessus du bâtiment pointu fait de cristaux noirs et forment une espèce d’auréole de fumée sombre. La demeure de Barral est plus effrayante encore que tous les châteaux hantés décrits par mon père lorsqu’il me racontait des histoires qui m’empêchaient de dormir. Je suis Ethéa et Olérine à travers des dédales de couloirs encore plus obscurs que ceux de la tour d’Odréon. Tout dans ce château–des sols de marbres noirs aux murs de pierres noircies–me fait penser à son propriétaire et lorsque je pénètre dans la chambre de Barral, je retiens ma respiration tant l’odeur de soufre est intense. Les fenêtres sont recouvertes de lourdes tentures qui ne laissent paraître aucune lumière. Seules quelques chandelles apportent une faible lueur sans pour autant éclairer la pièce. J’entends même Galdor pousser un juron quand il se cogne contre un meuble. Lorsque l’une des sorciè
Saisissant son intention, je regarde derrière moi et espère que la distance qui nous sépare du champ de bataille suffira à épargner les combattants. Hélas, une vision me prouve le contraire. Barral va incendier les champs entiers y compris les guerriers, et ce, en quelques secondes seulement. Comment peut-il être aussi puissant? Je lève les yeux vers le mage noir. Les flammes nimbent à présent son corps. Je dois l’arrêter avant qu’il lance son sort! J’empoigne fermement mon épée et tente de lui administrer un coup dans l’abdomen mais suis violemment projetée à terre. Des morceaux de mon épée jonchent le sol, seul le pommeau demeure enfermé dans ma poigne.—Je suis intouchable en cet instant, avoue Barral avec fierté. Tu ne pourras rien faire pour éviter mon courroux. Maintenant, prépare-toi à sentir ta jolie peau devenir cendres!Ma respiration s’accélère alors qu’une peur panique me terrasse. Il est trop tard pour évacuer les combattants, trop tar
Même si le temps a été plus clément, le retour est bien plus éprouvant que l’allée. Toutefois, je suis ravie de constater que toutes les créatures que j’ai rencontrées ont répondu à mon appel. D’autres, ayant appris que je parcourais les alentours, sont venues à moi de leur propre chef. En l’espace de trois jours, j’ai réussi à constituer une petite troupe que j’espère pouvoir mener jusqu’aux Champs Brûlés, de préférence sans heurt car, si j’ai appris une chose durant ces dix jours de voyage, c’est que les clans ne s’entendent pas, loin de là.Entre rancœur et rivalité, les répliques acerbes fusent. Les uns reprochent aux autres d’avoir laissé Barral conquérir Alatar sans lever le petit doigt. Certains considèrent leurs voisins comme des êtres inférieurs et indignes de leur intérêt. D’autres ne viennent que pour assouvir leur vengeance tout en se fichant éperdument de l’avenir d’Alatar.Malgré la mauvaise humeur générale et les tensions pesant sur mon dos, je suis soulagé
Les longs cheveux blancs et la robe assortie d’Adamé, chef du clan des centaures, me paraissent irradier à la lueur du soleil. Il brandit son sceptre de bois représentant une tête de cheval entouré d’une paire d’ailes. Les autres s’écartent sur son passage lorsqu’il avance dans ma direction. Il mesure plus de deux mètres de haut et je suis contrainte de ployer la nuque pour fixer ses iris alors qu’il se fige à quelques centimètres de moi. Son odeur terreuse et animale envahit mes narines.—Vous lui ressemblez d’ailleurs, Princesse de Drail.Je ne peux détourner le regard de ces yeux d’un bleu presque translucide entouré de rides. Je suis hypnotisée par la lueur d’intérêt qui y brille. Soudain, je le vois dans ses jeunes années en pleine conversation avec une femme dont les cheveux châtains, identiques aux miens, cascadent dans son dos. Je reprends mes esprits en voyant le vieil homme sourire.—Vous avez connu ma mère!—En effet, jeune
Me voilà à nouveau sur les ruines du royaume d’Hosmor. Des hurlements fusent autour de moi, tandis que le claquement des épées produit un sifflement dans mes oreilles. L’odeur du sang mêlé à celui des bâtiments qui brûlent s’infiltre dans mes narines, rendant l’air irrespirable. Pourtant, je suis seule. Il n’y a pas âme qui vive. Un frisson parcourt mon dos, les poils de mes bras se hérissent alors que l’aigre parfum du soufre balaie toute autre sensation. Jusqu’à ce qu’un pouvoir si sombre, si destructeur m’éclabousse et m’enveloppe de ses bras glaciaux. Je reconnais cette aura. Je sais à qui elle appartient. Je me retourne pour voir une large silhouette entièrement vêtue de noir avancer vers moi. Je ne m’attendais pas à une confrontation si tôt, du moins, j’espérais que je n’aurais plus à croiser mon pire ennemi ailleurs que sur le champ de bataille. Barral s’arrête à quelques pas de moi. Un sentiment de peur naît dans le creux de mon ventre, parsème mon épiderme de sueur tout en gel
Je descends de cheval et m’élance dans les bras d’Astian. Celui-ci me serre contre lui en remerciant le ciel de me retrouver en un seul morceau, avant d’enlacer son frère.—Astian… j’ai vu ce qui vous est arrivé, annoncé-je tristement.Le prince prend un air grave. Il jette un œil à son frère puis soupire.—Nous n’avons pourtant pas été pris par surprise! Le roi de Provenoc nous a prévenus de l’arrivée imminente de l’armée de Barral. Mais ils étaient trop nombreux et trop forts! S’ils avaient été jusqu’au bout…Victoire aurait été détruite. Barral a donné l’ordre à son armée de se replier une fois qu’il a accompli sa volonté: avertir le roi Arsène et par la même occasion, me faire peur. Malheureusement, son but est plus qu’atteint.—Et Père? demande Even d’une voix dégoulinante d’angoisse.Astian le fixe longuement avant de répondre. Il semble si triste qu’on pourrait penser que le roi est mort. Mais je
En poussant la porte, je m’attends à trouver Calliste, mais me voici dans une espèce de placard à peine éclairé. Seuls des escaliers menant à une trappe me permettent de quitter l’endroit. Me mèneront-ils directement à mon but? Une petite voix me dit que d’autres périples m’attendent avant que l’on m’accorde le droit de rejoindre la grande prêtresse. Je me dis durant un court instant que cette quête ne s’arrêtera jamais et que j’ai été attirée dans un piège.«Ce n’est pas mon intention! Tu es l’une des nôtres.»—C’est ce que vous avez dit aux sorcières de notre clan après avoir conclu votre pacte avec Barral?La Saëcerin ne répond pas et une pointe de culpabilité naît dans ma poitrine. Pointe qui disparaît rapidement quand je me rappelle que je ne serais pas là à courir pour ma vie si elle avait protégé ses sœurs. Alatar n’aurait pas eu besoin d’être sauvé des griffes de Barral si elle avait accompli son devoir de cheffe. Elena,
La forêt est déserte. Je n’entends pas le moindre bruit. Je ne peux croire que quelques heures plus tôt–enfin quelques minutes dans le monde réel –, ces mêmes bois étaient occupés par une horde de monstres dissimulés sous les traits d’habitants de Belle-Rose. J’ai bien peur qu’ils ne soient pas loin et qu’ils se cachent en attendant le moment propice pour nous attaquer. Néanmoins, Even et moi avons décidé de sortir de la maison et de nous rendre à l’endroit où est censé être le village. Bien qu’effrayée, je dois me rendre à l’évidence: nous ne pouvons rester indéfiniment cloîtrés. Partir à la recherche du portail est notre seule solution. Cependant, je regrette le confort de la petite maison à chaque fois que mon pied écrase une branche ou que je manque de tomber dans la forêt sombre en cette nuit sans lune. Je me fige lorsque nous débouchons à l’entrée du village. En voyant la petite commune que je connais si bien, vide de toute habitation, vide de toute vie, mes mem