EmilyLa nuit est tombée depuis longtemps lorsque nous regagnons nos appartements. Le repas avec les conseillers m’a laissée vidée, épuisée par tant de tensions retenues. Pourtant, en refermant la porte derrière nous, je sens un étrange soulagement m’envahir.Darel me regarde longuement, silencieux. Ses traits sont plus détendus, presque apaisés. Lentement, il s’approche et glisse ses doigts le long de ma joue.— Tu t’es bien tenue, Emily… Ils n’ont plus le choix désormais. Ils savent.Je plonge mon regard dans le sien. Une question brûle mes lèvres depuis le début de cette journée. Alors, dans un souffle, je la laisse s’échapper :— Pourquoi… Pourquoi m’as-tu défendue devant eux ? Même après tout ce que ta meute a fait à la mienne… après ce que tu as fait à mon père…Ses yeux se voilent un instant. Il baisse la tête, comme frappé par la douleur de mes mots. Puis il murmure, d’une voix grave, presque rauque :— Parce que je ne peux plus revenir en arrière, Emily. Et parce que je refus
EmilyLa nuit m’enveloppe d’un sommeil lourd, presque oppressant. Et bientôt, je me perds dans un rêve étrange, bien différent de tout ce que j’ai pu vivre.L’obscurité m’entoure, dense et profonde, puis une lueur bleue apparaît au loin. Elle grandit, s’approche, jusqu’à révéler la silhouette d’un homme. Immense. Sa présence impose le silence. Sa voix résonne sans qu’il ouvre la bouche.— Emily.Je recule d’un pas, le cœur battant à tout rompre. Ses traits sont flous, son visage change sans cesse, mais ses yeux… Ses yeux sont les miens.— Qui êtes-vous ?La lueur se resserre autour de lui, et un frisson glacé parcourt mon échine lorsqu’il répond :— Je suis ton père.Je reste figée, incapable de parler. Mon père… est mort. Je l’ai vu tomber. Et pourtant, l’être devant moi semble plus réel que tout.— Non… Mon père est mort lors de l’attaque…Il s’avance, son regard se fait plus intense.— Ton père de chair, oui. Mais je suis celui dont tu portes le sang ancien. Celui qui coule en toi
EmilyLe château est plongé dans un silence épais, seulement troublé par le crépitement d’une bougie vacillante sur la table de chevet. Darel dort toujours, son souffle régulier, paisible, alors que moi, je suis assise sur le rebord du lit, incapable de fermer l’œil. Ce rêve… ou plutôt, cette vision, hante encore chaque recoin de mon esprit.Je passe une main tremblante sur mon visage, cherchant à me convaincre que tout cela n’était que le fruit de mon imagination. Mais je sens encore cette lueur bleue danser devant mes yeux, j’entends encore cette voix grave résonner en moi. "Réveille-toi, ma fille. Ce n’est que le commencement."Un frisson me parcourt l’échine. Comment pourrais-je oublier cette présence ? Ce regard qui semblait me transpercer, ces mots qui portent un poids que je ne peux ignorer. Cet être… originel… était-il réellement mon père ?Je serre mes bras contre moi, luttant contre l’étrange vide qui me ronge. J’ai grandi en croyant que mon père était mort, un homme ordinai
EmilyL’air dans la grande salle devient plus dense, plus lourd. Comme si une présence invisible s’insinuait dans chaque recoin, se mêlant aux conversations et aux rires des membres de la meute. Pourtant, c’est autre chose qui me trouble. Une chaleur, soudaine et oppressante, s’élève autour de la table, s’insinuant dans ma peau comme une brûlure invisible.Je porte une main à ma gorge, ma respiration s’accélère. Ce n’est pas la chaleur du feu dans l’âtre, ni celle des corps rassemblés ici. C’est une énergie, brute, vivante. Une force qui semble vouloir me consumer de l’intérieur.Darel perçoit immédiatement mon malaise. Son regard sombre se pose sur moi avec une intensité qui me cloue sur place.— Emily, qu’est-ce qui ne va pas ?Je secoue la tête, incapable de formuler une réponse. Mes paumes sont moites, un frisson me parcourt malgré la chaleur suffocante. Puis, soudain, un bruit sourd interrompt le flot des discussions. Un des plateaux sur la table tremble, puis glisse lentement ju
EmilyL’air devient irrespirable. Une pression invisible s’abat sur mes épaules, comme si une force ancestrale pesait sur moi, exigeant une réponse. Mon cœur bat à tout rompre, mon souffle se bloque dans ma gorge.Darel ne recule pas. Il se tient devant moi, un mur infranchissable, son regard sombre planté dans celui de l’intrus. Il ne parle plus, son corps tendu comme un arc prêt à se rompre.— Je te l’ai dit, grogne l’ombre, sa voix se répercutant contre les murs. Elle m’appartient.— Elle ne t’appartient pas, réplique Darel d’une voix tranchante. Emily est libre. Tu n’as aucun droit sur elle.Un sourire cruel se dessine sur les lèvres de la silhouette.— Oh, mais elle sait que j’ai raison. Elle le sent. Ce feu en elle… c’est mon héritage. Elle ne peut pas me fuir.Une douleur fulgurante explose dans ma poitrine. Je porte une main à mon cœur, haletante, sentant une chaleur brûlante se propager dans mes veines. Mes jambes tremblent. Darel se retourne vers moi, ses yeux s’élargissant
EmilyLa lumière s'est dissipée, mais mon corps tremble encore sous l'onde de choc. Je sens la chaleur résiduelle vibrer sous ma peau, une énergie ancienne que je ne reconnais pas, mais qui semble mienne. Autour de moi, la salle est en ruines, la table brisée, les chaises renversées. Mais ce n'est rien comparé à ce qui se tient devant moi.Une silhouette immense, drapée d'ombres mouvantes, se détache de la brume écarlate. Ses yeux, deux flammes bleues, me scrutent avec une intensité presque insoutenable. Une puissance brute, incommensurable, suinte de chaque pore de son être. Je ne peux pas respirer. Tout en moi réclame la fuite, mais mes jambes refusent de bouger.LuciferLe nom résonne en moi avant même qu'il ne le prononce. Pas comme une supposition, ni une découverte, mais comme un souvenir enfoui, quelque chose que mon âme a toujours su.— Tu te souviens maintenant, murmure-t-il, sa voix vibrante emplissant l'espace comme un grondement lointain.Un frisson me parcourt l'échine. Je
DarelJe la regarde, là, à genoux devant moi, son visage marqué par la douleur, mais aussi par une lueur que je n’avais jamais vue auparavant. Emily. Elle est comme une flamme vacillante, une étincelle dans l’obscurité la plus totale. Mais je sais qu’elle n’a pas encore tout compris. Elle pense que la bataille est terminée, mais il y a encore tant à affronter. Et je… je ne suis pas certain de pouvoir être là pour elle. Pas de la façon dont elle a besoin.Tout ça est trop grand. Trop dangereux.Je m'agenouille doucement à ses côtés, essayant de ne pas la brusquer. Je veux la toucher, lui tendre la main, mais j’ai peur. Peur qu’elle se brise, peur qu’elle me repousse. Elle est encore là, physiquement, mais je vois l’ombre de quelque chose en elle qui s’est éveillé, quelque chose que ni elle ni moi ne pouvons comprendre encore.Elle tremble. Son souffle est irrégulier. La chaleur qui a envahi la pièce a disparu, mais elle laisse encore une trace. Une brûlure silencieuse dans l’air. Je sa
EmilyJe suis fatiguée. Epuisée jusqu'à l'os. Pourtant, même dans cette lassitude, je ressens encore cette brûlure en moi, ce feu qui refuse de s'éteindre. Darel est là, tout proche, mais je n'arrive pas à me détendre. Il dit qu'il sera toujours avec moi, mais il ne comprend pas.Ce n'est pas juste une question de volonté. Ce que je suis en train de devenir… ce que je ressens… ce n'est pas quelque chose qu'on peut combattre avec de simples promesses.Je relève la tête, mes yeux rencontrant les siens. Il est sérieux, déterminé. Mais moi, je doute. Est-ce qu'il réalisera seulement à quel point je suis en train de changer ? A quel point je suis irrévocablement liée à cette force qui me consume de l'intérieur ?Je prends une profonde inspiration et murmure : — Tu dis que tu seras là, Darel. Mais si le jour vient où je ne suis plus moi… si je deviens ce qu'il voulait que je sois… Qu'est-ce que tu feras ?Il ne répond pas tout de suite. Son regard s'assombrit, et je sais qu'il réfléchit à c
EmilyLa lumière douce de l'après-midi filtre à travers les rideaux en soie, projetant des ombres légères sur le sol. Il n'y a pas de bruit assourdissant, seulement le murmure discret de l'air qui entre par la fenêtre légèrement ouverte. Le palais, avec tous ses couloirs animés et ses messagers pressés, semble soudain lointain, comme un autre monde. Là, dans cette chambre tranquille, je me sens à l'abri. Tout autour de nous est calme, paisible, comme si le temps lui-même avait suspendu son vol.Je suis assise près de Darel, sur le grand canapé de velours, mes jambes repliées sous moi. L'air semble suspendu, empli de cette douce chaleur qui précède le soir. À côté de moi, Darel est silencieux, son regard posé sur le feu crépitant dans la cheminée. Son visage, habituellement marqué par la détermination du roi, est ici apaisé, détendu. Il n'y a plus de couronne à porter, plus d'ennemis à combattre. Il est simplement l'homme que j'aime, et cela suffit à remplir l'espace autour de nous.Je
Emily Le matin s’élève lentement sur le royaume, baignant de lumière dorée les vastes terres qui s’étendent à perte de vue. Dans la grande salle du palais, des préparatifs frénétiques s’effectuent sous l’œil vigilant de la cour. Aujourd’hui, un événement historique se déroule : le couronnement de la Reine Émily, l’épouse du roi Darel, désormais officiellement reconnue comme la souveraine légale de ce royaume qu’ils ont bâti ensemble.Les pierres de la salle du trône, froides et immobiles, semblent vibrer sous l’effervescence des habitants, des nobles et des invités venus des quatre coins du royaume pour assister à la consécration de cette nouvelle ère. Les voiles suspendus dans les airs captent la lumière, répandant des teintes de bleu et d’or qui dansent comme des ombres légères. Les étendards frappés du blason royal flottent, déployés au-dessus des têtes.Je suis là, dans les coulisses, observant la scène se préparer, la lourdeur de l’histoire pèsant sur mes épaules. Le trône, vide
EmilyLa maison est silencieuse, trop silencieuse. Les bruits de la vie semblent lointains, comme un écho d’un monde que nous avons laissé derrière nous. Je me tiens devant la fenêtre, regardant la lumière du matin qui se lève lentement, baignant la vaste étendue de terres que nous avons conquises et défendues. La pluie tombe doucement sur le toit, comme un murmure de réconfort après la tempête.Je ferme les yeux, me concentrant sur le bruit de la pluie, sur les souvenirs qui se mélangent dans mon esprit. Tout a changé. Tout. Il y a encore des cicatrices, des parts d’ombres qui hantent les murs de cette maison, mais je sens aussi un souffle nouveau, un air différent qui s’impose peu à peu.Darel entre dans la pièce, sa silhouette se découpant dans l’encadrement de la porte. Nos regards se croisent, et, comme toujours, il y a cette compréhension silencieuse entre nous. Il sait ce que je ressens. Il sait ce que j’ai sacrifié pour arriver ici.— Tu es prête, me dit-il d’une voix douce ma
EmilyJe me tiens là, les bras croisés, observant Caleb et Rafael Alcatraz se redresser lentement. Ils sont toujours loin d’être ce qu’ils étaient, mais l’humilité dans leurs regards est un signe que j’ai marqué un tournant. Ils savent que je les ai épargnés. Ce geste, je le ferai une seule fois. Pour l’instant. Mais je sais que ce monde exige plus que de simples gestes symboliques.Darel se tient à côté de moi, silencieux, mais je sens son regard lourd de fierté. Il sait comme moi que ce moment n’a pas seulement été une démonstration de pouvoir, mais un avertissement. Un avertissement pour ceux qui penseraient encore qu’ils peuvent me défier.Je fixe mes yeux sur les Alcatraz, et je sens une part de moi qui reste vigilante, mais détendue. Leur position a changé. Mais qu'en est-il des autres ? D'autres forces sont prêtes à surgir, à profiter de la moindre faiblesse. Ils ne m’effraient plus. Pas après ce que j’ai vécu, pas après ce que j’ai surmonté.— Vous avez perdu votre arrogance,
EmilyLe calme n’est plus qu’un souvenir. Je sens la rage et l’énergie bouillonner en moi, prête à éclater. Tout ce qui m'a conduite à ce moment, tout ce que j’ai affronté, tout ce que j’ai sacrifié, prend forme dans une explosion de pouvoir. Je n’ai pas l’intention de me laisser dicter ma conduite. Je suis l’héritière, la nouvelle force de ce monde, et ils vont devoir l’accepter.Les frères Alcatraz, qui pensaient nous intimider, m’ont sous-estimée. Ce n’est plus un simple affrontement de pouvoir. C’est ma démonstration de ce que je peux accomplir quand je lâche prise. Quand la vengeance, la douleur, et la détermination se rencontrent dans une union parfaite, il ne reste que des spectres de ceux qui ont voulu me faire tomber.J’avance lentement, chaque pas résonnant dans la pièce comme un écho dans un abîme. Mes yeux sont rivés sur Caleb et Rafael, qui me fixent avec un mélange d’arrogance et d’incrédulité. Ils ne savent pas encore à quel point ils sont proches du point de rupture. J
EmilyL’air dans la salle est épais de tension, comme une corde prête à se rompre. Je sens la présence de Caleb et Rafael, lourde et menaçante. Mais il n’y a pas de place pour la peur, pas maintenant. Nous avons tout sacrifié pour arriver jusqu’ici, et je ne vais pas reculer face à eux. Darel se tient près de moi, son regard fixé sur les Alcatraz, ses muscles tendus, prêt à réagir à la moindre menace.Caleb, toujours implacable, brise le silence qui pèse sur nous.— C’est étrange, Emily, dit-il d’un ton mielleux. Tu crois vraiment que tu peux tenir le pouvoir que ton père a laissé derrière lui. Tu n’as même pas idée de ce qu’il a fallu pour le garder. Tu penses que l’alliance que nous avons forgée était pour toi, mais elle n’a jamais été qu’un moyen de consolidation. Une simple étape dans un jeu plus vaste.Je ne cille pas, malgré la provocation évidente dans ses paroles. Les mots sont des armes, mais je sais les manier aussi bien que n’importe quel autre.— Je ne suis pas ici pour jo
EmilyLe vent secoue les fenêtres de la voiture alors que nous roulons en direction de la capitale. L’ombre des événements à venir plane sur nous, et chaque kilomètre qui nous sépare du palais semble lourd de promesses et de menaces. Je suis silencieuse, perdue dans mes pensées, mes mains crispées sur mes genoux. Le visage de Darel à mes côtés est impassible, mais je sais qu’il ressent la même tension que moi. Raoul, à l’arrière, semble pensif, observant le paysage défiler. Chacun de nous, dans sa propre réflexion, se prépare à l’inévitable.Nous n’avons pas échappé à la tempête, elle est juste retardée, suspendue dans l’air, prête à éclater. Les Alcatraz sont de retour dans nos vies, et leur loyauté est tout sauf acquise. L’alliance que j’ai forgée avec eux, bien qu’indispensable, est fragile. Mais il n’y a pas de retour en arrière. Nous devons aller de l’avant.La voiture s’arrête finalement devant le grand portail du palais. Nous sommes arrivés. Le sol sous nos pieds semble plus lo
EmilyLe pacte est formellement signé. Le mariage est programmé. Ce n’est plus une question de volonté, mais de stratégie. Caleb et Rafael ont accepté de faire partie de l’accord, mais l’essentiel, ce n’est pas cet instant. L’essentiel, c’est de savoir qu’il reste encore du chemin à parcourir. Le mariage ne marque que le début de quelque chose de plus grand. Et tout doit être parfait. Mais je n’oublie pas une chose : chaque mouvement que nous faisons, chaque alliance que nous tissons, est une bataille gagnée sur le long terme.Et maintenant, il est temps de mettre en œuvre la deuxième phase de notre plan : renforcer cette alliance tout en élevant la position de chacun de nous. Cette partie sera plus délicate. Les Alcatraz doivent sentir qu’ils ont gagné autant que nous, sans que l’équilibre ne soit perturbé.Je me tourne vers Darel. Un dernier regard échangé, et nous savons que le chemin à venir ne sera pas facile. Mais ensemble, nous sommes prêts.Le vent souffle fort ce matin-là. L’
EmilyLe silence est lourd autour de la table où les Alcatraz et nous, membres de l’alliance naissante, nous retrouvons enfin pour poser les bases d’une entente. Darel, Raoul et moi sommes prêts à commencer. Mais l’air est saturé d’une tension palpable, chacun d’entre nous pesant ses mots, craignant ce qui pourrait se passer si l’un d’entre nous franchit une ligne invisible.Les Alcatraz, bien que sous le choc de notre offre, sont désormais contraints d’accepter. Caleb, d’un regard dur, semble s’être fait une raison. Rafael, quant à lui, garde son esprit suspicieux et son air d’un homme qui se sait lié à un serpent, qu’il n’arrive pas encore à dévorer.Le pacte est fragile, mais nécessaire. Ce mariage, que j’ai proposé comme une solution pour calmer leur désir de vengeance, est plus qu’une alliance de pouvoir. C’est un pas vers un équilibre plus stable dans un monde qui ne connaît que la guerre et la manipulation. Je suis convaincue que c’est la seule issue pour éviter un bain de sang