Gabriel de MontreuilLes jours qui suivent la bataille sont comme un rêve brisé. La mer, d’habitude notre alliée, est devenue une étendue de silence et de cendres. Les navires ennemis ont été engloutis, engloutissant avec eux les espoirs d’un Empire qui pensait avoir tout sous contrôle. Mais notre victoire a laissé un vide dans le cœur des survivants, un vide qui ne se remplit pas de gloire, mais de l’amère réalité de ce que nous avons perdu.Sur le pont du navire, les hommes s’affairent à réparer les dégâts, leurs mains abîmées par le travail et le combat. Ils ne parlent pas beaucoup. La victoire est là, mais le prix de cette guerre est inscrit sur chacun de leurs visages. Certains, les plus jeunes, semblent encore sous le choc, ne comprenant pas pleinement l'ampleur de ce qu'ils ont vécu. D’autres, comme M’bala, ne montrent rien, si ce n’est un sourire de carnage qui dissimule la douleur d’un cœur en guerre.Je me tiens seul, à l’écart, le regard perdu sur l’horizon, cette mer infin
Gabriel de MontreuilLes jours s’égrènent, lourds de silence et d’attente. Nous sommes en mer, mais une mer plus hostile encore que d’habitude, plus vaste et plus menaçante. L'horizon s'étend à perte de vue, vide de promesses, comme un miroir de nos propres incertitudes. Nos navires serpentent dans les vagues avec une agilité presque surnaturelle, mais même la mer semble s’être refroidie à l’idée de ce que nous préparons. Nous sommes des fantômes sur les eaux, invisibles mais présents, prêts à frapper.Le vent s’est calmé, mais il pèse sur moi, sur l’équipage, comme une présence invisible, cette tension qui précède toujours l'inévitable. Nos regards se croisent sans se fixer, comme si nous étions tous absorbés dans des pensées trop lourdes pour être partagées. Chacun d’entre nous porte un fardeau différent, mais nous sommes unis par une même détermination : faire tomber l’Empire, là où il croit être invincible.Sur le pont, les hommes se relaient à la barre, mais la plupart ne font qu
Gabriel de MontreuilL’aube se lève, timide, derrière un voile de nuages lourds et menaçants. Le vent a soufflé toute la nuit, comme un avant-goût de la violence qui va bientôt déchirer l’horizon. Nous sommes prêts, mais il n’y a rien de rassurant dans cette préparation. Rien qui nous dise que tout cela va bien se passer. L’équipage est nerveux, tout comme moi. Chacun de nous, armé et prêt, porte un poids invisible, une certitude silencieuse : tout va changer aujourd’hui.Je me tiens sur le pont, seul, les yeux fixés sur la mer qui s’étend devant nous, immense et impitoyable. Les vagues, toujours en mouvement, reflètent mon propre état d’esprit. Une mer calme à l’extérieur, mais agitée à l’intérieur. L’Empire est là, quelque part au-delà de l’horizon, et avec lui, la promesse d’une guerre sans fin. Je sais que nous avons fait le choix d’affronter l’inévitable, mais un frisson d’incertitude me traverse. Est-ce cela, le prix de la liberté ? Un combat sans fin ?Je n’ai pas le temps de r
Gabriel de MontreuilLa mer est calme, trop calme, après le tumulte de la bataille. Le sang des hommes et des vagues se mêle, créant une toile sinistre qui reste gravée dans mon esprit. Le soleil se lève lentement, comme s’il hésitait à éclairer ce carnage. Les flots se sont teintés de rouge, et moi, je suis là, debout sur le pont, à regarder l’horizon, sans vraiment voir. Une mer immense, mais vide. Et dans cette immensité, je ressens une présence. Comme si la mer elle-même se faisait écho de ma douleur.Aïda n’est pas revenue. Elle n’a pas survécu au coup de sabre. Je le sais au fond de moi, même si je n’ai pas eu la confirmation. Les flammes avaient englouti le navire où elle se trouvait, et même si nous avons repris le dessus sur l’Empire, il y a une ombre qui plane sur ma victoire. C’est une victoire ternie par la perte d’une des nôtres. Et, plus encore, par le silence de son absence.Je descends sur le pont, la rage me rongeant. Je vois M’bala rassembler les blessés, ordonnant d
Gabriel de MontreuilLes jours s’égrènent dans une mélancolie qui n’a rien de calme. Le vaisseau, noir comme la nuit, fend les vagues avec une rigueur machinale, comme une bête déterminée à traquer sa proie. L'Empire n'a pas encore réagi à notre attaque, et cela me tord les entrailles. Ils préparent quelque chose, c’est certain. Ils n’ont pas l’habitude d’être frappés de cette façon. Mais l’attente est lourde, plus pesante que la pire des batailles. Le silence nous entoure, et je suis sûr que chacun de nous ressent cette menace invisible qui rôde.Je me tiens à la proue du navire, les bras croisés, observant l’horizon sans vraiment le voir. Le vent fouette mon visage, mais il ne parvient pas à chasser les pensées qui me tourmentent. Aïda est partie, mais je dois continuer, pour elle, pour l’équipage, pour la liberté. Mais la douleur reste présente, un souvenir brûlant que je ne peux pas oublier. La guerre nous transforme, nous oblige à marcher sur un fil tendu entre la folie et la sur
Gabriel de MontreuilLe vent souffle fort, emportant avec lui les dernières traces de la nuit. La mer, pourtant calme depuis des jours, semble soudainement s'agiter, comme une bête prête à se réveiller. Les voiles du Pavillon Noir se gonflent, crissant dans l'air, et le vaisseau fend les vagues avec une force renouvelée, comme une entité vivante, nourrie par la même volonté qui pousse son équipage à avancer.Nous savons que l’Empire nous traque. Ce n’est plus une question de doute, mais de stratégie. Ils ont déployé leurs forces pour nous éradiquer, mais l’Empire, aussi vaste soit-il, n'a jamais appris à nous comprendre. Nous ne sommes pas comme eux, nous ne suivons pas les mêmes règles, et c'est cela qui nous donne un avantage : l’inattendu.L’aube se lève à peine sur l’horizon, et déjà le Pavillon Noir file à toute allure vers les côtes de l’île que nous avons choisie comme terrain de bataille. M’bala, à la barre, semble lire la mer comme un livre ouvert. Son regard est concentré, s
Gabriel de MontreuilLes flots calmes ne durent jamais bien longtemps. Après le tumulte de la bataille, un étrange silence s’est installé sur la mer. Les navires de l’Empire, brisés par notre assaut soudain, s’éloignent lentement, mais je sais que ce n’est qu’une pause. Un répit avant la tempête suivante. Nous avons fait une entaille dans leur armée, mais ils sont loin d’être vaincus. Leur colère ne tardera pas à se manifester, et dans leur rage, ils chercheront à effacer ce que nous avons construit.Je me tiens sur le pont du Pavillon Noir, les pieds ancrés dans le bois trempé par la mer, observant l’horizon. Il n’y a pas un nuage, rien qui annonce le danger qui rôde. Mais tout ici me le rappelle. La guerre n’est pas simplement une bataille physique. C’est une guerre d’esprit, une lutte contre une machine impitoyable, un empire qui ne tolère pas l’échec.Aïda rejoint le pont, son regard sombre trahissant l'épuisement de la bataille, mais aussi une détermination qui ne vacille jamais.
Gabriel de MontreuilLe vaisseau amiral de l’Empire, cet être de fer et de bois, s’élève devant nous comme une montagne de malheur. Ses canons sont prêts, ses voiles déployées, et il semble invincible. Mais il est vulnérable, tout comme un géant aux pieds d’argile. Nous avons atteint la phase critique de cette bataille. La mer bouillonne, les vagues se heurtent contre les flancs du Pavillon Noir, mais dans mon esprit, tout est calme. Je sais ce qu’il faut faire. Nous devons frapper ici et maintenant.Les hommes se battent comme des lions autour de moi, dans un tumulte de cris et de fer. Aïda et M’bala mènent l’assaut avec une précision froide. Chaque mouvement est une danse mortelle, chaque coup une promesse de mort pour nos ennemis. Leur vaisseau amiral est là, mais il est tout de même pris au piège. La mer est notre alliée. Nous avons un avantage, et il ne faut pas le gaspiller.Je dirige le Pavillon Noir droit vers la coque massive de l’Empire, une trajectoire audacieuse, une cours
Récit d’un vieil homme, narrateur anonymeOn raconte qu’un jour, un capitaine a fait taire la mer.Pas par la peur. Pas par la guerre.Mais parce qu’il lui a tourné le dos.Parce qu’il a aimé plus fort que la mer ne le permet.Parce qu’il a choisi l’amour au lieu du vent, une main au lieu du sabre.Son nom ?Gabriel de Montreuil.Une légende.Une épine dans le flanc de l’Empire.Un spectre pour les galions espagnols.Un mythe pour les jeunes mousses qui rêvaient de fortune, de gloire, de liberté.Et puis… plus rien.Un matin, le Pavillon Noir n’est plus reparu à l’horizon.Plus de voiles. Plus de feu.Le capitaine s’est tu.Et avec lui, la mer a perdu quelque chose de sauvage, de furieux.Mais moi, je sais.Je sais ce qu’il est devenu.J’étais jeune mousse sur un brick marchand, à l’époque.On croisait au large d’îles sans nom, là où les cartes s’effacent dans le bleu, où le ciel et l’eau se confondent.Et un soir, juste avant que le soleil meure, je l’ai vu.Une barque.Deux silhouet
Gabriel de MontreuilLe San Telmo dort dans le ventre de l’océan.Et nous, on flotte dans l’après.La plage est déserte, battue par le vent. Du sable blanc, du sel sur ma peau. Elle est là, allongée, la poitrine soulevée lentement, les yeux fermés.Je ne dis rien.Je la regarde respirer.AïdaJe sens son regard avant d’ouvrir les yeux.Je le connais. Il me brûle doucement, sans violence.Ses mains sont posées sur ses genoux. Il ne me touche pas. Pas encore.Je me redresse.Ma robe est en lambeaux, mais je m’en moque.Il est là. Et je suis vivante.— Tu comptes me regarder longtemps comme ça ?Il ne sourit pas. Il s’approche. Lentement.Je tends la main. Il l’attrape.Gabriel de MontreuilSon contact me brise.Je tombe à genoux devant elle, le front contre son ventre.— Je t’ai crue morte.— J’ai cru l’être aussi.Ses doigts glissent dans mes cheveux, et tout se tait.AïdaIl a tout perdu. Le navire. Le serment. La légende.Mais il m’a gardée.Ou peut-être que c’est moi qui l’ai gardé.
Gabriel de MontreuilJe tombe à genoux. Le pont du San Telmo vacille sous mes mains. L’air est saturé de sel, de magie ancienne, de douleur. Aïda gît là, dans les bras invisibles du navire, comme une offrande vivante, une prière hurlée à l’océan. Son corps est toujours là, mais son âme, je la sens glisser, tirée par des courants plus sombres que la mort elle-même.— Non… non, Aïda…Je me précipite, mais déjà la coque s’ouvre autour d’elle, comme une gueule vivante. Le bois craque, soupire, s’ouvre comme une plaie.DiegoJe m’élance après Gabriel. Il vacille, prêt à se jeter dans l’abîme pour la rejoindre. Je l’attrape par le bras au dernier instant.— Tu fais quoi, bordel ?!Il se débat, les yeux fous.— Elle a pris ma place, Diego ! C’est à moi ! C’était à moi !Il me frappe. Je le retiens. Je le frappe à mon tour. Le chaos autour de nous est si intense que personne ne voit. La mer hurle, la Gardienne récite des incantations dans une langue morte. Mais Gabriel ? Il se brise entre mes
DiegoJe connais Gabriel depuis assez longtemps pour comprendre ce qu’il s’apprête à faire. Ce regard, cette foutue détermination glacée… Il croit qu’il n’a pas le choix. Mais il en a toujours un.— On peut trouver une autre issue, je lance. Il y a toujours un autre moyen.La Gardienne esquisse un sourire triste.— Vous ne comprenez pas. Ce navire ne navigue que sur le serment du sang.AïdaLe serment du sang.Tout s’effondre en moi. Mon souffle se coupe, mon cœur cogne contre mes côtes comme un tambour de guerre. Je comprends avant même que Gabriel parle.— C’est moi, murmuré-je. C’est moi le prix.Il détourne les yeux.Le silence qui suit est pire que n’importe quelle tempête.Gabriel de MontreuilAïda me fixe, les yeux brillants d’un mélange de peur et de rage. Je pourrais lui mentir. Lui dire qu’elle se trompe. Mais elle sait. Elle a toujours su.— Non, souffle-t-elle.Le San Telmo tangue violemment. L’eau noire s’agite sous nous, une houle surnaturelle, impatiente. Mon père reste
Gabriel de MontreuilLe pont du San Telmo grince sous mes pas.Le bois est ancien, pourtant il semble respirer. Les voiles noires frémissent comme la peau d’une créature vivante. Un murmure serpente à travers l’air, une prière oubliée, un avertissement peut-être. Mais il est trop tard pour reculer.Je sens la présence de mes compagnons derrière moi. Diego inspecte le gréement, les traits tendus. M’Bala, silencieux, recharge son fusil, prêt à affronter l’inconnu. Aïda garde le médaillon serré dans sa main, son regard brillant d’une inquiétude qu’elle ne dissimule plus.Puis la Gardienne parle.— Le navire t’appartient, Gabriel de Montreuil. Il est le dernier témoin de ton sang, l’ultime vestige de ce qui fut et de ce qui doit être.Je tourne les yeux vers elle. Son voile d’or scintille sous la lueur irréelle qui baigne le vaisseau.— Où nous mènera-t-il ?Elle incline légèrement la tête.— Là où le pacte l’exige.Un frisson court le long de mon échine. Ce pacte… Je l’ai scellé sans en
Gabriel de MontreuilM’BalaJe plante mon coutelas dans la poitrine d’un des spectres.Il ne bronche pas.Ses mains se referment sur mon cou.Je suffoque.Puis, soudain, une lumière jaillit derrière moi.Je tombe à genoux, haletant.Le médaillon.Aïda s’est levée.Son regard est brûlant.Et le médaillon brille d’une lueur qui n’a rien de naturel.Les morts s’arrêtent.L’ombre, elle, avance.Gabriel de MontreuilLa jungle se déchire dans un rugissement de vent et de cendres.La silhouette cachée dans l’ombre révèle enfin son visage.Un visage que je connais.Mon père.Ou du moins, ce qu’il est devenu.Son regard est froid, inhumain.— Tu aurais dû rester en mer, Gabriel.Sa voix est un murmure de tempête, un écho de mille âmes perdues.Je serre les poings.— Pourquoi es-tu encore là ?Un sourire tordu se dessine sur son visage.— Parce que j’ai échoué.Un silence s’abat sur nous.Puis il lève la main.Et la terre tremble sous nos pieds.DiegoLe sol s’ouvre en un fracas assourdissant.
Gabriel de MontreuilMon père me regarde, ou du moins… ce qui reste de lui.Son visage n’est qu’une ombre du souvenir que j’en avais, ses traits mangés par le temps et la mort. Pourtant, dans ses yeux vides, quelque chose brûle encore. Une lueur. Un avertissement.Le médaillon que j’ai ramassé pulse dans ma main, sa surface froide vibrant contre ma peau.Et derrière lui, la jungle change.Les arbres semblent se courber, leurs racines noires s’étirent comme des griffes prêtes à m’engloutir. Le sol lui-même palpite sous mes pieds. Quelque chose… non, quelqu’un m’observe.— Gabriel…La voix de mon père est un murmure brisé, un souffle venu d’un autre monde.Je serre les dents.— Tu es mort.Il incline lentement la tête, et un rictus tord ses lèvres décomposées.— Oui.Un frisson glacé parcourt mon échine.Puis il lève un doigt décharné et pointe mon cœur.— Mais toi… tu es en train de suivre mon chemin.Le médaillon pulse plus fort.Autour de moi, la jungle se resserre.Et soudain, une v
Gabriel de MontreuilLa mer s’est tue.Les derniers vestiges des galions espagnols dérivent entre les vagues, des planches brisées, des voiles déchirées, et des cadavres flottants que la mer n’a pas encore engloutis. L’odeur du sel et du sang se mélange dans l’air. Le Pavillon Noir est toujours debout, mais il tangue, meurtri par la bataille et les fureurs des eaux maudites.Je serre la barre à m’en blanchir les jointures, le regard fixé sur l’horizon voilé d’une brume épaisse.Derrière moi, Diego s’appuie contre le bastingage, la main sur ses côtes blessées. M’Bala surveille le pont d’un œil attentif, prêt à bondir à la moindre menace.Et Aïda…Aïda respire encore.À chaque inspiration laborieuse qui s’échappe de ses lèvres, je sens une étincelle de rage et d’espoir s’allumer en moi.— Terre en vue !Le cri vient du nid de pie.Je lève les yeux.Devant nous, une masse sombre se découpe lentement dans la brume.Une île.Notre seule chance de survie.Mais aussi notre plus grande menace
Gabriel de MontreuilAïda s’accroche à la vie.Elle respire difficilement, allongée sur le pont du Pavillon Noir, son sang s’infiltrant entre les planches de bois comme une promesse maudite. Ses yeux sont mi-clos, sa peau, plus pâle que je ne l’ai jamais vue.Je presse ma main contre la plaie, ignorant le chaos qui nous entoure.— Tiens bon, Aïda. Tu m’entends ?Sa main tremble, se referme sur mon bras.— Gabriel…Sa voix est un souffle. Faible. Trop faible.M’Bala s’agenouille à côté de moi, son visage d’ordinaire impassible déformé par l’angoisse.— Il faut la descendre à la cabine. Vite.J’acquiesce, incapable de parler.Je la soulève avec précaution. Son corps est léger contre le mien, mais je sens la chaleur de son sang qui s’imprègne dans ma chemise. Je descends d’un pas rapide l’escalier menant à ma cabine, Diego à mes trousses, son bras toujours serré contre ses côtes blessées.À peine la pose-t-on sur la couchette qu’un cri résonne sur le pont.— L’ennemi revient !Je me fige