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Mon père s’arrêta à côté de Niko. « Qu'est-ce qui s'est passé ? » demanda-t-il en regardant entre nous.

« Elle n'a pas pu encaisser le coup », déclara Niko.

Je montrai les dents à Niko. « Il m'a juste prise au dépourvu. »

« Tu as la respiration qui siffle », remarqua mon père.

« Ce n'est rien », insistai-je en titubant devant eux. « J'ai juste besoin d'une pause. »

Il hésita. Derrière moi, je l'entendis dire à Niko : « Va contre Albin pour l'instant. Je serai spectateur. »

Tout ce que je voulais, c'était échapper à leurs regards indiscrets. Je ne pouvais pas leur laisser savoir à quel point c'était grave, et j'étais reconnaissante qu'ils aient accepté mon excuse et m'aient laissée me retirer dans la cabane. En trébuchant dans la salle de bains, je m’appuyai contre le comptoir et mes poumons grésillèrent, expulsant des mucosités sanglantes dans l'évier. J'avais l'impression que ma poitrine allait exploser.

Je savais ce qui n'allait pas. J’avais dû avoir un pneumothorax au poumon gauche pendant le combat contre la Vallée des Fleurs et les Inkscales, quelques jours auparavant. Celui que je combattais à ce moment m'avait frappé durement dans la cage thoracique, et je soupçonnais qu’une côte s'était fracturée, et avait perforé mon poumon. Ma poitrine se resserrait tandis que l'air remplissait lentement l'espace pleural où se trouvait habituellement mon poumon. Je n'avais pas pris la peine d'approcher Muriel pour qu'elle me soigne, car je pensais que ma condition de loup-garou accélérerait mon rétablissement, mais au lieu de cela, la blessure ne cessait de s'aggraver. De toute façon, il était trop tard pour approcher Muriel. L'utilisation de sa magie de guérison l'avait tellement sollicitée ces derniers jours qu'elle s'était affaiblie, et je ne savais pas ce qu'il lui faudrait de plus pour m'aider.

Je survivrais par mes propres moyens. Je n'avais pas d'autre choix.

Chapitre 2

  

  

Everett

  

L'orgueil des loups de Longue Baie allait les tuer, et je souffrais de voir que rien de ce que je pouvais dire ne leur parviendrait.

Je m’affalai dans mon fauteuil, regardant la large fenêtre qui s'étendait sur le mur du fond du bureau. Ma maison postmoderne, décorée de granit sombre, se trouvait à flanc de montagne, à la lisière sud-est de la forêt nationale de Gunnison. Ses hauts piliers de ciment s'élevaient parmi les bouleaux et les trembles sur une falaise qui surplombait mon domaine : l'humble ville d'Eastpeak, qui s'étendait entre les pics montagneux qui dominaient l'horizon autour de nous. Le soleil éclatant de cette fin d'après-midi d'août illuminait la pièce, son reflet dans la fenêtre me renvoyant mon image : Everett March, Alpha de la meute de la Montagne de l’Est et PDG de March Lumber Mill. Vêtu d'un jean bleu, de vieilles baskets grises et d'une chemise vert olive dont le bouton du haut était défait, j'avais à peine l'air d'un cadre. La plupart des cadres ne portaient pas leurs cheveux blond sale en chignon sur la tête et ne s'asseyaient pas sur des chaises à peine assez grandes pour les accueillir. Et mes yeux gris orageux soulignaient l'aspect sauvage de ma personne.

Personne ne l'avait jamais dit à voix haute, mais je pensais souvent que ma présence intimidante était ce qui empêchait les gens de me faire confiance. J'avais une meilleure idée de ce que c'était maintenant. Je n'avais jamais laissé la meute de la Montagne de l’Est s'impliquer dans les petites querelles entre nos meutes voisines. Cet évitement avait entamé la confiance que mes alliés avaient en moi, et maintenant ils préféraient se condamner à une mort certaine plutôt que de me laisser intervenir.

La Garde du Mythe aurait dû faire sortir Muriel Vale d'ici plusieurs semaines auparavant. Désormais, aucun d'entre eux ne pouvait mettre les pieds sur le territoire de Longue Baie sans être menacé de représailles par Gavin Steele.

Après l'affrontement fatal entre la Vallée des Fleurs et Longue Baie il y avait quelques jours, j'avais compris qu'il fallait faire quelque chose, et je n’eus pas d'autre choix que d'agir dans l'ombre. Il me semblait impossible de raisonner David. La relation entre lui et Gavin s'était détériorée au cours du processus de fusion de Longue Baie et de la Vallée des Fleurs, et j'étais persuadée que l'absence de médiateur était à l'origine de l'intensification de la dispute. Même avec la révélation de la vérité sur les crimes de David - son plan pour faire assassiner les parents de Gavin par les dragons, son enlèvement d'Elizabeth Rathbone, maintenant connue sous le nom de Billie Jesper - un fragment de l'homme logique et solide que j'avais connu toute ma vie devait encore exister. Peut-être n'était-il pas prêt à céder à Gavin, mais notre relation avait toujours été professionnelle et pragmatique. Je pensais pouvoir lui faire entendre raison. Tout ce dont j'avais besoin, c'était de l'avoir au téléphone.

Lorsque le téléphone fixe de mon bureau sonna enfin, je fis pivoter ma chaise et je répondis. "Everett March", dis-je d'un ton vif, espérant entendre la voix de David.

Au moment où je jetai un coup d'œil à l'identification de l'appelant, une voix de femme me parvint. « Bonjour, Monsieur March. La facture de la Gunnison Millwright's Association est arrivée et le paiement attend votre signature. Viendrez-vous au bureau aujourd'hui ? »

« Oui », répondis-je. « Je serai là dans trente minutes. »

« D'accord, merci. Je le ferai savoir à la comptabilité. »

J'étais peut-être un idiot d'avoir été optimiste à propos de David. Gavin n'était qu'un enfant, je comprenais donc le mépris de David à son égard, mais s'il n'allait pas non plus me prendre au sérieux, alors le conflit entre nos meutes allait se dégrader bien plus vite et être bien plus grave que je ne l'avais prévu.

Mon esprit était envahi par des pensées catastrophiques tandis que je regardais par la fenêtre, observant le monde qui était tombé sous mon contrôle. Entre les montagnes, d'épais panaches de fumée s'échappaient de la scierie March Lumber Mill, l'entreprise dont j'avais hérité par ma famille. En tant que PDG, c’était à elle que je consacrais la majeure partie de mon temps. Entre le travail, la meute et mes engagements envers la Garde du Mythe en tant que correspondant local, je n'avais pas beaucoup de moments à moi, mais quand j'en avais, je les passais ici, dans mon bureau. C'était ma base d'opérations. La plupart des gens étaient surpris d'apprendre que je n'avais que 26 ans. Même à la fin de mon adolescence, les responsabilités me dominaient. Je suppose que ma persévérance avait fait souffrir ma vie sociale ; désormais, mon détachement de mes meutes alliées - ou de n'importe qui d'autre, en fait - faisait sentir ses effets néfastes.

Pourtant, je ferais ce que je pourrais pour aider. Même si Gavin et sa meute ne voulaient pas de moi.