EliasLe silence après un coup de feu est toujours le plus bruyant.Le corps de Calloway s’effondre. Son sourire tordu s’efface dans une mare de sang.Je garde mon arme levée, encore quelques secondes, par pur réflexe. Mon souffle est calme, maîtrisé, mais je sens l’adrénaline me mordre la nuque.Derrière moi, Roxane bouge. Un froissement de tissu, un pas hésitant. Je la sens avant même qu’elle ne pose une main sur mon bras.— C’est fini.Elle murmure, comme si elle devait s’en convaincre elle-même.J’abaisse enfin mon arme.— Oui.Mais je sais qu’un combat ne s’arrête jamais vraiment.Lorenzo arrive derrière nous, haletant, l’arme encore fumante.— Il avait prévu le coup. Il voulait nous attirer ici.Je hoche la tête. C’était évident.Roxane fronce les sourcils.— Pourquoi ? Il savait qu’il ne pouvait pas gagner.— Parce qu’il voulait nous ralentir, dis-je en regardant les documents éparpillés sur le bureau de Calloway.Des dossiers ouverts, des notes griffonnées à la hâte.Je prends
RoxaneLe matin n’a pas encore chassé la nuit lorsque j’ouvre les yeux.La lumière de la ville filtre à travers les rideaux mal tirés, projetant des ombres mouvantes sur le plafond.Je me tourne lentement, et mes doigts effleurent la peau brûlante d’Elias.Il dort à moitié, le souffle régulier, mais son corps reste tendu, comme s’il était prêt à se réveiller au moindre bruit suspect.Je l’observe un instant.Même dans son sommeil, il semble en guerre.Ses paupières tressaillent, sa mâchoire est crispée, et je me demande à quoi ressemblent ses cauchemars.J’ai envie de le toucher, de le ramener ici, loin de ce monde où la violence dicte chaque décision.Mais je ne peux pas.Pas quand moi-même, je me noie dans cette spirale.Je me redresse en silence, enroulant le drap autour de moi, et je quitte la chambre à pas feutrés.Dans le salon plongé dans la pénombre, la ville s’étend sous mes yeux.Les lumières des gratte-ciels brillent comme des constellations artificielles, indifférentes à c
RoxaneJe m’étais toujours crue maligne.Assez futée pour m’en sortir sans m’attacher, assez habile pour survivre dans cet univers où la loyauté est un luxe et la confiance une faiblesse.Et pourtant, me voilà ici, dans une pièce où le simple poids d’un regard peut condamner une vie.Gabriel Moretti s’appuie contre le dossier de son siège, son regard pesant sur Elias et moi comme une lame suspendue au-dessus de nos têtes.Derrière lui, ses hommes de main restent impassibles, mais je les sens en alerte.Un faux pas, une phrase mal interprétée, et cette conversation pourrait s’achever dans une mare de sang.Elias, lui, ne cille pas.Il se penche légèrement en avant, comme s’il contrôlait la pièce malgré notre position délicate.— On sait que Calloway n’était pas le vrai problème, commence-t-il d’un ton posé. Sa mort n’a fait que soulever un nid de serpents. Et maintenant, ces serpents sont en train de sortir de l’ombre.Gabriel hoche la tête lentement, mais son regard est froid.— Vous
RoxaneLe vent de la nuit s’engouffre dans mes cheveux, fouettant ma peau d’une morsure glaciale.Je n’ai pas encore ouvert le dossier que Gabriel m’a remis.Il repose sur la table basse de mon appartement, menaçant, comme une bombe à retardement.Elias est là, appuyé contre le mur, les bras croisés, son regard braqué sur moi.Il attend que je parle.Mais je garde le silence.Parce que si je commence à formuler mes pensées à voix haute, alors il faudra que je reconnaisse ce que j’essaie d’ignorer :Que je suis terrifiée.Pas par la mission.Pas par l’ennemi invisible qui se rapproche.Mais par ce que ça signifie.Si j’accepte ce rôle, je ne serai plus seulement une pièce du jeu.Je deviendrai un joueur à part entière.Et dans ce monde, les joueurs ne survivent pas longtemps.— Tu comptes rester plantée là toute la nuit ?La voix d’Elias est tranchante.Je serre les dents et me détourne.— Je réfléchis.— Ça, je vois bien.Son ton est acéré, et je sais qu’il est à deux doigts d’explose
RoxaneL’air nocturne est chargé d’électricité.Je traverse la ville comme une ombre, Elias sur mes talons.Mon cœur bat fort, mais ce n’est pas la peur.C’est l’anticipation.Romanov.Un nom qui fait trembler les plus puissants, qui réduit des empires en poussière.Mais moi, il ne m’effraie pas.Il m’intrigue.Il m’excite.Parce que si Gabriel veut que je joue dans la cour des grands, alors je vais m’assurer d’y entrer avec fracas.— Tu comptes faire quoi, exactement ? grogne Elias à mes côtés.— Le trouver.Il s’arrête net, me force à faire face.— T’es folle. Tu crois que tu peux juste débarquer et lui serrer la main ?Je souris.— Non. Mais je peux trouver une brèche.Il ferme les yeux, exaspéré.— Ce mec est un fantôme, Roxane. Si Gabriel lui-même n’a pas réussi à le coincer, qu’est-ce que tu penses pouvoir faire en une nuit ?Je pose un doigt sur sa poitrine et le pousse légèrement.— Ce que personne ne tente. Je vais chercher là où il ne s’attend pas.Il me fusille du regard, m
RoxaneLe nom claque dans l’air, brutal, sans équivoque.Je répète doucement :— Dmitri Orlov.L’homme face à nous hoche la tête, l’ombre d’un sourire aux lèvres.— Vous le trouvez, vous le faites disparaître, et Romanov vous ouvrira sa porte.Je sens Elias se raidir à côté de moi. Il n’a pas besoin de parler pour que je devine ce qui se passe dans sa tête.Je viens d’accepter un marché dont on ne revient pas.L’homme nous observe quelques instants, puis se lève, ajustant les revers de sa veste.— Vous avez trois jours. Après ça, l’offre expirera.Il nous jette un dernier regard avant de disparaître par une porte dérobée.Le silence qui suit est écrasant.Puis, lentement, je tourne la tête vers Elias.Il me fixe, les mâchoires serrées.— Tu comptes vraiment le faire ? demande-t-il enfin, la voix basse, tendue.Je soutiens son regard sans ciller.— Je compte obtenir ce que je veux.Il ferme brièvement les yeux, exaspéré.— Ce n’est pas un jeu, Roxane.Je souris, provocante.— Tout est
EliasL’air est lourd, chargé d’humidité et de tension. L’entrepôt sent le métal et la rouille, une odeur de bois moisi s’accroche aux murs, et pourtant, tout ce que je ressens, c’est la présence oppressante d’Orlov devant nous.Son regard nous scrute, comme s’il tentait d’évaluer nos pensées, de deviner si nous sommes prêts à l’abattre sur-le-champ ou à écouter ce qu’il a à dire.— Romanov n’est pas l’homme que vous croyez.Ses mots flottent dans l’air, et je sens Roxane se tendre à mes côtés.Moi, je reste immobile.Je sais déjà que Romanov est un monstre. Un homme sans pitié, sans scrupules. Mais ce que je ne sais pas, c’est pourquoi Orlov est encore en vie. Pourquoi il a fui, pourquoi Romanov le veut mort.— Tu crois qu’on va te croire sur parole ? dis-je, la voix basse.Orlov secoue la tête.— Vous pouvez me tuer maintenant, mais alors, vous ne saurez jamais la vérité.Roxane avance d’un pas, provocante.— Et si la vérité ne nous intéresse pas ?Il esquisse un sourire amer.— Tou
RoxaneL’adrénaline pulse encore dans mes veines quand nous entrons dans l’appartement d’Elias. L’air y est plus frais qu’à l’extérieur, mais il ne dissipe en rien la tension électrique qui nous enveloppe.Il claque la porte derrière nous, jette sa veste sur le canapé et passe une main sur son visage, pensif.— Dis-moi que tu ne penses pas réellement à écouter ce type., lâche-t-il enfin.Je m’approche lentement, mon regard accroché au sien.— Je pense que Romanov nous manipule depuis le début.Il serre la mâchoire.— Et tu penses qu’Orlov, lui, est un saint ? Qu’il dit la vérité ?Je croise les bras, soutenant son regard sans ciller.— Je pense que si on le tue, on n’aura jamais de réponse. Et moi, j’en veux.Il se fige, puis détourne le regard, exaspéré.— Putain, Roxane…— Quoi ?!Je m’approche encore, envahissant son espace. Il ne recule pas.— On sait que Romanov est un monstre. Mais ce qu’on ne sait pas, c’est si nous sommes aussi stupides que lui, à le suivre aveuglément., dis-j
RoxaneIl faut être prêt à tout dans ce monde.Je le savais en intégrant cette entreprise, je le savais en défiant Alix, je le savais en jouant avec Elias.Mais ce que je ressens en franchissant la porte de la salle 12 dépasse toutes mes attentes.Ils sont trois.Trois visages neutres, trois personnes du service RH assises autour d’une table en verre, avec des dossiers ouverts devant elles.L’une d’elles, une femme aux cheveux courts et au tailleur beige impeccablement repassé, m’adresse un sourire poli.— Asseyez-vous, Mademoiselle Lenoir.Mon cœur bat vite. Trop vite. Mais je ne laisse rien paraître.Je m’installe, croisant les jambes avec une lenteur calculée.— On peut m’expliquer ce qui se passe ?Un homme d’âge mûr, crâne légèrement dégarni, joint les mains sur la table.— Des anomalies ont été relevées dans plusieurs de vos dossiers récents. Des erreurs d’affectation, des documents signés en double, et dans certains cas… des données qui ne correspondent pas aux fichiers de réfé
RoxaneJe suis une menteuse.Une très bonne menteuse.J’ai appris à sourire quand je veux crier, à garder mon sang-froid quand mon cœur cogne comme un fou dans ma poitrine. J’ai appris à jouer.Et pourtant, face à lui, je vacille.Elias me teste, me pousse à bout, effleure mes limites avec une précision chirurgicale. Il sait exactement où frapper, comment insinuer le doute, comment me troubler.Et je le déteste pour ça.— Tout est en ordre, Roxane ?Sa voix est une caresse empoisonnée, un murmure qui me serre la gorge.Je pourrais répondre oui. Tourner les talons. M’éloigner avant que cette chaleur insupportable ne me consume entièrement.Mais mes jambes refusent de bouger.Je lève les yeux vers lui, plonge dans ses prunelles sombres.Une guerre silencieuse s’y joue.Il attend une réaction.Un aveu.Alors je fais ce que je sais faire de mieux.Je mens.— Évidemment.Il ne bouge pas immédiatement. Son regard fouille le mien, cherchant un signe, une brèche. Puis, lentement, un sourire s
---RoxaneLe matin me cueille avec une violence sourde.Je suis encore étourdie par la veille, par la pression brûlante du corps d’Elias contre le mien, par ce baiser qui aurait pu me faire basculer… mais que j’ai refusé d’accorder totalement.Parce que céder, c’est perdre.Et je ne perds jamais.Je me redresse lentement dans mon lit, le regard perdu sur les rayons de soleil qui filtrent à travers mes rideaux. J’inspire profondément, chasse la chaleur qui menace de s’accrocher à ma peau.Elias veut jouer.Très bien.Mais il va apprendre que je suis bien plus coriace qu’il ne l’imagine.Mon téléphone vibre sur la table de nuit.Un message.Alix : Petit-déjeuner au bureau à 8 h. Ne sois pas en retard.Un rire sarcastique m’échappe.Bien sûr qu’elle veut me voir.Après ma victoire d’hier, elle doit être en train de fomenter sa revanche.Et je suis prête.---EliasLorsque j’entre dans la salle de réunion, Roxane est déjà là.Assise à son poste habituel, une tasse de café à la main, elle
---RoxaneLa victoire a un goût amer.Je devrais être euphorique après avoir éclipsé Alix devant l’un de nos plus gros clients. Après avoir démontré, une fois de plus, que je suis la meilleure. Mais une tension sourde pulse dans mes veines, comme un avertissement silencieux.Elias.Il n’a encore rien dit, mais je le connais. Il n’aime pas perdre le contrôle, et en coupant l’herbe sous le pied d’Alix, je l’ai indirectement défié.Et Elias déteste être défié.Je pousse la porte de mon appartement, lâche mon sac sur la table et me sers un verre de vin. La ville s’étend sous mes fenêtres, scintillante et vibrante, mais mon esprit est ailleurs.Il va réagir.La question est : comment ?Et surtout… suis-je prête à l’affronter ?Je porte mon verre à mes lèvres, mais une vibration me fige.Mon téléphone.Un message.Elias : Ouvre la porte.Mon cœur rate un battement.Je tourne la tête vers l’entrée, mon souffle suspendu. Une ombre derrière le verre dépoli.Il est déjà là.J’inspire profondém
RoxaneJe n’ai jamais eu peur du combat.Que ce soit dans une salle de réunion, dans un dossier compliqué ou face à une rivale prête à tout, j’ai toujours su me battre.Mais cette fois-ci, c’est différent.Parce qu’Elias est en jeu.Parce que ce n’est pas seulement mon poste qui est menacé, mais quelque chose de bien plus dangereux. Quelque chose qui me dépasse, qui me consume, qui me détruit lentement.Et parce que cette fois, en face de moi, se tient une ennemie redoutable.Alix.Elle trône toujours à mon bureau, son sourire suffisant plaqué sur son visage parfait, comme si elle savourait déjà sa victoire.Mais elle ne sait pas à qui elle a affaire.Je m’avance lentement, mes talons résonnant sur le parquet de l’open-space. Chaque pas est une déclaration de guerre.Elle lève les yeux vers moi, faussement innocente.— Quelque chose ne va pas, Roxane ?Je me penche légèrement, posant les mains sur le bureau.— Oui. Ton parfum envahit mon espace.Elle rit doucement, croisant les jambes
RoxaneJe devrais partir.Après ce qu’il s’est passé cette nuit, après ce que j’ai entendu ce matin, je devrais simplement rassembler mes affaires et m’éclipser sans un mot. Faire comme si rien de tout cela n’avait d’importance. Comme si Elias Moreau ne m’avait pas déjà contaminée jusqu’au plus profond de mes os.Mais je reste là.Assise sur le bord du lit, mes doigts crispés sur le drap, mes pensées en vrac.Elias se tient devant moi, torse nu, une tasse de café à la main, comme si tout était normal. Comme si nous n’étions pas au bord d’un précipice.— Tu comptes rester silencieuse encore longtemps ?Je relève la tête. Son regard est posé sur moi, intense, scrutateur.— Que veux-tu que je dise ?Il sourit. Lentement. Comme si tout cela l’amusait.— D’habitude, tu trouves toujours quelque chose à dire.Je serre la mâchoire. Il n’a pas tort.Je devrais avoir une réplique mordante, une manière de reprendre le contrôle. Mais tout mon corps se souvient encore de la nuit dernière.De ses m
RoxaneLe monde bascule.Ses lèvres s’écrasent sur les miennes avec une brutalité qui me coupe le souffle, qui me fait chavirer. Ses mains s’accrochent à mes hanches, m’attirent contre lui avec une force qui ne laisse aucune place au doute. Il ne me demande pas la permission. Il prend.Et je le laisse faire.Je devrais résister. Je devrais me dégager, lui dire d’arrêter.Mais mes bras s’enroulent autour de sa nuque, mes doigts glissent dans ses cheveux, et je me perds dans cet instant, incapable de lutter contre ce feu qui nous consume.Son corps brûle contre le mien, et chaque frisson qui me traverse me rappelle une vérité cruelle : je n’ai jamais ressenti ça avec personne.— Tu es à moi.Sa voix est rauque, un souffle contre ma peau.Je ne réponds pas.Parce qu’il a raison.Je suis à lui.Et je le déteste pour ça.---EliasElle tremble entre mes bras, ses ongles s’enfoncent dans ma peau, et je ressens tout.Sa peur.Son désir.Son besoin.Roxane a toujours prétendu être insaisissab
RoxaneJe hais Elias.Et je hais encore plus le fait que mes lèvres brûlent toujours du contact des siennes.Assise dans cette voiture luxueuse, le silence entre nous est étouffant. Je croise les bras, fixe la route qui défile à travers la vitre. Chaque seconde qui passe alimente ma rage, ma frustration.J’aurais dû rester avec Lucas.J’aurais dû claquer la porte au nez d’Elias.Mais non.J’ai fait exactement ce qu’il voulait.Je suis montée dans cette voiture comme une idiote, comme une femme incapable de résister à la tentation destructrice qu’il incarne.Il est là, assis à côté de moi, parfaitement calme. Comme s’il savait déjà qu’il avait gagné.— Tu ne dis rien ?Ma voix tranche dans l’air, acérée.Il tourne légèrement la tête vers moi, ses yeux sombres et perçants.— Qu’est-ce que tu veux que je dise ?— Je ne sais pas… Peut-être une excuse ? Un semblant de remords pour m’avoir traînée ici comme un putain de trophée ?Il rit doucement. Ce rire m’électrise, me fout encore plus en
EliasJe n’ai pas dormi.Pas une seule putain de minute.L’image de Roxane avec lui me hante.Elle pense qu’elle peut me quitter comme ça ? Me tourner le dos et disparaître dans les bras de Lucas comme si je n’avais jamais existé ?Non.Je refuse.Je suis là, dans mon bureau, une cigarette éteinte entre les doigts. Je la fais tourner lentement, le regard perdu sur la ville qui s’étend derrière la vitre.Il est six heures du matin et je suis encore là.Adrien entre sans frapper, son regard fatigué trahissant qu’il n’a pas dormi non plus.— Tu es au courant ?Je tourne lentement la tête vers lui.— Dis-moi.Il pose son téléphone sur mon bureau.Une photo s’affiche.Roxane.Avec Lucas.Ensemble, sortant de chez lui.Une gifle en pleine figure.Je serre les poings.Adrien hésite avant de parler.— On dit que Lucas l’a convaincue de partir pour de bon.J’éclate de rire, un rire froid, sans joie.— Vraiment ?Adrien me fixe, méfiant.Il sait ce que ce rire signifie.— Elias…Je me lève d’un