«Tire à vue», c’est le seul conseil qu’on m’a donné en me catapultant ici. J’hésite à sortir mon arme, mais ça briserait de suite ma couverture. Je n’ai pas le temps de réfléchir: il me reste dix minutes avant que les caméras de sécurité ne réalisent la supercherie.Pour le moment, la voie est libre.Je prends Isaac sur mon canal personnel, c’est lui qui va me guider jusqu’à l’ordinateur miracle.—As, tu vas prendre à droite à la prochaine intersection.—Tu peux voir s’il y a des patrouilles sur ton bidule? chuchoté-je.—Non, alors garde l’œil ouvert.—Non, je fais un colin-maillard.Il pouffe, puis le silence revient. Je déambule d’une manière que j’espère peu suspecte, en retenant toujours mon souffle à chaque fois que je passe un embranchement. Il me guide sans que j’aie besoin de râler et quand je croise un autre groupe de scientifiques, je me contente d’un petit hochement de tête en g
Les flammes lèchent Adrian, provoquant ses hurlements, alors qu’il disparaît de notre champ de vision en tournant à gauche. Il ne reste bientôt que les traînées noires sur le sol dans la lumière vacillante. Ils vont recommencer. Ils vont nous immoler. Je ferme les yeux et exige de l’équipe qu’on me lâche.—Putain lâchez-la! gueule Ellis. On vient à votre rencontre, on va les coincer par-derrière, tenez bon.Ellis, toujours là pour me sauver, pour réparer les pots cassés. Ellis qui n’arrivera probablement pas à temps cette fois-ci.Sauf si…Je dégaine mon flingue, lève le bras, maintiens mon poignet de la main gauche pour ne pas vaciller.—As, bouge, on recule!Des mains s’emparent de moi et je me dégage d’un coup d’épaule. De ce carrefour, sur la gauche, sortent les flammes qu’ils projettent. Elles envahissent tout le couloir pour nous acculer et nous forcer à reculer, à nous mettre à découvert. Seulement je ne reculerai
Le silence m’étouffe, puis le soulagement.L’incompréhension aussi, de voir que nous y sommes finalement arrivés. Que nous en sommes là… Je ne peux pas y croire. Nous restons un long moment accroupis, le temps de reprendre notre souffle, d’oser enfin se regarder dans les yeux.—Tu… tu saignes! m’horrifié-je en voyant son bras gauche.—C’est superficiel.Il prend mon visage en coupe et plonge son regard dans le mien. Je crois que nous avons tous les deux envie de nous embrasser, de montrer au monde entier que l’amour existe. Et pourtant, je ne sais pas si je serai capable de le faire alors que Soulmates est encore dans mon cerveau. La première fois que nos lèvres se sont scellées, je ne savais pas qu’il était tatoué sur mon avant-bras et je pensais qu’il s’agissait du véritable amour.J’aimerais pouvoir en être convaincue à nouveau. J’aimerais être certaine d’être tombée amoureuse de lui pour les bonnes raisons. Déjà, sans avoir reçu
—D’accord As, je vais t’expliquer. De toute manière ça ne change plus grand-chose, maintenant.Je déglutis douloureusement. Il me prend de haut, me fait comprendre qu’il sait tout et que je ne sais rien. Est-ce que le Ellis chaleureux était un masque? S’ était-il forgé une personnalité pour me plaire? Dans quel but? Dans quelle optique?—Isaac ne t’a pas été attribué arbitrairement, mais le Docteur te l’a déjà dit un peu plus tôt, n’est-ce pas?—Le Docteur Healey…Je n’ai pas besoin qu’on m’explique davantage pour comprendre leur raisonnement. On m’a implanté une âme sœur faussée dès le départ et elle était censée me guider jusqu’à la Rébellion, mais pourquoi?Il peut lire en moi comme dans un livre ouvert et c’est sans surprise qu’il répond avant même que j’aie formulé la question à haute voix:—Parce que tu es la fille Wheel, que tu savais où étaient cachés les dossiers et que
Parfois, je repense à son corps qui s’effondre, à son regard d’incompréhension qui me transperce. Je ne sais pas pourquoi ce souvenir remonte à la surface… Comme une tache qu’on essaie d’effacer, mais qui reste indélébile.Je mentirais en disant que ça ne me fait rien, mais j’ai l’habitude du mensonge.Ça ne me fait pas rien, mais ça ne me fait pas quelque chose non plus… Juste une ancienne cicatrice que l’on a envie de gratter, ou que l’on détaille de temps à autre, juste pour se remémorer qu’elle est là.Je me contente de regarder dans le vide, de me rappeler ses mains sur mon corps, ses lèvres sur les miennes. J’essaie désespérément de me souvenir de ce que je ressentais pour lui, de me replonger dans cet océan d’incertitudes, cette insécurité béate dans laquelle nous plonge l’amour.Je ne dirais pas que ce mot a été banni, juste qu’on ne le prononce plus vraiment. On se regarde les uns les autres, comme des fantômes errant
Juliette Pierce est née en 1996 à Ambilly.Grande adepte de l’imaginaire, Juliette est passée par Poudlard, connait les Trois lois de la robotique par cœur, a obtenu «Audacieuse» comme faction et rêverait d’être une Or. Écrire a toujours été sa passion et Everlasting, son premier roman publié, s’inscrit dans son genre de prédilection: la science-fiction. Curieuse de tout, elle profite aussi de son statut d’étudiante pour lire, voyager, s’imprégner de la musique, des films et des séries qu’elle ne peut s’empêcher de dévorer.
<end><recherche d’âme sœur>En traitement.</recherche d’âme sœur>J’ai peur. Peur de finir seule, dans le noir, sans personne pour m’aimer, sans personne pour me regarder. J’ai peur de ne plus ressentir les étincelles d’antan, celles qui m’emportaient loin, loin sur l’embrun des mers, sur le flanc des montagnes, sur les ailes d’un oiseau ou dans le cœur d’un papillon. J’ai peur de ne plus avoir le droit de goûter au miel de l’amour, à l’amertume des tristesses nocturnes.Et dans mon champ de vision, la barre de téléchargement ne se remplit pas. J’ai beau cligner des yeux, rafraîchir la page, ça ne change rien. Elle charge. Soulmates charge. Soulmates, le logiciel censé me trouver mon âme sœur.«En traitement». Voilà des mois que j’attends, que j’essaie de ne plus avoir peur, de ne plus pleurer. Mes amies obtiennent la leur, voient les tatouages de l’amour fleurir sur leur peau, et moi… j’attends. J’ai l’impression
<alerte>Sarah a laissé 14 nouveaux messages.Everlasting a tenté 6 fois d’entrer en communication avec vous.Everlasting:«RDV, 10 heures, synchronisation terminée.»</alerte>Mal de crâne. Tête dans la brume. Bouche pâteuse. J’ai trop bu un argent que je n’ai pas, et je ne suis pas certaine de pouvoir mettre un pied devant l’autre. Je cligne des yeux, mes lentilles bioniques s’adaptent et injectent directement de l’humidificateur pour que je puisse lire correctement les messages que l’on m’a laissés.«Everlasting»Les lettres capitales explosent ma rétine, mais je m’en moque. Everlasting, qui distribue des âmes sœurs à la pelle, mais qui était incapable de m’en trouver une, a terminé de me synchroniser. Mon Dieu… Je me lève, trébuche et trépigne, parce que c’est là, c’est maintenant. Dès qu’ils m’auront apposé leur tatouage, je serai enfin considérée, je ferai enfin partie de la société 
Parfois, je repense à son corps qui s’effondre, à son regard d’incompréhension qui me transperce. Je ne sais pas pourquoi ce souvenir remonte à la surface… Comme une tache qu’on essaie d’effacer, mais qui reste indélébile.Je mentirais en disant que ça ne me fait rien, mais j’ai l’habitude du mensonge.Ça ne me fait pas rien, mais ça ne me fait pas quelque chose non plus… Juste une ancienne cicatrice que l’on a envie de gratter, ou que l’on détaille de temps à autre, juste pour se remémorer qu’elle est là.Je me contente de regarder dans le vide, de me rappeler ses mains sur mon corps, ses lèvres sur les miennes. J’essaie désespérément de me souvenir de ce que je ressentais pour lui, de me replonger dans cet océan d’incertitudes, cette insécurité béate dans laquelle nous plonge l’amour.Je ne dirais pas que ce mot a été banni, juste qu’on ne le prononce plus vraiment. On se regarde les uns les autres, comme des fantômes errant
—D’accord As, je vais t’expliquer. De toute manière ça ne change plus grand-chose, maintenant.Je déglutis douloureusement. Il me prend de haut, me fait comprendre qu’il sait tout et que je ne sais rien. Est-ce que le Ellis chaleureux était un masque? S’ était-il forgé une personnalité pour me plaire? Dans quel but? Dans quelle optique?—Isaac ne t’a pas été attribué arbitrairement, mais le Docteur te l’a déjà dit un peu plus tôt, n’est-ce pas?—Le Docteur Healey…Je n’ai pas besoin qu’on m’explique davantage pour comprendre leur raisonnement. On m’a implanté une âme sœur faussée dès le départ et elle était censée me guider jusqu’à la Rébellion, mais pourquoi?Il peut lire en moi comme dans un livre ouvert et c’est sans surprise qu’il répond avant même que j’aie formulé la question à haute voix:—Parce que tu es la fille Wheel, que tu savais où étaient cachés les dossiers et que
Le silence m’étouffe, puis le soulagement.L’incompréhension aussi, de voir que nous y sommes finalement arrivés. Que nous en sommes là… Je ne peux pas y croire. Nous restons un long moment accroupis, le temps de reprendre notre souffle, d’oser enfin se regarder dans les yeux.—Tu… tu saignes! m’horrifié-je en voyant son bras gauche.—C’est superficiel.Il prend mon visage en coupe et plonge son regard dans le mien. Je crois que nous avons tous les deux envie de nous embrasser, de montrer au monde entier que l’amour existe. Et pourtant, je ne sais pas si je serai capable de le faire alors que Soulmates est encore dans mon cerveau. La première fois que nos lèvres se sont scellées, je ne savais pas qu’il était tatoué sur mon avant-bras et je pensais qu’il s’agissait du véritable amour.J’aimerais pouvoir en être convaincue à nouveau. J’aimerais être certaine d’être tombée amoureuse de lui pour les bonnes raisons. Déjà, sans avoir reçu
Les flammes lèchent Adrian, provoquant ses hurlements, alors qu’il disparaît de notre champ de vision en tournant à gauche. Il ne reste bientôt que les traînées noires sur le sol dans la lumière vacillante. Ils vont recommencer. Ils vont nous immoler. Je ferme les yeux et exige de l’équipe qu’on me lâche.—Putain lâchez-la! gueule Ellis. On vient à votre rencontre, on va les coincer par-derrière, tenez bon.Ellis, toujours là pour me sauver, pour réparer les pots cassés. Ellis qui n’arrivera probablement pas à temps cette fois-ci.Sauf si…Je dégaine mon flingue, lève le bras, maintiens mon poignet de la main gauche pour ne pas vaciller.—As, bouge, on recule!Des mains s’emparent de moi et je me dégage d’un coup d’épaule. De ce carrefour, sur la gauche, sortent les flammes qu’ils projettent. Elles envahissent tout le couloir pour nous acculer et nous forcer à reculer, à nous mettre à découvert. Seulement je ne reculerai
«Tire à vue», c’est le seul conseil qu’on m’a donné en me catapultant ici. J’hésite à sortir mon arme, mais ça briserait de suite ma couverture. Je n’ai pas le temps de réfléchir: il me reste dix minutes avant que les caméras de sécurité ne réalisent la supercherie.Pour le moment, la voie est libre.Je prends Isaac sur mon canal personnel, c’est lui qui va me guider jusqu’à l’ordinateur miracle.—As, tu vas prendre à droite à la prochaine intersection.—Tu peux voir s’il y a des patrouilles sur ton bidule? chuchoté-je.—Non, alors garde l’œil ouvert.—Non, je fais un colin-maillard.Il pouffe, puis le silence revient. Je déambule d’une manière que j’espère peu suspecte, en retenant toujours mon souffle à chaque fois que je passe un embranchement. Il me guide sans que j’aie besoin de râler et quand je croise un autre groupe de scientifiques, je me contente d’un petit hochement de tête en g
J’ai envie d’appeler Ellis.Je me retiens, nous sommes en mission, pas en badinage. On descend les différents étages, alors que les strates de chaque niveau nous apparaissent quand nous les dépassons. Mae reste silencieuse et moi aussi, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Elle doit être soulagée… Peut-être agacée aussi, que je sois une cible si facile. Mais polie, elle se contente de croiser les bras et d’attendre que nous arrivions en bas.L’architecture de mon être est en train de s’effondrer quand nous sortons de la cage de verre. Je fais taire les combats qui m’assaillent et garde la tête haute ; As, celle du lycée, je l’invoque, je l’implore, celle qui se moquait bien des quolibets, des œillades, des remarques déplacées. Reviens, celle qui était encore fière et forte, fais-nous l’honneur de venir sauver ce qui peut encore l’être.L’apaisement me gagne quand nous déambulons dans les rues que je connais si bien. La chaleur, le soleil, la promesse d’une ét
Jaspe est là. Oui, c’est bien lui.Lorsque son regard me transperce, je meurs un petit peu plus, je me décompose. Il va nous vendre. Il va sonner l’alerte. Il a forcément dû voir les informations. Il sait qui je suis, ce que je représente ; les entrailles de la Rébellion, l’âme des résistants, le cœur libre.Je remercie Mae d’être la femme intelligente qu’elle est: quand j’agrippe son avant-bras, elle comprend en un coup d’œil que lui et moi nous connaissons et que tout notre plan s’écroule pour une seconde, un regard, un souffle, un baiser, un amour de jeunesse.L’amour pour briser nos plans.Je retiens un rictus mauvais tandis que les secondes s’égrènent et que le temps s’effondre entre nous. La faille spatio-temporelle qui nous sépare va bientôt se réduire. Il se remettra à courir comme il l’a toujours fait, galopant à une allure folle, sans que rien n’ait d’emprise sur lui. Nous avons vécu cinq ans ensemble. Une brise. Une caresse sur nos peaux alo
J’aurais aimé bénéficier d’une nuit plus longue. Les néons clignotent à huit heures, ordre d’Harmonie pour que l’on reste en vie. Le noir, la nuit, l’obscurité encombre l’esprit à tel point qu’on ne veut plus sortir du lit, et l’on reste en boule, prostré, à penser à tout ce que l’on a laissé derrière nous. Ellis dépose un baiser sur le sommet de mon crâne et s’extirpe des couvertures en s’étirant comme un chat.—C’est un beau jour pour mourir.—Jolie référence, noté-je avant de me lever à mon tour.Case douche, puis cafétéria. La journée va encore être longue avant que l’heure fatidique n’approche, tout le temps pour Ellis de me baratiner encore un peu, de m’inspirer confiance et par la même occasion de me détourner de l’échéance.—C’est dingue que nous soyons arrivés à ce stade-là, lancé-je, un peu placidement, alors que nous sommes dans la salle informatique pour nous tenir au courant avant le départ.—C’est-à-dire?
Ellis dort. Sa respiration, calme, me l’indique sans doute possible.Je me sens mal à l’idée de ce que je vais faire, mais je ne pourrai pas vivre sans savoir. Alors j’allume le réseau du Bunker, auquel j’ai accès depuis que j’ai prouvé ma valeur. Il marche beaucoup mieux sur ordinateur, seulement je ne veux pas regarder ça au milieu de tout le monde.Je prends un long moment avant de taper les mots. Comme si rien qu’écrire son nom pouvait briser tous les barrages que j’ai érigés jusqu’ici. Peut-être bien, en fin de compte, mais si demain je dois mourir, je veux savoir.<recherche>Jaspe Wolfe</recherche>Ça mouline, le petit cercle cherche, patine un peu, d’ailleurs. J’ai presque envie qu’il plante«désolé, connexion interrompue»et on passerait à autre chose. L’angoisse me tiraille, je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver.Ou plutôt j’ai peur de ce que je vais lire.Le résultat des recher