<alerte>Vous êtes blessée. N’oubliez pas de désinfe…</alerte>Je frotte de toutes mes forces pour effacer ces marques. Ce n’est pas du feutre et ce n’est pas un tatouage non plus, même si ça y ressemble. C’est de la scarification. Ce connard d’Isaac s’est scarifié. Mais pourquoi? Pour me parler? Pour m’atteindre? Parce qu’il sait que je suis dans ses rêves? Putain! Comment le sait-il? Me sent-il? Et mes douleurs aux côtes? Aux jambes? Et si tout n’était que lié à ses propres douleurs?Ellis est venu toquer à la porte, voir ce qu’il se passe. Je n’ai rien répondu: il est au courant, de toute façon, il a vu les traces violacées s’étendre sur mes bras. Il sait que pour moi aussi quelque chose cloche dans le programme.J’ai peur de me rendormir et de replonger dans le prisme de cette personnalité instable, de ce meurtrier. Je ne connais pas Isaac, mais je sais déjà qu’il est t
Vingt-quatre heures? Il est fou, je ne peux pas…Enfin je crois. Est-ce que j’ai le droit de sortir? Je n’ai pas demandé à la psy. Je continue à prendre les médicaments tous les jours, mais je n’ai pas l’impression d’aller mieux. Tout est toujours flou, j’ai encore des vertiges et je commence à avoir le nez qui saigne. Qu’est-ce que je ferais sans ces médicaments? Je ne peux pas tout abandonner comme ça et partir parce qu’un con me menace d’écrire des messages sur ma peau…Au scalpel.Et pourquoi veut-il me voir, d’abord? Il attend de moi que je le ramène à l’Upside? Il croit peut-être que je suis une fille de bonne famille, richissime, qui n’attend qu’une chose, lui offrir une seconde chance…Je descends au rez-de-chaussée dans l’espoir d’obtenir un rendez-vous avec le Docteur Healey, lorsque des cris attirent mon attention. Cara s’énerve de sa voix de crécelle sur deux infirmiers dans le hall. Je passe une tête par la porte, u
<nostalgie>Cancer des ovaires / Ablation totale / Seize ans / Fatal(ité)J’aurais dû lui dire, seulement je n’ai jamais pu m’y résoudre.«Pas tellement envie d’enfant»est un passe-partout beaucoup plus simple à encaisser. J’aurais dû lui dire. On était amis, amants, amoureux. Il aurait compris, j’en suis persuadée.Et puis…. Il aurait aussi compris que je ne suis plus une femme. Enfin, je crois. C’est ce que je me suis dit, à seize ans, surtout quand j’ai demandé aux autres. «Qu’est-ce qui fait que je suis une femme, hein?»Les hormones, tout ça, ça vient avec la différence entre nos sexes. C’est ce qu’on a vu en bio. Moi je me suis cantonnée à cette définition. Plus d’ovaires… eh bien… moi. Il ne restait que moi, dans mon corps pas bien proportionné.—Mais, ovaires ou pas, je reste une femme, non?Bouche ouverte, fermée, poisson hors de l’eau qui ne peut plus respirer. On ne me répond p
<rêve>—Tic, tac, tic, tac, récite Isaac.Il attend toujours, emmitouflé dans les couvertures qui, il l’espère, le maintiendront en vie assez longtemps pour être secouru. Je suis à nouveau plongée dans sa psyché et la douleur se fait mienne quand je réalise que son flanc est totalement infecté.Je suis sa dernière solution. Je le réalise en suivant le cours de ses pensées: il n’attend plus que moi. Il veut me forcer à venir à lui, il monte des plans pour chercher mon point faible, a épluché les données disponibles sur moi en ligne.Il n’a rien trouvé. Il fait la liste du néant de mon existence, réalise que je n’ai ni travail, ni petit ami, ni argent. Une mère à la rigueur, mais il l’a mise de côté lorsqu’il a réalisé qu’elle était déjà sur le point de passer l’arme à gauche.Il n’a alors plus d’autre solution. Je devine ce qu’il a en tête au moment où il s’empare du couteau.Isaac aime faire les choses en grand. Et il déteste
Je me retourne et colle Nora contre le mur en plaquant ma main sur sa bouche pour lui intimer de se taire. Ses sanglots ruissellent sur ses joues et elle porte une main à ma taille pour s’ancrer à la réalité. De larges traînées de sang maculent mes vêtements – le sien – mais ça n’a pas d’importance. Pour le moment il faut juste échapper aux gardes, nous verrons après pour le reste.À tâtons je ferme à clé le cagibi sombre où je viens de nous cloîtrer, tandis que de l’autre côté de la porte, les gardes s’approchent bruyamment.C’est quitte ou double, même si je suis persuadée qu’ils ne nous ont pas vues.Les claquements de talons des officiers résonnent dans chacun de nos muscles et vrillent notre crâne. Les yeux de Nora sont si dilatés qu’elle a l’air droguée. Je presse mon corps contre le sien dans l’espoir de faire cesser nos tremblements, alors que son sang continue d’imbiber nos vêtements. Le bruit des voix étouffées nous parvient et je perçois dans le regard d
Ne pas réfléchir. Ne pas considérer. Oublier qu’il y a une gamine en train de crever dans un placard à balais. Oublier que le cadavre troué de Leïa m’a regardée m’éloigner dans ce magnifique dédale opalin. Et le soleil, toujours à me narguer avec ses rayons chauds dardés sur moi. Je pleure parce que je ne peux plus arrêter, je pleure parce que je n’ai pas le droit de faire autre chose pour le moment.Je dois me rendre aux cuisines.J’ai besoin d’en parler à quelqu’un, de cracher tout ce que j’ai sur le cœur. C’est con: je n’ai pas le temps pour ça, je devrais courir de toutes mes forces vers la cuisine, mais mon cœur clopine, mes souffles s’égarent, mes pensées divaguent. Je pose une main contre le mur, laisse les traces rougeâtres de la vie de Nora sur les vitres. Je m’en fous qu’on me pourchasse. Je m’en fous qu’on me coure après et que le diable soit à mes trousses. <iMessage: Ellis>—Nora laissée. Cuisine dans cinq minutes
Bonjour, bouche de fusil.Je lève les mains en l’air et lâche le couteau. Je me rends. C’est bon, j’ai assez joué à la fugitive.On est dans ce qui semble être un garage, une sorte de sous-terrain humide. J’aperçois des camions garés derrière les soldats, alors que l’un d’eux détache des menottes de sa hanche et m’ordonne de sortir.—Gardez bien les mains en l’air.Je m’exécute du mieux que je peux, même si je tremble de tous mes membres. Il m’ordonne de me tourner et je prends conscience que je vais mourir ici. Ils vont me déchiqueter, ouvrir mon crâne, bousiller le reste de l’héritage Wheel. J’ai envie de rire face à l’ironie de la chose, mais je ne pourrais sortir que des sanglots. Alors que je l’imagine me passer les menottes, le déchirement d’une détonation me fait tanguer.J’ai envie de vomir.Je m’arc-boute, les mains au-dessus de la tête à cause des vibrations qui retentissent dans mon crâne. Je fais un pas en avant pour me
Isaac est ensuite retombé dans les vapes. Je me suis marrée un moment sur sa phrase: si même la Rébellion ne veut pas de nous, nous sommes bien barrés. J’ai supposé qu’il s’agissait d’une pointe d’arrogance, dont il a l’air bourré. Ellis a terminé de le recoudre et s’est attaqué à sa jambe, mais à part des bleus devenus jaunes, il n’a trouvé aucune blessure inquiétante. Nous l’avons laissé sur le sol, de peur de le bouger et de rouvrir ses plaies.—Et maintenant? l’interrogé-je.—Tu n’es pas fatiguée?—Je suis morte.—Alors dormons et attendons de voir si ce con survit.Je fais le tour du propriétaire: rien à manger, pas d’eau chaude, à peine un filet de boue froide sort du robinet. Il y a bien une chambre, mais le matelas est tellement miteux que j’ai peur de dormir dessus.—Prends le canapé. Et range cette lame, soupire-t-il, ou tu vas te blesser.Je hoche la tête et la cache sous l
Parfois, je repense à son corps qui s’effondre, à son regard d’incompréhension qui me transperce. Je ne sais pas pourquoi ce souvenir remonte à la surface… Comme une tache qu’on essaie d’effacer, mais qui reste indélébile.Je mentirais en disant que ça ne me fait rien, mais j’ai l’habitude du mensonge.Ça ne me fait pas rien, mais ça ne me fait pas quelque chose non plus… Juste une ancienne cicatrice que l’on a envie de gratter, ou que l’on détaille de temps à autre, juste pour se remémorer qu’elle est là.Je me contente de regarder dans le vide, de me rappeler ses mains sur mon corps, ses lèvres sur les miennes. J’essaie désespérément de me souvenir de ce que je ressentais pour lui, de me replonger dans cet océan d’incertitudes, cette insécurité béate dans laquelle nous plonge l’amour.Je ne dirais pas que ce mot a été banni, juste qu’on ne le prononce plus vraiment. On se regarde les uns les autres, comme des fantômes errant
—D’accord As, je vais t’expliquer. De toute manière ça ne change plus grand-chose, maintenant.Je déglutis douloureusement. Il me prend de haut, me fait comprendre qu’il sait tout et que je ne sais rien. Est-ce que le Ellis chaleureux était un masque? S’ était-il forgé une personnalité pour me plaire? Dans quel but? Dans quelle optique?—Isaac ne t’a pas été attribué arbitrairement, mais le Docteur te l’a déjà dit un peu plus tôt, n’est-ce pas?—Le Docteur Healey…Je n’ai pas besoin qu’on m’explique davantage pour comprendre leur raisonnement. On m’a implanté une âme sœur faussée dès le départ et elle était censée me guider jusqu’à la Rébellion, mais pourquoi?Il peut lire en moi comme dans un livre ouvert et c’est sans surprise qu’il répond avant même que j’aie formulé la question à haute voix:—Parce que tu es la fille Wheel, que tu savais où étaient cachés les dossiers et que
Le silence m’étouffe, puis le soulagement.L’incompréhension aussi, de voir que nous y sommes finalement arrivés. Que nous en sommes là… Je ne peux pas y croire. Nous restons un long moment accroupis, le temps de reprendre notre souffle, d’oser enfin se regarder dans les yeux.—Tu… tu saignes! m’horrifié-je en voyant son bras gauche.—C’est superficiel.Il prend mon visage en coupe et plonge son regard dans le mien. Je crois que nous avons tous les deux envie de nous embrasser, de montrer au monde entier que l’amour existe. Et pourtant, je ne sais pas si je serai capable de le faire alors que Soulmates est encore dans mon cerveau. La première fois que nos lèvres se sont scellées, je ne savais pas qu’il était tatoué sur mon avant-bras et je pensais qu’il s’agissait du véritable amour.J’aimerais pouvoir en être convaincue à nouveau. J’aimerais être certaine d’être tombée amoureuse de lui pour les bonnes raisons. Déjà, sans avoir reçu
Les flammes lèchent Adrian, provoquant ses hurlements, alors qu’il disparaît de notre champ de vision en tournant à gauche. Il ne reste bientôt que les traînées noires sur le sol dans la lumière vacillante. Ils vont recommencer. Ils vont nous immoler. Je ferme les yeux et exige de l’équipe qu’on me lâche.—Putain lâchez-la! gueule Ellis. On vient à votre rencontre, on va les coincer par-derrière, tenez bon.Ellis, toujours là pour me sauver, pour réparer les pots cassés. Ellis qui n’arrivera probablement pas à temps cette fois-ci.Sauf si…Je dégaine mon flingue, lève le bras, maintiens mon poignet de la main gauche pour ne pas vaciller.—As, bouge, on recule!Des mains s’emparent de moi et je me dégage d’un coup d’épaule. De ce carrefour, sur la gauche, sortent les flammes qu’ils projettent. Elles envahissent tout le couloir pour nous acculer et nous forcer à reculer, à nous mettre à découvert. Seulement je ne reculerai
«Tire à vue», c’est le seul conseil qu’on m’a donné en me catapultant ici. J’hésite à sortir mon arme, mais ça briserait de suite ma couverture. Je n’ai pas le temps de réfléchir: il me reste dix minutes avant que les caméras de sécurité ne réalisent la supercherie.Pour le moment, la voie est libre.Je prends Isaac sur mon canal personnel, c’est lui qui va me guider jusqu’à l’ordinateur miracle.—As, tu vas prendre à droite à la prochaine intersection.—Tu peux voir s’il y a des patrouilles sur ton bidule? chuchoté-je.—Non, alors garde l’œil ouvert.—Non, je fais un colin-maillard.Il pouffe, puis le silence revient. Je déambule d’une manière que j’espère peu suspecte, en retenant toujours mon souffle à chaque fois que je passe un embranchement. Il me guide sans que j’aie besoin de râler et quand je croise un autre groupe de scientifiques, je me contente d’un petit hochement de tête en g
J’ai envie d’appeler Ellis.Je me retiens, nous sommes en mission, pas en badinage. On descend les différents étages, alors que les strates de chaque niveau nous apparaissent quand nous les dépassons. Mae reste silencieuse et moi aussi, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Elle doit être soulagée… Peut-être agacée aussi, que je sois une cible si facile. Mais polie, elle se contente de croiser les bras et d’attendre que nous arrivions en bas.L’architecture de mon être est en train de s’effondrer quand nous sortons de la cage de verre. Je fais taire les combats qui m’assaillent et garde la tête haute ; As, celle du lycée, je l’invoque, je l’implore, celle qui se moquait bien des quolibets, des œillades, des remarques déplacées. Reviens, celle qui était encore fière et forte, fais-nous l’honneur de venir sauver ce qui peut encore l’être.L’apaisement me gagne quand nous déambulons dans les rues que je connais si bien. La chaleur, le soleil, la promesse d’une ét
Jaspe est là. Oui, c’est bien lui.Lorsque son regard me transperce, je meurs un petit peu plus, je me décompose. Il va nous vendre. Il va sonner l’alerte. Il a forcément dû voir les informations. Il sait qui je suis, ce que je représente ; les entrailles de la Rébellion, l’âme des résistants, le cœur libre.Je remercie Mae d’être la femme intelligente qu’elle est: quand j’agrippe son avant-bras, elle comprend en un coup d’œil que lui et moi nous connaissons et que tout notre plan s’écroule pour une seconde, un regard, un souffle, un baiser, un amour de jeunesse.L’amour pour briser nos plans.Je retiens un rictus mauvais tandis que les secondes s’égrènent et que le temps s’effondre entre nous. La faille spatio-temporelle qui nous sépare va bientôt se réduire. Il se remettra à courir comme il l’a toujours fait, galopant à une allure folle, sans que rien n’ait d’emprise sur lui. Nous avons vécu cinq ans ensemble. Une brise. Une caresse sur nos peaux alo
J’aurais aimé bénéficier d’une nuit plus longue. Les néons clignotent à huit heures, ordre d’Harmonie pour que l’on reste en vie. Le noir, la nuit, l’obscurité encombre l’esprit à tel point qu’on ne veut plus sortir du lit, et l’on reste en boule, prostré, à penser à tout ce que l’on a laissé derrière nous. Ellis dépose un baiser sur le sommet de mon crâne et s’extirpe des couvertures en s’étirant comme un chat.—C’est un beau jour pour mourir.—Jolie référence, noté-je avant de me lever à mon tour.Case douche, puis cafétéria. La journée va encore être longue avant que l’heure fatidique n’approche, tout le temps pour Ellis de me baratiner encore un peu, de m’inspirer confiance et par la même occasion de me détourner de l’échéance.—C’est dingue que nous soyons arrivés à ce stade-là, lancé-je, un peu placidement, alors que nous sommes dans la salle informatique pour nous tenir au courant avant le départ.—C’est-à-dire?
Ellis dort. Sa respiration, calme, me l’indique sans doute possible.Je me sens mal à l’idée de ce que je vais faire, mais je ne pourrai pas vivre sans savoir. Alors j’allume le réseau du Bunker, auquel j’ai accès depuis que j’ai prouvé ma valeur. Il marche beaucoup mieux sur ordinateur, seulement je ne veux pas regarder ça au milieu de tout le monde.Je prends un long moment avant de taper les mots. Comme si rien qu’écrire son nom pouvait briser tous les barrages que j’ai érigés jusqu’ici. Peut-être bien, en fin de compte, mais si demain je dois mourir, je veux savoir.<recherche>Jaspe Wolfe</recherche>Ça mouline, le petit cercle cherche, patine un peu, d’ailleurs. J’ai presque envie qu’il plante«désolé, connexion interrompue»et on passerait à autre chose. L’angoisse me tiraille, je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver.Ou plutôt j’ai peur de ce que je vais lire.Le résultat des recher