Chapitre 3

Il s'était passé quelque chose pendant les vacances. Quelque chose que Wesley n'avait pas encore osé s'avouer mais il n'en était pas loin. Tous les jours il avait pensé à une certaines personne. Tous les soirs il avait vu son visage et il avait compté les jours où il allait le revoir. Il lui avait horriblement manqué mais pour l'instant il se disait que c'était amical. Allan était la personne dont il était le plus proche au monde après tout. Il n'avait jamais vraiment eu d'amis à part lui. Comment pouvait-il voir la différence?

Ce temps passé loin de lui rappela à Wesley à quel point il se sentait bien à ses côtés. À quel point il aimait lui parler et à quel point sa façon d'être tactile lui manquait. Cependant cette révélation eut d'autres effets. La jalousie.

Allan n'était pas que tactile avec Wesley. Ce dernier était la personne avec qui il était le plus tactile et avec lui c'était différent. Il prenait d'autres personnes dans ses bras mais ce n'était pas aussi long, pas aussi confortable. Sauf que Wesley ne le voyait pas. Tout ce qu'il voyait était qu'il n'était pas seul et cela le rendait grognon certains jours.

Quand il voyait Allan passer son bras autour du cou de quelqu'un d'autre Wesley tuait cette personne mentalement et cela se voyait dans son regard. Allan mit du temps à le remarquer mais il remarqua.

Wesley prenait des initiatives et passait lui même son bras autour des épaules ou du ventre d'Allan. Cela plaisait beaucoup à ce dernier qui devenait encore plus tactile avec son ami. Cela les rapprocha encore plus mais Allan finit par se rendre compte que Wesley faisait tout pour attirer son attention.

Quand il eut compris cela, il se braqua et ce fut lui qui évita les câlins de Wesley pour la première fois. Pourquoi se braquait-il? Parce que il refusait de l'accepter. Parce qu'il avait compris pourquoi son cœur battait plus vite quand il le voyait mais il ne voulait pas que ce soit réel.

Il était très proche de Wesley. Plus que de n'importe qui. Il ne voulait pas le perdre. Il avait peur. Il n'avait jamais tenu ainsi à quelqu'un et l'inconnu l'effrayait. Il fit donc comme si de rien n'était pas ne put s'empêcher de mettre des distances entre eux.

Wesley le sentit et l'air devint froid entre eux. Ils continuèrent à traîner ensemble mais ne rigolaient que rarement. Ils passaient leur temps à s'ignorer tout en se lançant des regards. Parfois leur attirance prenait le dessus. Dans ces moments ils riaient comme avant. Il arrivait aussi que Allan soit trop tactile avec quelqu'un au goût de Wesley et ce dernier avait redirigé ses regards froids sur Allan qui à présent les remarquait.

Quand il remarquait un regard froid il se figeait et l'air devenait encore plus froid que d'habitude.

Avec ce froid Wesley comprit aussi. Pourquoi est ce qu'il souffrait tant des silences d'Allan? Pourquoi est ce qu'il lui en voulait de mettre de la distance entre eux? Pourquoi est ce qu'il ressentait cela quand il le voyait proche d'un autre? Il savait. Il se l'était avoué. Pourtant cela n'avait aucun sens. Il avait toujours été hétéro. Enfin c'était ce qu'il croyait. Il n'avait jamais aimé personne mais il n'aurait jamais cru qu'il allait aimer un homme. Et pas n'importe lequel... Wesley finit par accepter son cœur et cela le fit encore plus souffrir.

Ses parents allaient le détester. Ils allaient le traiter de tous les noms et ne jamais l'accepter. Mais ce n'était que le cadet de ses soucis. Pour l'instant le plus dure était que Allan l'ignorait. Wesley se fichait de tout. Il voulait simplement qu'ils redeviennent proches comme avant. Et ce peut importe s'il se passe quelque chose entre eux. Il préférait leur amitié à rien de loin.

Allan aussi souffrait de cette distance. Il levait souvent le bras vers Wesley pour le serrer contre lui mais se retenait. Il s'en voulait d'avoir mis de la distance. Il se sentait bête. Pourquoi se priver si on en souffre? Allan avait toujours peur mais le vide était plus grand. Il avait perdu tous les êtres qui lui étaient chers. Il avait continué seul. Il n'aurait jamais pensé ne plus être seul. Il en avait eu l'habitude. Mais il ne pouvait pas perdre Wesley aussi. Il n'allait pas le supporter.

Aucun des deux ne savait comment aller vers l'autre alors ils continuaient de s'ignorer. Un jour Allan allait mal. Il n'avait même pas la force d'afficher un faux sourire et allait en cours tel un zombie. Wesley qui était toujours à côté de lui dans l'amphithéâtre fut très inquiet mais n'osa rien dire.

À la fin de la journée Allan sortit dans le parc et Wesley se contenta de le suivre en silence. Allan s'assit sur un banc et Wesley s'arrêta à une distance raisonnable pour lui laisser de l'intimité. Ils restèrent ainsi de longues minutes. Wesley finit par bouger. Il faisait de plus en plus froid et Allan avait oublié de mettre un manteau. Wesley retira le sien en voyant Allan frissonner et le posa sur ses épaules avec douceur.

Allan ne sursauta pas. Wesley se posta face à lui et commença à fermer les boutons avec application. Soudain Allan attrapa la main de Wesley l'empêchant de continuer à fermer le manteau. Wesley s'assit par terre face à Allan et serra sa main dans la sienne avec force et douceur à la fois.

Allan regarda Wesley dans les yeux et une larme coula sur sa joue. Sans que Wesley eut le temps de comprendre ce qu'il se passait il se retrouva dans les bras d'Allan qui le serrait contre son torse avec force comme s'il s'accrochait à une bouée.

«C'est son anniversaire... chuchota Allan et sa voix se brisa.»

Le cœur de Wesley se serra. Allan n'eut pas besoin d'en dire plus. Il lui rendit son étreinte et ils restèrent ainsi de longues minutes jusqu'à ce qu'Allan se calme.

Quand cela arriva Allan relâcha légèrement Wesley de son emprise mais le garda quand même près de lui. Les visages des deux jeunes hommes étaient à quelques centimètres l'un de l'autre et leurs cœurs s'accélérèrent. Wesley pouvait sentir le souffle d'Allan sur ses lèvres et il n'avait qu'une envie. Il se pencha en avant fixant les lèvres d'Allan mais ce dernier recula. Wesley leva les yeux vers ceux d'Allan surpris et horriblement déçu. Il fut extrêmement soulagé quand il vit la lueur avec laquelle brillaient les yeux du jeune homme. Allan sourit de façon malicieuse avant de se pencher à son tour pour sceller leurs lèvres.

Le baisé avait été doux au départ mais il devint de plus en plus passionné. Tout fut dit avec ce baisé. Allan s'était excusé d'avoir été froid et Wesley lui avait pardonné. Allan avait révélé à Wesley qu'il était unique à ses yeux et Wesley s'était excusé pour ses regards sombres.

Les garçons finirent par se séparer hors d'haleine. Ils collèrent leurs fronts et leurs sourirent arrivaient jusqu'à leurs oreilles. Ils rirent de bon cœur et s'embrassèrent de nouveau quelques fois.

Suite à ce jour il en était fini du froid. Les deux garçons étaient redevenus tout aussi proches qu'avant et même encore plus. Ils se tenaient la main, se faisaient des câlins, riaient, se disaient tout, s'aimaient...

Attention si vous voulez une fin heureuse arrêtez vous là.

Leur bonheur attira l'intérêt des autres qui je semblaient pas enjoués à l'idée de voir deux hommes s'aimer. Des photos furent prises et on les fit circuler. Allan ne se fit plus invitée en soirées et où qu'ils allaient ils se faisaient remarquer. Au départ Allan s'en fichait. Il ignorait les regards et se contentait d'être aimé. Sauf que Wesley était critiqué et cela le touchait.

Les garçons ne comprenaient pas pourquoi les gens en faisaient tout un plat. Ils n'étaient pas le seul couple de l'établissement et pourtant c'était comme s'ils faisaient quelque chose d'alarmant.

On les bousculait dans les couloirs, leur envoyait des insultes ainsi que des menaces de mort. Wesley avait peur de dormir. Il ne se sentait plus en sécurité même loin de ses parents.

Un jour Allan réussit à rassurer Wesley et le convainc d'aller à un rendez-vous dans le restaurant de la ville. Tout se passa comme dans un rêve. Tout était magique. Wesley se perdait dans yeux brillants d'Allan alors qu'ils parlaient en se tenant par la main.

Soudain un groupe de l'Université entra et les remarqua. Ils auraient pu les laisser vivre. Ils auraient dû les laisser mais ils préféraient s'en mêler. Ils s'approchèrent de la table et posèrent des questions déplacées. Allan perdit son sang froid et une bagarre éclata. Sauf que cinq contre deux ce n'était pas juste. Un accident peut arriver très vite et Allan giseait au sol immobile.

Le groupe prit peur et s'enfuit tandis que Wesley se jetait sur le corps de son ami. Il posa avec douceur la main sur sa joue pour le réveiller puis le secoua de plus en plus férocement pour qu'il réagisse à ses appels. Avec un effort surhumain Allan ouvrit les yeux. Il prit la main de son amour dans la sienne et lui sourit avec douceur. Il ne lui avait jamais dit. Il n'en avait pas eu le temps. Il savait que c'était la fin et il devait choisir ses derniers mots avec soin. Il n'avait pas besoin de réfléchir longtemps. Il savait ce qu'il voulait dire et ne pouvait imaginer de plus belles dernières paroles.

«Je t'aime.»

Sur ce il expira une dernière fois et les pompiers arrivèrent trop tard pour le réanimer. Wesley sous le choc ne faisait que pleurer. Il hurlait à plein poumon et refusait de le laisser. Il voulait mourir avec lui. Il ne supportait plus la vie. À quoi bon continuer s'il ne pouvait plus être avec lui?

Wesley finit par rester en vie mais on aurait dit qu'il était mort. Il déambulait dans les couloirs tel un fantôme et personne n'osait se trouver dans son chemin. L'école ne s'en voulait pas et c'était le pire. Ils pensaient qu'ils avaient eu raison et soutenaient leurs critiques.

Il fut le seul à aller à l'enterrement. Ce fut le moment le plus dure de sa vie. Il aurait préféré des années passées enfermé avec ses parents à cela. Il aurait préféré brûler vif pour l'éternité. Il aurait préféré qu'il soit en vie...

Il n'aurait pas dû suivre Allan ce soir là. Tout était de sa faute. Il aurait dû le laisser pleurer l'anniversaire de sa grand-mère seul. Il serait en vie. Si Wesley n'avait pas croisé son chemin il serait encore en vie.

Il aurait couru à des soirées, il aurait souris et son visage se serait illuminé. Wesley s'en voulait et il avait l'impression que le monde lui en voulait aussi. Après tout il l'avait privé d'un ange qui méritait de vivre.

Allan méritait plus que lui. Il était plein de passions et d'envies. Quant à Wesley il n'avait jamais rien voulu. On l'avait toujours poussé il n'avait jamais vraiment rien fait. La seule chose qui ne l'ait jamais passionné, la seule personne qu'il n'ait jamais aimé était morte et il ne pouvait rien y changer.