Chapitre 03

Point de vue de Serena

J'ai cru pendant un instant que Bill s'inquiétait vraiment pour mon genou, mais non, il redevient un parfait crétin.

« Je suis tombée devant l'hôtel et... », je commence.

« Tu sais quoi, peu importe. Va simplement t'excuser auprès de Maman et de Doris », dit-il, sans même me laisser finir.

Et il recommence, me coupant comme si je n'étais qu'un bruit de fond. C'est tellement ridicule. Pourquoi est-ce que je continue à supporter qu'il me traite comme une moins que rien ?

Au moment où je suis sur le point de dire à Bill qu'il va être père, je m'arrête. Je ne peux pas laisser notre enfant nous voir nous disputer comme ça tout le temps. Ce n'est pas comme ça que les relations saines sont censées être. Honnêtement, je commence à penser que ce serait peut-être mieux d'élever notre bébé toute seule.

Je baisse la tête et murmure, « Je veux divorcer. »

C'est dit maintenant — impossible de faire marche arrière. Mais, étrangement, je me sens plus légère, comme si j'avais retenu mon souffle pendant longtemps et que je pouvais enfin respirer.

Puis, c'est le silence total. Bill ne dit rien pendant un moment comme s'il essayait de comprendre ce que je viens de dire. Finalement, il lâche, « Quoi ? Tu ne peux pas être sérieuse », avec un ton d'incrédulité totale.

Je regarde Bill droit dans les yeux. Il a cette expression – les sourcils froncés. « Si, tu as bien entendu », dis-je, encore plus clairement cette fois. « Je veux divorcer », j'appuie sur chaque mot, pour qu'il n'y ait aucun doute sur ce que je dis.

J'ai tout donné dans cette relation. J'ai même ravalé ma fierté pour supporter la famille de Bill. Mais soyons honnêtes, c'est irréparable maintenant. En plus, Bill a des vues sur quelqu'un d'autre. Il l'a bien montré au dîner ce soir.

Bill pousse un long soupir. Il a l'air sur le point d'exploser, mais il se retient. « Arrête de dire des conneries maintenant. »

« Il n'y a pas matière à débat, Bill. J'en ai assez », je réponds, et nous voilà engagés dans un duel de regards. Je refuse d'être intimidée.

« Tu te comportes comme une enfant, Serena », dit Bill, perdant patience. Classique Bill, pensant toujours que je suis l'immature dans nos disputes. Tu vois, il joue toujours la carte du « Monsieur PDG », comme s'il avait toujours raison. Essayer de raisonner avec lui, c'est comme parler à un mur. C'est juste exaspérant.

Mais contrairement à d'habitude, je ne peux pas le laisser gagner cette fois. « Je pense que trois ans sont suffisants, Bill... »

Allez, c'est parti — toutes les merdes que j'ai dû supporter de Bill et de sa famille. Il est temps que je lui dise à quel point je me sens rabaissée quand sa famille me traite comme si j'étais juste son assistante qui en veut à son argent. Et Bill, qui ne me consacre pas de temps, qui flirte même avec Doris juste devant moi...

Alors que je prépare mon discours dans ma tête, le téléphone de Bill sonne. Oh mon Dieu, quoi encore ?

Bill décroche, mais il me regarde toujours. « Maman ? » répond-il.

Bien sûr, il fait encore passer les autres avant moi. Pendant que Bill est au téléphone, j'ai déjà oublié la tirade que je préparais il y a quelques minutes.

« D'accord, Maman. Au revoir », dit Bill, et il raccroche. Je le fusille du regard, bouillonnant de colère. Je connais bien sa tactique. Il ne va pas me laisser finir ce que j'allais dire.

« Je dois m'occuper de la proposition pour Johnson et Haines Inc. demain », explique Bill. « Maman l'a regardée et a dit que ce n'était pas assez bon. »

Même si je veux lui dire ce que je pense, j'ai entendu au dîner que ce contrat avec Johnson et Haines Inc. vaut des millions. Je ne peux pas me permettre de perturber Bill maintenant. Je lui en veux toujours mais je ne veux pas qu'il ait l'air mauvais devant ses investisseurs. « Eh bien, arrange cette fichue proposition », dis-je. « J'attendrai ici. »

Bill croise les bras, semblant réfléchir à mon prochain mouvement. C'est comme si chaque conversation avec lui était une partie d'échecs, et qu'il devait toujours gagner.

« Je ne pense pas qu'on ait besoin d'avoir cette conversation à nouveau », dit-il, gardant un regard sévère. « Écoute, excuse-toi simplement, et on pourra tous passer à autre chose. Et oublions que tu as mentionné... le divorce. »

La façon dont il dit le mot 'divorce', c'est comme s'il se moquait de l'idée. Il ne me prend pas du tout au sérieux.

« Tu es un connard, tu le sais ça ? » je marmonne, ma voix tremblant de rage. Les larmes me montent aux yeux.

« Ouais, je l'ai déjà entendu celle-là », dit Bill, me balayant d'un revers de main. « Allons nous coucher. On est juste fatigués tous les deux. »

Bill étudie mon visage pendant que je reste silencieuse. J'évite de laisser mes larmes couler devant lui ; ça ne ferait que nourrir son ego. Il finit par partir et se dirige vers notre chambre.

J'ai demandé à Anne la clé d'une de nos chambres d'amis. Je ne partagerai pas son lit ce soir. Le sexe ne va pas arranger ce mariage.

Je pose ma tête sur l'oreiller et pense à tout ce que j'ai sacrifié pour faire fonctionner les choses avec Bill. Je mentirais si je disais que je ne l'aime plus. Mais il y a une limite à ce que je peux supporter.

On s'encourageait toujours à donner le meilleur de nous-mêmes. J'aimais sa passion pour son travail, et il s'intéressait aussi au mien. Mais les choses ont changé après notre mariage. Je l'ai laissé prendre le contrôle de ma vie. C'était peut-être en partie ma faute.

Il dit : « Tu n'as plus besoin de travailler. Je prendrai soin de toi. » Et il l'a fait — il s'est assuré que j'aie toutes les choses luxueuses que son argent pouvait acheter. Mais quand il s'agissait de montrer de l'amour et de donner de l'attention, il était plutôt avare.

Bill a raison... Je suis fatiguée. Je ne peux plus continuer à lui pardonner de faire le strict minimum. En fait, j'ai pensé au divorce depuis un moment maintenant. Mais pour lui, tout ça semble être une grande blague.