LaurieJ’ai écouté les conseils de Monsieur Knight et je n’ai pris qu’un petit sac pour l’avion. Dans ma chambre, j’étale tout sur mon lit pour préparer mon départ. Le plan, c’est de repasser rapido récupérer mes affaires avant de filer à l’aéroport. Ce matin, une grosse réunion se prépare pour boucler les derniers détails de notre projet et peaufiner ce qu’on doit présenter au client. Jusqu’ici, tout semble rouler. Je m’adapte, j’essaie de me fondre dans la masse. Bien sûr, je ne maîtrise pas encore tout – ça fait seulement deux jours que je suis là –, mais j’apprends vite. J’ai toujours appris vite.J’arrive avant Monsieur Knight et monte direct dans mon bureau. Je pose ma veste sur le dossier de ma chaise, fidèle à mon petit rituel : j’allume mon ordinateur et jette un œil à mes mails. Pour l’instant, rien de sérieux, pas encore de vrai courriel pro. Faut dire, deux jours, c’est court pour devenir la star de la boîte. Comme tous les matins, Monsieur Knight débarque à son tour, me s
LaurieJe repose la tasse un peu trop fort, et le bruit résonne dans la salle. Monsieur Knight fronce les sourcils, mais je fais mine de rien, le nez dans mes notes. Mon cœur cogne, pas juste à cause du café. Est-ce que c’est lui ? Non, ça peut pas être le même Alexander. Mon Alexander était un gamin maigrelet avec des yeux tristes et des rêves trop grands pour l’orphelinat. Celui-là, c’est un homme en costard, avec une autorité qui remplit la pièce. Pourtant, ce regard… il y a quelque chose, une lueur familière qui me tord les tripes.La réunion se termine enfin. Les collaborateurs commencent à rassembler leurs affaires, et je reste là, immobile, à fixer ma tasse vide. Monsieur Knight s’approche, sa voix basse brisant le silence :— Laurie, tout va bien ? Tu as l’air… ailleurs.Je lève les yeux, croise les siens, et pendant une seconde, je cherche une trace de cet Alexander d’autrefois. Mais je me reprends vite, un sourire crispé aux lèvres.— Oui, oui, juste fatiguée. Trop de café,
LAURIEJe ris doucement en réalisant l’absurdité de la situation. Me ressaisissant, je m’installe pour méditer un moment, comme pour faire le vide. C’est vraiment du grand n’importe quoi, mais au fond, ça me fait sourire. Finalement, je me lève, quittant cette parenthèse et retournant dans mon bureau. Quelques tâches m’attendent encore avant de pouvoir me détendre complètement. Monsieur Knight m’a annoncé tout à l’heure qu’il me donnait mon après-midi pour me préparer tranquillement. Une idée appréciable, même si je ne suis pas encore sûre de comment je vais utiliser ce temps.Je sors du bureau, prêt à rentrer chez moi, quand Alexander émerge au même moment, sa silhouette massive barrant presque la lumière qui filtre par la fenêtre du couloir. Il me repère et s’arrête net, un sourire en coin sur les lèvres.— Ah, Laurie, tu tombes bien, je venais justement te voir, dit-il, sa voix grave résonnant légèrement dans l’espace étroit.Je le regarde, intriguée, les sourcils froncés, un friss
LaurieJe sors de chez moi, mon sac à l’épaule, l’air frais de Paris me frappant le visage, quand je vois Alexander dehors. Sa silhouette imposante est appuyée contre une berline noire garée le long du trottoir, rien à voir avec un taxi traditionnel. Il me fait signe de monter d’un geste élégant, et je m’installe à l’arrière à côté de lui, le cœur battant un peu plus fort sous son regard perçant qui semble lire à travers moi. Le chauffeur démarre sans un mot, et je réalise vite qu’on ne prend pas la direction d’un aéroport classique.— On n’allez pas à l’aéroport ? demandé-je, la voix hésitante, en tournant la tête vers lui.Alexander me sourit, un éclat amusé dans les yeux.— Un jet privé nous attend à Beauvais-Tillé, à une heure de route au nord de Paris. Un lieu discret, parfait pour ce genre d’opération, explique-t-il, sa voix grave emplissant l’habitacle.Je le regarde, étonnée, les sourcils levés, et il ajoute avec un petit rire :— Je préfère mon jet à la foule.— Mais vous par
Laurie— Premier vol, hein ? dit-il, sa voix basse, presque tendre.Je sursaute, prise au dépourvu, mais garde un visage neutre.— Peut-être, murmuré-je, évitant son regard.Il rit à nouveau – ce rire qui me trouble – et me pousse gentiment vers l’escalier.— T’inquiète pas, je serai là. Allez, monte, on a du boulot qui nous attend, ajoute-t-il avec assurance.Je grimpe les marches du jet, chaque pas résonnant comme un glas dans ma tête, mon cœur cognant si fort que j’ai l’impression qu’il va jaillir de ma poitrine. Alexander est juste derrière moi, sa présence à la fois rassurante et intimidante, et je sens son regard peser sur mes épaules. Le pilote nous salue d’un hochement de tête professionnel, et je pénètre dans l’habitacle, un espace luxueux mais étroit, avec des sièges en cuir beige et des finitions en bois brillant. L’odeur de cuir neuf et de kérosène me prend au nez, et mon estomac se noue encore plus. Je m’assieds près d’un hublot, les mains crispées sur les accoudoirs, et
.LAURIEIl se cale dans son siège, attrapant une tablette sur la table entre nous, mais je sens qu’il m’observe du coin de l’œil. Pour me distraire, je repense à son rire – ce rire qui m’a frappée dans le bureau, et encore dans le taxi. Il me hante, comme un écho du passé. Je revois l’orphelinat, ces journées grises où un garçon, mon meilleur ami, arrivait à me faire sourire malgré tout. On avait quoi, huit ans ? Neuf ans ? Il s’appelait Alex – un diminutif, peut-être, pour Alexander ? Ce rire, cette façon qu’il avait de pencher la tête… plus j’y pense, plus je me dis que c’est possible. Mais ça fait vingt ans, et les souvenirs d’enfance sont flous, déformés par le temps. Et puis, comment un gamin maigrelet de l’orphelinat aurait pu devenir cet homme, cet Alexander puissant, riche, qui voyage en jet privé ?— À quoi tu penses ? demande-t-il soudain, me tirant de mes pensées.Je sursaute, prise au dépourvu.— Rien… juste… le vol, dis-je, mentant à moitié.Il hoche la tête, mais je voi
LAURIEJe descends l’escalier du jet, mes jambes encore tremblantes sous le choc du soulagement et de la fatigue nerveuse, l’air frais et humide de New York me frappant le visage.L’aéroport privé de Teterboro, près de la ville, bourdonne d’une activité discrète : des hommes en costume discutent près d’un hangar, des valises roulent sur des chariots, et une limousine noire rutilante nous attend, moteur ronronnant doucement. Alexander marche à mes côtés, sa démarche assurée contrastant avec mes pas hésitants, et il pose une main légère mais ferme sur mon épaule pour me guider vers la voiture. Le contact me fait frissonner, et je me demande si c’est à cause de lui ou du vent glacial qui balaye la piste.— Bienvenue à New York, Laurie, dit-il avec un sourire en coin, ouvrant la portière pour moi avec une élégance naturelle. T’as survécu au vol, c’est un bon point.— À peine, murmuré-je, glissant sur la banquette en cuir crème, mon sac serré contre moi comme un bouclier.Il s’installe à c
Laurie)Je pousse la porte de ma chambre, mon sac pesant sur l’épaule, et le luxe me percute de plein fouet. Deux valises massives squattent près du lit, droites comme des soldats, impeccables, flanquées d’un bouquet de roses rouges qui éclate dans la lumière tamisée. Une petite carte dépasse, discrète mais intrigante. Je lâche mon sac, le cœur battant un peu trop fort, et m’approche. Les pétales frôlent mes doigts, veloutés, leur parfum sucré me monte à la tête – un mélange entêtant de douceur et de promesse. Je saisis la carte, l’ouvre d’un geste prudent. L’écriture est fine, assurée : « Bienvenue chez Knight Enterprises. A. »Un sourire timide me trahit, un truc fragile qui tremble sur mes lèvres. Touchée, ouais, plus que je veux l’admettre. Je pose les roses sur la table de nuit, leur rouge tranchant contre le bois sombre, et me tourne vers les valises. Mes mains hésitent, suspendues au-dessus des fermoirs. Un clic, puis un autre, et c’est l’avalanche : robes de soie qui glissent
Il tressaille, comme si mes mots étaient un coup porté à bout portant, et pendant une seconde, je crois qu’il va se refermer, comme il le fait toujours, barricadant son cœur derrière ce mur d’acier qu’il a perfectionné avec les années. Mais il ne le fait pas. Pas cette fois. Il soupire, un son rauque, presque animal, qui semble arraché du fond de sa poitrine, et s’appuie lourdement contre le mur, la tête basse, ses cheveux sombres tombant en mèches désordonnées sur son front. Dans la pénombre du couloir, sa silhouette semble plus fragile qu’à l’ordinaire, comme si le poids de ce qu’il porte menaçait de l’écraser.— Parce que je savais pas comment, Laurie, murmure-t-il, sa voix éraillée, comme s’il luttait pour faire sortir chaque mot. Amadeus… il m’a pris, il m’a façonné, et j’étais juste un gamin qui voulait survivre. Un gosse paumé, qui connaissait rien d’autre que la peur et la faim. Mais toi… toi, t’étais partout, tout le temps. Dans ma tête, dans mes rêves, dans chaque foutu coin
(Laurie)Mon reflet dans le miroir de la salle de bain est un désastre – lèvres gonflées, joues rouges, cheveux en bataille. Je me passe de l’eau froide sur le visage, mais ça efface pas la brûlure du baiser d’Alexander, ce moment dans les archives où tout a basculé. Je veux le haïr pour ça, pour m’avoir touchée comme si j’étais à lui, pour avoir reculé comme si j’étais une erreur. Mais mon cœur bat encore trop fort, et mes doigts tremblent en serrant le bord du lavabo. Je suis furieuse, contre lui, contre moi, contre cette faiblesse qui me pousse à vouloir plus, malgré tout ce qu’il m’a fait. Je ferme les yeux, revois ses lèvres sur les miennes, son souffle rauque, et je grogne, frappant le mur du plat de la main. Reprends-toi, Laurie.Je retourne à mon bureau, évitant les regards des collègues, mon tailleur froissé comme une preuve de ma déroute. Alexander est introuvable, probablement enfermé dans son QG au dernier étage, à jouer les rois intouchables. Tant mieux. Je veux pas le vo
De retour au bureau après Londres, je me noie dans le travail pour fuir les souvenirs. Alexander, son bras autour de moi, sa voix rauque disant « T’es pas seule ». Ces mots me hantent, me déchirent. Je ne peux pas craquer, pas pour lui, pas après ses accusations, ses doutes. Alors je l’évite, me cache derrière mon tailleur gris, mes lunettes, mes dossiers. Mais la photo me poursuit, implacable.Cette femme. Son regard glacial, son lien avec l’orphelinat. J’ai passé la nuit à fouiller des archives en ligne, et un nom a surgi : Elena Kessler. Assistante d’Amadeus, disparue dans les années 90 après un scandale. Rien de solide, mais assez pour me convaincre qu’elle est au cœur de tout – peut-être liée à Stahl, peut-être à moi. Je veux en parler à Alexander, mais Londres m’a laissée à vif. Sa chaleur, son souffle – c’est trop risqué. Alors je creuse seule, un secret comme une forteresse.Ce midi, je m’enferme aux archives, un sous-sol où la poussière étouffe tout. Je fouille des boîtes, ch
Je prends mon téléphone, hésite. Je devrais appeler Marc, lui parler d’Elena, mais mes doigts tremblent. Alexander. Je revois ses yeux, sa colère, sa chaleur. Il sait quelque chose, lui aussi, mais il ne me fait pas confiance. Et moi, est-ce que je peux lui faire confiance ? Pas après ce baiser, pas après cette trahison.Je repose le téléphone, me lève, et retourne aux archives. Seule. Si Elena est la clé, je la trouverai, avec ou sans lui. Mais au fond, je sais que ce n’est pas juste Elena qui me pousse. C’est l’orphelinat. C’est moi. Et quelque part, dans ce chaos, Alexander est devenu une partie de l’équation, que je le veuille ou nonLe ciel de Paris est un linceul gris, un miroir de la tempête qui fait rage en moi. De retour au bureau après Londres, je me noie dans le travail pour fuir les souvenirs de cette nuit. Alexander, son bras autour de moi, sa voix murmurant « T’es pas seule ». Ces mots me hantent, me terrifient. Je ne peux pas me permettre de craquer, pas pour lui, pas a
LAURIEParis s’étend sous un ciel gris, un voile de plomb qui reflète le chaos dans ma tête. De retour au bureau après Londres, je me noie dans le travail pour échapper aux souvenirs de cette nuit. Alexander, sa chaleur, sa voix rauque murmurant « T’es pas seule ». Ces mots tournent en boucle, me terrifient. Je ne peux pas craquer, pas pour lui, pas après ses accusations, ses regards qui me dissèquent. Alors je l’évite, me barricade derrière mon tailleur gris, mes lunettes, mes dossiers. Knight Enterprises est mon armure, mais elle craque sous le poids de la photo.Cette femme. Son regard froid, ses traits gravés dans ma mémoire. Elena Kessler. J’ai passé des heures sur Internet, fouillant des archives poussiéreuses en ligne. Assistante d’Amadeus dans les années 90, disparue après un scandale financier. Un fantôme, mais un fantôme lié à l’orphelinat, à Stahl, peut-être à moi. Je veux en parler à Alexander, mais Londres m’a brûlée. Sa proximité, son souffle contre ma peau – c’est trop.
AlexanderL’adresse que Marc avait envoyée était à une heure de route, un entrepôt désaffecté à la périphérie de la ville. Laurie et moi roulions en silence, la tension entre nous presque palpable. Les phares de la voiture perçaient l’obscurité, mais ils ne pouvaient pas éclairer les ombres dans nos esprits. Je jetais des coups d’œil dans le rétroviseur, guettant des signes de poursuite. Marc avait raison – nous étions suivis. Je le sentais, un instinct primal qui me hurlait de rester sur mes gardes.Laurie, à côté de moi, serrait ses mains sur ses genoux, ses yeux fixés sur la route. Elle avait enfilé un pull sombre et attaché ses cheveux, mais je voyais encore la fragilité de tout à l’heure, cachée sous cette armure qu’elle s’était forgée. Je voulais lui dire quelque chose, n’importe quoi pour briser ce silence, mais les mots me manquaient. Qu’est-ce qu’on dit à quelqu’un qui pourrait être à la fois ton alliée et ton ennemie ?— Tu as déjà tué quelqu’un ? demanda-t-elle soudain, sa v
AlexanderLe silence entre nous était lourd, chargé d’une tension que ni elle ni moi n’osions nommer. Laurie restait blottie contre moi, sa respiration encore irrégulière, comme si elle luttait pour chasser les fantômes de son cauchemar. Je sentais la chaleur de son corps, la fragilité de ce moment, et pourtant, mon esprit tournait à plein régime. La photo. L’orphelinat. Stahl. Chaque mot qu’elle avait lâché ouvrait une porte sur un passé que je n’étais pas sûr de vouloir affronter.— Parle-moi, dis-je enfin, ma voix plus douce que je ne l’aurais voulu. Cette femme… qui est-elle pour toi ?Laurie se redressa légèrement, s’écartant juste assez pour que je sente le vide là où elle était. Elle passa une main dans ses cheveux, évitant mon regard.— Je ne sais pas, avoua-t-elle, la voix basse. Pas vraiment. Mais quand j’ai vu la photo, quelque chose… quelque chose a cliqué. Comme un souvenir que je ne peux pas attraper.Elle se leva, marcha vers la fenêtre, ses bras croisés contre sa poitri
Partie 1 : La confrontation (800 mots)Les portes de l’ascenseur se refermèrent avec un chuintement, m’isolant dans un silence oppressant. Laurie. Son nom pulsait dans ma tête, syncopé avec le battement de mon cœur. Hier, je l’avais surprise, penchée sur ce dossier, ses doigts tremblants effleurant une photo qu’elle avait glissée dans sa poche comme un voleur. Elle croyait que je n’avais rien vu. Elle se trompait. Kessler – un nom que Marc avait lâché au téléphone – ne signifiait rien pour moi, mais Amadeus, ce spectre insaisissable, était le fil rouge de cette tempête. J’avais promis à Marc de creuser, mais Laurie était ma première piste. Elle savait quelque chose, et je n’allais pas attendre qu’elle daigne parler.Le dîner était une mascarade. Le restaurant, avec ses lustres en cristal et ses serveurs en gants blancs, ne masquait pas la tension qui nous enchaînait. Laurie triturait son risotto, ses yeux fuyants, perdus quelque part où je n’avais pas accès. Moi, je faisais semblant d
Alexander)Londres est un brouillard gris ce matin, une bruine collante qui s’infiltre sous mon col et me met les nerfs à vif. Je suis dans une salle de conférence vitrée, au dernier étage d’un gratte-ciel qui surplombe la Tamise, face à Hargrove et ses investisseurs – une bande de vautours en costard qui dissèquent chaque mot, chaque chiffre. Le contrat est sur la table, des millions en jeu, et je devrais être à fond, mon masque de PDG bien en place, chaque réponse calibrée pour les écraser. Mais je suis ailleurs. Mes yeux glissent sans cesse vers Laurie, assise à l’autre bout de la table, son tailleur gris impeccable, ses lunettes perchées sur son nez, tapant des notes avec une précision qui frôle l’obsession. Elle est là, vivante, intacte, mais je peux pas m’empêcher de revoir cette moto, ce flingue, son visage blême quand je l’ai relevée dans la cour.Je me force à me concentrer, réponds à une question sur les délais – « Quatre mois, garanti, avec une équipe renforcée » – et Hargro