Le monde autour de moi s’effondra dans un tourbillon d’ombres et de lumière, un éclat de visions floues se déversant dans mes pensées. C’était comme si chaque particule de mon être se déplaçait indépendamment de ma volonté, une sensation de détachement total du corps et de l’esprit. Je flottais dans un espace entre les dimensions, une zone de vide où tout était possible, mais où rien n’était encore défini. Le sol n’existait plus, ni les murs, ni l’air. Tout était un voile mouvant, vibrant de forces que je ne comprenais pas.Je sentais la chaleur monter en moi, comme si une énergie pure se déversait dans mes veines, brûlante et lumineuse. Mon corps semblait se reformer, chaque cellule changeant, se réorganisant sous l’effet d’une force que je n’avais jamais expérimentée. Je n’étais plus Alexandre. Pas tout à fait. La frontière entre ce que j’étais et ce que j’allais devenir se dissipait, comme si le monde autour de moi se reconfigurait selon des règles auxquelles je n’avais jamais été
La pièce autour de moi semblait revenir lentement à la réalité, comme si le voile de l’invisible se dissipait petit à petit, me ramenant au monde que je connaissais — ou du moins, un monde qui ressemblait encore vaguement à celui que j'avais connu. Mais quelque chose avait changé. Il ne s'agissait pas simplement d'une transformation physique, d’un choc mental. Non, c'était bien plus profond. Une partie de moi avait été arrachée, remodelée, intégrée dans quelque chose d'autre, d'inconnu. Et ce que j'avais vu, ce que j'avais ressenti… c'était impossible à ignorer.Je déglutis difficilement, le goût métallique de l'air me brûlant la gorge. La sensation de l’énergie qui m’avait traversé était toujours présente en moi, dans mes veines, comme une onde qui ne cessait de vibrer. Je pouvais sentir cette pulsation, ce battement, une force que je ne pouvais pas encore comprendre mais qui m’envahissait, me traversait, s’ancrant dans chaque fibre de mon être.Lefevre se tenait à quelques pas de mo
La pièce autour de moi sembla se redéfinir, la lumière froide de l'atelier de métal se mélangant à une lueur irréelle qui émanait du cercle gravé sur le sol. Je n'étais plus tout à fait moi-même, mais une forme de conscience qui s'étendait, s'éveillait lentement, consciente de chaque détail, chaque mouvement. Et pourtant, le vide qui m'entourait, cette sensation d'être pris dans un entre-deux, ne cessait de me hanter.Lefevre, toujours à quelques pas, observait chaque réaction de mon corps, chaque nuance dans mon regard. Il savait. Il savait que, même si j'avais déjà franchi la frontière, même si l'Autre m'avait déjà marqué, il y avait encore une lutte à mener. Une lutte intérieure. Un dernier bastion de résistance qui, malgré tout, persistait encore en moi. Et j'en avais bien conscience.— "Tu vas voir, Alexandre," dit-il d'une voix calme, mais chargée d'une autorité tranquille. "Ce n'est pas la fin, mais le commencement. Ce que l'Autre te réserve, tu n'en as pas encore la moindre id
Nous avancions, Lefevre et moi, dans un tunnel d’ombre et de lumière, un espace entre les mondes, où la réalité semblait se distordre à chaque pas. Les murs autour de nous se métamorphosaient en formes floues et mouvantes, comme des nuages d’encre qui se réorganisaient en une toile infinie. Il n’y avait plus de repères ici. Aucun son, aucun écho, comme si tout avait été effacé, comme si cet endroit ne faisait pas partie du temps tel que je le connaissais.Je n’avais plus l’impression de marcher. Mes pieds ne touchaient plus le sol. Je flottais, comme si l’air tout autour de moi m’acceptait, m’enveloppait dans une étreinte étrange. C’était une sensation déroutante, une sensation de suspension, où chaque respiration semblait être un effort, une concentration. Le temps lui-même semblait avoir perdu son rythme, et les secondes se dissolvaient dans un flot continu.Lefevre marchait devant moi, toujours aussi calme, les bras croisés derrière son dos. Il semblait parfaitement à l’aise dans c
Lorsque je franchis le seuil de la porte, je n’eus pas l’impression de traverser un simple passage. Non, c’était bien plus qu’un changement d’espace, plus qu’un simple déplacement dans une autre dimension. J’avais l’impression que tout mon être se distordait, comme si ma propre existence était en train de se diluer dans quelque chose de plus vaste. Une sensation étrange, semblable à celle d’un rêve éveillé, où la réalité s’efface lentement sous l’effet d’une pression invisible, m’envahit.L’air autour de moi, ou ce qui en tenait lieu, semblait plus dense, comme une brume épaisse, qui effaçait les contours de tout ce qui m’entourait. Pourtant, je pouvais voir. Non seulement voir, mais percevoir. Mes yeux n’étaient plus simplement des instruments de vision, mais des récepteurs de données, de sensations, de flux d’énergie invisible. L’espace autour de moi n’était plus délimité par des murs ou des objets tangibles. Tout était fluide, mouvant, comme si le temps et l’espace se recomposaient
À mesure que je m'approchais de la lumière, un sentiment étrange m'envahit, une sorte d'aspiration profonde. Le vide autour de moi semblait se densifier, m'attirant inexorablement. C'était comme si cette lumière n'était pas simplement un point lumineux, mais une présence, un être, une entité qui m'attendait, prête à m'englober. La brume qui m'entourait semblait s'effacer peu à peu, me permettant de voir plus nettement, mais au même instant, je perdais la sensation d'être moi-même. Les contours de ma propre existence se brouillaient, comme si je devenais une partie de ce monde fluide et mouvant.Lefevre n’était plus à mes côtés. Je n'avais pas vu quand il avait disparu, ou peut-être était-ce moi qui étais devenu aveugle à tout ce qui ne faisait pas partie de cette lumière. Seule cette lueur persistait, toujours plus brillante, toujours plus oppressante. Je n’avais plus le contrôle de mes pensées. Elles se dissipaient comme des nuages effleurés par le vent.Je m'avançais à un rythme pre
Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé depuis que je m’étais plongé dans la lumière. Le concept du temps semblait avoir disparu ici, perdu dans l’infinité de l’espace qui m’entourait. J’avais l’impression d’avoir été transporté à la fois dans un autre monde et dans un autre état de conscience. Les frontières entre mon corps et mon esprit étaient floues. Je n’étais ni moi-même ni autre, ni vivant ni mort, mais une extension de quelque chose de plus vaste.J’étais enveloppé d’une sensation étrange, une sensation de plénitude et de vide à la fois. La lumière, bien que douce, semblait parcourir tout mon être, comme une rivière de chaleur et de connaissance, me pénétrant et m’élevant en même temps. Et au-delà de la lumière, quelque chose se dessinait.J'ouvris lentement les yeux et je vis... lui. Mon frère. Ce n’était pas le frère que j’avais perdu, celui qui avait été emporté dans la violence de sa mort, ni même l’homme fragile qui m’avait laissé des souvenirs déformés de sa der
Lorsque la lumière m'engloutit, il n'y eut ni douleur ni vertige, seulement une sensation d'extension, comme si mon être s’élargissait pour se fondre dans l’univers tout entier. Tout autour de moi était calme, profond, serein. J'avais l'impression d'être à la fois ici et ailleurs, un fragment d'une vaste constellation d'âmes, flottant dans l'éternité. C'était un état difficile à décrire, un état où l'individualité se dissout dans l'Unité, où les frontières entre les vies et les morts, entre les êtres et les non-être, se dissolvent dans l'infinité du Tout.Et là, dans ce vaste néant lumineux, je sentis une présence. Elle m'était familière, une présence que je reconnaissais, mais qui était plus grande, plus ancienne que tout ce que j'avais connu. C'était la voix de mon frère, mais ce n'était plus la voix d'un homme, ni même d'une âme séparée. C'était l'écho de l'âme qui, désormais, faisait partie de l’ensemble. Une vibration infinie."Tu vois maintenant, Alexandre. Nous sommes tous des
ÉliseIl revient.Je le vois de loin, assis sur le même banc, mais aujourd’hui, il est plus proche du bord, comme s’il s’autorisait à frôler ma réalité. Il n’a pas ouvert son livre. Il ne fait même pas semblant de lire. Le simple fait qu’il soit là, à découvert, presque vulnérable, me serre le ventre.Je ne suis pas surprise. Pas vraiment. C’est comme si mon corps, avant même mon esprit, avait su qu’il reviendrait. Comme une de ces douleurs fantômes qu’on apprend à apprivoiser, qu’on cache dans un coin de la poitrine, en espérant qu’elle se taise.Il est là.Et moi, je suis là aussi.Mon fils court devant moi, la joie simple de l’enfance éclatant dans ses pas. Il lance un cri aigu en direction du bac à sable, s’arrête, regarde Samuel et, sans hésiter, lui adresse un petit salut de la main. Samuel répond d’un geste tout aussi doux. Ils se reconnaissent déjà, d’une manière que je n’ai pas encore acceptée.Je m’avance, comme on marche vers une frontière.— T’es revenu, je murmure, presqu
ÉliseIl y a quelque chose dans ses silences qui me trouble plus que mille paroles.Samuel.Ce nom tourne dans ma tête comme un écho qu’on n’arrive pas à faire taire. Je le regarde, chaque matin, assis sur ce banc. Il ne parle pas beaucoup. Il lit. Il écoute. Il me répond parfois avec un sourire doux, presque maladroit. Comme s’il avait peur que je le devine.Et pourtant, je sens bien qu’il cache quelque chose.Personne ne choisit ce banc par hasard. Pas à cette heure, pas chaque matin. Personne ne s’attarde dans le parc d’un quartier aussi gris sans raison. Et surtout, personne ne me regarde comme lui le fait… avec cette espèce de mélancolie retenue, comme s’il s’excusait d’avance de ce qu’il allait me faire.Je suis fatiguée de fuir. Fatiguée de deviner.Alors demain, je lui poserai la vraie question.Celle qui ne se camoufle plus derrière la politesse.Celle qui dit : “Qui es-tu vraiment, Samuel ?”---SamuelElle est venue plus tôt ce matin.Son fils tenait sa main, comme toujours
Élise Mais s’il est comme moi…S’il est juste un autre cœur blessé sous une autre peau brisée…Alors peut-être qu’on pourra, ensemble,changer les règles.Ou au moinsarrêter de se mentir.Ralentir le temps.Laisser nos silences se parler.Parce qu’à force de survivre,j’ai oublié ce que c’étaitd’être simplement en vie.Et si lui aussi l’a oublié…Alors peut-êtrequ’on peut se rappeler ensemble.— SamuelIl y a quelque chose dans sa manière de se tenir.Raide mais fragile.Comme une tour qu’on aurait reconstruite trop vite après un séisme.Elle me regarde comme si j’étais un fantôme.Ou pire : comme si elle m’attendait depuis toujours sans en avoir conscience.Et moi, je reste là.Assis sur ce banc que je n’ai pas choisi par hasard.À prétendre lire un livre que je connais par cœur depuis des années.Elle pense que je suis tombé sur elle par hasard.Mais rien, avec elle, ne sera jamais dû au hasard.---Je m’appelle Samuel.Enfin, ici, c’est le nom que j’utilise.Il y en a eu d’autr
— ÉliseOn m’a appris à ne pas regarder les inconnus dans les yeux.À baisser la tête.À marcher droit.À toujours avoir un trousseau de clés à portée de main, le doigt prêt à appuyer sur la plus longue en cas d’urgence.On m’a appris à survivre.Mais personne ne m’a appris à vivre après la tempête.Et depuis qu’il est là — ce garçon, cet homme, ce Samuel —, le vent recommence à souffler dans ma poitrine.Pas fort. Juste assez pour déranger la poussière.Juste assez pour que je me demande si quelque chose pourrait repousser sous les cendres.---Je l’ai vu avant qu’il me voie.Je le crois, du moins.C’est difficile à dire avec certitude, quand on passe ses journées à surveiller sans avoir l’air d’y toucher.À observer chaque visage, chaque silhouette dans le reflet d’une vitrine ou d’une flaque.À analyser le rythme des pas derrière soi, le claquement d’une portière, la direction du vent.Il a ce regard trouble.Pas menaçant, pas tout de suite. Mais trop calme pour être vraiment innoc
— Samuel (Noah)Je m’appelle Samuel.C’est ce que disent mes papiers, ce que répète mon téléphone quand j’enregistre un message, ce que j’ai appris à dire sans trembler.Samuel , Vingt-deux ans. Études arrêtées. Ancien expatrié revenu au bercail après avoir fui un passé brumeux. Une fiction cousue main.Ils ont tout préparé : un faux CV, des souvenirs fabriqués, des photos retouchées. Même un ticket de cinéma oublié dans la poche de mon manteau.Tout est là pour donner du poids à mon ombre. Pour qu’on me croie.Et pourtant, chaque fois que ce prénom résonne dans l’air, il m’écorche les tympans.Parce qu’il n’est pas moi.Parce qu’il n’est qu’un rôle.Mais dans ce rôle, je deviens invisible.Et pour eux, c’est tout ce qui compte.---Je loge au quatrième étage d’un immeuble sans charme, dans une rue où tout semble s’être figé dans une époque qu’on préfère oublier.Des escaliers trop étroits. Des murs qui transpirent l’humidité. Le papier peint s’effrite comme une vieille mémoire, et le
— NoahJe ne dors pas.Ils m’ont laissé dans une pièce sans fenêtre, avec un lit étroit, un lavabo rouillé et une ampoule qui grésille. Les murs sont d’un blanc sale, couverts de marques grises qu’on ne distingue que lorsqu’on s’attarde trop longtemps. Des ombres de gestes, des traces d’anciens occupants.Je suis allongé, les yeux grands ouverts, fixant le plafond. Il n’y a rien d’autre à faire. Rien d’autre à penser. Pourtant, mon esprit tourne à cent à l’heure.Hugo.Ce nom me revient encore et encore, comme un marteau qui cogne à la porte de ma conscience.Je revois son regard. Sa voix cassée. Sa peur.Et moi… moi, accroupi devant lui, comme un juge silencieux, l’encourageant à livrer ce qu’il ne possédait même pas.J’ai fait ça.Je serre les dents.Je ne suis pas comme eux.Je me répète cette phrase en boucle, comme un mantra. Mais chaque fois, la voix du type au sourire revient me hanter.« Tu apprends vite. »Et ce goût amer revient dans ma gorge.Je me redresse brusquement, m’a
— NoahLe retour au hangar se fait dans un silence de plomb. Le moteur ronronne, la nuit semble s’épaissir autour de nous, comme si elle voulait me dévorer avec mes pensées. Le cuir du siège grince sous mes mouvements nerveux. J’ai beau serrer la mallette contre moi, je ne sens pas son poids physique… je sens celui de ce qu’elle représente.Je repense à ce que le vieux m’a dit. Des preuves. Des noms. Mon frère voulait que tout sorte.Il voulait que tout sorte…Alors pourquoi est-ce qu’il est mort ? Pourquoi est-ce qu’ils m’ont laissé entrer, moi, sans même m’interroger ?Pourquoi m’a-t-on fait confiance si vite ?Et surtout… pourquoi est-ce que je n’ai pas fui ?Le SUV freine brusquement. On est de retour. Le hangar, toujours aussi désert, avale la voiture dans ses entrailles métalliques. La lumière blafarde des néons perce le noir par intermittence, créant des ombres mouvantes sur les murs. J’ai l’impression d’entrer dans une gueule, une mâchoire d’acier prête à se refermer. Le chauf
Nathan Je n’ai pas le temps de douter. À peine ma décision prononcée, les silhouettes autour de la table se lèvent lentement, comme si un rituel venait d’être enclenché. Le regard de l’homme au sourire carnassier s’attarde sur moi une dernière fois avant qu’il ne tourne les talons.« Suis-le. »C’est tout ce qu’on me dit. Pas de nom, pas d’explication, pas de bienvenue. Rien. Je suis un pion sur leur échiquier, et je viens d’être placé sur la première case.Le hangar disparaît derrière moi alors que je suis l’un des hommes à travers un couloir sombre, puis une autre porte, puis des escaliers en métal qui résonnent sous nos pas. Nous sortons à l’arrière du bâtiment. L’air de la nuit est glacial, mais je n’ose pas frissonner. Un SUV noir nous attend, moteur allumé. L’homme monte côté passager, sans un mot. Je prends place à l’arrière.Le chauffeur, un type massif au crâne rasé, se contente de me lancer un regard dans le rétroviseur. Pas hostile, pas curieux non plus. Juste vide.On rou
Je le suivis dans l'obscurité, mes pas s'harmonisant avec les siens alors que nous nous enfoncions plus profondément dans le bâtiment. La lumière vacillante des néons brisés et des ampoules éteintes rendait l'atmosphère plus étrange encore, comme si le temps ici s’était arrêté. Chaque recoin semblait imprégné de secrets, chaque mur, chaque écho résonnait avec la présence d'un passé que je n'étais pas censé découvrir.L'homme ne se retournait jamais, marchant d'un pas mesuré, comme s'il connaissait ce lieu par cœur, tandis que moi, chaque mouvement me rapprochait d'une réalité que je commençais à peine à comprendre. Je savais que ce que je faisais était risqué, que je m'aventurais dans un monde qui pouvait m'engloutir à tout instant. Mais l'idée de rester dans l'ignorance était bien pire.Nous arrivâmes à une porte métallique, plus solide que les autres, et l'homme s'arrêta devant, l'ouvrant sans hésitation. Il me lança un regard en coin avant de pénétrer dans la pièce sombre qui se tr