Chapitre 1

Point de vue de Sara

Les gens peuvent changer. Tout ce qu’il faut faire, c’est les placer dans une certaine situation, et ils deviendront ce que vous voulez qu’ils soient. Du moins, c’est ce que je crois fermement.

Je veux que Nickolas Reign tombe amoureux de moi. J’ai besoin qu’il veuille plus de moi. Mon désir pour lui et cette croyance en le changement m’ont conduite à signer son maudit contrat. Il me désire, mais seulement pour une chose : satisfaire sa luxure. À mon avis, il finirait par vouloir plus si je lui donnais ce qu’il convoitait.. Qu’il reviendrait encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se passer de moi.

Je suis amoureuse de Nick depuis que j’ai compris le sens de ce mot. Il m’est impossible de continuer à le voir comme ça, pour « juste du sexe », sans lui dire ce que je ressens vraiment. Une chose était sûre, ce soir, après notre conversation, son contrat ridicule allait devenir caduc. Et ça allait en mon sens.

J’inspire profondément et je sèche ma paume moite sur ma robe. Je me lève du canapé et retourne à la fenêtre pour la millionième fois, vérifiant s’il arrive.

Aujourd’hui n’est pas « notre jour », comme il aime l’appeler. C’est un samedi. Nous ne sommes pas censés nous voir ces trois jours. Mais quand je lui ai envoyé un message pour lui demander de venir, il a accepté, disant qu’il serait là à 19 heures. J’aime penser que c’est bon signe. Bien qu’il soit déjà 19h15 et qu’il n’y ait aucun signe de lui. Nick n’est jamais en retard.

Mes yeux parcourent une fois de plus le salon et la salle à manger. Cet appartement est devenu mon endroit préféré en seulement quatre mois. C’est le seul lieu où je peux être avec lui. Nous ne pouvons pas être vus par un journaliste de Paris ou un membre de la meute. Cela provoquerait un scandale. Que la déesse nous protège si le futur alpha venait à contaminer la lignée de son père en couchant avec une « moins que rien ».

Je pousse un profond soupir, écartant cette pensée troublante.

Mes yeux reviennent à l’horloge et restent fixés jusqu’à ce que cinq minutes supplémentaires s’écoulent. L’appeler est contraire à ses règles. Mais il a maintenant vingt-deux minutes de retard, et je me demande si ce n’est pas une raison suffisante pour composer son numéro. De toute façon, toute cette soirée va à l’encontre de ses règles.

J’allais attraper mon téléphone lorsque ce parfum familier de pluie sur les bois me parvient. Il est là. Ce parfum est suivi par le bruit sourd de ses pas approchant de la porte.

En jetant un autre coup d’œil à travers les stores, et je vois ses cheveux bruns ondulés en bataille avant qu’il n’atteigne la porte. Je prends une profonde inspiration et lisse ma robe m’arrivant aux genoux, me préparant à cette rencontre imprévue. La porte se déverrouille.

Nick entre et je me retrouve soudainement face à lui. Je peux sentir son impatience alors que ses yeux balaient mon corps. Mais sous cette anticipation, je décèle une chaleur qui montre clairement qu’il n’apprécie pas d’avoir été appelé un jour qui n’est pas « notre jour ».

« Salut. », dis-je doucement.

Ses yeux me scrutent encore une fois. Ce regard qui me fait vaciller. J’aime tellement ces iris gris brillants, même lorsqu’ils brillent d’impatience, comme en ce moment.

« Pourquoi suis-je ici ? Ce n’est pas mardi. », demande-t-il sèchement.

Je ressens un pincement douloureux dans mon cœur à cette question, mais je refoule rapidement ce sentiment.

« C’est le week-end, et je pensais qu’on pourrait peut-être… »

Son visage se transforme en une expression qui me fait oublier les mots que j’avais préparés. Mes mains tremblent légèrement, et je serre ma robe.

Quelque chose semble attirer son attention, et ses yeux se tournent lentement vers la table à manger, à quelques pas de là. Il avance d’un pas vers la table et demande en fronçant les sourcils : « Qu’est-ce que c’est ? »

Il y a un repas pour deux sur la table. Il sait évidemment ce que c’est. La question est rhétorique. Ou peut-être qu’il essaie de dire : « Qu’est-ce que cela signifie ? »

« C’est… de la nourriture. », balbutie-je. Ce n’est qu’à cet instant que je commence à envisager à quel point mon idée était mauvaise.

« J’ai cuisiné pour toi. Je voulais qu’on mange ensemble. », dis-je.

Nick me regarde comme si j’étais un extraterrestre.

« Tu es folle ? Tu m’as appelé pour qu’on mange ensemble ? », gronde-t-il. « Je ne suis pas ton petit ami, Sara. Tu ne peux pas m’appeler juste pour ça ! »

Ma colère monte. Je veux riposter et dire qu’il a raison. Il est plus que mon petit ami. Il est mon âme sœur. Je veux crier que j’en ai assez de me cacher, de n’être que son secret honteux. Mais mes lèvres tremblent, et je baisse la tête. Tout ce que je parviens à murmurer, ce sont des mots timides.

« Je ne pensais pas que c’était contraire aux règles… »

« C'est ça, Sara ! », rétorque-t-il violemment. « Ce qu’on a est purement sexuel. Je te l’ai dit. Tu devrais relire le contrat. Je ne te paye pas pour qu’on s’assoie et qu’on mange ensemble. Ni pour que tu m’appelles en plein travail ! »

Mon cœur se tord douloureusement quand j’entends ses mots. Il aurait pu tout simplement ignorer mon message. Pourquoi est-il venu ici pour me briser le cœur ? S’il est aussi en colère pour une simple tentative de partager un repas, comment réagira-t-il si je lui dis la vraie raison de mon appel ?

« C’est le week-end. Je pensais que tu serais libre. », dis-je.

« Eh bien, je ne le suis pas. Et je n’ai certainement pas faim. De plus, notre arrangement n’autorise rien de ce genre. » Il agite un doigt en direction de la table avec irritation.

« Je... suis désolée de te déranger. », murmure-je, perdant tout courage de dire tout ce que j’avais prévu.

Je m’attendais à ce qu’il se retourne et s’en aille, mais ce n’est pas le cas. À la place, il reste là, à me regarder. Quand je croise son regard, je remarque un changement soudain dans son humeur. L’air du soir prend rapidement cette délicieuse tension que j’ai appris à reconnaître au cours des quatre mois depuis le début de nos rencontres clandestines.

Il s’approche à pas lents et décontractés tout en retirant sa veste.

« Eh bien, puisque je suis là. » Sa voix devient séductrice. « On ne va pas laisser la soirée se gâcher complètement, n’est-ce pas, Sara ? »

Je devrais reculer loin de lui. Il me doit des excuses pour son éclat cruel et inutile de tout à l’heure. Mais je ne peux pas bouger. Sa proximité me cloue sur place, comme un sortilège.

Il a toujours ce pouvoir sur moi. Lui résister m’est impossible. C’est peut-être le lien de compagnon. D’un autre côté, c’est probablement le pouvoir brut et irrésistible qui émane de lui. Chaque alpha de notre espèce possède cette essence ensorcelante.

Lorsqu’il se penche pour réclamer mes lèvres, je fonds contre lui, abandonnant tout mon être. Le baiser commence lentement et doucement, comme s’il me taquinait, mais il devient rapidement urgent et intense. Sa langue caresse la mienne, m’incitant à me donner entièrement à lui.

Une seule pensée flotte dans mon esprit. Comment peut-il m’embrasser ainsi et prétendre que ce n’est que « purement sexuel » ?

Mais même cette pensée disparaît lorsqu’il laisse échapper le plus doux des gémissements contre mes lèvres. Bientôt, il me soulève dans ses bras, enveloppant mes cuisses autour de sa taille alors qu’il me porte dans le salon. Ses mains sur ma peau nue me font ressentir la plus divine des sensations, et je suis complètement perdue dans son toucher.

« Je veux ça. Je veux plus de lui. », supplie mon esprit.

Il me dépose sur le dos sur le canapé et dépose un léger baiser sur mon cou. Alors qu’il commence à retirer mes sous-vêtements, je fais de même avec sa ceinture, prête à tout ce qu’il veut me donner. À cet instant, peu importe si ce qu’il offre n’est que du désir. Bientôt, ses lèvres reviennent aux miennes dans un baiser sensuel tandis que sa main commence à bouger entre mes cuisses.

C’est à ce moment-là que je murmure les mots que je ne devrais jamais lui dire. Perdue dans sa présence, les trois syllabes se glissent entre nos lèvres dans un doux murmure :

« Je t’aime. »

Il se fige. Quelques secondes plus tard, il commence à s’éloigner précipitamment. Ce n’est qu’alors que je réalise ce qui vient de sortir de ma bouche.

« Je veux dire... » Il me lance un regard pour me faire taire. J’oublie l’excuse que j’allais donner. Se levant et se retournant, il commence à remettre sa ceinture tout en se précipitant hors du salon.

« Nick... s’il te plaît... »

Je le suis, me demandant quoi dire pour réparer cette petite erreur. Mais est-ce vraiment une erreur ? Ce n’est pas exactement les mots que j’avais prévu d’utiliser. Je n’aurais pas dû les laisser s’échapper comme ça.

Il arrache sa veste de la chaise de la salle à manger. Sans un regard en arrière, il sort de la maison en trombe. Lorsqu’il claque la porte derrière lui, j’ai l’impression que mon cœur vient littéralement de se fendre en deux.

***

Le mardi suivant.

Mon pouce flotte au-dessus du numéro de Nick alors que je continue à fixer mon téléphone. Si j’appuie sur le bouton d’appel, je vais enfreindre une autre de ses règles. Cela aura-t-il de l’importance ?

Cela fait trois jours depuis ma confession accidentelle et il n’a donné aucun signe de vie. Aujourd’hui, c’est notre jour de rendez-vous, mais il est peu probable qu’il se montre. L’idée d’aller à l’appartement pour attendre ne me plaît pas.

Je lui ai envoyé des messages depuis samedi soir. Il les a ignorés. Et je ne l’ai pas vu sur le campus hier. Les cours sont terminés pour la journée. Ce qui signifie que notre rendez-vous est dans deux heures.

« Hé, étrangère. », Még me donne un coup sur l’épaule, me tirant de mes pensées.

« Tu agis bizarrement. Ça va ? J’ai crié pour que tu m’attendes. », dit-elle.

« Oh, je ne t’ai pas entendue. », réponds-je.

« Tu as l’air pressé aujourd’hui. Tu cours encore des courses pour ton père, comme d’habitude ? », demande-t-elle.

« Oui. Je dois aller chercher quelque chose au supermarché. », mens-je.

C’est ma meilleure amie et ma colocataire. En tant qu’enfant de l’ancien bêta de notre meute, Még est loin d’être une simple « sous-classe » comme moi. Quand j’étais harcelée au lycée pour avoir parlé à la sœur de Nick, elle a pris ma défense. C’est ainsi que nous sommes devenues amies. Elle ne voit aucun inconvénient à être vue avec une oméga.

Lui mentir me fait me sentir affreuse, mais je n’ai pas le choix. Personne ne peut savoir pour Nick et moi, sauf si c’est lui qui le dit ou si nous devenons officiels. Si ce qui s’était passé samedi est une indication, aucun des deux ne se produira jamais.

Még glisse sa main sous mon bras alors que nous retournons ensemble au dortoir. J’ai décidé que si je ne vois pas Nick aujourd’hui, je considérerai que le contrat est vraiment annulé. Que c’est fini entre nous.

Még parle du professeur John et d’une fille de notre classe, mais je n’arrive pas à me concentrer.

« Les filles humaines sont tellement nulles. », marmonne-t-elle. « Si elle savait dans quoi elle s’embarque, elle fuirait à toutes jambes dans la direction opposée. »

Je l’ignore complètement tandis que nous marchons en direction de l’auberge. Jake, le meilleur ami de Nick, s’approche. Il est seul.

« Salut, Jake. », s’exclame Még avec enthousiasme.

« Salut, les filles. Vous avez fini les cours ? », demande-t-il.

« Oui. Où est votre futur alpha ? On ne l’a pas vu sur le campus cette semaine. »

Je voulais serrer ma meilleure amie dans mes bras pour avoir posé la question que je brûlais d’envie de poser moi-même.

« Fais attention, évite de l’appeler comme ça, Még. », avertit Jake. « Alpha Zion est toujours bien vivant. Mais comme tu l’as dit, il est l’héritier du trône, donc il n’a pas toujours besoin d’assister aux cours comme nous autres mortels. »

« Oh vraiment ? », se moque Még.

« Nous sommes en dernière année, Még. On est censés être rares ici. »

« Ah bon ? Alors pourquoi toi, tu n’es pas rare ? » Elle lève les yeux au ciel.

Il fronce les sourcils avant de répondre : « Nick est rentré chez lui à cause des affaires familiales. Tu devrais le voir demain, ou peut-être plus tard aujourd’hui. »

Je me demande ce qu’il entend par « affaires familiales ». Peut-être que sa sœur est venue d’Europe.

Après quelques bavardages et au revoir, Még et moi continuons jusqu’au dortoir.

Vingt minutes plus tard, mon taxi arrive, et je me rends directement à l’appartement où Nick et moi nous retrouvons chaque mardi.

Il m’a fallu 90 minutes, assise seule dans le grand salon, pour décider que mon instinct initial avait raison. Il ne viendra pas. Est-ce vraiment fini entre nous ?

Mais au fond, je m’y attendais. Les termes de l’accord sont clairs. J’étais prête à cela quand j’ai demandé à le voir samedi.

Enfilant rapidement mon jean et ma chemise à carreaux, je quitte notre lieu de rendez-vous secret avec un poids sur la poitrine. Il fait déjà nuit quand je retourne sur le campus.

Nick n’a pas répondu à mes appels ni à mes messages, mais le point positif est qu’il n’y aura plus besoin de se cacher avec lui. Il me rejettera quand il sera prêt, et je retournerai à ma vie tranquille. Peut-être que je le rejetterai en premier.

Il est temps de me concentrer sur mes études et de travailler dur pour garder ma bourse. Après tout, l’université est ma seule chance de réussir quelque chose de bien dans ma vie de personne insignifiante.

Quelque chose interrompt mes pensées tristes alors que je descends de la navette du campus.

Un SUV Jeep gris foncé est garé dans l’allée devant mon auberge. Ce genre de voiture est rare ici à l’université, alors je savais que c’était celle de Nick.

Mon cœur bondit à cette vue, mais mon stress ne disparaît pas. Est-il en train de m’attendre dans le hall ?

En m’approchant, j’aperçois deux silhouettes debout sur le côté, à quelques centimètres l’une de l’autre. Alors que je tente de déterminer qui elles sont, leurs traits familiers me figent sur place.

Dans l’allée faiblement éclairée, je regarde Nick poser une main sur le visage de Még et abaisser sa bouche sur la sienne. Il semble soit indifférent à son entourage, soit complètement inconscient, alors qu’il presse son corps plus petit contre le sien pour approfondir le baiser.