Point de vue de Kaïs« D'accord, explique-moi en termes simples comment tu as perdu un "vieux homme" au milieu d'une grande ville. »Ma voix est calme. D'un calme dangereux, vu la gravité de la situation actuelle.Le grand-père a disparu.Disparu. C'est exactement le mot qu’a utilisé le crétin qui se tient devant moi, la tête baissée, lorsqu'il est entré dans mon bureau il y a quelques minutes. J'essaie de faire de mon mieux pour ne pas perdre mon calme pendant les heures de travail, mais ça devient de plus en plus difficile à chaque seconde qui passe sans que je n'entende une phrase sensée de la part du crétin.Le crétin est un chauffeur engagé, servant également de garde du corps pour mon grand-père.Cela fait trois jours que le grand-père est apparu sans prévenir et ce vieux homme n'a cessé de sortir. Vu son âge et son état de santé, il est d'une énergie folle et veut toujours aller quelque part.Il a vécu dans cette ville toute sa vie, la connaît comme sa poche, et pourtant il m’a
Point de vue de LucieLe grand-père s'est évanoui à nouveau après m'avoir reconnue dans son instant de conscience.Ce n'était qu'un effet secondaire des analgésiques injectés dans la perfusion qui le relie à son corps, selon le médecin. Mais je ne le savais pas. Et donc, dès que le grand-père s’est évanoui après m’avoir appelée par son surnom préféré, j’ai crié et regardé autour de moi frénétiquement à la recherche d'un médecin.Une des infirmières est venue à la rescousse, l’a examiné avec un sourire doux et m’a dit que le grand-père allait bien, qu’il avait juste besoin de plus de temps pour se reposer à cause des médicaments.Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé depuis, mais le grand-père dort toujours profondément. Les mots de l'infirmière peuvent être rassurants, mais cela n’a pas arrêté les battements anxieux de mon cœur. Assise à côté du lit du grand-père, je surveille sa respiration, observant le mouvement de sa poitrine.J’ai peur même de cligner des yeux tant que je s
Point de vue de LucieQuelqu'un se racle la gorge, et cela rompt notre échange de regards. Je détourne le regard rapidement, reportant mon attention sur le grand-père qui semble essayer de cacher son visage derrière moi. Cela me surprend, mais je comprends vite pourquoi il essaie de se cacher quand Kaïs s'avance, les yeux durs et non impressionnés, lançant un regard noir en direction de son grand-père.« Ça va paraître fou, mais tu es privé de sortie. », dit Kaïs, la voix aussi ferme que son regard. Le grand-père cesse de se cacher derrière moi.« Tu ne peux pas me punir, j'ai 78 ans, pas 17. » Il rétorque.« Eh bien, tu te comportes comme un gamin ! Tu sais à quel point j’étais inquiet ? Comment as-tu pu disparaître comme ça en sachant comment est ta santé ? Et bien sûr, tu as fini à l'hôpital ! Tu sais à quel point c’est terrifiant ? » Kaïs est pratiquement en train de bouillir, mais le grand-père ne fait que lever la main, totalement indifférent à tout ce que dit Kaïs.Je regarde to
KaÏs se tend. Il ne me faut qu’un instant pour comprendre ce qui se passe. Grand-père n’est pas au courant du divorce, et ce n’est même pas le pire. Le pire, c’est qu’on lui a menti. C’est donc la façon de KaÏs de gérer les choses ? Évidemment, du pur KaÏs.Grand-père se tourne de nouveau vers moi : « Ma fille, tu viens juste d’arriver ? »Lançant un regard défiant en direction de KaÏs, j’ouvre la bouche pour répondre à grand-père, mais KaÏs me devance.« Si tu ne t’étais pas enfui comme un enfant, je t’aurais dit que Lucie m’a appelée plus tôt pour me dire que son vol venait juste d’atterrir. Elle devait d’abord passer au bureau. N’est-ce pas, Lucie ? »Ma bouche s’ouvre et se referme plusieurs fois. Je n’arrive pas à croire ce que KaÏs est en train de faire. Il me regarde avec des yeux qui me supplient pratiquement de jouer le jeu. Je suis incapable de mentir comme lui, mais le regard plein d’espoir de grand-père me terrifie à l’idée de briser ses illusions.Je serre les dents en rép
Point de vue de LucieAvant même d’avoir le temps de me sentir coupable d’avoir posé un lapin à Timothée toute l’après-midi, il claque violemment la portière de sa voiture, faisant trembler tout le véhicule, puis il s’avance d’un pas félin. Un grand félin en colère.Ses yeux fixés intensément sur moi, il réduit la distance entre nous en quelques secondes.« Timothée, je… » Je commence à me défendre, mais un petit cri m’échappe lorsqu’il m’attire brusquement contre lui, m’enlace et me serre fermement dans ses bras. La soudaineté de la situation me laisse sans voix.« Bon sang, Lucie. Tu me rends fou. » Il murmure près de ma tempe. Son cœur bat à une vitesse affolante et, même si sa manière de l’exprimer est inhabituelle, je peux sentir qu’il était inquiet pour moi.Il me relâche brièvement avant de commencer à inspecter mon corps avec précipitation : mes bras, mon visage, il me fait même pivoter sur moi-même.« Tu vas bien ? Tu es blessée ? Dis-moi que tu vas bien, s’il te plaît. » Il s
Point de vue de TimothéeLucie dort toujours profondément lorsque nous arrivons chez elle.J’ai déjà incliné son siège en arrière dès que j’ai entendu ses petits ronflements alors que je conduisais encore, de sorte qu’elle est bien installée et confortable. Nous sommes arrivés il y a quelques minutes, mais je n’arrive pas à me résoudre à la réveiller.Sa fatigue est évidente dans les plis de son front et la manière dont elle fronce les sourcils en dormant. Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle j’hésite. Je l’observe dormir comme un idiot, admirant les traits de son visage, de son front à la partie exposée de son cou. Ses lèvres sont légèrement entrouvertes, invitantes.Je n’arrive pas à me remettre de sa beauté. Ma main se tend vers elle ; du bout des doigts, je repousse une mèche rebelle de son visage, et elle soupire profondément dans son sommeil. Je suis si proche de toucher sa peau, ses lèvres… mais mes doigts s’arrêtent en l’air. Je les referme en un poing et les ramène
Point de vue de BéréniceLa seule bonne chose dans le fait d’être enceinte, c’est que j’obtiens toujours ce que je veux, surtout avec Kaïs. Mais à part ce petit avantage, il y a bien trop d’inconvénients pour les compter. Les nausées matinales, la bile qui me monte à la gorge dès que je vois certains aliments, les sautes d’humeur et, pire que tout, mon corps qui enfle.Je passe la journée entière nue devant le miroir, scrutant l’étendue des dégâts que cette grossesse inflige à mon corps. Chaque changement désagréable est comme un coup de poignard en plein cœur, un cruel rappel du temps où mon corps était mon plus précieux atout.J’ai dépensé une fortune pour atteindre la perfection et la maintenir. Maintenant, tout ce que je vois, ce sont des imperfections qui me rendent folle. Et le pire, c’est que je ne peux rien y faire, parce que je dois garder ce bébé. Du moins jusqu’à ce que je devienne la femme de Kaïs.Et crois-moi, garder l’enfant de Kaïs et l’épouser ne représente qu’une infi
Point de vue de LucieLes souvenirs de la dernière fois que j’étais dans la maison de KaÏs me submergent. La douleur, la peine et les larmes sont encore vives, comme si c’était hier. Je me revois traînant ma lourde valise sous la pluie, une femme brisée qui n’avait plus rien d’autre que la volonté de fuir la réalité de sa vie avant de se perdre complètement—la seule chose qui lui restait.Il m’a fallu une force immense… une volonté inébranlable… pour faire mes valises, partir et me promettre de ne jamais me retourner. Alors pourquoi suis-je de retour ? Pourquoi ai-je faibli ? Je ne peux plus reculer maintenant, pas avec grand-père qui bavarde joyeusement à côté de moi pendant que le chauffeur tente de garer la voiture dans le garage de KaÏs.« Tu sais, après trois jours dans cette maison, j’étais prêt à ajouter la dépression à la liste de mes maladies, mais je vais remettre ça à plus tard maintenant que tu es là. »Grand-père dit cela, son excitation clairement perceptible dans sa voix
Point de vue de LucieSix heures après les deux appels que j’ai passés, la voiture que Cole m’envoie arrive dans le parking souterrain de l’ancien immeuble de la société de Kaïs.Il est tard dans la soirée et le soleil se couche dans une heure. C’est exactement au moment où le lancement est censé se terminer.Le chauffeur coupe le moteur pendant que j’envoie un message, et ensemble, nous restons dans la voiture. Je regarde par la fenêtre et remarque que le garage est plein. Mon cœur bat plus vite et se réchauffe en même temps.Une minute plus tard, un coup retentit sur la vitre de la voiture.Cole se tient là, un large sourire sur le visage. Je ne peux que supposer que tout s’est bien passé au cours des six dernières heures depuis ces appels.Je sors de la voiture et il me détaille du regard. « Tu es sûre que c’est une bonne idée d’être là ? », demande-t-il, et je lève les yeux au ciel. Je sais qu’il me traite avec autant de délicatesse à cause de la grossesse dont je lui ai parlé il y
POINT DE VUE DE LUCIE [CECI PEUT SEMBLER CONFUS APRÈS LA FIN DU DERNIER CHAPITRE, MAIS LISEZ JUSQU’À LA FIN]« Ça va mal, Lucie. » — COLEJe retiens mon souffle en lisant le message de Cole qui vient d’apparaître sur mon écran. Je n’ai pas besoin qu’il m’explique en détail ce qui va mal ; je sais déjà où est le problème. C’est la raison même pour laquelle je fais les cent pas dans l’appartement que nous avons loué depuis ce matin.Mes doigts tremblent en composant le numéro de Cole à peine une seconde après avoir reçu son message. Il décroche dès la première sonnerie.« C’est à quel point mauvais ? » demandé-je, les yeux fermés et la respiration suspendue, attendant sa réponse.« Vraiment mauvais. » Sa voix est basse et feutrée, comme s’il essayait d’éviter que quelqu’un d’autre ne l’entende. « On a invité cinquante personnes pour le lancement, mais il n’y a qu’une seule personne ici… et c’est un jeune journaliste à la recherche d’un scoop rapide. C’est… c’est un désastre, Lucie. »
POINT DE VUE DE LUCIEAujourd’hui est un grand jour. J’ai du mal à contenir mon excitation alors que je me tiens devant le miroir, la douce lueur des lumières de la coiffeuse illuminant mon reflet. La robe que j’ai choisie — d'un vert émeraude profond, élégante et parfaitement ajustée — semble être le choix idéal pour cette occasion spéciale. Je veux que tout soit parfait pour la relance de la marque de Kaïs. Cette journée représente bien plus que le simple retour de son entreprise. C’est le début d’un nouveau chapitre pour nous deux.Alors que j’applique les dernières touches de mon maquillage, mon esprit dérive vers Kaïs et Cole, qui sont déjà sur place, en train de tout mettre en place. Je les imagine s’affairant, la confiance charismatique de Kaïs irradiant autour de lui son enthousiasme contagieux. J’ai hâte d’être à ses côtés, de le soutenir et surtout, de lui annoncer la nouvelle qui me brûle les lèvres depuis que je l’ai apprise.Je prends une profonde inspiration, l’air empl
POINT DE VUE DE TIMOTHÉEPendant un instant, le temps semble s’arrêter. J’ai du mal à croire ce que je vois. Des années se sont écoulées depuis la dernière fois que je l’ai vue, et le monde autour de nous devient flou. Le souvenir de son rire, de son énergie, refait surface comme une mélodie oubliée. Elle a changé — elle paraît plus forte, peut-être — mais elle est toujours cette femme qui, autrefois, avait volé mon cœur.« Salut, Timothée. » Sa voix est douce, mais ferme, et elle fait remonter des souvenirs que j’avais enfouis. Il y a dans son ton une joie sincère mêlée à autre chose que je n’arrive pas à identifier. C’est presque irréel de la voir là, après toutes ces années, aussi belle que dans mes souvenirs.Je ne peux m’empêcher de sourire, mais une douleur sourde me serre la poitrine. Elle avance vers moi, et avec elle, des souvenirs que j’ai essayé d’enterrer refont surface, me submergeant comme des vagues. Je me rappelle cette nuit-là — celle où elle s’était enivrée et m’ava
POINT DE VUE DE LUCIECela fait deux jours que nous sommes rentrés et je me retrouve à fixer l’écran du téléviseur sans vraiment le voir. Les couleurs vives du programme clignotent devant moi, mais mon esprit est ailleurs. Kaïs est occupé dans les bureaux de son entreprise, et Cole est avec lui, plongé dans le chaos du relancement de la marque. Je ne peux m’empêcher de me sentir agitée, assise ici dans ce petit appartement que nous avons loué, bien loin de la vie trépidante à laquelle je suis habituée.Kaïs a insisté pour que je prenne du repos — il dit que j’en ai déjà assez fait et que j’ai besoin de souffler. J’ai essayé de protester, de lui expliquer qu’il reste encore tant de choses à faire, mais il a gagné cette bataille avec une phrase simple, mais percutante : « Je tiens à toi, Lucie. » J’ai horreur de la facilité avec laquelle il me fait céder lorsqu’il est comme ça, lorsqu’il me montre ce côté de lui que j’aime tant. Et maintenant, me voilà coincée dans cette attente, réduit
POINT DE VUE DE KAÏSL’aéroport bourdonne autour de nous, un bourdonnement constant de voix et de valises qui roulent, ponctué par des annonces diffusées au haut-parleur. Mais debout ici, dans ce cercle — notre famille, dans son sens le plus vrai — le bruit s’estompe en un simple murmure. La main d’Annie repose chaleureusement sur l’épaule de Lucie, la serrant une dernière fois avant de l’attirer dans une étreinte. Je les observe, remarquant comment Lucie se fond dans son étreinte, ses yeux brillants, mais déterminés. Il y a entre elles un lien que les mots peinent à décrire, même si cet au revoir n’est que temporaire.Damian lâche une plaisanterie pour alléger l’atmosphère, et Mallory lève les yeux au ciel, mais je vois bien qu’elle ravale son émotion, ses mains s’agitant nerveusement. Le regard de Trent se pose sur moi, prudent, mais plus doux que d’habitude.Il y a quelque chose de différent aujourd’hui, une forme de reconnaissance peut-être, ou même un léger signe de respect. Lor
POINT DE VUE DE LUCIELe mois dernier a semblé à la fois flou et interminable. Chaque jour exige plus de moi alors que nous travaillons à relancer et rebrander l’entreprise de Kaïs, nous rapprochant ainsi du jour où nous rentrerons enfin chez nous. C’est comme reconstruire quelque chose à partir de zéro : aligner les détails, affiner notre approche et s’assurer que chaque pièce s’imbrique parfaitement.Il y a une énergie qui vibre sous tout cela, un mélange d’excitation et de nervosité qui se propage à l’équipe et à moi. Plus nous nous approchons de ce retour, plus il devient réel, chaque jour nous ramenant vers un endroit chargé d’histoire, pour lui comme pour moi. J’ai de l’espoir, nous en avons tous les deux. Mais Kaïs et moi évitons d’en parler à voix haute, comme si le fait de le dire risquait de briser ce fragile équilibre.Le bureau est en ébullition. Les designers, consultants et planificateurs se regroupent dans des réunions intenses, leurs discussions fourmillant d’idées et
« On ne peut pas appeler ça vendre si tu es en couple avec la personne, n’est-ce pas ? »Je suis perdue, incapable de comprendre ce qu’il dit.« Tu ne dis vraiment rien de sensé. »Il soupire. « Écoute, si tu veux survivre à tout prix, c’est ta seule option. Et comme je l’ai dit, tu ne vendras pas ton corps. Tu as juste besoin d’être la petite amie de quelqu’un, de sortir avec lui un moment, de lui demander de t’épouser, de l’épouser quelques années, puis de divorcer pour obtenir une pension qui pourrait représenter plus de la moitié de sa fortune, de quoi rembourser largement ta dette et me donner ce que je veux aussi. Je vais tout organiser. Tout ce que tu as à faire, c’est te rendre… disponible. »Mes yeux s’écarquillent. « Je vais donner la moitié de ma vie pour être ton pion ? »« Dis-moi, Bérénice, à quoi te sert ta vie actuellement, hein ? Quand tu es noyée sous les dettes et sous la menace constante de la mort ? C’est soit ça, soit rejoindre ces magnifiques femmes dans mes
POINT DE VUE DE BÉRÉNICELes lumières tamisées et pulsantes du club m'enveloppent alors que je mets les pieds à l'intérieur, la basse résonnant dans l'air comme un battement de cœur. C’est un monde dont je n’ai jamais voulu faire partie : bruyant, chaotique et rempli d’une énergie qui me semble étrangère et étouffante. Je prends une profonde inspiration, essayant de rassembler un peu de courage, mais tout ce que je ressens, c’est ce nœud d'anxiété qui se serre dans mon estomac.Les gens sont partout, riant, dansant, perdus dans la brume de la fumée et de la musique. Je reste maladroitement à l’entrée, me sentant comme un enfant perdu parmi des adultes qui ont depuis longtemps laissé l’innocence derrière eux.L'odeur de parfum bon marché et de sueur s’accroche à l’air et je ne peux m’empêcher de froncer le nez de dégoût. C’est à des années-lumière de l’orphelinat, où je me sentais en sécurité et aimée, même dans notre pauvreté.Je ne dis pas que je suis la fille parfaite, mais j'avai