Lysandra Je le fixe, cherchant à comprendre, mais il détourne le regard, lointain.— J’ai entendu une voix, murmure-t-il. Une voix que je connais. Une voix qui me hante.Je resserre mes bras autour de moi, sentant la tension émaner de lui.— Qui était-ce ?Il inspire profondément avant de me regarder droit dans les yeux.— Toi.Le choc me fige sur place.— Moi ?— Oui. Mais ce n’était pas… toi, ici et maintenant. C’était toi dans une autre vie. Et tu souffrais.Un frisson glacé remonte le long de mon échine.Je ne sais pas pourquoi, mais ses mots résonnent en moi avec une évidence terrifiante.— Je t’ai entendue, continue-t-il, la voix rauque. Tu m’appelais… comme si j’étais la dernière chose que tu voulais voir avant de mourir.Sa main tremble légèrement quand il la passe sur son visage.— Je crois que je t’ai perdue, Lysandra. Dans une autre vie.Une vague de panique me serre la poitrine.— Et si ça recommence… ? souffle-t-il, comme si l’idée même était insupportable.Je prends son
CielMadame Ortega nous observe un moment, puis prend une profonde inspiration.— Dans votre vie passée… Il vous voulait.Je sens Ciel se raidir à mes côtés.— Vous voulez dire… qu’il l’aimait ?Madame Ortega secoue la tête.— Non. Ce n’était pas de l’amour. C’était une obsession. Il considérait Lysandra comme sienne.Mon cœur se serre.— Il m’a tuée, n’est-ce pas ?Elle ferme brièvement les yeux avant de murmurer :— Oui. Et il n’a jamais accepté votre perte.Le silence s’abat dans la pièce.Je jette un regard à Ciel, dont les poings sont si serrés que ses jointures blanchissent.— Et maintenant ? demande-t-il d’une voix rauque.Madame Ortega repose ma main avec délicatesse.— Il veut vous ramener à lui.Je sens la terre vaciller sous mes pieds.— Il veut me posséder… encore ?Elle me regarde avec gravité.— Il n’a jamais cessé d’essayer. Et cette marque… c’est la preuve qu’il est de retour.Le silence s’installe, lourd, pesant. La révélation de Madame Ortega s’infiltre en moi comme
Lysandra — Si c’est la seule façon de te protéger, alors je le ferai.Je frémis sous la certitude brute dans sa voix.— Ce n’est pas qu’un simple rituel, Ciel. Ce n’est pas juste un sort de protection.— Je sais.Il caresse ma joue, et dans son regard, je lis une promesse.— Tu me fais confiance ?Je hoche la tête.— Oui.— Alors faisons-le.Je retiens mon souffle.— Tu es sûr ?Il ne détourne pas les yeux.— Je suis sûr de toi.Une chaleur diffuse envahit ma poitrine.Je pose ma main sur la sienne, et à cet instant, je sais.— D’accord.Un sourire fugace éclaire son visage avant qu’il ne capture mes lèvres dans un baiser lent, possessif.Notre destin est scellé.Quoi qu’il arrive, nous ne pourrons plus faire marche arrière.CielLa pièce est éclairée par la lueur vacillante des bougies. L’air est lourd, chargé d’encens et d’une énergie qui fait frissonner ma peau. Lysandra est assise en face de moi, le regard ancré dans le mien. Son visage est impassible, mais je vois la tension dan
Ciel — Je l’ignore, dis-je enfin, la voix plus rauque que je ne l’aurais voulu. Mais on ne peut pas prendre ça à la légère.Lysandra hoche la tête, mais je vois son poing se serrer sur sa cuisse.— Si c’est lui… s’il est vraiment là…Elle ne termine pas sa phrase, mais je sais ce qu’elle veut dire."S’il est revenu, alors il voudra finir ce qu’il a commencé."Un frisson me parcourt.Je gare la voiture devant son immeuble et coupe le moteur. L’obscurité de la nuit semble plus oppressante que d’habitude. Une tension sourde flotte dans l’air, comme si quelque chose nous guettait dans l’ombre.— On devrait rester ensemble ce soir, dis-je en posant ma main sur son bras.Elle tourne son visage vers moi, et dans ses yeux, je vois la peur qu’elle tente de cacher.— D’accord.Nous entrons dans l’appartement, et dès que la porte se referme derrière nous, je sens son corps se tendre.— Il y a quelque chose d’étrange…Je fronce les sourcils et scrute la pièce. Tout semble en ordre, mais une sens
Lysandra — Je… je sais, soupiré-je, baissant les yeux. Mais rester inactifs, c’est le laisser gagner. Il joue avec nos peurs, avec nos doutes, Ciel. C’est de cela qu’il tire sa force.Ciel se rapproche, prenant doucement mon visage entre ses mains. Son regard se fait plus doux, mais je vois la détermination qui brûle en lui.— Ce n’est pas de la peur qui me paralyse, Lysandra. C’est l’amour.Je cligne des yeux, surprise par ses mots. Il pose son front contre le mien, fermant les yeux un instant.— L’amour est la seule chose qui me donne encore une raison de me battre. Mais je ne peux pas perdre ce que j’ai de plus précieux. Pas encore.Il me serre contre lui, et je sens cette chaleur, cette intensité, presque insoutenable. L’amour qui brille en lui, dans chacun de ses gestes, dans chaque mot. Mais ce même amour est aussi une prison, un fardeau qu’il porte comme une chaîne invisible.— Alors, comment briser cette chaîne ? demandé-je dans un souffle, mes lèvres frôlant les siennes.Il
LysandraLa salle est silencieuse, l’air lourd de tension. Une seule bougie vacille sur l'autel improvisé, projetant des ombres dansantes contre les murs de la pièce. Chaque mouvement, chaque souffle me semble amplifier la gravité de ce moment. Ciel est là, devant moi, aussi déterminé que moi à briser ce qui nous lie. Mais il y a une part de moi qui craint la vérité.Je ne devrais pas. Je l’ai voulu, cherché, espéré. Mais à mesure que nous avançons, je sens un poids plus lourd sur mes épaules, une pression invisible qui m’empêche de respirer.— Tu es prête ? La voix de Ciel résonne dans l’obscurité, brisant mes pensées.Je hoche lentement la tête, mes yeux ne quittant pas son visage. Il y a cette lueur d'incertitude dans ses yeux, mais aussi cette résolution que je reconnais.— Oui, je suis prête. Faisons-le.Ciel s’approche de l’autel, sa main effleurant les objets disposés sur la table. Les symboles du rituel sont gravés sur le sol autour de nous, et je sais que ce que nous allons f
LysandraLa silhouette devant nous est une ombre persistante, une présence menaçante qui engloutit la lumière autour d’elle. Chaque mot qu’elle prononce résonne comme un coup de marteau frappant l’enclume de notre destinée. Mon cœur bat la chamade, mais une partie de moi refuse de céder à la terreur. Nous avons traversé trop de vies, trop de souffrances, pour que ce soit la fin. Pas maintenant. Pas ici.Ciel me serre la main, son regard empli de cette même détermination que je ressens. Il sait ce que cela signifie. Nous n’avons plus de choix. Nous devons lutter, ou tout est perdu.— Ciel, chuchoté-je, ma voix tremblante. Il faut qu'on trouve un moyen de la repousser. Elle… elle ne peut pas gagner cette fois. Pas après tout ce que nous avons traversé.Il hoche la tête, son expression dure, marquée par la douleur. Il ne répond pas immédiatement. Je sais que lui aussi sent cette même peur en lui, la même anxiété qui déchire son âme. Mais il n’y a pas de place pour la peur maintenant.La
LysandraLe calme qui suit la tempête est presque irréel. L’odeur de l’air semble plus pure, l’atmosphère moins pesante. Comme si le monde entier retenait son souffle avec nous, espérant que cette victoire, même petite, marquerait la fin d’une ère.Mais je sais qu’il n’y a pas de fin. Pas encore.Nous avons gagné une bataille, mais la guerre est loin d’être terminée. L’ombre de cette malédiction, de cette femme malveillante, est toujours présente. Et il faudra encore beaucoup de force, de courage et de sacrifice pour la détruire définitivement.Je me tourne vers Ciel, qui se tient près de moi. Son regard est plus doux, un éclat de lumière dans ses yeux que je n’avais pas vu auparavant. Il semble… en paix, pour la première fois depuis que nous avons croisé cette route tortueuse.— Nous avons réussi, dis-je d’une voix faible, presque incrédule.Il hoche lentement la tête.— Oui. Mais ça ne fait que commencer, Lysandra. Il reste encore tellement de choses à comprendre.Je sais qu’il a ra
LysandraL’aube se lève lentement, teintant le ciel de nuances douces, trop paisibles pour ce que je ressens à l’intérieur. Mon corps est encore brûlant de sa présence, mes lèvres portent la trace de ses baisers, et pourtant, une peur sourde s’accroche à mes entrailles.Ciel dort, son souffle calme, son bras autour de ma taille comme s’il avait peur que je disparaisse. Mais ce n’est pas moi qui fuis.C’est lui.Et ce matin, je refuse de le laisser partir sans avoir mis des mots sur ce qui nous consume.Je me redresse lentement, le cœur battant plus fort que je ne le voudrais. Il grogne légèrement, ses cils frémissent avant qu’il ne cligne des yeux.— Lys…Sa voix est rauque de sommeil, son bras cherche à m’attirer contre lui, mais je ne bouge pas.— On doit parler.Il se fige. Juste un instant. Puis, il pousse un soupir avant de se redresser, s’appuyant sur un coude.— Ça sonne grave.— Ça l’est.Il passe une main dans ses cheveux, visiblement en train de peser ses mots. Je ne lui lai
LysandraCiel dort. Enfin.Son souffle est irrégulier, comme s’il luttait encore contre quelque chose dans son sommeil. Je pourrais passer la nuit à le regarder, à veiller sur lui, mais la tension dans mon corps est insupportable.Je sors.L’air est froid, tranchant. La mer est calme, mais le silence est trompeur. Tout est toujours sur le fil.Comme nous.Je serre mes bras autour de moi. Je devrais être soulagée. Ciel est là. Il est vivant. Pourtant, une angoisse sourde me ronge. Comme si rien n’était réellement terminé.— Tu comptes rester dehors toute la nuit ?Je sursaute.Ciel est sur le seuil, torse nu, une couverture jetée sur ses épaules. Ses yeux sombres me sondent.— Tu devrais te reposer, dis-je doucement.— Toi aussi.Il s’avance lentement. Son visage est fermé, mais son regard brûle.— Je n’y arrive pas, murmuré-je.Il s’arrête juste devant moi.— Pourquoi ?Je détourne les yeux.— Parce que j’ai peur.— De quoi ?— Que tu disparaisses encore.Il pose une main sur ma nuque
LysandraLes jours passent, mais quelque chose s’est brisé en lui.Je le vois. Je le ressens.Ciel ne parle presque pas. Il est là, physiquement, mais son esprit semble toujours perdu dans cet espace entre la vie et la mort. Il dort peu, et quand il ferme les yeux, c’est pour se réveiller en sursaut, tremblant, le souffle court.Je ne pose pas de questions.Je sais ce que c’est.Je sais ce que c’est d’avoir vu l’autre côté et d’en être revenu avec des cicatrices invisibles.Mais ça me tue de le voir ainsi.Alors, aujourd’hui, j’ose.— Viens avec moi.Il lève un regard fatigué vers moi.— Où ?— Juste… viens.Il hésite, puis hoche la tête.Je l’emmène hors de la chambre, hors de ces murs qui semblent l’étouffer. Je l’emmène là où le vent est frais, là où l’air sent autre chose que l’odeur sterile des draps et du désinfectant.Il marche lentement, comme si son corps ne lui appartenait plus tout à fait.Quand nous atteignons la plage, il s’arrête.Le ciel est gris, l’océan agité, mais mo
LysandraLe silence.Il y a ce silence, lourd, oppressant, entre nous.Ciel dort. Enfin, il s’est assoupi, épuisé par la douleur et les jours d’inconscience. Sa main repose toujours dans la mienne, et je me surprends à en suivre du doigt chaque ligne, chaque relief. Comme pour me convaincre qu’il est là. Vraiment là.La peur ne m’a pas quittée.Elle est là, tapie dans l’ombre, prête à bondir au moindre signe de faiblesse.Parce que je sais.Je sais qu’il revient de loin. Trop loin.Son souffle est calme, mais son visage est marqué. La fièvre l’a quitté, mais son corps porte encore les stigmates de ce combat silencieux.Et moi ?Je suis là, prisonnière de ce moment, incapable de me détacher de lui.La porte s’ouvre doucement derrière moi.Je me retourne et croise le regard d’Isolde.— Il dort enfin ? murmure-t-elle.J’acquiesce, incapable de parler.Elle s’approche, pose une main sur mon épaule.— Tu devrais te reposer aussi.Je secoue la tête.— Je ne peux pas.Pas maintenant. Pas tan
LysandraCiel dort.Son souffle est plus régulier. Sa main repose toujours dans la mienne, et je ne peux pas me résoudre à la lâcher.La pièce est silencieuse, troublée seulement par la respiration lointaine des vagues qui s’échouent contre les rochers.Depuis combien de temps suis-je assise là ?Les heures se sont effilochées dans l’attente, mais mon cœur refuse de se détendre. Chaque battement est un rappel brutal de ce que j’ai failli perdre.Je n’ai jamais eu aussi peur.Pas même lorsque tout a basculé, lorsque j’ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même.Parce que cette fois, ce n’était pas moi.C’était lui.Et l’idée de perdre Ciel…Un frisson me parcourt, comme si mon propre corps refusait d’envisager cette pensée.— Tu devrais te reposer.La voix grave me fait sursauter.Je me retourne et trouve Elijah, adossé au mur, les bras croisés. Il a cet air à la fois sévère et soucieux qu’il prend toujours quand il me regarde trop longtemps.Je secoue la tête.— Je ne peux pa
LysandraLe silence après l’orage est toujours plus terrible.Ciel a rouvert les yeux, a murmuré quelques mots, mais son souffle est encore si fragile que je n’ose pas me réjouir. Il oscille entre conscience et inconscience, comme suspendu au bord d’un précipice.Et moi, je suis là, incapable de détourner le regard.Nova et Nash font tout ce qu’ils peuvent. Ils nettoient, suturent, appliquent des compresses imbibées de plantes que je ne connais pas. Je devrais leur faire confiance, mais je n’y arrive pas.— Il va s’en sortir ?Ma voix tremble malgré moi.Nash ne répond pas tout de suite. Il termine de bander la blessure de Ciel, son expression grave.— On a stabilisé l’hémorragie. Mais il a perdu beaucoup trop de sang.— Ça veut dire quoi ?— Que les prochaines heures seront décisives.Un poids s’abat sur ma poitrine.Les prochaines heures.Je les compte déjà. Je m’imagine à chaque minute guetter le moindre changement dans sa respiration, scruter le moindre mouvement de ses paupières.
LysandraL’eau scintille sous les premières lueurs du jour, mais je ne vois rien.Tout ce qui compte, c’est la main glacée que je serre entre les miennes.Le souffle de Ciel est si faible que chaque seconde qui passe me semble être la dernière.Je devrais prier. Supplier. Mais les dieux ont tourné le dos à ceux comme nous depuis longtemps.Alors je me contente de murmurer son prénom, encore et encore.Calloway est en vue.Un port de contrebandiers, un repaire pour ceux que la mer a brisés.— Préparez-vous à accoster ! crie Kael.Je l’entends à peine.Quand le bateau tangue légèrement en s’approchant des quais, je serre les dents. Chaque mouvement me rappelle que le temps nous est compté.Nova est déjà en train d’attraper son sac de soins, mais elle sait autant que moi que ce qu’il lui faut dépasse ce qu’elle peut offrir.— On va devoir le porter, dit-elle.— Je m’en occupe.Ma voix est plus tranchante que je ne l’aurais voulu.Je passe un bras sous ses épaules, un autre sous ses jambe
Lysandra— Non !Mon cri se perd dans le vacarme. Je me précipite vers Ciel, mes jambes brûlantes d’effort, mes poumons en feu. Le sang s’écoule sous lui, tachant les pavés déjà souillés. Une balle logée quelque part dans son torse, trop près du cœur.— Ciel !Je tombe à genoux à ses côtés, mes mains cherchant désespérément la blessure, pressant la plaie pour ralentir l’hémorragie. Son regard se pose sur moi, fiévreux, mais il reste conscient.— Lysandra…— Ne parle pas.Ma voix tremble. Je ne peux pas le perdre. Pas maintenant.— On doit bouger ! crie Kael derrière moi.Les derniers hommes encore debout nous encerclent. J’attrape mon arme d’une main, déterminée à ne laisser personne l’approcher. Nova abat un homme à ma droite, Kael tire sans relâche, couvrant notre retraite.— Lys, il faut qu’on parte !Mais je refuse de lâcher Ciel.Il tressaille sous moi, sa respiration saccadée.— Tuez-les tous, rugit une voix derrière nous.Le chef ennemi.Je lève les yeux. Il s’avance, un sourir
LysandraLe vent marin s’est chargé de cendres et de sang. L’odeur est âcre, poisseuse, et pourtant, elle n’a rien d’inhabituel. Je suis accroupie derrière un amas de débris, mon souffle contrôlé, ma lame encore tiède de la dernière vie que j’ai prise. Mes doigts la serrent plus fort que nécessaire.Le silence après une bataille est toujours le plus étrange. Juste après l’explosion, le chaos, les hurlements, il y a ce vide absolu. Comme si le monde retenait son souffle, comme si la mort elle-même observait, satisfaite.Nova sort de sa cachette le premier, essuyant son front d’un revers de main. Il nous jette un regard rapide, analyse la situation, et murmure :— On doit bouger.Ses mots sont inutiles. On le sait. Ciel, lui, est déjà en mouvement, ses pas légers, ses gestes précis. Kael descend du toit et atterrit souplement, ses yeux fixés sur les corps à terre.— Ils avaient des renforts. Pas loin.Je hoche la tête, mon cœur reprenant un rythme plus violent. On n’a pas le luxe de s’a