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Chapitre 0003

Auteur: Cola
Yanne a esquissé un sourire en coin, relevant fièrement le menton.

« Alors, rentrons. Ce n’est qu’une serveuse. Mes parents s’occuperont d’elle après la fête. »

L’eau glaciale s’est infiltrée dans mon nez et ma bouche. Mon corps, vidé de ses forces, s’est laissé emporter au fond de la piscine.

Juste avant de sombrer, j’ai entendu la voix de mon père résonner quelque part au-dessus de moi :

« Merci à tous d’être venus célébrer l’anniversaire de ma chère et unique fille … »

-

Après ma mort, mon âme est restée piégée dans ma maison.

Je les ai observés, mes parents, confortablement installés dans leur salon.

« Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu Yvette. Elle aura dix-huit ans bientôt, il faudrait qu’on la fasse revenir. On pourrait organiser quelque chose. »

« Cette gamine est vraiment ingrate. Elle ne répond même pas quand on l’appelle. Si elle est morte quelque part, tant mieux ! »

Mais papa, maman, je suis déjà morte.

Je suis morte une nuit glaciale d’hiver, noyée dans la piscine, ici même, chez nous.

Je n’atteindrais jamais mes dix-huit ans.

Je me suis rappelée, pourtant, d’un temps plus doux. Une époque où la vie de famille était simple, sans ces éclats de luxe.

C’était quand mes parents n’avaient pas fait fortune. Je me souvenais que les jours étaient encore difficiles, mais papa m’avait acheté une poupée en édition limitée, juste parce que je lui avais dit que je l’aimais. À cette époque, je rêvais d’une vie comme celle de mes poupées : être belle, porter de jolies robes, vivre dans une grande maison.

Puis, l’argent est arrivé. Beaucoup, trop peut-être.

Mes rêves sont devenus réalité : une immense maison, des vêtements splendides et l’amour de mes parents … jusqu’à ce qu’ils adoptent Yanne.

À partir de ce moment-là, je n’ai plus été qu’une ombre.

Je n’étais plus leur fille. Yanne a pris ma place. Et moi, je suis devenue une étrangère dans ma propre maison.

Pendant trois mois, ils attendaient toujours que je les appelle.

Mais bien sûr, je ne l’ai jamais fait, je n’aurais jamais fait.

Ils avaient envisagé de venir me chercher eux-mêmes à l’école, mais à chaque fois qu’ils s’y rendaient, Yanne leur trouvait une excuse pour les en dissuader.

« Chéri, Yvette n’a toujours pas donné de nouvelles ? J’ai vérifié ses comptes, elle n’a même plus un centime. Tu crois qu’elle fait quoi, maintenant ? » a dit mère.

« Elle doit être dans le lit de quelqu’un, à vivre aux crochets des autres. »

« Papa, maman, ne parlez pas comme ça de ma sœur. Elle est juste un peu têtue, mais elle reviendra, c’est sûr. »

« Yannie, arrête de la défendre. Tu es bien plus responsable qu’elle ne l’a jamais été. Elle, c’est une égoïste, une vraie ingrate ! »

-

Aujourd’hui, c’est mon anniversaire.

Mes parents ont préparé un gâteau tôt ce matin.

Maman a passé la matinée à cuisiner mes plats préférés, tout en composant, encore et encore, mon numéro. Mais son téléphone lui renvoyait toujours le même message : ligne hors service.

De son côté, papa avait commandé un cadeau juste pour moi : une poupée, semblable à celles qui m’avaient fait rêver petite fille.

Mais au fil de la journée, ils ont dû se rendre à l’évidence : je ne rentrerais pas.

Pris d’une colère mêlée d’angoisse, mon père s’est précipité à l’école. Là-bas, il a découvert la vérité : je n’avais pas franchi les portes de cet établissement depuis plus d’un an.

Même les enseignants pensaient que j’étais orpheline et ne s’étaient pas souciés de ma disparition.

Puis, tout s’est éclairé quand il a reçu une liste des bénéficiaires d’un fonds de traitement pour le cancer. Mon nom se trouvait tout en haut.

Pris de panique, papa a traversé la ville en brûlant tous les feux rouges pour atteindre l’hôpital.

Là, le médecin-chef l’a accueilli avec une expression incrédule.

« Pardonnez-moi, quel lien avez-vous avec Yvette Gatel ? »

« Cette pauvre fille … elle n’avait même pas de quoi payer ses traitements. En plein hiver, elle n’avait même pas une paire de chaussures adaptées pour se protéger du froid. »

Les yeux de mon père se sont remplis de larmes. Il a saisi les épaules du médecin.

« Où est-elle maintenant ? Où est ma fille ? ! »

« Elle … elle est morte il y a un an. »

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