LES HOMMES EN NOIRLes feuilles craquaient. Un lapin fuyait à l’approche de bruits de pas précipités. La neige se mit à tomber parant la campagne d’une robe d’un blanc immaculé. Les arbres dénudés offraient à la vue du promeneur leurs silhouettes torturées, image cauchemardesque, qui s’amplifia sous l’effet de bourrasques.Une ombre courait. Encapuchonnée dans un long vêtement détrempé, elle fuyait sous les arbres qui tendaient vers elle leurs branches dépouillées. Derrière elle, des bruits de voix… puis, montées sur de magnifiques étalons à la crinière flottant au vent, des silhouettes apparurent. Les hommes, reconnaissables à l’intonation de leur voix, gagnaient du terrain. Le fuyard chuta. Après s’être remis debout, il reprit sa course sur le sentier, pour s’apercevoir quelques instants plus tard que celui-ci débouchait au bord d’une falaise. Il se sentit acculé alors que derrière lui, des hommes encagoulés se pressaient. N’ayant
PREMIÈRE PARTIE DISPARITION CHAPITRE 1 LA LÉGENDE DES AVI MAGNI Lewan, Royaume de Windbridge La flamme de la bougie commençait à vaciller. À la faible lueur qu’elle prodiguait, on voyait que la table sur laquelle celle-ci reposait était en chêne. Un homme, assez âgé, était assis sur un tabouret. Il devait avoir soixante ans, à en juger les tempes grisonnantes et le haut du crâne dégarni. Quelques rides sur son visage témoignaient du poids des années. Dans sa jeunesse, il était paysan et travaillait dans les champs sur les bords de la Niane, la rivière qui serpentait à l’est de la forêt du Dragon. Il avait cultivé du blé et des pommes de terre. Bien sûr, la vie du paysan
CHAPITRE 2ENQUÊTE Le jour suivant, le jeune garçon ne revint pas. Il avait tout simplement disparu. La ville était en émoi. Tous s’interrogeaient et des recherches avaient été organisées. Jusqu’ici, elles étaient restées infructueuses. Lewan comptait environ trente mille habitants et avait été construite à la lisière de la forêt du Dragon. Les remparts constituaient la seule protection fiable contre les attaques venues de l’extérieur et, pour beaucoup, la forêt, barrière naturelle contre le danger, était habitée par quantité d’esprits. Aussi, peu de gens osaient s’y aventurer. Les murailles étaient jointes par quatre grandes portes aux points cardinaux, qui demeuraient ouvertes en temps de paix. La guerre n’avait pas touché le royaume depuis environ huit ans, quand s’était achevée la guerre contre les Irmains
LA RÉVOLTE DESTERRES EXTRÊMESCHAPITRE 3UNE VISITE INQUIÉTANTESaint Rocher, royaume de WindbridgeSituée à deux kilomètres des côtes de la mer de l’Est, Saint Rocher était idéalement située. La proximité de la Riance permettait la distribution des récoltes par voie fluviale dans l’ensemble du royaume. Les terres fertiles autour de la cité permettaient toujours des récoltes supérieures à celles des autres cités. La prospérité de Saint Rocher tenait également à la soierie, autre pôle d’activité de la ville. La soie était obtenue à partir des hernas, petits rongeurs herbivores d’une cinquantaine de centimètres qui gambadaient dans le nord-est du royaume. La seconde ville
CHAPITRE 4 LE LAC DE L’ARC-EN-CIELLe soleil n’était pas encore levé quand elle ouvrit les yeux. Environ une demi-heure plus tard, elle passa une capeline et sortit dans le couloir. Dariann arrivait au même moment un lourd sac sur le dos. Il salua la jeune fille et lui demanda si elle avait obtenu la permission. Elle acquiesça. Ils déambulèrent dans les couloirs glacés et déserts du palais, ne rencontrant pas âme qui vive. Ils se retrouvèrent en quelques minutes dans la cour et en franchirent l’enceinte. Dans les rues de la ville, régnait une animation intense. C’était jour de marché, et déjà, les vendeurs ambulants se pressaient sur la grande place. La maison de l’oncle de Joachim se trouvait à l’entrée des faubourgs. Elle était construite en pierre de Salma, une carrière aujourd’hui désaffectée près de la crique des Pirates qui avait autrefois servi à construire environ deux tiers des habitations de la cité. La pierre était de couleur ocre, d’où le surnom donn
CHAPITRE 5 PRELUDE AU COMBAT Saint Rocher, royaume de Windbridge Dariann, Alvina et Joachim parvinrent enfin aux faubourgs de Saint Rocher. Pas un bruit, pas un badaud dans les rues alors que ces quartiers étaient réputés pour ne jamais dormir, l’animation ne s’éteignant quasiment jamais. Même les maisons de passe étaient closes. Un chat miaula. — Je ne sais pas ce qu’il se passe, dit Joachim mais je crains le pire. Ce silence n’est pas naturel. Dariann acquiesça, bien conscient que tout cela n’était pas normal. La main d’Alvina se resserra sur celle de son compagnon. — Allons chez mon oncle, proposa Joachim.
CHAPITRE 6 BATAILLE POUR LES TERRESEXTRÊMES Vers cinq heures du matin, soldats et matelots s’agitèrent. Dans deux heures, la flotte appareillerait. Dariann se leva, la mine fatiguée, les cheveux quelque peu ébouriffés et les membres engourdis après une nuit beaucoup trop courte. Il prit soin de ne pas réveiller sa compagne et après une toilette sommaire, il s’était métamorphosé. Alvina lui prit la main. Surpris, il lui dit gentiment : — Rendors-toi — Je veux t’accompagner. N’en ai-je pas le droit ?
CHAPITRE 7 LA CLÉMENCE DU ROI Le navire réquisitionné par Hector voguait en direction de Brewan. L’Allion avait subi de trop nombreuses avaries : la coque prenait l’eau et deux mâts s’étaient rompus. Les navires endommagés étaient remorqués jusqu’à l’île d’Ent, située à quelques milles du lieu de la bataille. Là, ils étaient confiés à Erbert et à son équipe. Erbert était un colosse qui avait travaillé sur de nombreux chantiers et arsenaux à travers le monde. Depuis quelques années, le royaume de Windbridge avait passé un contrat avec lui et son équipe. Tous les ans, trente bâtiments sortaient de ses entrepôts. Aujourd’hui, le travail serait différent. Cinquante navires à calfater, remâter ! *** Le Colonel, bâtiment appartenant à la flotte de Port de l’E
CHAPITRE 22LA MONTÉE DES PERILSYuan chevauchait vers Troan où il espérait arriver le lendemain, porteur de nouvelles alaramantes : les Irmains s’apprêtaient à attaquer l’Ascète. Ou cela était-il déjà effectif ? De son côté Darzil bondissait, lui aussi porteur d’un message peu rassurant : l’offensive sarkienne.***Troan, palais royalHector était assis sur son trône. Il caressait un étrange objet, de terre cuite sans doute, et ses traits étaient tirés. Les dernières nouvelles et encore plus l’évasion de Warfind qu’on venait de lui rapporter, n’avaient fait qu’exacerber sa rage. Il lui semblait être de moins en moins maître des évènements. Ses doigts se refermèrent sur l’objet. Il fut parcouru par une sorte de frisson. Ses yeux bril
CHAPITRE 21L’ART DE LA GUERRETroan, dans les sous-sols du châteauOn conduisit Warfind dans un cachot, une cellule étroite, coupée de la lumière, où la vermine grouillait.— Libérez-moi, c’est un ordre, ou…— Ou quoi ? Pour qui te prends-tu ? Que crois-tu pouvoir nous faire enfermer ici dans cette cellule qui deviendra ton cercueil ? lui demanda le soldat, un sourire sournois aux lèvres.Warfind, ayant peur d’en avoir trop dit, se mura dans le silence.— Quels sont vos projets à vous autres, Irmains ?L’homme avait saisi Warfind par le col de sa tunique.— Qu’es-tu venu faire en ce lieu ? Pourquoi avoir ainsi tué tant de monde ?
CHAPITRE 20SECRETS DE FAMILLEDariann, en proie aux inquiétudes les plus folles courait au travers des rues où l’on se livrait à des massacres. Plusieurs fois, il évita la lame d’un Irmain. Soudain un bruit attira son attention. Il serra les poings, prêt à défendre chèrement sa vie, quand Erpan apparut devant lui, deux épées à la main.— Comment as-tu fait pour te procurer ces armes ? demanda-t-il à son ami.— Celle-ci m’appartient, dit-il en montrant fièrement son épée, trophée du tournoi. La seconde, je l’ai prise à un Irmain. C’est une magnifique arme, n’est-ce pas ?— Très belle, répondit Dariann. Pourrais-tu m’en faire cadeau ?— Elle est à toi, lui répondit-il en lui lançant l’arme.Dariann la saisit et les deux garçons continuèrent leur chemin vers la plac
CHAPITRE 19L’ATTAQUEAux abords de Troan, quelques heures avant le début des festivitésLa veille, Warfind avait dû renoncer à son ambitieux projet. Mais pour l’Irmain, la fête semblait être une fort bonne opportunité de pouvoir enfin passer à l’action. D’autant plus que personne ne pouvait soupçonner leur présence. Il y aurait sans doute quelques gardes pour veiller à la sécurité des fêtards, mais ils seraient vite éliminés. Pour lui, il s’agissait d’entrer dans la ville sans se faire remarquer et, de là, frapper un grand coup, tuer ses deux ennemis, désorganiser le royaume. Oui, grâce à son action, que dans les prochains siècles on qualifierait d’héroïque, le royaume de Windbridge serait à genoux, n’attendant que le coup de grâce que Wirking s’empresserait de donner. Cependant un problème restait à résoudre : comment faire pour qu’environ quatr
CHAPITRE 18TROAN EN FÊTETroan, le lendemain du tournoiLa fête débuterait dans quelques heures dans la capitale du royaume. Loin de se douter du danger qui guettait à la frontière et même à quelques kilomètres de là, Troan se préparait à vivre quelques grands moments de gaieté.Dariann, qui s’était levé à l’aube, il faut dire qu’il avait très mal dormi sur le pavé, s’était directement rendu dans ses appartements, où il s’était rallongé quelques heures. À son réveil, il alla voir son frère. Marn et Erpan seraient les grands héros de cette journée. La discussion qu’il avait eue la veille avec son père avait fait mûrir Marn, lequel avait pris conscience des tâches à accomplir : la première étant de nouer de bonnes relations avec ses sujets et avec les comtes de Narx et de Ludge, car d’eux dépendait la bonne fortune de Windbridge. Depuis s
CHAPITRE 17DOUTESDariann aida Florian à se relever. Ce dernier essuya sa lèvre inférieure qui saignait et glissa à son sauveur :— Fais attention, il est très fort.— Je m’en suis aperçu, répondit Dariann.— Je suis bien content que tu sois vivant, lança Erpan à l’attention de son nouvel adversaire, je vais pouvoir te faire subir le même chatiment que celui que j’étais en train de lui infliger.Erpan se jeta sur ce nouvel ennemi avec force. Le premier coup qu’il assena déstabilisa Dariann qui recula. Et les coups s’enchaînèrent sans discontinuer durant plusieurs minutes. Dariann parait avec habileté, ce qui décuplait la rage d’Erpan, incapable de porter un coup décisif. Après un enchaînement d’attaques, Dariann fut projeté à terre. L’épée d’Erpan s’abattit sur lui, mais ne fit que renco
CHAPITRE 16LE TOURNOI DE TROANC’est un peu au nord de la ville qu’Hector avait fait construire, il y a dix ans de cela, une vaste arène circulaire où se déroulaient habituellement les joutes sportives : tournois, duels, concours. L’arène était une gigantesque construction de pierre qui avait demandé deux ans de travail, et avait été érigée pour honorer les morts de la guerre face aux Irmains lors du cinquième anniversaire de la victoire. La guerre faisait partie intégrante de la vie des hommes et l’esprit guerrier des humains prenait dans leur vie quotidienne la forme de joutes et de courses de chars. Montée sur cinq étages, l’arène était une aire vaste, ouverte sur le monde par quinze ouvertures en forme de rosaces. Des colonnes soutenaient une avancée de toit, protégeant les spectateurs en cas de pluie. Les gradins s’élevaient à trente mètres de hauteur et pouvaient accueillir plus
CHAPITRE 15RETROUVAILLESTroan, capitale de Windbridge, la veille du tournoiLa veille du tournoi, Mandrace, Lénia, Marn et leur escorte arrivèrent aux portes de la capitale. Ils furent accueillis par Hector, lui-même. Le palais royal était un vaste édifice, sans doute cinq fois plus important en superficie que le palais comtal de Saint Rocher. Un valet les mena à travers un dédale de couloirs aux chambres que le roi mettait à disposition de ses invités. Une fois dans sa chambre, Marn s’allongea sur son lit, épuisé par un long voyage de trois jours à cheval, mais après s’être inscrit au tournoi en tant que futur comte de Brewan.De partout, une foule hétéroclite arrivait et se pressait aux portes de la ville. Zwen et ses deux enfants eurent le droit au même luxe que Mandrace et sa famille. Alvina, en quelques jours, avait pâli et surtou
CHAPITRE 14SARKIENS ET CENTAURESDésert de la Plénitude, est du continent, trois jours avant le tournoiUn scorpion courait dans le sable, poursuivant une puce de terre. Une sandale s’abattit sur l’animal, l’écrasant. Un Sarkien leva son sabre et hurla :— À l’attaque.Et la sérénité du désert fut troublée par les bruits d’une lutte. Le guerrier qui avait lancé l’ordre appartenait à la tribu des Sarkis, un peuple du désert, des Bédouins. Il avait la peau du visage burinée par le soleil, bien qu’encapuchonné dans une écharpe blanche qui lui couvrait le crâne. Il était vêtu d’une tunique et d’un pantalon ample. À ses pieds : une paire de sandales. Il descendit de sa monture, un torla, appelé aussi cheval du désert. Il leva son arme qu’il abattit, fendant le crâne de son ennemi. Il se jeta dans la bataille, tourbil