ElenaL’aube s’infiltre lentement à travers les persiennes, dorant la chambre de reflets pâles. Je n’ai pas dormi. Pas vraiment. Je suis restée là, immobile, à écouter sa respiration, à sentir son corps contre le mien, lourd, brûlant, vivant. Comme si le simple fait de le regarder dormir pouvait repousser l’inévitable.Je compte les battements de son cœur. Je mémorise chaque frémissement de sa peau. Parce que je sais qu’un jour, tout cela pourrait disparaître.Je voudrais arrêter le temps.Je voudrais que cette nuit soit une parenthèse. Une faille dans le tissu de nos vies. Un moment volé au chaos.Mais je sais que ce n’est pas le cas. Rien n’est simple, rien n’est figé. Nous sommes deux forces contraires qui s’attirent et se déchirent, deux âmes en équilibre au bord d’un gouffre.Ses paupières frémissent, et il s’éveille lentement. Il ne dit rien. Son regard cherche le mien dans la lumière grise du matin. Et il y a quelque chose de différent. Quelque chose de plus calme, plus résigné
DanteLes jours suivants sont un enchevêtrement d’instants volés, de silences lourds, de regards qui en disent plus que des mots. Elena reste avec moi. Elle reste, malgré les ténèbres que j’ai partagées avec elle, malgré les ombres de mon passé qu’elle a vues, touchées, ressenties. Elle est là, à mes côtés, et pourtant, je sens à chaque moment que quelque chose cloche. Une fragilité dans l’air. Une tension électrique, comme si la moindre fausse note pouvait faire tout basculer.Je la regarde, un matin, alors qu’elle prend son café près de la fenêtre. Le soleil de l’aube éclaire son visage, mais il n’arrive pas à percer l’obscurité qui semble l’envahir parfois. Elle est belle, trop belle, et cette beauté me torture. Parce qu’à chaque instant, j’ai peur de la perdre.Je m’approche d’elle, sans bruit. Elle me sent avant même que je ne sois tout à fait près, et son regard se tourne vers le mien, comme un appel, un murmure dans la brume du matin.— Dante, murmure-t-elle, les yeux luisants
DanteLe silence a changé. Il est lourd. Pressant. Je ne peux pas échapper à la sensation de quelque chose qui se prépare, quelque chose de sombre, d’inévitable. Elena et moi, nous sommes là, enlacés, mais dans l’air flotte une tension nouvelle. Ce n’est plus seulement la peur de l’inconnu, c’est un malaise qui grandit, un pressentiment sourd que nous ne maîtrisons pas. J’ai cru, pendant un instant, que nous pourrions nous cacher, nous retrouver dans un coin de monde, loin des menaces, loin des guerres. Mais je me rends compte qu’il n’y a pas d’échappatoire. Pas pour moi. Pas pour nous.— Dante, tu as l’air ailleurs, me dit Elena, sa voix douce, mais pleine de cette inquiétude qui fait écho dans mon propre cœur.Je la regarde, un frisson me parcourant l’échine. Elle a raison. Je suis ailleurs, loin dans un passé que je croyais enterré. Mais je sais, au fond, qu’il revient toujours. Que chaque erreur commise, chaque choix, chaque acte de violence… tout cela nous rattrape, tôt ou tard.
DanteLe vent a changé. Il souffle avec la violence d’une mer déchaînée, emportant tout sur son passage. Je me tiens là, dans le silence oppressant qui s'est installé après le départ de Cédric. Le bruit de son absence est presque aussi assourdissant que sa présence. Elena est près de moi, ses mains serrées, mais elle ne dit rien. Nous savons tous les deux que ce que nous venons de vivre n’est que le début. Le véritable combat ne fait que commencer. La menace plane, et elle est bien plus grande que ce que nous imaginions.Je pose mes mains sur le rebord de la fenêtre, mes yeux cherchant l’horizon, cherchant une réponse, une solution, quelque chose qui pourrait apaiser cette douleur qui me ronge de l’intérieur. Mais je sais, au fond, qu’il n’y a pas de réponse facile. Le passé est là, tapis dans l’ombre, prêt à frapper encore. Et cette fois, il n’y a pas de fuite possible.— Tu es silencieux, Dante, dit Elena, sa voix brisant l’immobilité. Tu n’arrêtes pas de regarder dehors. Tu cherche
DanteLe ciel est lourd de menaces. Le vent frappe contre les fenêtres avec une force sauvage, comme une prémonition. Je me redresse, ajustant la chemise sur mes épaules, chaque mouvement aussi calculé que la prochaine étape de notre combat. Elena est prête, silencieuse à mes côtés, ses yeux fixés sur moi, mais je sens la tension qui émane d’elle. C’est la première fois qu’elle entre dans ce monde. C’est la première fois qu’elle accepte de plonger avec moi dans l’inconnu.Elle ne dit rien, mais je sais qu’elle ressent la même chose que moi. Ce rendez-vous, ce face-à-face avec Viktor, est une issue sans retour. Une épreuve où tout peut basculer. Et si nous survivons, ce ne sera qu’une victoire éphémère. Parce que Viktor n’est pas un simple homme. Il est un spectre du passé, un danger insidieux qui a plus d’un tour dans son sac.Je tourne la clé du moteur de la voiture, et le ronronnement du moteur brise le silence. La route s’étend devant nous, sinueuse, semblable à l’inconnu qui nous
ElenaLa voiture roule silencieusement, le bruit du moteur faible dans la nuit. Je sens la tension palpiter entre Dante et moi, une énergie qui se mêle à l’air, lourde, presque palpable. Chaque seconde, chaque mouvement semble alourdir l’atmosphère. Les rues défilent, mais elles ne nous mènent nulle part de familier. Le bâtiment de Viktor est encore un mystère, un coin d'ombre que l'on ne connaît que trop bien. Et pourtant, l’idée d’y entrer m’oppresse.Viktor est une légende dans son genre, un homme dont l’emprise va bien au-delà des murs de ses propriétés. Un homme que même Dante, dans ses pires moments, a craint. Ce qu’il représente n’est pas seulement du pouvoir ; c’est une présence, une force intangible qui vous étreint, vous consume de l’intérieur. Et ce soir, je vais devoir le confronter.Dante reste silencieux, ses mains crispées sur le volant. Ses traits sont tendus, ses yeux glacés. Il ne me regarde pas, mais je sais qu’il est concentré, calculant chaque détail. Il est prêt.
ElenaLe sol sous mes pieds tremble, la terreur qui m’envahit fait battre mon cœur à un rythme effréné. Dans cette obscurité écrasante, les silhouettes se faufilent autour de nous, fantomatiques, leurs mouvements aussi fluides qu’ils sont menaçants. Le monde est devenu un dédale où chaque bruit, chaque souffle pourrait être fatal. Dante est déjà dans l’action, ses gestes précis et maîtrisés, mais même lui ne peut pas tout contrôler. La situation est devenue un piège, une cage dont nous devons nous échapper à tout prix.Je sens la pression dans l’air. L’odeur métallique de la peur se mêle à celle du sang qui va bientôt être versé. Nous sommes à un carrefour, une intersection de vie ou de mort. Le regard de Viktor m’engloutit, comme un abîme sans fin, comme si je n’étais qu’un simple pion dans son échiquier. Il se croit invincible, mais la réalité est différente. Ce que nous faisons ce soir va tout changer.J’ai l’impression que tout s’est accéléré, que le temps s’est distordu autour de
ElenaLes ombres dansent autour de moi, une mer de silhouettes mouvantes et menaçantes, mais je suis là, au cœur de ce chaos, prête à briser l’équilibre. Le sol tremble sous mes pieds, et le bruit du combat semble résonner jusqu’à l’âme elle-même. Les éclats d’acier s’entrechoquent, les souffles haletants se mélangent à la rage des hommes, mais je suis dans une autre dimension. Une dimension où la peur n’existe plus. Elle a été engloutie par la fureur.Viktor. Je le vois encore, là, au centre de l’arène, comme un serpent qui observe ses proies avant de les dévorer. Son regard glacé m’accuse, m’évalue, mais il ne sait pas. Il ne sait pas que ce soir, il a perdu. Il a perdu parce que nous ne sommes plus les jouets de son pouvoir. Nous ne sommes plus ses pions.Je sens Dante près de moi, une présence qui m’ancre dans la réalité. Ses yeux brûlent d’une intensité que je n’ai jamais vue. Il sait ce qu’il doit faire. Nous savons ce que nous devons faire. Il n’y a plus de place pour l’hésitat
ElenaJe n’ai pas dormi.Pas vraiment. Mon corps a obéi à l’apparence — allongé, immobile sous les draps de soie, dans ce lit immense qui n’est pas le mien. Mais à l’intérieur, tout est resté tendu. Mon esprit a marché. Furtif. Inlassable. Il a exploré les contours invisibles de cette cage dorée. Il a arpenté les couloirs du manoir, les interstices des portes closes, les regards qui s’évitent, les silences trop longs.Il a compté les pas.Les voix.Les caméras.Je suis une mariée.Mais surtout une arme.ElenaLorenzo respire lourdement à côté de moi. Une respiration paisible, profonde, d’homme qui croit être en sécurité. Il rêve. Peut-être de moi. Peut-être de pouvoir.Il est jeune. Trop. Pas assez pour cette guerre.Mais il pense l’avoir gagnée.Il se trompe.Je me lève. Pieds nus. Les planches du sol craquent à peine sous mon poids.J’attrape mon carnet, mon stylo. Complice de mes pensées. J’y note tout. L’angle des caméras, la durée exacte des rotations de surveillance, les zones d
ElenaLa couronne ne brille pas. Elle pèse. Chaque perle, chaque éclat d’or est une goutte de sang figée. Le sang des femmes avant moi. Le sang que je verserai. Le sang qu’on attend de moi.On l’a faite pour enfermer. Pas pour élever.On m’habille sans un mot. Sœur Agnese tire sur les lacets de ma robe, trop fort, comme pour m’arracher l’air. Je sens le tissu mordre mes côtes. Je ne dis rien. Elle le fait exprès. Pour me briser. Pour me faire plier.Mais je tiens. Plus droite. Plus raide.Violetta, la gouvernante, fixe mes cheveux. Ses doigts tremblent à peine. Elle murmure des prières en italien, des phrases anciennes apprises dans l’ombre des catacombes. Elle pense, peut-être, que le ciel m’entendra. Que le ciel a encore quelque chose à voir avec tout ça. Elle m’offre un rosaire en argent. Je ne tends pas la main.Je me tiens debout, les bras ballants, la nuque raide. Je suis une mariée. Une martyre. Une bombe.ElenaGiovanni n’est pas venu. Il ne vient jamais. Il délègue. Il survei
ElenaJe suis encore là. Debout. Silencieuse. Comme il le voulait. Comme il l’a toujours voulu. Le dos droit, les lèvres closes, le regard vidé de sa lumière. Il pense m’avoir pliée. Il pense que la guerre est terminée. Mais il ignore ce qu’il a créé en me brisant.Ce n’est pas une fille docile qu’il a façonnée. C’est une arme. Et j’apprends encore à l’aiguiser.Mon cœur bat, lourd, lent, douloureux. Chaque pulsation résonne comme un cri dans mon crâne. Dante. Je l'entends encore. Son rire. Sa voix au creux de mon cou. Sa main dans la mienne alors que nous courions à travers la nuit, persuadés que l'amour nous sauverait. Il croyait à la fuite. Moi, à l’embrasement. Giovanni pense que l'amour est une faiblesse. Il ne sait pas que c’est aussi une force. Une force obscure. Une force brûlante. Une force qui, lorsqu’elle n’a plus d’issue, devient incendie.Je me suis tue. Pas par soumission. Par stratégie. Parce que les mots mal employés sont des armes retournées contre soi. Parce que le s
Dante ValentiJe traverse les rues comme un fantôme. Le monde autour de moi continue de tourner, les gens s’affairent, se croisent, mais moi, je suis ailleurs. Dans mes pensées, je suis prisonnier de cette décision que j’ai prise, de ce que j’ai permis. Tout le reste n’a plus d’importance. Les affaires, les intrigues, les menaces, tout cela n’est qu’un bruit lointain, une cacophonie que je n’entends plus vraiment. Ce qui compte, c’est Elena. Ce qui comptait, c’était elle.Je m’arrête devant un café, son visage me frappant une nouvelle fois, me rappelant la douceur de ses traits, la chaleur de sa voix. Mais tout cela semble appartenir à un autre temps, à un autre monde, un monde où nous étions libres, où l’amour n’était pas un fardeau, où nos rêves pouvaient encore exister. Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’une illusion.J’entre dans le café. Le parfum du café fraîchement moulu, la chaleur de la pièce, tout cela me semble si étranger, si lointain. Je commande une tasse, sans même y
Dante ValentiDante Je devrais être en paix. Je devrais me convaincre que c'était pour son bien, qu'elle est mieux sans moi, loin des ombres qui nous poursuivent, loin des mensonges et des pièges que j'ai tissés autour de nous. Mais la vérité me ronge, comme un poison lent, qui m’envahit de l’intérieur. Je l’ai laissée partir. Je l’ai laissée s’éloigner sans rien dire, sans me battre. Et chaque seconde qui passe me fait comprendre que je ne lui ai pas offert ce qu’elle méritait : un avenir.Je suis seul dans cette pièce. La lumière du matin me frappe de plein fouet, mais ça ne change rien. Le vide est toujours là, là où elle se tenait, là où elle aurait dû être. Je n'entends plus sa voix, plus ses rires, plus ses reproches ou ses silences. Il n'y a plus rien. Juste le creux d'un vide que j'ai créé, que j'ai autorisé à grandir entre nous. La culpabilité est une présence constante, un spectre que je porte comme une seconde peau. Elle ne me lâche pas, elle me dévore, me déstabilise, me p
Giovanni De LucaGiovanniIl y a des décisions que l’on prend, non par volonté, mais par nécessité. Aujourd'hui, je fais face à une décision qui me ronge jusqu'à la moelle, une décision que, même si je l'avais anticipée, je n'avais jamais envisagée de cette manière. Elena est ma fille, et je la veux à mes côtés, mais plus encore, je la veux comme un bien, un héritage. Une héritière de ma lignée, une alliance stratégique, un pivot dans la toile complexe que j'ai tissée autour de cette famille. Et il est temps pour elle de comprendre cela.Le bruit des pas dans la maison résonne, mais rien n'atteint mon esprit si ce n'est l'image d'Elena. Elle s'éloigne de moi, chaque geste un cri silencieux de rébellion, chaque regard un défi. Mais ce n’est pas elle qui décide. C’est moi. Je l’ai créée, je l’ai façonnée pour ce rôle.Je la vois enfin, debout dans la pièce, la lumière tamisée du matin s’accrochant à ses traits, éclairant la tension qui se lit sur son visage. Elle est belle, comme une fl
Giovanni De LucaGiovanniL'ombre d'Elena me hante, mais ce n'est plus une simple silhouette. C’est une proie, une conquête, une mission. Elle se débat encore dans l’obscurité, croyant qu’elle peut échapper à la vérité. Je vois la confusion dans ses yeux, le poids du dilemme qui l’étreint. Mais il est trop tard. Le vent soufflait tout à l’heure, porteur de promesses et de murmures d’une victoire imminente, et maintenant, il s’enroule autour de moi comme un prédateur. Je suis proche. J’ai toujours été proche. Mais cette fois, je ne laisserai rien m’échapper.Dante, cet homme qui prétend pouvoir faire tomber l’empire que j’ai bâti autour d’Elena, ne sait pas à quel point il est insignifiant. Il ne comprend pas que chaque geste qu’il fait la rapproche davantage de moi, que chaque décision qu’elle prend l’emmène dans mes bras, là où elle doit être.Je n’ai jamais eu peur de l’obscurité. Je suis l’ombre. Je suis la présence cachée sous les draps de la nuit, attendant le bon moment pour fra
Giovanni De LucaGiovanniLes heures se sont étendues, comme un poison lent qui se faufile sous ma peau. Chaque minute passée à l’écart d’Elena est une torture, une douleur que je m’impose par faiblesse, mais que je n’ignore plus. Elle m’échappe, elle fuit, mais c’est elle que je veux. Elle est mon héritage, ma fierté, et je la récupérerai, coûte que coûte. J’ai vu ce regard qu’elle porte sur Dante. Je vois l’étreinte invisible qu’ils partagent. Il la manipule, il la tire vers un abîme qu’elle ne comprend pas.Elle me fuit, mais il est trop tard. Je n'ai jamais abandonné ce que j'ai voulu. Et je la veux. Je l’ai toujours voulue.L'ombre de la forêt semble me guider, me faire avancer sans que je n’aie à poser le pied, comme si le destin lui-même m’appelait. Chaque pas, chaque branche qui craque sous mes bottes me rapproche d’elle. Elle est là, je le sais. Elle est si proche, je peux presque la sentir. Dante, cet homme, ce monstre déguisé en sauveur, croit pouvoir l’emmener dans l’obscu
Dante – ElenaDanteLe vent, ce soir, a une lourdeur particulière. Comme si la terre elle-même cherchait encore son équilibre, après le cataclysme. Chaque souffle est une promesse, mais aussi une menace. Je le sens, dans les crépitements de la brise, dans l’agitation des ombres. Elles ne disparaissent jamais totalement, ces ombres. Et elles semblent me suivre, encore plus insistantes depuis que nous avons quitté les villages, emportant avec elles des souvenirs que je croyais enfouis.Je regarde Elena. Elle semble paisible, mais je sais. Je sais qu’elle porte en elle le poids des nuits passées, des souffrances qu’elle a cachées derrière son sourire. Elle m’a offert son ombre, sa lumière. Mais il y a des choses qu’elle ne me dit pas. Des recoins de son âme qu’elle garde sous clé, dans une boîte qu’elle n’ouvre jamais.Nous marchons en silence, seuls, à travers la campagne. Il fait presque nuit, et pourtant, tout semble baigné dans une lueur étrange. La lumière semble vouloir s’échapper