CassandraL’atelier de Raphaël est plongé dans la pénombre lorsqu’il ouvre la porte. L’odeur de peinture et de térébenthine flotte dans l’air, familière, entêtante. Il me regarde sans un mot, puis s’écarte pour me laisser entrer.— Tu es venue, souffle-t-il.— Tu m’as demandé de venir, je réponds en avançant dans la pièce.Il ne répond pas immédiatement. Il se contente de contourner un chevalet couvert d’un drap, puis tire doucement dessus.Et mon souffle se bloque.Le tableau est immense. Chaque coup de pinceau est vibrant, chaque couleur, chaque ombre, chaque détail est chargé d’une intensité presque douloureuse.C’est moi.Mais ce n’est pas juste mon reflet.C’est ce qu’il voit en moi.Une femme forte, mais fissurée. Une reine sans couronne, un feu prêt à consumer tout ce qui l’approche.— Raphaël…— Je t’ai peinte comme je te vois. Comme tu es vraiment.Sa voix est basse, rauque, et quand il s’approche de moi, je ne bouge pas.— Personne ne te regarde comme moi, murmure-t-il.Je d
CassandraL’odeur de la peinture et du bois brûlé s’efface sous la force de notre baiser.Les lèvres de Raphaël sont avides, exigeantes, comme s’il voulait me graver dans sa peau. Ses doigts glissent le long de ma nuque, sa main se refermant avec une douceur possessive, m’empêchant de fuir.Mais est-ce que je veux fuir ?Le feu en moi est incontrôlable. Il ne s’agit plus d’une guerre d’ego, de stratégie ou de pouvoir. Juste un besoin brut, un désir qui ne demande qu’à exploser.Ses mains explorent mon dos, découvrent la courbe de mes hanches, et je bascule contre lui, le souffle court.— Dis-moi que tu le veux, murmure-t-il contre ma bouche.Je plante mes ongles dans sa chemise, sentant la tension de son corps sous le tissu.— Et si je te disais que je te veux tous les trois ?Il se fige.Un éclat de douleur traverse son regard, puis une ombre, plus sombre, plus dangereuse.— Alors tu ne veux personne.Il se recule légèrement, son torse se soulevant à un rythme irrégulier.— Tu joues
CassandraJe les fixe tour à tour.— Je ne veux pas choisir. Pas maintenant.Gabriel arque un sourcil, Raphaël tique.— Et si on ne te laissait pas le choix ?Je croise les bras.— Que voulez-vous faire ? M’imposer une réponse ?Gabriel esquisse un sourire amusé, mais je perçois la tension dans ses traits.— Pas du tout.Il s’approche, ses doigts frôlant mon poignet.— Mais tu oublies une chose essentielle.Je retiens mon souffle lorsqu’il effleure ma peau.— Ce jeu, Cassandra… Il a toujours été entre nos mains.LucienJ’observe le verre de whisky ambré entre mes doigts.L’appel de Gabriel ne me surprend pas.Je savais que ce moment arriverait.Que Cassandra atteindrait cette ligne invisible, ce seuil où le pouvoir lui échappe.Elle croit contrôler la partie.Elle croit pouvoir nous mener tous les trois sans conséquences.Mais les rois ne se soumettent pas aux caprices d’une reine.Ils dictent les règles.Je prends une gorgée, puis décroche.— On change la donne, me dit Gabriel sans d
CassandraMais il l’a envahi, comme pour me rappeler qu’il n’y a plus d’espace où je peux me cacher.— Je t’ai manqué ? demande-t-il d’un ton neutre, mais son regard me perce.Je croise les bras.— Tu as une haute estime de toi.— Tu ne réponds pas à la question.Je serre les mâchoires, refusant d’entrer dans son jeu.— Pourquoi est-ce que j’aurais dû penser à toi ?Son sourire s’élargit légèrement.— Parce que tu penses à nous trois. Tout le temps.Un frisson me parcourt l’échine.Parce qu’il a raison.Et qu’il le sait.La situation devient insoutenable.J’ai passé des mois à jongler entre eux, à savourer l’adrénaline de l’indécision.Mais maintenant qu’ils m’ont retiré ce contrôle, je suffoque.Alors je fais ce que je fais toujours quand je perds l’avantage.J’attaque.Je les convoque tous les trois au même endroit, le même soir.Une soirée privée dans un club sélect où aucun d’eux ne pourra fuir l’autre.Un endroit où je reprendrai les rênes.Je porte une robe rouge incendiaire, un
CassandraIls ne s’attendaient pas à ce que je l’admette.Gabriel reste silencieux, analysant mes mots.Raphaël serre la mâchoire, sa frustration palpable.Lucien, lui, sourit.— Alors c’est parfait.Je fronce les sourcils.— Parfait ?Il se penche légèrement vers moi, son souffle chaud effleurant ma peau.— Parce que nous non plus, nous ne voulons pas perdre.Un frisson me traverse.Je suis prise au piège.Mais peut-être… que j’aime ça.Le silence dans la pièce est pesant, chargé de tout ce qui n’a pas encore été dit. Trois hommes. Trois destins entrelacés au mien. Trois forces qui s’opposent et s’attirent, comme les pôles d’un aimant.Mais je ne suis pas ici pour me laisser dévorer.Je suis ici pour décider.Raphaël me fixe, sa main toujours effleurant ma joue, son regard brûlant de défi. Lucien reste impassible, observant chaque mouvement comme un stratège prêt à faire son prochain coup. Quant à Gabriel… il est le seul à ne pas chercher à me toucher.C’est précisément ce qui me ren
CassandraDerrière moi, la fête bat son plein. Les alliances se nouent sous les rires feints et les regards aiguisés. La ville entière semble retenir son souffle alors que je traverse la pièce, mes talons claquant sur le marbre. Je sens les regards sur moi, mais il n’y a que trois hommes que j’observe réellement.Lucien. Toujours impeccable dans son costume sombre, une coupe de whisky à la main, discutant avec des figures influentes. Il est le prédateur qui ne montre jamais ses griffes avant de frapper.Raphaël. Désinvolte, un sourire narquois sur les lèvres, mais ses yeux me traquent comme si j’étais son seul repère dans cette salle bondée. Il a toujours ce côté indomptable, cet éclat de folie qui me fait vaciller entre passion et peur.Gabriel. Lui, c’est l’ombre en arrière-plan, celui qui m’observe en silence, analysant chaque mouvement, chaque hésitation. Il m’a défiée, et je sais qu’il attend de voir comment je vais réagir.Le jeu est lancé.J’attrape une coupe de champagne sur l
GabrielJe n’ai pas besoin de me retourner pour reconnaître la voix.Adrien. Toujours élégant, un verre de cognac à la main, son regard perçant braqué sur moi. Il a toujours été mon plus vieil adversaire, et pourtant, il est aussi le seul homme en qui j’ai encore un semblant de confiance.— J’observe.— Ah. L’art du prédateur patient.Il s’accoude à la rambarde à côté de moi, suivant mon regard jusqu’à Cassandra.— Elle te cherche.— Je sais.— Et tu la laisses faire ?Je tourne enfin la tête vers lui, amusé.— Ce n’est pas elle qui mène la danse ce soir.Adrien rit doucement.— Tu joues avec le feu, mon ami.— Je suis le feu.Son regard s’attarde sur moi une seconde de trop, puis il lève son verre en signe d’acceptation.— Alors brûle avec elle.Puis il s’éloigne, me laissant seul avec mes pensées.Cassandra croit qu’elle contrôle tout.Mais ce soir, je vais lui prouver que même une reine peut être prise au piège sur l’échiquier.---CassandraLa frustration me ronge.Gabriel m’a tou
GabrielCassandra m’a défié. Et si elle pense que je vais me contenter d’un échange de regards brûlants et de mots bien placés, elle se trompe lourdement.Je la veux.Mais pas comme les autres hommes la veulent.Pas comme Lucien, avec son besoin maladif de contrôle.Pas comme Raphaël, avec sa passion destructrice.Je la veux libre. Puissante. Intacte dans son orgueil.Mais à mes côtés.Et pour cela, il faut que je la pousse dans ses retranchements. Que je la fasse douter.— Danse avec moi.Ses yeux se plissent légèrement.— Depuis quand tu danses, Gabriel ?— Depuis que je veux voir si tu es aussi dangereuse en rythme qu’en paroles.Un éclat de défi brille dans ses prunelles.— Tu prends un risque.— J’aime le danger.Elle hésite une fraction de seconde, puis tend la main.Quand je l’attrape, une décharge traverse ma peau.Et je sais que la partie vient réellement de commencer.CassandraLes basses résonnent à travers le sol en marbre, et le monde autour de moi se dissout dans un méla
CassandraJe suis là, dans ses bras, mon corps encore brûlant des flammes de ce que nous venons de partager. Mon cœur bat encore la chamade, et chaque respiration que je prends semble chargée de ce qu’il m’a donné. De ce qu’il m’a arraché. J’ai toujours cru que je pouvais contrôler ma vie, que je pouvais choisir, que je pouvais fuir quand ça devenait trop intense. Mais lui, Raphaël, il m’a prouvé qu’il n’y a rien que je puisse faire pour empêcher ce qui s’éveille en moi. Ce désir brûlant, cette passion dévorante.Je me recule légèrement, me redressant dans le lit, observant son visage. Ses yeux, encore noyés de cette intensité que nous avons partagée, me regardent avec cette familiarité douce et pleine de promesses. Je veux l’éviter, fuir ce qui semble pourtant inéluctable, mais chaque parcelle de mon être me crie que je suis bien là où je devrais être. Avec lui. Pas seulement pour le moment, mais pour plus.Je caresse sa joue, mes doigts traçant les contours de son visage avec une do
RaphaëlJe la regarde, debout près de la fenêtre, les rayons du soleil effleurant sa peau. Elle semble presque irréelle, comme si le monde autour d’elle s’était suspendu, comme si tout prenait sens dès qu’elle était là, dans ma vie. Cassandra... Elle a ce don, sans même le savoir, de transformer chaque instant en quelque chose d’intense, d’important. Et pourtant, aujourd’hui, elle semble différente. Elle est calme, mais d’une manière que je n’ai jamais vue. Il y a une sorte de paix en elle, une décision qu’elle a prise sans retour possible.Je me permets de la regarder un peu plus longtemps, absorbé par la beauté de ce moment, par la simplicité de sa présence. Puis je la vois se tourner vers moi, son regard croisant le mien. Ses yeux sont pleins de promesses, mais aussi d'une fragilité que je ressens au plus profond de moi.« Bien dormi ? » J'essaie de briser le silence, de lui offrir une ouverture, quelque chose pour qu'elle se sente à l'aise. Sa réponse est une légère esquisse de so
CassandraLe vent souffle doucement à travers les rideaux ouverts, apportant avec lui un parfum de printemps qui flotte dans l’air. Il est presque tard, et le soleil se couche lentement, parant la pièce d’une lumière dorée. Mais dans mon esprit, il fait plus sombre qu’il ne l’a jamais été. J’ai repoussé ce moment trop longtemps, tenté de fuir cette vérité que je savais au fond de moi. Le temps m’a apporté une clarté nouvelle, mais aussi une décision lourde, une décision qui pèse sur mon cœur.Je regarde Raphaël. Il est là, à quelques pas de moi, attendant patiemment que je trouve les mots qui, je le sais, changeront tout. Il n’a pas cherché à me convaincre. Il m’a laissée choisir, et je l’ai observé, espérant trouver une raison de m’échapper de ce lien invisible qui m’attire pourtant vers lui. Mais chaque jour passé à ses côtés, chaque instant partagé, m’a convaincue que c’était lui. Lui qui m’avait donnée une autre chance. Lui qui, malgré tout, n’avait jamais cessé de croire en nous.
CassandraLe jour s’étire dans une lenteur que je peine à supporter. Mon esprit est encore agité par la dernière conversation avec Lucien, un écho de ses mots résonnant dans mon esprit. La souffrance de le voir partir, d’être celle qui a décidé de tout laisser derrière, me pèse comme un fardeau. Mais ce n’est pas le poids de la décision qui m’accable, c’est l’incertitude qui m’attend. Est-ce que j’ai fait le bon choix ? Est-ce que je pourrais vivre avec cette décision ?Je ferme les yeux, la chaleur du soleil effleurant ma peau, mais à l’intérieur, il y a une tempête. Une part de moi veut crier, briser tout ce que j’ai construit pour me libérer de cette douleur. Mais une autre part, plus calme, me dit de continuer, de ne pas regarder en arrière.Un bruit derrière moi me fait sursauter. Je me retourne, et je trouve Raphaël, debout dans l’encadrement de la porte, son regard posé sur moi avec une intensité que je ne peux ignorer.« Tout va bien ? » Sa voix est douce, mais il y a une inqu
CassandraJe suis frappée par la force de ses paroles. Un frisson me parcourt, mais je garde les yeux baissés, cherchant à rassembler mes pensées. C’est trop. Il me pousse dans mes retranchements, me forçant à faire un choix. Mais quel choix ?« Et si je te dis que je n’ai plus envie de choisir ? » La question m’échappe avant que je ne puisse la retenir. « Que je n’ai plus envie de jouer à ce jeu ? »Raphaël ne répond pas tout de suite. Il se tient là, silencieux, comme s’il pesait chaque mot avant de parler. Et puis, il s’avance un peu plus près, et cette fois, ses mains encadrent doucement mon visage, forçant mes yeux à se poser sur lui.« Alors fais-le pour toi. » Ses mots sont un souffle, presque une prière. « Ne choisis pas pour lui. Choisis pour toi. Parce que tu le mérites. »Les larmes montent sans que je puisse les retenir. Elles ne sont pas seulement de tristesse. Il y a de la colère, de la frustration, de l’impuissance. Et au milieu de tout cela, un désir inavoué. Un désir
CassandraJe me tourne brusquement. Raphaël. Sa silhouette se découpe dans l’encadrement de la porte, son regard perçant. Il me fixe intensément, presque à la manière d’un spectateur, comme si chaque émotion qui me traverse était une scène qu’il observait avec une curiosité non dissimulée.« Pourquoi es-tu là ? » Ma voix est plus froide que je ne le voudrais, mais je ne peux m’empêcher de le regarder, d’analyser son visage, ses traits, toujours aussi fascinants, mais aussi tellement complexes.« Parce que je sais que tu souffres. » Il s’avance lentement, chaque pas résonnant comme un défi. « Et parce que tu ne veux pas l’admettre. »« Je n’ai rien à te dire. »« C’est pour ça que tu me dis tout. » Il sourit légèrement, un sourire entendu. Il connaît bien mes mécanismes de défense, il sait que je lutte, que je me cache derrière des murs d’acier pour ne pas laisser mes émotions se déverser. Mais je n’ai pas envie de jouer à ce jeu. Pas ce soir.« Il est trop tard, Raphaël. »« Peut-être
CassandraLe vent souffle fort, comme si la ville elle-même voulait m’emporter, me tester, m’éprouver encore. Je n’ai pas l’habitude de cette solitude, pas après toutes les années passées à naviguer entre des hommes, des désirs, des ambitions. Mais aujourd’hui, ce vide est devenu un allié. Un vide que j’ai créé, un espace que j’ai ouvert pour moi seule. L’indépendance est un fardeau et une bénédiction, et pourtant, je m’y sens étonnamment bien.Je marche, presque sans but, mes pensées flottant entre ce que je suis devenue et ce que je pourrais encore être. Les décisions que j’ai prises se bousculent dans ma tête, se superposent à ce que j’ai ressenti avant. Il y a encore des échos de Gabriel dans mon esprit, des morceaux de Raphaël qui m’appellent, mais je les ignore. Je dois garder le cap, avancer, ne pas me laisser emporter par les vagues du passé.Mais, au détour d’une rue, je le vois. Lucien. Le visage marqué par les batailles, une lueur de colère froide dans ses yeux, mais aussi
CassandraJe me tais, le silence s’étire, et même à travers l'écran, je peux sentir son souffle lourd. Il sait ce que je veux dire, il le comprend, et, à ma grande surprise, je n'ai pas peur. Ni de la solitude, ni de l'avenir incertain. Parce que je sais que, même si cela me déchire, je choisis enfin de me libérer.« Je comprends, Cassandra. Je ne veux pas te forcer à choisir, mais sache que je serai là. Si jamais tu changes d'avis… »« Je n’ai pas à changer d’avis. C’est juste que je dois me retrouver d’abord. »J’entends la tristesse dans sa voix, mais aussi une forme de respect. Il sait que ce n’est pas la fin, même si c’est difficile.Je raccroche et laisse un dernier regard sur la fenêtre, l’obscurité de la nuit enveloppant ma silhouette. Une décision lourde, mais pleine de sens. J’ai choisi de ne pas me perdre dans une relation où je serais l’ombre de ce que je suis, à côté de l’autre. Ce ne sera pas Raphaël, ni Gabriel, ni un autre. Ce sera moi. Et c’est ainsi que je veux avanc
CassandraLes heures s’étirent après l’appel de Raphaël, mais une étrange sensation m'envahit. La paix n'est pas totale, mais elle est là, persistante, comme une lumière qui commence à percer les nuages sombres. Pourtant, mon esprit reste agité, les échos de ce passé, aussi douloureux soient-ils, résonnent encore en moi. Je sais que le chemin vers la guérison sera long, mais je ne peux plus attendre. Je ne veux plus.Je me lève du canapé, secouant les ténèbres de ma tête. Mes jambes se dirigent presque par instinct vers mon bureau, où des piles de papiers s’accumulent depuis trop longtemps. J'ai l’impression de fuir, de chercher à occuper mon esprit pour ne pas sombrer dans la mélancolie qui m’enveloppe. Mon regard se fixe sur le premier dossier que je prends, un projet sur lequel j'avais commencé à travailler avant que tout ne déraille. C'est une tâche simple, mais qui me demandait d’être présente, de me concentrer. Ce qui est exactement ce dont j'ai besoin.Je me plonge dans les chi