La nuit était bien avancée lorsque Grayson rentra à la résidence Blackwell, épuisé, tendu… et toujours hanté par l’image de Jade, sublime dans sa robe, incendiaire dans sa colère, et effrayante dans son audace.Il poussa la porte de la villa, desserra sa cravate en soupirant et se dirigea vers l’étage. La chambre d’amis qu’elle occupait était éclairée — bon signe. Peut-être qu’elle dormait déjà. Peut-être qu’elle s’était calmée.Mais en entrant… il ne trouva rien.Rien sauf une robe de mariée soigneusement posée sur le lit. Vide.Il fit un tour rapide du couloir, ouvrit les portes : salon, bibliothèque, salle de bain… Personne.— Jade ? appela-t-il, la mâchoire soudain serrée.Aucune réponse.Il sortit son téléphone. Aucune notification. Aucun message. Rien.Il se rua dans le hall, où un domestique de nuit passait justement avec un plateau.— Vous avez vu Mme Blackwell ?Le majordome haussa un sourcil poli.— Elle est partie, monsieur. Il y a une heure, je crois. Par la grande porte.
Jade poussa un soupir de soulagement lorsque l’hôpital apparut enfin. Le trajet avait été étrangement silencieux. Trop silencieux, même, pour quelqu’un comme Caleb Blackwell, dont les sourires semblaient toujours cacher quelque chose.Alors que la voiture roulait lentement dans les rues encore humides de la nuit, Jade aperçut un petit bar à jus à l’angle d’une rue. Une enseigne lumineuse clignotait faiblement : “Fresh & Smooth”.— Stop, arrête-toi là, dit-elle brusquement.Caleb leva un sourcil mais obéit.— Tu veux quelque chose ?— Mon père adore les smoothies. Et j’ai encore dix dollars dans la poche arrière de mon jean. C’est pas grand-chose, mais ça suffira.— Ce n’est pas nécessaire, tu sais. Je peux—— Pas besoin. J’y tiens.Elle sortit avant qu’il puisse ajouter un mot et entra dans la petite boutique. L’odeur sucrée des fruits mûrs et du gingembre frais emplit ses narines. Quelques minutes plus tard, elle ressortait avec un smoothie banane-fraise, le préféré de son père, proté
La voiture filait silencieusement à travers les routes sombres de la ville. Grayson, fidèle à lui-même, conduisait avec une précision mécanique, le regard fixé droit devant lui, comme si le moindre mot risquait de faire dérailler la paix temporaire qui régnait dans l’habitacle.Jade, de son côté, s’était enfoncée dans le siège passager. Elle jetait parfois des coups d’œil furtifs à Grayson, encore un peu étonnée qu’il n’ait pas explosé après leur altercation à l’hôpital.Peut-être que la présence de son père l’avait adouci. Ou peut-être qu’il n’en pouvait tout simplement plus.La voiture noire s’arrêta devant le portail imposant de la résidence Blackwell. Jade descendit la première, jetant un coup d’œil à cette immense demeure qui, malgré ses lumières chaleureuses, lui semblait toujours aussi froide.Arrivés à la résidence Blackwell, Jade descendit sans attendre qu’il vienne lui ouvrir.Elle suivit Grayson à l’intérieur, ses baskets usées tranchant violemment avec les marbres lustrés d
Un voile doré baignait les grandes fenêtres de la chambre de Jade, qui s’était réveillée bien avant l’aube. Elle avait mal dormi. Trop de luxe, trop de silence, trop d’idées en tête.Elle sortit du lit, se changea rapidement — jean, tee-shirt, baskets, comme toujours — et quitta la chambre sans bruit. Elle avait promis à son père de passer le voir tôt, et elle comptait bien s’y tenir.Mais en bas, dans le hall, elle croisa une silhouette inattendue.— Vous allez quelque part, Mrs. Blackwell ? demanda une voix féminine au ton sec.Une femme d’une cinquantaine d’années, habillée avec un tailleur impeccablement coupé, la fixait avec autorité. Derrière elle, un jeune assistant tapait sur une tablette. Le logo Blackwell Holdings était brodé sur la pochette en cuir qu’elle tenait à la main.— Et vous êtes ? répliqua Jade, un sourcil levé.— Clara Madison. Directrice de la communication de la famille Blackwell. Je suis ici pour votre première séance de briefing image publique. Nous devons pas
Grayson sortait à peine de la douche quand son téléphone vibra frénétiquement sur la table basse de sa chambre. Il attrapa le portable d’un geste mécanique tout en enfilant une chemise. Trois messages, tous du même contact : Clara Madison.Clara : « Il faut que vous voyiez ça. C’est déjà sur deux blogs à scandale. »Clara : [Photo jointe]Clara : « Je gère les dégâts. Mais il faut une décision rapide sur la communication. »Grayson cliqua sur l’image.Son sang ne fit qu’un tour.On y voyait Jade, debout devant un bar à jus, portant un vieux jean, un tee-shirt blanc froissé, et des baskets défraîchies. À ses côtés, Caleb, adossé nonchalamment à la portière de sa voiture, un sourire au coin des lèvres. Rien de compromettant, pas de gestes ambigus. Et pourtant… tout dans cette image hurlait : proximité.Grayson serra la mâchoire. Caleb.Son cousin était une vraie vipère, toujours prêt à flairer le moindre scandale dans la famille pour s’en nourrir. Il avait sans doute attendu cette occasi
Le silence dans le bureau de Grayson n’était troublé que par le cliquetis régulier de son stylo contre le bois poli. Une pile de documents l’attendait, mais son esprit était ailleurs depuis ce matin.Un ping sonore le tira de sa rêverie. Son téléphone vibrait sur le coin du bureau.Message de John Weston"Daily Scope. Page d’accueil. Ça chauffe, frère."Grayson attrapa son portable et cliqua. Cette fois, ce n’était pas juste une photo.C’était tout un article, et il était... incendiaire."JADE CARTER-BLACKWELL VUE EN COMPAGNIE DU MYSTÉRIEUX CALEB BLACKWELL — LE MARIAGE EST-IL DÉJÀ EN DANGER ?"La jeune épouse du puissant Grayson Blackwell a été aperçue, en pleine nuit, sans escorte, dans les rues de Manhattan, en compagnie de son cousin Caleb Blackwell. Entre simplicité désarmante et attitude décontractée, l’énigmatique Jade Carter ne semble pas encore s’être adaptée au monde impitoyable des Blackwell... Mais qui est réellement cette fille de mécanicien ? Et que faisait-elle seule ave
Hôpital de Manhattan— Papa, tu ne devineras jamais ce que j’ai fait, lança Jade en s’affalant sur la chaise près du lit d’hôpital, un smoothie géant dans une main et un sachet de viennoiseries dans l’autre. Elle ressemblait davantage à une étudiante paumée qu’à l’épouse d’un magnat new-yorkais.Graham, encore pâle mais bien plus alerte que la veille, esquissa un sourire fatigué.— T’as volé un hélicoptère ?— Pire. J’ai réussi à convaincre le chauffeur de m’emmener acheter ça, dit-elle en agitant le smoothie, avant de se pencher comme une conspiratrice. J’ai utilisé mes derniers dollars, Papa. Je suis officiellement fauchée, mais t’as intérêt à l’aimer.— T’as toujours su comment me faire culpabiliser. Passe-moi ça, petite peste.Elle s’installa plus confortablement et lui tendit le gobelet. Il but une gorgée, ferma les yeux et soupira avec un plaisir non feint.— Ah… On revient aux bonnes choses. J’en peux plus du thé fade et du bouillon transparent. Et toi alors ? Comment ça s’est
Blackwell Industries — Bureau de GraysonLa porte s’ouvrit brutalement, sans qu’on ait frappé.Grayson leva les yeux de son écran, déjà agacé. Il n’avait pas encore fini de gérer le scandale médiatique du matin que quelqu’un osait perturber sa concentration.Mais lorsqu’il vit Annelise entrer, les joues rouges, les yeux brillants de larmes, son expression se ferma aussitôt.— Annelise…— Tu m’as menti, Grayson, sanglota-t-elle. Tu m’as menti pendant tout ce temps.Elle claqua la porte derrière elle, comme pour s’isoler de tout ce qui se trouvait à l’extérieur. Elle avança d’un pas tremblant, tenant entre ses doigts une copie de l’article du Manhattan Times. La photo. Jade. Le mariage. Tout y était.— Pourquoi elle, Grayson ? Pourquoi elle ? Pourquoi elle et pas moi ?Grayson se leva lentement, mal à l’aise. Il savait que cette conversation finirait par arriver, mais il espérait que ce ne serait pas maintenant. Pas alors que sa vie était déjà un chaos absolu.— Ce n’est pas… ce n’est p
La voiture s’arrêta devant la résidence principale. Grayson descendit, ouvrit la portière arrière, et Jade sortit en furie, les cheveux en bataille, les yeux en feu.— Tu es malade ! Complètement malade ! hurla-t-elle en claquant la portière si fort qu’une alarme de voiture se déclencha au loin.Grayson resta impassible, refermant calmement la sienne.— On en parlera à l’intérieur.— À l’intérieur ?! Quoi ?! Tu veux m’enfermer dans une cave maintenant ?! Tu m’as kidnappée dans un parc public, agressé mon collègue et humiliée devant tout le monde ! Et tu veux qu’on en parle à l’intérieur ?!— Tu étais avec lui, Jade. Il te regardait comme si tu lui appartenais. Et tu ne faisais rien pour l’arrêter.— J’AI LE DROIT DE PARLER À QUI JE VEUX !— Pas quand t’es ma femme.— TA FEMME ?! TU TE RAPPELLES DE COMMENT TU M’AS IGNORÉE PENDANT DES JOURS ? TU M’AS TRAITÉE COMME UNE ÉTRANGÈRE ! Une étrangère que tu parades dans les réceptions Blackwell mais que tu relègues dans une chambre vide dès qu
Le parc baignait dans la lumière dorée du crépuscule. Jade riait aux éclats, accroupie dans l’herbe, pendant qu’un énorme American Bully, langue pendante et muscles saillants, se jetait sur une balle en plastique rose. À côté d’elle, Mike, décontracté, lançait la balle de toutes ses forces, son sourire charmeur plus large qu’un boulevard.— Il est incroyable ce chien, dit Jade en caressant la tête du molosse qui bavait gaiement sur ses jeans.— Il s’appelle Diesel, dit Mike en bombant un peu le torse. Il adore les femmes. Moins les hommes. Surtout ceux en costard.— Tu veux dire… les Blackwell ?Ils éclatèrent de rire.Mais soudain, une voiture noire surgit au loin. Elle freina brutalement à l’entrée du parc. Grayson descendit comme une tornade, son manteau volant derrière lui comme s’il sortait tout droit d’un film d’action.John, à contrecœur, le suivit en traînant les pieds.— Bon sang, il va encore faire un carnage…Grayson repéra Jade en deux secondes. Son regard vira au noir qua
Jade décida de rentrer un peu plus tôt ce soir-là, mais son taxi ne s'arrêta pas devant la maison principale des Blackwell. Non. Elle demanda au chauffeur de la déposer plus loin, là où les lumières de la résidence secondaire clignotaient doucement dans la pénombre.Son père, Graham, l’accueillit sur le pas de la porte avec un sourire ravi et un regard attendri. Il n’eut même pas besoin de demander pourquoi elle n’allait pas à la grande maison. Il savait.— J’ai commandé une pizza, dit-il avec fierté, comme s’il venait de signer un contrat avec une multinationale.Jade éclata de rire.— C’est ta grande cuisine gastronomique du soir ?— Une quatre fromages, et j’ai ajouté des olives noires. Je me suis dit que tu serais impressionnée.Elle secoua la tête en riant, entra et se laissa tomber sur le vieux canapé en cuir. Il y avait une odeur de pain chaud, de vieux vin et d’album photo poussiéreux. C’était comme rentrer à la maison. La vraie.Ils mangèrent sur la table basse, les doigts gr
— Hé, t’as deux secondes ? demanda Mike, en s’essuyant les mains.Jade redressa la tête depuis le moteur qu’elle auscultait. Ses joues étaient rouges, son front perlé de sueur, et quelques mèches s’échappaient de son chignon. Elle avait l’air fatiguée, mais déterminée. Farouche.— Ouais, bien sûr, répondit-elle, posant la clé à molette avec un soupir.Mike l’emmena un peu à l’écart, derrière l’un des pick-up en réparation. Il croisa les bras, la regarda un moment sans rien dire.— Tu veux qu’on parle du tyran en costume trois pièces qui a fait irruption ici hier ? demanda-t-il enfin, un sourire au coin des lèvres.Jade haussa les sourcils, surprise.— Pas vraiment.— Je m’en doutais. Mais si jamais t’as envie… je suis là.Elle esquissa un sourire timide. Elle ne s’était jamais demandé si Mike faisait attention à elle. Pas comme ça. Mais dans sa voix, dans ses yeux, elle sentait cette attention calme, sincère. Une douceur inattendue. Un contraste frappant avec l’intensité dévastatrice
La nuit était tombée depuis longtemps. La maison Blackwell baignait dans un silence pesant, comme figée dans une attente invisible.Grayson était debout, dans le couloir, figé devant la porte entrouverte de la chambre de Jade.Il la voyait.Elle dormait, recroquevillée sur le côté, ses cheveux tombant en cascade sur l’oreiller, une main glissée contre sa joue.Elle semblait si paisible… et pourtant, même dans son sommeil, il percevait la tension dans son visage. Comme si son cœur restait éveillé.Grayson serra les poings.Il aurait pu entrer. Il aurait pu s’allonger à côté d’elle, glisser un bras autour de sa taille, enterrer son visage dans son cou et lui murmurer qu’il avait peur. Peur de l’aimer. Peur de la perdre.Mais il resta là. Immobile. Silencieux.Il luttait.Chaque fibre de son corps le poussait vers elle, mais chaque cicatrice de son passé le retenait en arrière.Il revoyait Gina. Son regard avant de mourir. Le petit corps sans vie de ce bébé qu’il n’aurait jamais pu proté
La porte du garage claqua derrière elle avec la rage d’un ouragan.Jade marchait à grands pas dans la rue, les mains tremblantes, la respiration courte, les yeux brûlants. Elle n’avait même pas pris son sac. Juste sa colère. Son amour blessé. Son cœur piétiné.Il l’avait humiliée.Devant tout le monde. Comme si elle n’était qu’un pion, une possession à récupérer à la force du contrat.Mais elle n’était pas un pion.Elle était Jade Carter.Et elle avait des comptes à régler.Elle sauta dans le premier taxi venu, donnant l’adresse de la résidence Blackwell avec une voix dure, étranglée de rage. Durant tout le trajet, elle revoyait le regard glacial de Grayson, la façon dont il avait parlé à Mike, comme s’il marquait son territoire, comme s’il affirmait un droit qu’il n’avait plus. Plus maintenant.Arrivée devant la maison, elle sortit sans un mot et fonça à l’intérieur.Grayson était là. Dans le salon. Un verre de whisky à la main, comme si rien ne venait de se passer. Il leva à peine l
Le garage résonnait d’un morceau de rock old school. Jade, concentrée, resserrait les boulons d’un moteur à moitié démonté. Mike s’approcha, torse en avant, chiffon à la main.— Tu veux que je te montre une astuce pour desserrer ce vieux truc ? demanda-t-il, un peu trop près.— T’inquiète, je sais le faire. Et si je me loupe, je t’offre un café, lança-t-elle avec un sourire.Mike rit doucement. Il lui prit doucement le poignet pour guider ses gestes. Le contact dura une seconde de trop. Jade le sentit mais ne dit rien, croyant à un geste innocent.Puis le vrombissement rauque d’un moteur de luxe fendit l’air. Une Maserati noire s’arrêta juste devant l’entrée. Les gars du garage levèrent les yeux.— Bordel, souffla l’un d’eux. C’est qui, ça ? Batman ?Mike se redressa d’un coup. Jade tourna la tête et elle le vit.Grayson Blackwell. Costume noir. Ray-Ban sur les yeux. Une aura de tempête.Il sortit de la voiture comme on entre dans une guerre. Lentement. Calculé. Froid. Magnétique.— O
Jade inspira profondément en poussant la porte du Mike’s Garage. L’odeur d’huile moteur, de métal chaud et de gomme brûlée l’enveloppa comme une vieille amie. C’était un parfum qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer.— Eh, regardez qui est de retour ! lança Mike, en sortant de sous un capot, les mains noircies de cambouis.Il s’approcha d’elle avec un grand sourire, un torchon sur l’épaule. Il ne lui fit pas de remarque sur ses cernes ou sur son air perdu. Il se contenta de lui ouvrir les bras.— J’avais parié que t’allais revenir, dit-il en l’enlaçant brièvement. T’es une vraie, Jade. Ce garage t’aime bien.— Moi aussi, souffla-t-elle, un sourire discret aux lèvres.Le claquement métallique d’une clé à choc se mêlait à la musique rock diffusée en fond.Jade, en combinaison bleue remontée jusqu’à la taille, bras nus, front couvert de quelques gouttes de sueur, vissait une pièce sous le capot d’une vieille Mustang.— C’est du joli boulot, commenta Mike, accoudé à l’aile de la voiture.Il
Jade avait attendu. Espéré. Prié, même.Mais ce soir, c’en était trop.Elle descendit les marches du grand escalier avec détermination. Elle l’avait entendu rentrer. La porte avait claqué doucement. Ses pas l’avaient guidée vers le bureau. Toujours ce fichu bureau. Comme une forteresse qu’il utilisait pour se barricader derrière ses douleurs et ses silences.Elle frappa une fois. Pas de réponse.Elle entra quand même.Grayson leva à peine les yeux de ses papiers.— J’ai besoin de te parler, dit-elle, d’une voix calme, mais ferme.— Je suis occupé, Jade.— Ça ne prendra pas longtemps, répondit-elle, avançant dans la pièce.Il soupira, referma le dossier devant lui, et s’adossa lentement à son fauteuil. Son regard était froid, distant. Presque méconnaissable.— À Singapour… tu étais différent. Tu étais… toi. Vrai. J’ai cru qu’on construisait quelque chose. Et puis tu as changé. Du jour au lendemain.Elle le regarda, les yeux brillants de douleur.— Qu’est-ce que j’ai fait, Grayson ? Tu