Dans la vaste bibliothèque aux murs de chêne du manoir d’Ylias, l’atmosphère était empreinte de gravité. Ylias s’appuye contre son bureau en acajou, son regard fixé sur l’écran du téléphone, attendant que l’appel se connecte. Lorsque la voix de Dave retentit à l’autre bout du fil, Ylias ne perdit pas une seconde.— Dave, il faut qu’on parle. Charles Greatwall commence à perdre du terrain. Deux de ces trafics ont été révélés au grand jour ce matin et ce n’est pas près d’en finir. Nos informateurs nous confirment que plusieurs de ses alliés doutent de lui. Mais il n’en reste pas moins dangereux.— J’ai reçu des échos similaires, répondit Dave, sa voix grave marquant sa prudence. J’ai mis mes équipes sur le coup, et nous avons intercepté des transactions douteuses qui pourraient le compromettre.Ylias esquissa un sourire.— Tu as toujours un temps d’avance… Je veux savoir jusqu’où nous pouvons l’affaiblir sans éveiller ses soupçons.— J’ai un plan, mais il demande une coordination parfai
Les jours qui suivirent passèrent très vite. L’empire des Greatwall, ce mastodonte financier et politique, s'effondrait lentement sous les coups implacables de la justice. Dave et Ylias avaient été plongés dans cette guerre sans merci, où les combines des Greatwall tombaient une par une, comme des dominos frappés par une main invisible. Les entreprises rattachées au groupe se retrouvaient dans la tourmente, accusées de fraude, de trafic, de falsification de documents… Les Greatwall, autrefois intouchables, n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes, leur réputation ruée dans les tranchées de la honte.Dave savait que le moment était venu. Il allait annoncer à sa famille et à toute la sphère des Greatwall qu’il renonçait à épouser Monica. Le scandale des Greatwall avait éclaté et, avec lui, les espoirs d'une union stratégique s’étaient évaporés. Arnold, son grand-père, sera obligé d’accuser le coup. Il fallait dire que, après les révélations qui secouaient l’empire des Greatwall, tout autr
La limousine noire glissait silencieusement sur le bitume mouillé. À l’intérieur, le cuir blanc des sièges contrastait violemment avec la tension qui régnait. Monica Gratwall, les bras croisés, fulminait. Sa mâchoire crispée et son regard noir traduisaient un mélange de colère et d'incompréhension.— Papa, je veux une explication claire. Immédiatement. Qu’est-ce qui s’est passé là-dedans ? Pourquoi Dave a-t-il perdu son sang-froid comme ça ? Tu l’as provoqué, hein ?!Charles Gratwall, assis droit dans son siège, impeccablement coiffé malgré l’échauffourée, épousseta calmement le revers de sa veste. Sa voix glaciale tranchait dans l’air tendu.— Ce garçon est un imbécile naïf, grogna-t-il.Monica le fixait, les sourcils froncés.— Mais enfin, Dave et moi… tout allait très bien entre nous avant que cette... cette fille débarque de nulle part ! Cette Kate Kitson ! Qu’est-ce qu’elle a de plus, hein ? Elle est banale, sans intérêt, provinciale !— Ce qu’elle a, répondit froidement Charles,
Le jet privé de Dave atterrit sur la piste de l’aéroport international du Pays Z. La chaleur étouffante du tarmac contrastait violemment avec l’atmosphère glaciale qui régnait à l’intérieur de l’appareil. Dave, costume taillé sur mesure, lunettes noires, descendit les marches, le visage fermé. Il était venu pour récupérer Kate. À n’importe quel prix.Greg l’attendait au pied de l’avion, l’air tendu. Dave s’arrêta net en le voyant.— Dis-moi tout, Greg, lâcha-t-il d’un ton tranchant. Maintenant.Greg jeta un coup d’œil à l’équipe qui suivait Dave — analystes, anciens militaires, experts en cybersécurité — puis hocha la tête et guida son patron jusqu’à un 4x4 blindé qui les attendait. À l’intérieur, la climatisation ronronnait faiblement.— Kate a été enlevée cet après-midi, pendant une réunion du Conseil d’Administration de Blacksands, commença Greg, le regard fixé sur la route alors que le véhicule filait vers le QG improvisé de Bluestone. La salle était sécurisée, huit membres du con
Le néon au plafond bourdonnait faiblement. La lumière froide tombait sur les murs gris, impeccables, impersonnels. Kate Kitson ouvrit lentement les yeux.Elle était allongée sur un lit étroit, dans ce qui ressemblait à une chambre d’hôpital privée… ou à une cellule. Une cellule propre. Trop propre.Une caméra discrète veillait dans l’angle supérieur droit. Une porte sans poignée intérieure. Aucun bruit. Rien d’humain.Elle tenta de se redresser. Son corps était engourdi. Elle portait des vêtements simples, mais propres. Quelqu’un l’avait changée. Ce détail fit naître un frisson glacé le long de son échine.Puis, une voix retentit, glaciale, synthétique, sortie d’un haut-parleur invisible.— Bonjour, Kate. Vous êtes en sécurité. Il est inutile de crier. Personne ne viendra.Elle se leva d’un bond, titubant.— Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?! Qui êtes-vous ?!La voix reprit, sans émotion.— Nous ne vous voulons aucun mal. Mais vous devez rester ici. Jusqu’à nouvel ordre.— Pourquoi
Cela faisait quatre jours que Kate avait disparu.Quatre jours sans message. Sans appel. Sans demande de rançon.Un silence glacial, orchestré, méthodique.Dave fixait le mur blanc du bureau de crise, les yeux creusés de fatigue, la mâchoire tendue. À ses côtés, Greg tournait en rond comme un lion en cage, et Ylias Kitson, impassible, les bras croisés, observait chaque détail du tableau numérique où les données s’alignaient, stériles.— Il n’y a toujours rien ? demanda Dave, la voix rauque.Greg secoua la tête.— Rien. Pas la moindre trace. Aucune caméra, aucune fuite, aucun signal. Ils ont effacé ses empreintes numériques. C’est du travail de pro.— Et l’agence de renseignement ? Les satellites ? L’IA de traçage ?— Tous les accès ont été bloqués à haut niveau. Il faut quelqu’un de l’intérieur. Quelqu’un avec du pouvoir. Beaucoup de pouvoir.Dave passa une main dans ses cheveux, les yeux rouges de colère et d’angoisse.— J’aurais dû la protéger. J’aurais dû voir venir…Ylias s’avança
L’air de la pièce semblait plus lourd. Ou bien était-ce dans sa tête. Le silence pesait, presque agressif.Kate avait arrêté de crier depuis longtemps. Elle ne donnait plus rien à leurs caméras. Plus de colère. Plus de peur. Juste des gestes lents, calculés.Elle observait. Encore et encore.Les murs étaient trop lisses. Le lit fixé au sol. Le miroir au-dessus du lavabo était en verre blindé. Mais la caméra, elle…Elle avait un angle mort. Léger. Un demi-centimètre à peine dans le coin opposé. Elle l’avait repéré la veille. Et ce matin, une erreur : un technicien était entré. Une infime seconde, la porte était restée entrouverte.Il n’en fallait pas plus à Kate.Elle attendit. Des heures peut-être. Simulant la fatigue, l’apathie. Recroquevillée sur le lit, elle ralentissait son rythme cardiaque, sa respiration.Jusqu’à ce qu’enfin, clic — un déclic électrique. Un bruit de serrure.Un second.La porte s’ouvrit.Une silhouette entra, vêtue de blanc. Masquée. Un plateau-repas à la main.
Vendredi, 6h32 – Pays Z, bunker de Bluestone.Dave ne bougeait pas. Son regard était fixé sur l’écran. Le souffle court.La vidéo tournait en boucle.Kate.Visage marqué. Poignets menottés. Haletante. Mais droite. Vivante.Elle ne disait rien. Elle n’avait pas besoin.Le message qui accompagnait la séquence était court, glacé :"Si tu veux la libérer.Les cartes sont entre tes mains Hopkins"Un silence pesant s'était abattu sur la salle.Greg était figé. Ylias, à ses côtés, la mâchoire serrée, tentait de contenir sa fureur.Dave finit par parler, la voix rauque.— C’est eux. Les Greatwall.Greg fronça les sourcils.— Tu en es sûr ?— Je ne peux pas le prouver. Pas encore. Mais ce genre de message ne vient pas de nulle part. Charles a les connexions, l’infrastructure, la couverture diplomatique. Et Monica... elle a toutes les raisons du monde.Ylias s’avança.— Alors qu’est-ce qu’on fait ?Dave se leva d’un bond.— On va au pays A. Maintenant. Je veux parler à Charles. Face à face.Yli
Kate resta figée, le regard fixé sur la photo posée devant elle. Un détail lui échappait peut-être, une trace, une faille, une mise en scène ? Mais non. Tout semblait trop réel. Trop intime pour être inventé.Les battements de son cœur s'accéléraient. Une douleur sourde lui enserrait la poitrine, comme si on serrait lentement un étau autour de ses côtes.Il ne t’a jamais choisie.Ces mots tournaient en boucle dans sa tête, avec la voix de Monica, si calme, si sûre. Le genre de certitude qu’on ne peut pas feindre.Et puis, la nausée. Un vertige. Elle ferma les yeux. Revoyait Dave. Est ce qu’il avait commencé à lui mentir ? Ou bien n’avait-elle été qu’un interlude depuis le début ?Une larme roula sur sa joue. Elle ne l'essuya pas.Elle n’était pas censée pleurer. Pas elle. Pas après tout ce qu’elle avait traversé. Mais elle n’y arrivait plus. Ce n’était pas la douleur d’une rupture, ni la jalousie — c’était plus vieux, plus profond. Une déchirure primitive. Comme si on lui arrachait qu
La clé USB restait là, inerte sur le plateau, comme une menace silencieuse. Dave la fixait sans la toucher. Il sentait dans son ventre quelque chose de lourd. De mauvais. Comme un vertige avant la chute.Il la saisit d’un geste sec, la glissa dans son ordinateur. Un seul fichier. Une vidéo. Pas protégée, pas nommée de manière codée. Juste :« 30_Octobre_PAYS_A_Hôpital »Il lança la lecture, sans comprendre ce qu’il s’attendait à voir. Une caméra fixe, en plongée. Une chambre blanche. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître l’endroit. La chambre d’hôpital de Monica, au Pays A. Juste après l’accident. Juste après que Kate l’ai laissé.Sur le lit, Monica. Pâle, alitée. Une perfusion au bras. Elle tournait la tête vers quelqu’un hors champ, et un instant plus tard, Dave entrait dans le cadre.Dave se figea.Ce n’était pas un souvenir clair. C’était… flou. Il croyait que ce moment n’avait jamais eu lieu. Ou qu’il l’avait rêvé. Ou… Non. Il se souvenait être retourné au Pays A. Se s
L'aéroport international d'Alzéra, d'habitude baigné dans une lumière dorée et saturé de touristes curieux, semblait étrangement silencieux ce matin-là. Kate marchait entre les rangées de sièges vides, ses pas résonnant sur le sol poli. À ses côtés, sa mère, droite comme un soldat, tirait une valise aux roulettes grinçantes. Son père restait un peu en arrière, inquiet, jetant des regards furtifs derrière eux.— Tu es sûre de ce que tu fais, chérie ? demanda sa mère en posant une main sur son épaule.Kate hocha la tête, les yeux vides.— Je dois m’éloigner.Son téléphone vibra. Un message de Dave.« Ne pars pas. Je t’expliquerai tout. Ce que Monica a dit, ce qu’elle insinue… c’est plus compliqué que tu ne le crois. Tu n’es pas en sécurité sans moi. »Elle éteignit l’écran sans répondre.Dans l’ombre, près du salon VIP, une silhouette tapotait discrètement sur un petit clavier noir relié à une oreillette. L’homme fronça les sourcils en lisant les lignes de code apparaissant sur sa table
Le plateau du petit-déjeuner était encore à moitié plein, les pancakes entamés, les tasses encore tièdes. Kate riait, la tête posée sur l’épaule de Dave, un morceau de pain grillé à la main.— On pourrait vivre comme ça, tu sais, souffla-t-elle.— Tu veux dire dans un hôtel, en mangeant des pancakes tous les jours ?— Exactement. Et toi, tu ferais la cuisine en tee-shirt trop large.— Et toi, tu te moquerais de moi à chaque repas ?— C’est un contrat équilibré.Ils échangèrent un regard complice, rieur, amoureux. Mais un claquement sec retentit dans le couloir, suivi d’un bruit de talons hauts frappant avec détermination le sol. Avant même qu’ils n’aient eu le temps de réagir, la porte de la chambre s’ouvrit brutalement, comme un coup de tonnerre brisant le ciel.— Dave.Sa voix claqua dans l’air comme une gifle.Kate sursauta. Dave, figé, tourna lentement la tête. Debout sur le seuil, vêtue d’un tailleur blanc éclatant, parfaitement maquillée malgré l’heure, se tenait Monica Greatwal
Dave faisait les cent pas dans le couloir, les mains enfoncées dans les poches, le regard nerveusement rivé à la porte de la chambre. Chaque minute s’étirait comme une éternité. Il avait tenté de s’occuper : messages non lus, jeux sur son téléphone, même une tentative de Sudoku… Mais rien n’y faisait. Son esprit revenait sans cesse à Kate. Elle était là, à quelques mètres, enfermée avec le docteur Harris et sa mère depuis des heures. Il soupira, regardant sa montre pour la énième fois.— Elles refont le monde ou quoi ? marmonna-t-il.Greg rit doucement, se moquant de lui. Lui, l’homme soi-disant calme, posé, se rongeait les sangs comme un adolescent épris. L’impatience, pourtant si étrangère à son caractère, s’était logée sous sa peau, brûlante. Il voulait la voir. Il en avait besoin.Et puis enfin, les portes s’ouvrirent.Le docteur Harris sortit la première, un léger sourire sur les lèvres, suivie par la mère de Kate, visiblement soulagée. Elles lui adressèrent un petit signe de têt
La chambre était baignée de lumière. Monica, la tête pleine de visions tordues, fixait le miroir avec une intensité presque fiévreuse. Elle allait éliminer Kate et reprendre le contrôle de sa vie. Quelqu’un frappe à la porte— Oui ?Son père, d’une voix froide et autoritaire, entra.— On a encore échoué, Monica.Elle serra les dents. Le mot « échoué » résonna comme un coup de poignard dans son cœur.— Tu m’as promise la main de Dave. Tu m’as dit qu’il allait être à moi. Tu m’as dit que tout serait sous contrôle, que cette foutue situation était temporaire. Et toi, tu m’abandonnes maintenant, comme une gamine ! cria-t-elle.La colère monta en flèche, et Charles la laissa parler, comme un lion prêt à bondir. Lorsqu’il répondit, sa voix était plus basse, plus menaçante.— Tu penses vraiment que Dave aurait pu être à toi, Monica ? Tu crois que je n’ai pas vu comment tu t'es accrochée à lui, comme une sangsue ? Ce n'est pas une question de sentiment. C'est une question de pouvoir. Et toi,
Le moteur ronronnait doucement. Le paysage défilait à travers la vitre, flou, lointain, comme un songe trop long. À l’arrière du 4x4, Kate s’était lovée contre Dave, son corps faible, vidé de toute énergie. Sa tête reposait contre son épaule, mais son regard vacillait déjà.Dave gardait un bras autour d’elle, protecteur, solide, silencieux. Il n’avait pas encore tout dit. Et il ne dirait pas tout. Pas tout de suite.— Tu m’as trouvé, souffla-t-elle.— Bien sûr, répondit-il avec douceur. Il aurait fallu m’abattre pour que je te laisse là-bas.Elle esquissa un sourire, fragile. Puis ses yeux se brouillèrent, sa voix se brisa.— J’ai cru… que je ne sortirais jamais.— C’est fini maintenant. Je suis là.Il l’observa discrètement. Elle était pâle, fiévreuse, mais lucide. Du moins pour l’instant. Elle ne savait rien du mariage. Elle ne devait rien savoir. Pas avant qu’il puisse lui expliquer… à sa manière.Dave ordonna au chauffeur de foncer vers l'hôtel Talinjoo. C’était le point de rassem
Le néon au plafond grésillait toujours, mais l’ambiance avait changé.Kate, recroquevillée dans un coin de la pièce, avait cessé de bouger. Sa respiration était lente, maîtrisée. Elle attendait.Elle avait passé la nuit à observer. À tester. À simuler.Et elle avait trouvé une faille.Le boîtier de la caméra, dans l’angle supérieur droit, avait surchauffé hier soir. Une odeur de plastique brûlé. Un clignotement irrégulier. Elle avait compris que le système vidéo avait un bug local. Et elle avait simulé l’épuisement. L’abandon.Les ravisseurs pensaient qu’elle était à bout.Mais elle avait compté les rondes, noté les habitudes.Et maintenant, elle les entendait.Des pas. Deux hommes. Lourds. Armés.Ils parlaient sans se cacher, sûrs d’eux.— Ordre de B-17. Elle doit mourir dans l’heure.— Ici ? T’es sérieux ? Y’a pas plus discret ?— On nettoiera après. Le patron veut qu’on finisse ça avant que Jensen ne débarque.Un déclic. Une clé dans la serrure.Kate n’eut pas le temps de réfléchir
Les invités avaient à peine fini d’applaudir que les musiciens entamaient un air de valse. Le champagne coulait déjà. Les journalistes s'agglutinaient aux abords du palais, impatients de capter une image du couple.Monica se tourna vers Dave, la main tendue.— La première danse ?Mais Dave la regardait à peine. Son regard était fixé sur quelque chose… ou sur quelqu’un qu’elle ne voyait pas.Puis, sans un mot, il recula d’un pas.— Dave ?Il fit demi-tour.— Dave ! Où tu vas ?Il traversa l’allée sans se retourner. Les invités, surpris, s’écartèrent. Le présentateur de la chaîne nationale chuchota dans son micro :« Il semble que… euh… le marié s’éclipse… momentanément ? »Mais Dave n’avait pas l’intention de revenir.Il défit sa cravate d’un geste nerveux et quitta la grande salle. Les gardes de Charles hésitèrent, mais son regard glacial les figea.Monica, figée au centre de la pièce, sentit un millier de regards se poser sur elle.Puis elle courut.Ses talons claquaient contre le ma