Je me retrouve une fois de plus les fesses par terre. J’attrape la main que me tend Lucie et me relève lourdement, l’esprit en ébullition quant à la prochaine tactique que je pourrais bien utiliser pour la faire tomber. Une seule consigne: faire chuter son adversaire. Une seule, et je suis incapable de la mener à bien.—Ça, c’était ma manière à moi d’être quitte.—Il t’aura fallu six fois pour être parfaitement quitte? Je t’ai déjà dit que j’étais désolée, répété-je.Lucie replace ses cheveux blonds derrière ses oreilles et rétorque:—Tu t’es quand même bien payé ma tête. Tu m’as menti droit dans les yeux!—Je sais, mais…—Tu avais toutes les raisons de le faire. Ne t’en fais pas, j’ai compris. Même si j’ai dû passer pour une idiote à tes yeux, j’aurais probablement fait la même chose, me rassure-t-elle.Je pousse un léger soupir de soulagement. Lorsque j’ai débarqué à la Colombe, ce
Je déglutis. Ombelline m’entraîne carrément à l’extérieur de la Colombe. Sûrement pour être certaine de ne pas avoir affaire à des oreilles indiscrètes. Je ne peux pas m’empêcher de l’admirer à la dérobée. Elle dégage tant d’assurance et de charisme… D’ailleurs, je me demande depuis combien de temps foule-t-elle le sol de ce royaume. Elle ne parle jamais d’elle. Personne ne sait comment elle est devenue immortelle. Ombelline me toise de haut en bas, puis d’un geste sec, elle tend sa main droite devant elle. Et dans un petit brouillard blanc, un paquet de lettres y apparaît.—Les reconnais-tu?Sa voix est tout aussi froide que son apparence. J’ai bien envie de lui répondre d’un ton ironique «non», mais je vois bien que l’heure n’est pas à la plaisanterie. Je me contente donc de la vérité:—Ce sont les lettres que j’ai fait tomber à la Chronosée.L’I
—Angie!Je dévale les escaliers du Majestueux, à la poursuite du Leader. Ce dernier n’a pas perdu une seule seconde avant de quitter ma chambre, dagues en main, à l’affût du danger. Je le rattrape dans le hall, le cœur battant à tout rompre. Angie a raison, Kierân est ici. Je commence à sentir moi aussi la présence des métamorphes.—Il serait plus prudent d’alerter les au…Je m’interromps. Le reste des Surnaturels déboule à leur tour, Bastian en tête, armé jusqu’au cou. Si le but des métamorphes était de nous prendre par surprise, eh bien c’est raté.—Gardez l’œil ouvert, déclare le Leader. Ils sont probablement déjà rentrés dans le château.—Comment s’y prennent-ils pour ne pas faire sonner l’alarme? s’affole Apolline, faisant passer d’une main à l’autre une fine barre de fer noire.—Je crois avoir ma petite idée, murmure Maximilien.Tout le monde se tourne vers le Cerveau des Surnaturels. Mais
—Et BOUM, elle en a envoyé de ce côté! Et de l’autre! Elle en a balancé un sur le toit, et même que la vitre a explosé! Et ensuite il y avait des ours, des corbeaux, des loups, et des panthères, et…—Ethan, des loups et des panthères? Tu n’as pas un peu l’impression d’exagérer? le coupe Sean, un sourire amusé au bord des lèvres.—Et toi alors, t’as pas exagéré quand tu m’as dit que si je mangeais des pâtes, des bébés serpents allaient pondre des œufs dans mon ventre?On peut dire qu’Ethan a une sacrée répartie. J’avais presque oublié cette blague qu’avait sortie l’Hilarant durant les premiers jours d’Ethan au Majestueux.—Il ne faut pas croire tout ce qu’on te raconte, Ethan. Certaines choses ont pu être exagérées, s’incruste Cassie après avoir paré une attaque de sa sœur.—Maximilien, il ment jamais! réplique Ethan. Il a vu tout ce qu’Evalina elle a fait! Pourquoi tu veux p
Toujours les mêmes murs. Toujours le même mobilier. Tout est sombre. Cela fait des mois que je n’ai pas vu la lumière du jour. Seulement des flammes faisant office de clarté çà et là. Mais vivre dans ce milieu n’est rien comparé au vide que je ressens face à la solitude. Je devrais pourtant y être habitué. Je la connais même par cœur. Elle est ma meilleure amie depuis des années. Elle me suit comme une ombre. Et le plus ironique, c’est qu’elle reste la seule présente à mes côtés. Quelles que soient les circonstances, elle ne me laisse jamais tomber.—Debout, toi!Et toujours la même rengaine le matin. Sa voix, la seule qu’il m’ait été donné d’entendre depuis ces dernières semaines.Je braque mon regard sur sa silhouette longiligne. Provocatrice. Mais je ne dis rien. Je n’ai pas envie de gaspiller de la salive pour elle. J’ai beau la regarder tous les jours, je n’arrive pas à y voir mon double. Comment pouvons-nous sembler à la fois si similaires et oppo
Je ne sais pas quoi faire. J’ai l’air complètement ridicule à attendre ainsi, devant sa porte. Cela doit bien faire cinq minutes que je me dandine sur place. Après cette dure journée d’entraînement à la Colombe, je n’avais qu’une envie, prendre une douche et partir me coucher. Mais lorsque je me suis glissée sous les draps, les vibrations sont apparues. Cette connexion étrange et désormais familière a décidé de pointer le bout de son nez au moment même où je pensais n’avoir plus qu’à fermer les yeux pour profiter d’un repos bien mérité.Je tire sur mon tee-shirt trop long. J’ignore pourquoi je me sens si nerveuse. Je toque deux petits coups et la porte s’entrouvre légèrement. Elle était probablement mal fermée. Le Leader est assis sur le bord de son lit, dos à moi, suffisamment accaparé par quelque chose pour ne pas avoir senti ma présence. Étrangement, il est torse nu. Je ne l’ai jamais vu sans l’un de ses éternels tee-shirts noirs. Je peux donc apercevoir très clairement ses t
—Je peux au moins savoir pourquoi tu m’as soudainement laissé en plan?—Je ne t’ai pas laissé en plan, je suis juste… partie.Angie lève un sourcil moqueur.—À tes yeux, ce sont deux choses différentes?—Exactement.Je repositionne correctement le matelas de mon lit puis laisse échapper un soupir lorsque je me rends compte du ridicule de notre dialogue. Encore une fois, Eléana m’a prise au dépourvu. En revanche, elle ne m’a pas menacé, ce qui est contraire à ses habitudes. Et j’ai respecté ce qu’elle m’a demandé. Le journal est en sécurité.—À moins que tu ne ressentes un besoin soudain et irrépressible de mettre le journal d’Eléana sous ton matelas, ce dont je doute fort, je pense que j’ai de bonnes raisons de croire que tu me caches quelque chose, insiste-t-il.Je me mords la lèvre inférieure. Comment me sortir de cette situation… Je ne peux pas lui avouer que je ne suis pas toute seule dans ma
Je donne un grand coup de poing dans le punching-ball. Expire. Inspire. Et j’enchaîne de nouveau. C’est libérateur. Qui aurait cru que me défouler ainsi me ferait autant de bien? D’habitude, je pleure pour évacuer mes problèmes. Mais aujourd’hui, je n’en ai pas envie. Je veux juste laisser sortir cette rage qui me ronge de l’intérieur. J’assène un ultime coup et le punching-ball valse à travers la salle, s’écrasant violemment contre le mur.—Ev’, tu ne dois pas t’en vouloir… Ce n’est pas de ta faute.Je tourne la tête vers Sean qui est adossé contre l’un des espaces vides du mur d’armes, les bras croisés, le regard inquiet.—Tu m’as suivi? le questionné-je sèchement.—C’est si mal que ça?—Je n’ai pas besoin d’avoir constamment quelqu’un sur le dos.—Je ne voulais pas que tu culpabilises dans ton coin alors que tu n’y es pour rien.—Sean, elle s’est effondrée sous mes yeux! Je n
Je ne sais pas comment j’ai fait, mais je suis debout. Je fonce dans le couloir à la recherche de la chambre de Kierân. Je sais qu’elle n’est pas loin de celle de Raphaël. Ma panique s’est transformée en rage monstre. Je ne veux plus qu’une seule chose. Le trouver, lui. J’ai envie de crier. D’exploser. De pleurer. Le monde ne tourne plus rond. Il a décidé de se foutre de moi et de basculer à l’envers. Je suis incapable de comprendre ce que j’ai entre les mains. J’ai voulu partir. Prendre la fuite et ne plus jamais remettre les pieds ici. Seulement, j’ai besoin de connaître la vérité. J’ai besoin de le confronter.Je passe devant les douches et bifurque dans le couloir à droite. La colère embrouille si fort mes sens que je manque de percuter Lacnas. Ce dernier m’adresse une phrase que j’entends à peine, continuant mon chemin. Seulement, il me rattrape. Je le repousse brutalement. Trop brutalement. Son dos vient percuter le mur et il tombe lourdement sur le sol. Mais je dé
De justesse, j’évite son poing et lui assène un coup dans le ventre. Il recule, prêt à intercepter mon bras, mais j’arrête mon geste et lui flanque un coup de pied dans les genoux. Il s’écroule à terre. Ni une ni deux, je me jette sur lui pour le maintenir fermement au sol. Mais avant que je ne puisse l’écraser de tout mon poids, il me donne un violent coup dans la poitrine et je lâche prise. Il en profite pour inverser les rôles. Il me plaque à terre, mais en usant de ma force de Gémone, je parviens à le faire basculer. Il tente de me frapper à coups de tête, mais je place mes mains autour de sa gorge pour l’en dissuader. Et je serre. Ses yeux noirs s’écarquillent. Il agrippe mes bras et tente de s’extirper de la situation. En vain. Il grogne et finit par me lâcher pour venir taper deux coups au sol. Je stoppe immédiatement mon attaque et me relève. Le premier regard que je vois, c’est celui d’Angie. Des yeux fiers. Puis un applaudissement retentit.—Félicitations, ma puc
—Tu avais promis que tu veillerais sur elle!—Je n’y ai pas failli!—Tu plaisantes?!Ses yeux noirs sont furieux. Je fixe Angie, mais celui-ci secoue la tête, ne comprenant pas plus que moi ce qu’il se passe. Kierân nous observe et se mord la lèvre, embarrassé par toutes ces paires d’yeux scrutant sa discussion houleuse avec June. Presque tous sont là, devant les douches. Il ne manque que Matt et Tarek.—Elle est saine et sauve, ton hystérie n’a pas lieu d’être.—Je ne sais pas ce qui me retient de t’éclater la gueule contre un mur! hurle-t-elle, agrippant brusquement l’imperméable de Kierân.Raphaël se précipite pour la repousser. Le regard de June est fou. Fou de rage et de haine. Lacnas se plante devant nous, écarte les bras et nous ordonne d’aller voir ailleurs, mais aucun des Surnaturels ne veut louper une miette de ce qui se joue en face d’eux. Moi la première.—Ça f
D’un crachat, Tarek expulse le sang de sa bouche et renvoie le coup au Leader, mais ce dernier l’intercepte. Il saisit le bras du métamorphe, et en deux temps trois mouvements, il parvient à le renverser au sol d’une technique impressionnante.—Zéphyr n’est plus là pour m’empêcher de te tuer, lui murmure le Leader à l’oreille.Tarek tente de se défaire de son emprise, mais Angie le maintient fermement au sol, un genou contre son dos, le bras dans une posture qui se veut douloureuse.—Et j’ai vraiment très envie de le faire.Des éclats de voix et des grognements explosent tout autour de nous. Les métamorphes avancent d’une démarche menaçante vers Angie, prêts à défendre l’un des leurs. Le Leader relève Tarek et le pousse brutalement contre le mur, pointant une dague sous sa gorge. Les grognements du clan s’amplifient. Kierân lève la tête.—Anne! crie-t-il d’une voix empreinte de colère.Anne? Je fronce les sourcils
Je peux déjà sentir le refus d’Angie, même à plusieurs mètres de distance. Edden s’est crispé à mes côtés. Les convaincre ne va pas être facile. Kierân m’observe silencieusement, en l’attente d’une réponse de ma part. Il ne prend pas la peine de se tourner vers le Leader des Surnaturels. Il semble croire que je dirige le groupe. Que si je prends une décision, la majorité me suivra.—Tu as déjà une dette concernant Isaac, déclare Angie. On t’a aidé à libérer Lacnas, fais-en de même avec lui. Respecte cette promesse, et ensuite, peut-être qu’on acceptera d’y réfléchir.—Qu’en penses-tu? me questionne Kierân, sans prêter la moindre attention aux propos du Leader.L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Kierân a déjà pactisé avec la Démone de nombreuses fois, mais une guerre ne se gagne pas seul. On se doit de tenter le coup tout en redoublant de vigilance envers les métamorphes.—J’en pense que ça vaut le coup d’y réfléchir.Kierân so
Je suis essoufflée. Mes poumons me brûlent. J’ai peur. Ma course est sans fin. Malgré tout, je sais que c’est notre dernière chance. Une telle occasion ne se représentera pas deux fois, alors je cours. Personne ne fait attention à moi. Ils sont tous occupés à se battre. La terre aride est parsemée de crevasses que je m’efforce d’éviter comme je le peux. Je suis trop petite pour enjamber les nombreux obstacles, je décide donc de ramper pour passer en dessous. Le sol est brûlant, mais je dois continuer à avancer. Je ne dois pas m’arrêter. Mes oreilles bourdonnent des cris qui se répercutent sur le champ de bataille. Mes yeux se posent sur des squelettes noircis. Encore quelques mètres. L’air est irrespirable. Il fait trop chaud. Heureusement, les vestiges s’achèvent ici. Je me redresse face à un trou béant. Juste derrière, l’objet de ma convoitise. Ce pour quoi je suis ici.J’entends mon prénom faire écho au travers des ruines. On me hurle de m’arrêter, mais je n’en fais rien. San
Cela fait plusieurs heures que je fixe le vide, incapable de me relever. La couleur du sol est complémentaire à celle de mon esprit. Noire, telles les ténèbres qui se sont emparées de moi. Elles m’ont tenté. Elles m’ont goûté. Désormais, elles refusent de me lâcher. Je suis prisonnier de cette spirale infernale. Le bien contre le mal. Suis-je le bien? Suis-je le mal? Je ne sais plus. Je ne vois plus que du gris. Des nuances de gris, qui entachent mon âme et la transforment en une matière faite de pure violence et d’horreur. Ça ne me ressemble pas. Mais peut-être que si. Elle m’a eu sous la torture, et je n’ai pas su résister. Je me suis laissé emporter par cette envie de me venger. Cette envie qui me guette depuis des années. Que je ne cessais d’éloigner. Peut-être qu’on ne peut pas repousser indéfiniment ce que l’on est.J’observe mes mains, tachées du sang de nos ennemis. J’en ai partout. J’ignore à quoi je ressemble. Je n’ai pas envie de le savoir. Je voudrais jus
—Tu es sûr que c’est une bonne idée de les avoir laissées seules?—Elles ne risquent pas de se réveiller de sitôt.—Mais… et si elles ont un problème? Que l’une des deux reprend conscience du fait de la douleur?—Matt a fait le nécessaire pour que cela n’arrive pas. Pas cette nuit, du moins.Je pousse un soupir, pas très rassurée par le fait d’avoir laissé Lucie et Apolline sans surveillance. Raphaël n’ayant pas voulu me parler là-bas, par peur des oreilles indiscrètes, il m’a invité à discuter dans sa chambre. Elle est identique à celle que je partage avec Angie, à l’exception qu’il a sa propre douche. Kierân nous avait spécifié qu’il y avait un endroit aménagé dans la grotte, mais visiblement, Raphaël n’a pas à s’embêter avec ce genre de détail. Je m’assieds sur son lit tandis qu’il prend appui contre le mur qui me fait face.—Toi aussi tu étais au courant pour Matt?—Kierân me l’a d
—Voici votre chambre, annonce Kierân.—Notre chambre? m’étonné-je.Angie et moi pénétrons à l’intérieur d’une pièce de petite taille où la couleur marron domine largement. Il fait assez froid.—Quoi, vous n’êtes pas ensemble? nous questionne Kierân.—Si, répond Angie.—Parfait. Cette chambre sera donc la vôtre, déclare le chef des métamorphes, un sourire aux lèvres. Sachez simplement que les murs ne font pas de miracle en termes d’isolation.Puis il ferme la porte, me laissant seule avec le Leader. Je fixe le lit double, à droite de la porte. Je vais dormir avec Angie. Je ferme les paupières. Inspire un bon coup. Tout va bien se passer.—Ça te pose un problème? me questionne soudainement le Leader en s’asseyant au bord du lit.Je rouvre les yeux et fronce les sourcils.—Tout ça, précise-t-il, montrant d’un geste vague l’espace qui nous entoure.—Euh… N