Je donne un grand coup de poing dans le punching-ball. Expire. Inspire. Et j’enchaîne de nouveau. C’est libérateur. Qui aurait cru que me défouler ainsi me ferait autant de bien? D’habitude, je pleure pour évacuer mes problèmes. Mais aujourd’hui, je n’en ai pas envie. Je veux juste laisser sortir cette rage qui me ronge de l’intérieur. J’assène un ultime coup et le punching-ball valse à travers la salle, s’écrasant violemment contre le mur.—Ev’, tu ne dois pas t’en vouloir… Ce n’est pas de ta faute.Je tourne la tête vers Sean qui est adossé contre l’un des espaces vides du mur d’armes, les bras croisés, le regard inquiet.—Tu m’as suivi? le questionné-je sèchement.—C’est si mal que ça?—Je n’ai pas besoin d’avoir constamment quelqu’un sur le dos.—Je ne voulais pas que tu culpabilises dans ton coin alors que tu n’y es pour rien.—Sean, elle s’est effondrée sous mes yeux! Je n
—C’est une brillante idée!—C’est une très mauvaise idée!Sean et Angie se sont exprimés exactement en même temps. Je me doutais bien que cette idée ne plairait pas beaucoup au Leader. Prendre la Démone de court est peut-être dangereux, mais c’est justement notre meilleur plan aujourd’hui. Bien évidemment, il est inutile de les informer que cette idée ne vient pas de moi. Je doute qu’ils acceptent quoi que ce soit de la part de la toute première Démone, autant garder cette information pour moi. Encore une fois. J’ignore à partir de quel moment je me suis mise à leur mentir aussi facilement. Angie voulait qu’on se voie en privé, mais j’ai préféré réunir tout le monde à la Galerie pour leur faire part du plan. Je devine parfaitement de quoi il voulait parler, seulement notre discussion sur sa condition de métamorphe devra attendre.—Tu t’es trompé d’adjectif, Angie!—Ne commence pas à faire le clown avec moi, Sean. Je
—Alors?—Alors quoi?—Tu vas te décider à m’adresser la parole ou tu préfères rester à bouder dans ton coin?—Je ne boude pas, soupire Angie.—Dans ce cas, tu utiliserais quel mot pour décrire ton entêtement à garder le silence?—N’inverse pas les rôles, Miss.—Tu insinues que je boude?Je croise les bras sur ma poitrine, mais lorsque le draf vire soudainement à droite, je me cramponne maladroitement à la taille du Leader. Il tourne la tête et je peux discerner un petit sourire satisfait éclairer son visage.—Pas à cet instant, non. Mais l’art de bouder quand quelque chose te déplaît, c’est une de tes spécialités, et non l’une des miennes.—Ah oui, et quelle est ta spécialité alors?—Tu ne le sais pas?—Fuir les conversations en te terrant dans ton trou? Oh, bien sûr que si! J’attendais simpl
—Tu ne pourras pas les retenir éternellement…—Tais-toi.—Tu es plus faible que d’ordinaire.—J’ai dit, tais-toi, Isaac! hurle-t-elle, les yeux luisant d’une couleur carmin.Après avoir passé plusieurs semaines en sa compagnie, ses coups de sang ne me font plus le même effet. Je m’y suis habitué. Les choses ne se passent pas exactement comme elle l’avait prévue. Elle n’est pas tranquille et ne parvient pas à le cacher. Ses talons hauts claquent sur le sol de la pièce. Celui-ci est souillé des nombreux litres de sang qui se sont écoulés durant des siècles. Mes yeux se promènent sur les cordes, les lames, les objets bizarres et les torches prêtes à meurtrir n’importe quel morceau de chair sur la peau d’un malheureux. Un râle de douleur résonne dans la pièce.—Toi, la ferme!Mélodie resserre les chaînes du prisonnier et lui lance un regard meurtrier. Je n’éprouve d’ordinaire pas de grande empathie pour les
—Je… je ne comprends pas, murmuré-je contre son cou.Raphaël. Les questions se bousculent par dizaines dans ma tête, mais aucune d’entre elles ne parvient à sortir. Je me délecte de ce moment, celui de l’avoir dans mes bras, sain et sauf. Celui de l’avoir retrouvé.—Il va falloir qu’on se décolle l’un de l’autre, Ev’, articule-t-il d’une voix amusée.—Ce serait préférable, en effet. Ce n’est pas le moment pour ce genre de chose, on a plus important qui nous attend! raille le Leader.Je soupire, mais Angie n’a pas tort. Raphaël me lâche doucement et prend mes mains dans les siennes.—La bague, murmure-t-il.—Je ne la porte plus depuis le jour où… où Mélodie… enfin, où j’ai découvert tout ça. Toute cette folie. J’avais tellement envie de revenir sur Terre, et ton cadeau me faisait trop mal. Alors je l’ai retirée.D’un geste assuré, Raphaël me saisit le menton, forçant mes yeux à plonger dans les siens.
—Evalina… Evalina! Tu m’entends? Evalina! S’il te plaît, dis quelque chose!Mes paupières sont closes. Je me sens lourde. Affreusement lourde. Je parviens finalement à bouger les mains.—Evalina, parle-moi! Fais-moi un signe, n’importe quoi signifiant que tu vas bien!Angie. Sa voix regorge d’inquiétude. Ses mains pressent les miennes en attente d’un signe, mais je n’y arrive pas. L’image d’Apolline et de Lucie hante mon esprit. C’est comme si je les entendais hurler leur souffrance. Tout est ma faute. Je n’aurais pas dû les envoyer aider les métamorphes. Qu’est-ce qui m’a pris de donner des directives? Je suis tétanisée. Mes convictions n’étaient pas assez puissantes. J’ai lamentablement échoué. Et je dois maintenant vivre avec la mort de deux nouvelles Surnaturelles sur la conscience.—Ouvre les yeux, me supplie Angie. Je sais que tu es éveillée. Et je sais que tu dois sûrement t’en vouloir, mais
—Voici votre chambre, annonce Kierân.—Notre chambre? m’étonné-je.Angie et moi pénétrons à l’intérieur d’une pièce de petite taille où la couleur marron domine largement. Il fait assez froid.—Quoi, vous n’êtes pas ensemble? nous questionne Kierân.—Si, répond Angie.—Parfait. Cette chambre sera donc la vôtre, déclare le chef des métamorphes, un sourire aux lèvres. Sachez simplement que les murs ne font pas de miracle en termes d’isolation.Puis il ferme la porte, me laissant seule avec le Leader. Je fixe le lit double, à droite de la porte. Je vais dormir avec Angie. Je ferme les paupières. Inspire un bon coup. Tout va bien se passer.—Ça te pose un problème? me questionne soudainement le Leader en s’asseyant au bord du lit.Je rouvre les yeux et fronce les sourcils.—Tout ça, précise-t-il, montrant d’un geste vague l’espace qui nous entoure.—Euh… N
—Tu es sûr que c’est une bonne idée de les avoir laissées seules?—Elles ne risquent pas de se réveiller de sitôt.—Mais… et si elles ont un problème? Que l’une des deux reprend conscience du fait de la douleur?—Matt a fait le nécessaire pour que cela n’arrive pas. Pas cette nuit, du moins.Je pousse un soupir, pas très rassurée par le fait d’avoir laissé Lucie et Apolline sans surveillance. Raphaël n’ayant pas voulu me parler là-bas, par peur des oreilles indiscrètes, il m’a invité à discuter dans sa chambre. Elle est identique à celle que je partage avec Angie, à l’exception qu’il a sa propre douche. Kierân nous avait spécifié qu’il y avait un endroit aménagé dans la grotte, mais visiblement, Raphaël n’a pas à s’embêter avec ce genre de détail. Je m’assieds sur son lit tandis qu’il prend appui contre le mur qui me fait face.—Toi aussi tu étais au courant pour Matt?—Kierân me l’a d
Je ne sais pas comment j’ai fait, mais je suis debout. Je fonce dans le couloir à la recherche de la chambre de Kierân. Je sais qu’elle n’est pas loin de celle de Raphaël. Ma panique s’est transformée en rage monstre. Je ne veux plus qu’une seule chose. Le trouver, lui. J’ai envie de crier. D’exploser. De pleurer. Le monde ne tourne plus rond. Il a décidé de se foutre de moi et de basculer à l’envers. Je suis incapable de comprendre ce que j’ai entre les mains. J’ai voulu partir. Prendre la fuite et ne plus jamais remettre les pieds ici. Seulement, j’ai besoin de connaître la vérité. J’ai besoin de le confronter.Je passe devant les douches et bifurque dans le couloir à droite. La colère embrouille si fort mes sens que je manque de percuter Lacnas. Ce dernier m’adresse une phrase que j’entends à peine, continuant mon chemin. Seulement, il me rattrape. Je le repousse brutalement. Trop brutalement. Son dos vient percuter le mur et il tombe lourdement sur le sol. Mais je dé
De justesse, j’évite son poing et lui assène un coup dans le ventre. Il recule, prêt à intercepter mon bras, mais j’arrête mon geste et lui flanque un coup de pied dans les genoux. Il s’écroule à terre. Ni une ni deux, je me jette sur lui pour le maintenir fermement au sol. Mais avant que je ne puisse l’écraser de tout mon poids, il me donne un violent coup dans la poitrine et je lâche prise. Il en profite pour inverser les rôles. Il me plaque à terre, mais en usant de ma force de Gémone, je parviens à le faire basculer. Il tente de me frapper à coups de tête, mais je place mes mains autour de sa gorge pour l’en dissuader. Et je serre. Ses yeux noirs s’écarquillent. Il agrippe mes bras et tente de s’extirper de la situation. En vain. Il grogne et finit par me lâcher pour venir taper deux coups au sol. Je stoppe immédiatement mon attaque et me relève. Le premier regard que je vois, c’est celui d’Angie. Des yeux fiers. Puis un applaudissement retentit.—Félicitations, ma puc
—Tu avais promis que tu veillerais sur elle!—Je n’y ai pas failli!—Tu plaisantes?!Ses yeux noirs sont furieux. Je fixe Angie, mais celui-ci secoue la tête, ne comprenant pas plus que moi ce qu’il se passe. Kierân nous observe et se mord la lèvre, embarrassé par toutes ces paires d’yeux scrutant sa discussion houleuse avec June. Presque tous sont là, devant les douches. Il ne manque que Matt et Tarek.—Elle est saine et sauve, ton hystérie n’a pas lieu d’être.—Je ne sais pas ce qui me retient de t’éclater la gueule contre un mur! hurle-t-elle, agrippant brusquement l’imperméable de Kierân.Raphaël se précipite pour la repousser. Le regard de June est fou. Fou de rage et de haine. Lacnas se plante devant nous, écarte les bras et nous ordonne d’aller voir ailleurs, mais aucun des Surnaturels ne veut louper une miette de ce qui se joue en face d’eux. Moi la première.—Ça f
D’un crachat, Tarek expulse le sang de sa bouche et renvoie le coup au Leader, mais ce dernier l’intercepte. Il saisit le bras du métamorphe, et en deux temps trois mouvements, il parvient à le renverser au sol d’une technique impressionnante.—Zéphyr n’est plus là pour m’empêcher de te tuer, lui murmure le Leader à l’oreille.Tarek tente de se défaire de son emprise, mais Angie le maintient fermement au sol, un genou contre son dos, le bras dans une posture qui se veut douloureuse.—Et j’ai vraiment très envie de le faire.Des éclats de voix et des grognements explosent tout autour de nous. Les métamorphes avancent d’une démarche menaçante vers Angie, prêts à défendre l’un des leurs. Le Leader relève Tarek et le pousse brutalement contre le mur, pointant une dague sous sa gorge. Les grognements du clan s’amplifient. Kierân lève la tête.—Anne! crie-t-il d’une voix empreinte de colère.Anne? Je fronce les sourcils
Je peux déjà sentir le refus d’Angie, même à plusieurs mètres de distance. Edden s’est crispé à mes côtés. Les convaincre ne va pas être facile. Kierân m’observe silencieusement, en l’attente d’une réponse de ma part. Il ne prend pas la peine de se tourner vers le Leader des Surnaturels. Il semble croire que je dirige le groupe. Que si je prends une décision, la majorité me suivra.—Tu as déjà une dette concernant Isaac, déclare Angie. On t’a aidé à libérer Lacnas, fais-en de même avec lui. Respecte cette promesse, et ensuite, peut-être qu’on acceptera d’y réfléchir.—Qu’en penses-tu? me questionne Kierân, sans prêter la moindre attention aux propos du Leader.L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Kierân a déjà pactisé avec la Démone de nombreuses fois, mais une guerre ne se gagne pas seul. On se doit de tenter le coup tout en redoublant de vigilance envers les métamorphes.—J’en pense que ça vaut le coup d’y réfléchir.Kierân so
Je suis essoufflée. Mes poumons me brûlent. J’ai peur. Ma course est sans fin. Malgré tout, je sais que c’est notre dernière chance. Une telle occasion ne se représentera pas deux fois, alors je cours. Personne ne fait attention à moi. Ils sont tous occupés à se battre. La terre aride est parsemée de crevasses que je m’efforce d’éviter comme je le peux. Je suis trop petite pour enjamber les nombreux obstacles, je décide donc de ramper pour passer en dessous. Le sol est brûlant, mais je dois continuer à avancer. Je ne dois pas m’arrêter. Mes oreilles bourdonnent des cris qui se répercutent sur le champ de bataille. Mes yeux se posent sur des squelettes noircis. Encore quelques mètres. L’air est irrespirable. Il fait trop chaud. Heureusement, les vestiges s’achèvent ici. Je me redresse face à un trou béant. Juste derrière, l’objet de ma convoitise. Ce pour quoi je suis ici.J’entends mon prénom faire écho au travers des ruines. On me hurle de m’arrêter, mais je n’en fais rien. San
Cela fait plusieurs heures que je fixe le vide, incapable de me relever. La couleur du sol est complémentaire à celle de mon esprit. Noire, telles les ténèbres qui se sont emparées de moi. Elles m’ont tenté. Elles m’ont goûté. Désormais, elles refusent de me lâcher. Je suis prisonnier de cette spirale infernale. Le bien contre le mal. Suis-je le bien? Suis-je le mal? Je ne sais plus. Je ne vois plus que du gris. Des nuances de gris, qui entachent mon âme et la transforment en une matière faite de pure violence et d’horreur. Ça ne me ressemble pas. Mais peut-être que si. Elle m’a eu sous la torture, et je n’ai pas su résister. Je me suis laissé emporter par cette envie de me venger. Cette envie qui me guette depuis des années. Que je ne cessais d’éloigner. Peut-être qu’on ne peut pas repousser indéfiniment ce que l’on est.J’observe mes mains, tachées du sang de nos ennemis. J’en ai partout. J’ignore à quoi je ressemble. Je n’ai pas envie de le savoir. Je voudrais jus
—Tu es sûr que c’est une bonne idée de les avoir laissées seules?—Elles ne risquent pas de se réveiller de sitôt.—Mais… et si elles ont un problème? Que l’une des deux reprend conscience du fait de la douleur?—Matt a fait le nécessaire pour que cela n’arrive pas. Pas cette nuit, du moins.Je pousse un soupir, pas très rassurée par le fait d’avoir laissé Lucie et Apolline sans surveillance. Raphaël n’ayant pas voulu me parler là-bas, par peur des oreilles indiscrètes, il m’a invité à discuter dans sa chambre. Elle est identique à celle que je partage avec Angie, à l’exception qu’il a sa propre douche. Kierân nous avait spécifié qu’il y avait un endroit aménagé dans la grotte, mais visiblement, Raphaël n’a pas à s’embêter avec ce genre de détail. Je m’assieds sur son lit tandis qu’il prend appui contre le mur qui me fait face.—Toi aussi tu étais au courant pour Matt?—Kierân me l’a d
—Voici votre chambre, annonce Kierân.—Notre chambre? m’étonné-je.Angie et moi pénétrons à l’intérieur d’une pièce de petite taille où la couleur marron domine largement. Il fait assez froid.—Quoi, vous n’êtes pas ensemble? nous questionne Kierân.—Si, répond Angie.—Parfait. Cette chambre sera donc la vôtre, déclare le chef des métamorphes, un sourire aux lèvres. Sachez simplement que les murs ne font pas de miracle en termes d’isolation.Puis il ferme la porte, me laissant seule avec le Leader. Je fixe le lit double, à droite de la porte. Je vais dormir avec Angie. Je ferme les paupières. Inspire un bon coup. Tout va bien se passer.—Ça te pose un problème? me questionne soudainement le Leader en s’asseyant au bord du lit.Je rouvre les yeux et fronce les sourcils.—Tout ça, précise-t-il, montrant d’un geste vague l’espace qui nous entoure.—Euh… N