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Chapitre 1 Realite cauchemardesque

Auteur: E.J. SWAN
last update Dernière mise à jour: 2021-06-29 15:20:48
Je les prends dans mes bras, chacun leur tour, et les serre aussi fort que possible contre ma poitrine. Je souhaite de toutes mes forces qu’ils se réveillent. Je veux voir leurs paupières se soulever et leur poitrine s’abaisser au rythme de leurs respirations. J’attends. J’attends par terre, les yeux embués de larmes, refusant d’admettre la réalité. Parce que je ne comprends pas. Comment tout cela a-t-il pu arriver ? J’étais partie pour un après-midi avec mes amis, sans l’ombre d’un souci à l’horizon. Juste moi, et mon groupe. Et puis il a fallu que tout dégénère. Des choses étranges se sont produites. Après l’appel téléphonique de ma sœur, je n’ai pas perdu une seule seconde avant de rentrer chez moi. Le cri qu’elle a poussé avant que la communication ne se coupe brutalement reste ancré dans ma mémoire. Il était si terrible que j’en ai encore la chair de poule. Je savais que quelque chose d’horrible s’était produit, mais j’étais loin de me douter à quel point. Je n’aurais jamais pensé retrouver mes parents dans cet état-là. Morts.

Je ne sais plus depuis quand je pleure, mais je ne peux plus m’arrêter. L’horreur et la confusion se mêlent en moi. Deux armes sont enfoncées dans leur corps. Elles sont pourvues d’une longue barre de fer noir, qui se divise en trois parties. Comme une fourche. C’est un meurtre. Quelqu’un les a tués.

Je nage en plein délire. Quel genre de dégénéré a bien pu transpercer ainsi le corps de mes parents ? Je pose ma tête contre celle de ma mère puis ferme les yeux, attendant bêtement qu’un miracle se produise. Je veux sentir son odeur. Son parfum de tous les jours. Mais même ça, la mort me l’a enlevé. Son corps est déjà atrocement froid. Ce n’est pas normal.

Je rouvre les paupières mais fais face au même paysage. Rien n’a changé. Je serre le corps sans vie de ma mère, comme si elle pouvait encore me protéger de tout ça, alors qu’elle n’est plus là. Mon regard dévie sur mon père. Il semble si paisible. La colère, la tristesse, le choc et l’incompréhension manquent presque de me faire oublier ce que je suis venue faire ici. Tessia.

Luttant contre cette envie irrépressible de rester à leurs côtés, j’essuie les larmes qui perlent sur mes joues et me force à saisir le peu de courage qu’il me reste. Je dois trouver ma petite sœur. Même si l’état dans lequel elle pourrait être me fait peur et me donne envie de tout abandonner, il faut que je me reprenne – ou je risque de m’effondrer dans ce salon baigné de sang et devenir la prochaine sur la liste. Je me relève difficilement, mes jambes ne cessent de trembler.

Je me remémore les bruits de verres brisés au téléphone et cela suffit à mon cerveau pour reprendre les commandes de mon corps. Je me précipite dans la cuisine, préparée à la découvrir là, inerte. Ma gorge est affreusement sèche. Mon cœur bat beaucoup trop vite. Je ne suis pas prête. Je serre les poings, franchis le seuil de la pièce, et c’est avec un immense soulagement que je découvre son absence. Elle n’est pas ici. Cependant, les étagères contenant la vaisselle sont dispersées sur le sol, et des éclats de verre jonchent le carrelage sur un large périmètre. Impossible de mettre un pied dans cette pièce. J’aperçois le téléphone portable de ma sœur au milieu des débris, près du réfrigérateur. Ce dernier est ouvert et toutes les provisions sont au sol. Je n’en crois pas mes yeux. C’est comme si une bataille avait eu lieu dans la cuisine.

Je recule, effrayée, le cœur battant à tout rompre. Il faut que j’appelle quelqu’un. La police ? J’ai le sentiment qu’ils ne me prendront pas au sérieux, mais je sors malgré tout mon portable. Je le contemple, sans avoir la moindre idée du numéro à composer pour me venir en aide. On va me prendre pour une folle.

Lorsque finalement, je m’apprête à les appeler, une grosse explosion retentit. Je me fige, mon portable s’écrasant sur le sol. Le bruit venait du salon. Une épaisse fumée âcre s’en dégage. Je m’avance, les jambes flageolantes, et je ne peux retenir un cri de stupeur. Il y a le feu dans mon salon. Mes parents !

Je fouille la pièce du regard à la recherche de leurs corps, mais la fumée a déjà envahi la pièce. Les flammes se propagent à une vitesse folle. Je recule aussi loin que possible du salon. Il faut vraiment que je sorte d’ici.

J’accours jusqu’à la porte d’entrée, complètement paniquée. Un nouveau bruit retentit et je suis brutalement projetée en arrière. Je hurle de douleur lorsque mon poignet heurte les marches de l’escalier. Le feu embrase tout sur son chemin. Il se rapproche dangereusement de l’endroit où je suis affalée. Je dois me relever ! Je m’empresse de tourner les talons pour monter à l’étage. Les flammes étouffantes bouchent la sortie et je n’ai d’autres choix que de monter, abandonnant mon portable derrière moi. Mon cœur tambourine comme un dingue dans ma cage thoracique. Je ne sais pas quoi faire. Je ne comprends rien. Je suis complètement perdue. Je vais mourir. J’ai à peine le temps de me poser quelques secondes pour réfléchir à ce qui est en train de m’arriver qu’une autre explosion retentit. Cette fois-ci, dans la chambre de ma sœur.

Je m’écroule par terre, esquivant de justesse les meubles qui viennent de voler en éclats. Pourvu que Tessia ne s’y trouvait pas. À l’heure qu’il est, je ne sais toujours pas si elle est encore en vie, si elle se trouvait dans l’une des pièces parties en cendres, si elle est parvenue à s’enfuir, si le monde est en train de tourner rond ou s’il s’est arrêté pour devenir spectateur de cette scène. Je ne sais plus rien. Alors je cours. Je cours m’enfermer dans ma chambre. Je claque la porte et me laisse glisser contre celle-ci. J’effleure du bout des doigts la moquette de la pièce, caressant sa douceur, comme pour me rassurer. Mon père me l’avait installée lorsque j’avais neuf ans. Je détestais le parquet froid de ma chambre et j’avais donc fait un pari avec lui. Si je réussissais à décrocher un dix-huit en mathématiques, il m’installait la moquette mauve que je réclamais tant. J’avais remporté le pari en décrochant un dix-neuf, et mon père avait tenu parole. Les larmes coulent sur mes joues. Je ne devrais pas me laisser aller ainsi, alors que ma chambre menace d’exploser à tout moment. Je suis complètement inconsciente.

La porte devient de plus en plus chaude contre mon dos, mais ça m’est égal. Je vais mourir et rejoindre ma famille. Une partie de moi le veut vraiment. Mais une autre me pousse à résister, à me battre pour m’en sortir. Je décide donc de me ressaisir et relève la tête. La fenêtre ! Mais bien sûr ! Je me précipite pour l’ouvrir, respirant avec soulagement l’air frais de l’extérieur. Mon ticket pour la liberté. Je jette un coup d’œil vers mon jardin. C’est la seule solution. Je dois sauter. Je sais que j’en suis capable. Depuis plusieurs jours, je sens cette étrange adrénaline et cette incroyable énergie qui fusent dans mes veines. Elles me procurent une force étonnante, ainsi qu’une vitesse pour le moins stupéfiante. Je déglutis, observant le vide qui me sépare de mon jardin. Une énième explosion retentit et je suis contrainte de regarder, totalement impuissante, les débris de la baie vitrée menant au jardin déflagrer dans l’herbe. Quelques secondes plus tard, le feu crépite à l’endroit exact où j’aurais dû atterrir après avoir sauté. Je rêve ? À chaque fois que j’essaie d’atteindre un endroit, on dirait que celui-ci explose pour m’empêcher de sortir. Je suis prise au piège.

Je me retourne, le cœur menaçant d’éclater. La porte s’est enflammée et la chaleur étouffante s’insinue progressivement dans la pièce. La fumée emplit mes poumons et me force à tousser. Si je ne veux pas mourir asphyxiée ou brûlée, je dois sortir d’ici tout de suite ! Je me penche vers la fenêtre. Si je saute, il n’y a que des flammes qui m’attendent. Mais si je grimpe ? Je me tords le cou pour essayer de voir à quoi cela va me mener. Je n’aperçois que le toit. Si cela peut me permettre de survivre quelques minutes de plus, alors soit. J’aviserai ensuite.

Je passe mes jambes par-dessus la fenêtre et pose mes pieds sur la gouttière, bien consciente qu’elle risque de céder sous mon poids. Je fais un demi-tour, empoigne le battant, puis me hisse pour grimper dessus. J’hallucine. Si on m’avait dit un jour que je me retrouverais agenouillée comme un ninja au-dessus de ma fenêtre, je n’y aurais pas cru une seule seconde. Pourtant, c’est bien la position exacte dans laquelle je me trouve. Je n’ose même plus bouger, de peur de tomber. Et maintenant ? Je suis coincée sur le toit. Génial. J’observe rapidement les alentours, cherchant n’importe quoi pour m’aider à m’échapper, n’importe qui pouvant me sortir de là, mais je suis complètement seule. Évidemment. J’habite en pleine campagne. Ma maison est l’une des plus éloignées de la ville, personne ne m’entendrait crier, pas même si j’y mettais toute la meilleure volonté du monde. Je hais la campagne.

Une ultime explosion retentit, et je dérape du toit, glissant sur les tuiles qui m’arrachent la peau au fil de ma descente en catastrophe. J’essaie de me rattraper à la fenêtre mais je la dépasse et ne parviens à m’agripper qu’à la gouttière, qui se met à ployer dangereusement sous mon poids. Je pousse un hurlement de terreur, priant silencieusement pour qu’elle tienne bon. Si je tombe, c’est fini. Et si je tente quoi que ce soit pour me remettre en bonne posture, la gouttière cédera. Je suis coincée. Je vais mourir. Et comme si ça ne suffisait pas, mon poignet me fait toujours un mal de chien.

Je suis à présent suspendue dans le vide, sans la moindre idée de ce qui me motive encore à tenir. J’entends les flammes crépiter juste au-dessous de moi. Elles m’appellent, et je me demande pourquoi je lutte. Pourquoi je me raccroche à cette gouttière qui finira de toute manière par céder tôt ou tard ? Je ne fais que retarder l’inévitable. Tout ce à quoi je tenais vient de partir en fumée. Ma raison me dicte de lâcher prise, mais mon cœur, lui, me pousse à tenir. Je le fais malgré tout taire en choisissant d’écouter ma tête. Plus rien me retient d’abandonner. Alors je lâche prise. Mes doigts glissent le long de la gouttière pour me permettre d’aller rejoindre les flammes. Je ferme les paupières, laissant une larme couler malgré moi, tandis que je sens mes dernières forces m’abandonner petit à petit. Ce n’est pas ainsi que j’imaginais la fin, mais peut-être que c’était écrit. Peut-être que mon passage sur Terre se devait d’être aussi bref ?

Une forte pression sur mes mains me rattrape in extremis. Je rouvre brusquement les yeux. La silhouette de mon sauveur ou de ma sauveuse agrippe mes bras pour me hisser dans les siens. Je me laisse faire, l’esprit embrouillé par une seule et unique question. Qui vient de me sauver la vie ? Je n’arrive pas à voir son visage. Mes yeux sont brouillés de larmes, mais je parviens à distinguer des cheveux blonds et une carrure toute en muscles, masculine. Je veux ouvrir la bouche pour lui demander son nom, mais il prend la parole le premier :

— Plus tard, les questions, dit-il sèchement.

Je n’insiste pas et m’agrippe à son cou, tandis qu’il s’avance jusqu’au bord du toit. Même si je sais qu’il me tient fermement, je ne peux m’empêcher d’avoir peur. Soudain, il recule, prend de l’élan, puis saute. Je pousse un cri de terreur et ferme les yeux. Lorsque je les rouvre, nous sommes sur l’un des grands sapins qui bordent le champ près de chez moi. Je fronce les sourcils d’incompréhension. La distance est bien trop grande pour pouvoir sauter du toit jusqu’à cet arbre ! Je deviens folle, ou quoi ? J’entends du bruit sur ma droite, mais je suis trop faible pour tourner la tête. La fumée qui s’est invitée d’elle-même dans mes poumons, la peur ainsi que le manque de force sont en train de me précipiter vers les ténèbres du sommeil.

— Elle va bien, quel soulagement ! s’écrie une voix féminine. Il faut vite s’en aller d’ici !

Mes oreilles parviennent à capter des bruits de frottement, comme si la fille qui avait parlé s’était mise à escalader le sapin. Puis je l’entends pousser un cri de joie, et un bruit sourd se fait entendre. Est-ce que cette fille vient vraiment de sauter de l’arbre ? Le garçon qui me porte se met à reculer, et l’angoisse m’envahit aussitôt. Il prend de la vitesse. Il ne va pas se lancer lui aussi, quand même ! Si ? Je sens les muscles de ses bras se contracter, puis à son tour, il se jette dans le vide. Je lâche un nouveau cri de terreur et enfouis ma tête contre son cou, fermant les yeux le plus fort possible, attendant la chute.

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    S’il te plaît, Angie, on a besoin de votre aide.—Qu’est-ce que tu fais ? me demande Sean, toujours occupé à rassurer Bastian.Je rouvre les yeux et attends quelques secondes avant de lui répondre, laissant mes pupilles s’habituer à l’obscurité. Cela faisait un moment que j’avais les paupières closes.—J’essayais de contacter Angie par la pensée, expliqué-je. Mais je crois que c’est inutile, ça ne fonctionne pas.C’est sans doute au-dessus de mes capacités. S’il m’avait entendu, il serait là, non ?—Les animaux de notre royaume sont capables de pratiquer entre eux l’appel par la pensée afin de rallier les autres lorsqu’il est question de danger ou de violation des frontières. Si les animaux peuvent le faire, je pense que tu peux y arriver aussi, m’encourage-t-il.Je le remercie d’un faible sourire, désespérée à l’idée de rester ici encore plusieurs heures. Ça commence à faire un bout de temps que nous sommes là. Apollin

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