AnibalLes jours passent, paisibles mais chargés de cette tension silencieuse qui flotte dans l’air. Chaque membre du groupe semble avoir trouvé une forme de sérénité intérieure, mais je sens qu’il y a quelque chose de non-dit, comme un voile invisible entre nous. Malgré la confiance croissante que nous partageons, des non-dits persistent, des fractures invisibles que personne n’ose encore résoudre.Ce matin, la brume recouvre la vallée, donnant à la scène un air irréel. Les montagnes, habituellement majestueuses, semblent s’être effacées dans l’immensité du brouillard. Je me lève tôt, comme à mon habitude, et me dirige vers la rivière. L’eau, claire et froide, serpente entre les rochers. Je m'accroupis pour boire quelques gorgées.Tandis que je contemple la rivière, je me surprends à réfléchir aux derniers événements. Est-ce que la rédemption passe par le pardon des autres ou par celui de soi-même ? C’est là, dans cette idée, que je trouve une paix fragile, un équilibre que j’essaie
AnibalLes jours suivants, le groupe avance avec une nouvelle énergie. Le voyage, bien qu’encore difficile, semble moins pesant. Je ne peux m’empêcher de remarquer que les membres de l’équipe sont un peu plus légers, comme si la conversation que j’ai eue avec Claire avait permis de briser certaines barrières invisibles. Le poids des non-dits est moins lourd, même si, au fond, je sais que ce n’est qu’un répit.Nous nous enfonçons de plus en plus dans les forêts denses, où le soleil, filtré par les épais feuillages, dessine des motifs complexes sur le sol. La marche est lente, le terrain devient plus escarpé et accidenté. Mais c’est dans ces moments de silence, de lutte avec la nature, que les plus profondes vérités émergent.Le groupe se déplace en file indienne, chacun perdu dans ses pensées. Je marche en tête, jetant des coups d’œil furtifs en arrière, observant le groupe avec un regard attentif. Je sais que, malgré les apparences de calme, il reste des fissures, des zones d’ombre da
AnibalElle acquiesce lentement, semblant apaiser quelque chose en elle. Elle tourne son regard vers le ciel étoilé et murmure, comme pour elle-même : "Peut-être que la paix, finalement, réside dans l’acceptation de notre propre imperfection."Nous restons là, silencieux, sous la lumière de la lune, chacun dans ses pensées. Le voyage continue.Le lendemain matin, je me réveille avant l’aube, le ciel encore teinté de bleu sombre, un horizon qui commence à se colorer lentement. L’air est frais, porteur de la promesse d’une nouvelle journée. Je me lève sans faire de bruit, mes pensées encore embrouillées, et je me dirige vers le ruisseau. L’eau froide me saisit dès que je m’y trempe les mains, mais ça m’aide à me réveiller, à revenir dans le moment présent. J’ai cette sensation, profonde et dérangeante, que quelque chose se trame, quelque chose qui va tout changer.De retour au campement, je trouve Claire et Serge autour du feu. Leurs visages portent la marque de la fatigue, mais aussi d
AnibalLe rythme de notre marche ralentit. Chaque pas est plus prudent, plus mesuré, comme si le sol lui-même nous observait. La brume persistante enveloppe la forêt et brouille l'horizon. Les arbres, aux troncs couverts de mousse, semblent se resserrer autour de nous, formant un mur infranchissable de végétation dense.Un silence tendu s'installe entre nous. Chaque bruit, chaque craquement de branche, chaque souffle du vent devient une alerte potentielle. Je n'aime pas ça. Quelque chose cloche.Je me tiens à l'avant, scrutant le chemin avec une attention presque obsessionnelle. Cette sensation, ce frisson sur ma nuque... Quelque chose nous suit. Pas un danger imminent, mais une présence. Tapie dans l'ombre, invisible. Mon instinct, affûté au fil des années, me murmure que cette traversée ne sera pas une simple promenade.Claire marche près de moi. Elle aussi est tendue. Ses yeux scrutent la végétation, cherchant des signes de danger. Elle ne dit rien, respectant le silence pesant qui
AnibalNous nous remettons en marche. L’air est étrange, lourd. Le vent souffle de manière irrégulière, et la lumière peine à percer à travers les branches épaisses. Chaque bruit, chaque bruissement de feuille, nous fait sursauter.— Tu penses qu’il y a quelqu’un derrière tout ça ? demande Claire à Luca.Il hausse les épaules.— J’en sais rien. Mais cette forêt… elle a l’air de respirer. Comme si elle était en vie.Puis, je m'arrête brusquement. Mon regard se fige sur une silhouette au loin, presque invisible dans les ombres, mais présente.Pas besoin de parler. Toute l’équipe s’immobilise. Nous avons tous vu cette ombre fugace, si fine et rapide qu’elle semble se fondre dans la forêt elle-même.— Vous l’avez vue ? murmure Claire.Je hoche la tête.— Restez calmes. On s’approche lentement.Nous nous glissons entre les arbres, chaque pas mesuré. La tension est électrique. Plus nous approchons, plus je ressens cette sensation dans mes entrailles : l’anticipation.Puis, à quelques mètres
AnibalNous nous remettons en marche avec une prudence accrue. Chaque membre du groupe sait que le moindre faux pas peut nous entraîner dans l'inconnu. Le sol sous mes pieds devient plus détrempé, les racines des arbres plus visibles, tordues et sombres, comme si elles cherchaient à nous emprisonner. La forêt change, elle se transforme autour de nous. Chaque pas semble modifier son essence, ajoutant une couche de mystère au-delà de tout ce que nous avons déjà rencontré.Je marche en tête, scrutant la lisière des arbres, cherchant le moindre signe de danger ou de changement. Claire et Serge suivent derrière moi, plus silencieux que jamais, observant les alentours avec une vigilance palpable. Luca, en queue de file, semble préoccupé. Son regard revient sans cesse vers l’arrière, comme s’il craignait que quelque chose surgisse des ombres pour nous happer.— Il a raison, n’est-ce pas ? murmure Claire après un long silence. Il y a quelque chose d’étrange dans cette forêt.Je ne réponds pas
AnibalL’atmosphère qui nous entoure est oppressante de silence. Le sol sous nos pieds est doux, presque spongieux, comme une mousse dense, mais qui n’offre aucune résistance. Chaque pas semble se faire dans un vide intangible, un espace où le temps n’est ni défini ni mesurable. Je prends une grande inspiration, cherchant à retrouver mes repères dans ce monde qui n’a rien de familier. Instinctivement, nous nous regroupons, conscients qu’il ne faut surtout pas se perdre ici.Autour de nous, tout semble suspendu dans une sorte d’équilibre fragile. Les formes floues qui nous entourent ne sont ni entièrement des arbres ni des plantes, mais quelque chose d’intermédiaire, des silhouettes faites de lumière et d’ombre. Leur surface est translucide, miroitante, comme si elles étaient constituées d’une matière que mes yeux ne peuvent complètement saisir.— On est... où ? murmure Claire, la voix tremblante, son regard allant de gauche à droite, cherchant un repère.Il n’y a ni ciel, ni sol clair
AnibalIls sont là, debout, figés dans un monde qui n’a aucune ressemblance avec ce qu’ils connaissent. Le sol sous mes pieds est lisse, comme du verre poli, et pourtant, il semble offrir la solidité d'une terre ferme. Aucun bruit, aucun souffle de vent. Seule une lumière douce et omniprésente baigne cet endroit. Une lumière qui ne vient ni du ciel, ni de la terre, mais semble émaner de chaque particule de l’air autour de nous.J’avance prudemment, mes pas ne produisant aucun son. Mes yeux scrutent l’horizon, cherchant des repères dans cet environnement étrange. À perte de vue, il n'y a que des formes indistinctes qui se dissolvent dans l'air, des ombres qui flottent comme des souvenirs oubliés. C'est comme si le temps lui-même était suspendu ici, à l’abri de tout changement."Ce n'est pas réel," murmure Claire, presque pour elle-même, son ton trahissant un mélange de confusion et de peur.Je me tourne vers elle, cherchant à la rassurer, mais je sais tout aussi bien qu'elle que ce lie
AnnibalLa porte claque doucement derrière nous. Pas de cris. Pas de menace. Pas de guerre. Juste… le silence.Je dépose les clés. Claire retire ses bottes en soupirant. Elle ne dit rien. Mais je la sens trembler, même sous ses vêtements. Je me retourne, la fixe.Elle me regarde, fatiguée, les yeux rouges mais clairs.Elle est belle comme ça.Vraie.Brisée, mais vivante.Et mienne — si elle le veut encore.— Ça fait combien de temps qu’on n’a pas été seuls, Claire ?Elle sourit, à peine.— Trop longtemps. J’avais oublié le son de ton silence.Je m’approche. Elle ne recule pas. Je tends la main et touche son visage. Sa joue est froide. Je veux la réchauffer.— On peut s’arrêter ce soir. Juste pour ce soir. Pas de Luca. Pas de monstres. Pas de souvenirs. Juste toi et moi.Elle ferme les yeux, s’approche, pose son front contre le mien.— Tu crois qu’on mérite ça ? Ce genre de paix ?Je pose mes mains sur sa taille, l’attire contre moi.— Je crois qu’on a traversé assez d’enfer pour mérit
---ClaireIl est là.Je le reconnaîtrais entre mille.Même couvert de sang séché, même amaigri, même l’âme en lambeaux…Annibal reste Annibal.Je cours. Je m’effondre contre lui. Il ne dit rien. Mais ses bras me serrent. Fort.Plus fort que je l’aurais cru possible.Comme si me toucher était la seule chose réelle ici.— Tu m’as retrouvée, je souffle.Il ferme les yeux. Sa main dans mes cheveux.— Je t’ai suivie jusqu’en enfer, Claire. Et ce n’est pas fini.---AnnibalLe monde est brisé. Mais Claire est là.Et tant qu’elle respire, j’ai une raison de continuer.Je ne pose pas de questions. Pas encore.Parce que je vois dans ses yeux les réponses que je redoute.Elle est différente.Quelque chose l’a touchée là-bas. Quelque chose l’a marquée.— Luca est avec toi ? je demande.Elle hoche la tête.— Oui. Mais il change. Il rêve d’elle. Il l’entend.Elle ne prononce pas son nom.Mais je sais de qui elle parle.Sali.Celle qui a volé la lumière de Claire. Celle qui a tenté de m’arracher m
LucaLe sol est stable. L’air est lourd, mais réel.On est de retour.Enfin… presque.Claire tient ma main si fort que je sens mes os craquer.Mais je ne dis rien. Parce qu’elle pleure. Et que je n’ai jamais vu Claire pleurer.— On l’a perdue, je dis.Elle secoue la tête.— Non. Elle s’est perdue. Nous, on s’est retrouvés.Et quand je regarde autour de nous, je sais que ce n’est que le début.Parce que le monde ne nous appartient plus.Mais nous savons où frapper.---ClaireCe n’est pas le monde que j’ai quitté.Les rues sont silencieuses. Les lampadaires crépitent comme des néons malades. L’air sent le métal et la pluie.Mais ce n’est pas ça, le pire.Le pire, c’est le regard des gens.Ils ne nous voient pas vraiment. Comme si nous étions flous, transparents à leurs yeux.Ou peut-être qu’ils ont appris à ne plus voir.Peut-être qu’ils savent… que ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes.Luca titube à mes côtés. On n’a rien dit depuis l’apparition. Rien depuis le départ de Sali.O
ClaireLe sol n’est plus le même.Depuis que j’ai franchi cette rue — la rue, celle que personne n’ose nommer —, tout semble suspendu. Le vent ne bouge plus les feuilles. Les lampadaires ne font plus d’ombre.Je sens la trace de Luca. Une chaleur qui palpite encore sur le bitume, comme un cœur qui ne veut pas cesser de battre.Je le suis.Mais plus j’avance, plus je me perds.Mes souvenirs deviennent brumeux. Le nom de ma mère m’échappe. La couleur de mes yeux me fuit.Je me raccroche à une seule chose : Sali.Si je la retrouve, je retrouve Luca. Et peut-être… peut-être que je me retrouve moi-même.SaliElle est là.Elle marche dans mon sillage sans même comprendre.Je l’ai rêvée mille fois, Claire. Je l’ai vue tomber, se relever, tomber encore. Toujours humaine. Toujours trop humaine.Mais maintenant, elle est presque prête.Je tends les doigts, à travers la membrane qui sépare nos mondes. Je touche son esprit. Juste un peu.Elle tremble. Elle résiste.Elle est parfaite.Mais elle ne
ClaireTrois jours.Trois jours sans Anibal. Trois jours sans Serge. Trois jours que le bunker est devenu un tombeau muet, sans porte, sans écho. Et pourtant, parfois, la nuit, je crois entendre une voix murmurer mon prénom.Je reste assise sur le seuil du monde. Là où l’herbe recommence à pousser, là où le vent sent encore un peu la vie. Luca dort la plupart du temps. Quand il se réveille, il parle peu. Il a vu quelque chose là-bas, quelque chose qu’il refuse de mettre en mots.Et moi… moi, je tiens. Je veille. Parce que quelqu’un doit le faire.LucaJe ne rêve plus. Ou peut-être que je ne me réveille plus.Depuis que Claire m’a tiré hors de ce trou béant, je flotte entre deux états. Comme si mon corps était resté là-bas, avec Serge. Comme si mon esprit était resté accroché aux derniers mots d’Anibal.Il a murmuré assez. Mais est-ce que ça a compris ce qu’il voulait dire ?Claire me parle parfois. Elle me raconte des souvenirs, de l’avant. Des rires, des nuits étoilées, des bières tr
ClaireQuand je retrouve Anibal, il a le regard vide, les mains tremblantes.— Elles sont là, je dis.Il hoche lentement la tête.— Je sais.On rejoint Luca et Serge dans ce même café où tout avait basculé. Mais cette fois, personne ne fait semblant.Serge a les yeux injectés de sang, Luca tremble comme une feuille. Et moi… j’ai mal. Une douleur sourde au creux du ventre, comme si quelque chose me rongeait de l’intérieur.Anibal prend la parole, froid, déterminé.— On doit retourner là-bas.— Tu es malade, je murmure.— Non. On les a laissées passer. Elles ont franchi la faille. Ce monde… elles veulent le dévorer. Il faut refermer la porte.— Mais on ne sait même pas comment elle s’est ouverte !— Si, dit Serge. C’est nous.Un silence. Puis Claire comprend. Elle se lève lentement, les larmes aux yeux.— On l’a ouverte. En survivant.---LucaOn rentre chez nous cette nuit-là, mais quelque chose a changé. Les murs grincent comme des bêtes blessées. Les ombres bougent quand on ne regard
AnibalIl y a des soirs où tout semble basculer. Où l’air devient trop lourd, trop dense. Où chaque silhouette croisée dans la rue paraît familière, comme un souvenir lointain qui refuserait de mourir. Ce soir est l’un de ces soirs.Je marche seul dans les ruelles du quartier, les mains dans les poches, incapable de rester enfermé plus longtemps. Trop de silences. Trop de souvenirs coincés entre les murs. La pluie s’est remise à tomber, fine, persistante. Elle trace des lignes tremblantes sur le bitume, comme si le monde lui-même était en train de fondre doucement.Depuis notre retour, je ne me reconnais plus. Mes gestes sont mécaniques. Je souris quand il faut sourire. Je parle quand on me parle. Mais à l’intérieur, c’est le chaos. Il y a quelque chose d’inachevé. Comme une porte qu’on aurait refermée trop vite, sans vérifier ce qu’on laissait de l’autre côté.Je m’arrête devant un vieux kiosque fermé, les néons clignotants d’un bar éclairant la vitrine poussiéreuse. Dans le reflet,
AnibalLe retour à la réalité est brutal. Une sensation de vertige me secoue tandis que je sens enfin un sol familier sous mes pieds. L’air est plus dense, plus frais, chargé d’odeurs que je reconnais : celles de la ville, du bitume mouillé, de la vie normale. J’ouvre les yeux avec prudence, craignant un instant d’être encore prisonnier de l’autre monde.Mais non. Nous sommes bien là.Autour de moi, Claire, Luca et Serge reprennent lentement leurs esprits. On est tous sonnés, comme si on venait de vivre un rêve trop réel. Le silence qui nous entoure est presque irréel après tout ce que nous avons traversé. Plus de voix mystérieuses, plus de lieux étranges défiant la logique. Juste le bruit lointain des voitures, le clapotis d’une flaque sous une goutte de pluie, un chien qui aboie au loin.Claire se redresse d’un mouvement raide, ses yeux balayant les environs avec nervosité. "C’est bien… chez nous ?"Je hoche lentement la tête. "Oui. Je crois."Luca se passe une main sur le visage, c
AnibalL’espace autour de nous se tord et se plie sous une force invisible. Nous sommes prisonniers d’un monde qui ne nous appartient pas, un entre-deux où le temps lui-même semble hésitant. Depuis des jours – ou peut-être des semaines – nous errons dans ce royaume de brume et d’ombres, cherchant une issue qui semble toujours se dérober sous nos pas.Nous avons traversé des ruines hantées par des murmures indistincts, franchi des ponts suspendus au-dessus de gouffres sans fond, et marché sous des cieux où flottent des étoiles mortes. Partout où nous allons, ce monde cherche à nous garder en lui, nous séduisant par des visions de puissance et de liberté. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous voulons rentrer.Claire est la plus affectée par ces illusions. Parfois, elle s’arrête en plein milieu du chemin, ses yeux vides, fascinée par une scène que nous ne pouvons voir. Des fragments de son passé, ou peut-être du futur. Luca et Serge doivent la secouer pour la ramener à la réalité.Moi, je