AnibalLe vent siffle doucement entre les arbres, portant avec lui une odeur de terre humide et de bois en décomposition. La forêt semble s’être transformée en un labyrinthe vivant, ses branches noueuses formant des silhouettes menaçantes dans l’ombre grandissante. Nous avançons en silence, tous conscients que quelque chose a changé. Ce n’est plus seulement une impression. C’est une certitude.Chaque pas que nous faisons semble être absorbé par le sol moussu, étouffé par cette atmosphère pesante. J’ai l’impression que la forêt elle-même nous observe. Une idée stupide, mais qui refuse de quitter mon esprit.— Vous sentez ça ? murmure Claire, sa voix à peine audible.Je hoche la tête sans répondre. Bien sûr que je le sens. Ce froid insidieux qui s’infiltre dans nos os, cette impression d’être coupés du monde extérieur. Ce n’est pas normal.Derrière moi, Roland marche mécaniquement, le regard figé sur un point invisible. Il est tendu, plus qu’à son habitude. Serge, lui, reste vigilant, a
AnibalLe silence qui règne dans la grande salle est presque insoutenable. Nous avons tous entendu ce murmure étrange, cette voix spectrale qui s’est élevée de nulle part pour se taire aussi soudainement qu’elle était apparue. L’obscurité, oppressante, semble s’épaissir devant nous, comme si elle absorbait la moindre parcelle de lumière. L’air lui-même semble figé, emprisonné dans un crépuscule éternel.Mon couteau est fermement serré dans ma main. Mon regard scrute l’ombre, cherchant un mouvement, un indice, n’importe quoi qui pourrait trahir une présence. Mais il n’y a rien. Rien d’humain, en tout cas. Pourtant, mon instinct hurle. Quelque chose est là, tapi dans ces ténèbres insondables.À mes côtés, Claire resserre sa prise sur son épée. Son corps est tendu, chaque muscle prêt à réagir. Je la connais suffisamment pour savoir qu’elle est pragmatique, qu’elle ne laisse pas facilement la peur l’envahir. Mais là, je la vois. Elle a peur. Et ce n’est pas la seule.Serge et Luca restent
AnibalL’obscurité est partout. Elle n’a plus seulement envahi la pièce : elle s’est insinuée en nous, dans nos respirations saccadées, dans la tension de nos muscles. Ce n’est pas une simple absence de lumière, c’est une présence, une entité tapie dans les ombres qui nous observe, qui joue avec nous.Je sens mon cœur cogner dans ma poitrine, mais je ne cède pas. Je suis un prédateur, pas une proie. Je ne laisserai pas cette chose nous dominer.Claire est juste à côté de moi. D’habitude, elle incarne le sang-froid absolu, mais cette fois, je perçois une légère fêlure dans son masque. Une lueur d’inquiétude brille dans son regard perçant.— Qu’est-ce que c’était, Anibal ? murmure-t-elle, comme si parler plus fort pouvait réveiller quelque chose que nous préférerions ne jamais voir.Je déglutis, gardant mes sens en alerte. L’air a une densité étrange, presque palpable. Je jette un regard derrière nous : rien. Pas une ombre en mouvement, pas une respiration autre que la nôtre. Pourtant,
AnibalLa silhouette lumineuse se dissout complètement dans la brume, ne laissant derrière elle qu’un vide étrange et une atmosphère oppressante. Un silence lourd s’installe. Claire, Serge, Luca et moi restons figés, comme suspendus dans le temps, les yeux rivés sur l’endroit où l’apparition s’est évaporée. L’écho des murmures s’estompe, ne laissant qu’un battement sourd dans mes tempes.« Alors… qu'est-ce qu’on fait maintenant ? » demande Claire, la voix rauque, brisant le silence.Elle regarde autour d’elle, les yeux plissés, cherchant désespérément un repère dans cette obscurité inquiétante. Rien ne bouge, hormis l’ombre qui semble respirer avec nous.Je prends une profonde inspiration, forçant mon esprit à analyser la situation. Cette pièce, ces murs de pierre humide, cette sensation d’être coupés du monde… Tout ici me donne l’impression d’être dans une prison sans barreaux. Il n’y a pas de porte visible, pas de chemin évident pour sortir. Juste nous et ce silence pesant.« Je pen
AnibalLe silence persiste, épais, comme un voile invisible qui enveloppe chaque coin de la pièce. Pourtant, contrairement aux moments précédents où il semblait oppressant, cette fois-ci, il apporte un étrange sentiment de calme. J’avance, mon regard fixé sur l’ombre vacillante au centre de la salle. Claire, Serge et Luca me suivent, chacun perdu dans ses pensées. La lumière qui brille doucement autour de nous a un éclat presque apaisant, comme une lueur qui nous guide et nous incite à continuer.Nous étions loin d’imaginer ce que nous allions trouver en entrant ici. Ce n’est pas simplement une quête pour obtenir des réponses. Ce que nous avons découvert est bien plus complexe. Ce lieu est un test, mais pas un test de force ou de stratégie. Non, c’est une épreuve de l’âme, une confrontation avec la vérité que nous portons tous en nous. Les ombres que nous pensions combattre ne sont pas seulement extérieures. Elles résident en chacun de nous, dans des recoins que nous refusons parfois
AnibalLa lumière tamisée qui baigne la pièce n’efface pas la sensation étrange qui plane dans l’air. Ce n’est pas une simple accalmie. C’est un silence rempli de sens, comme une pause avant l’inévitable. Une respiration contenue.Autour de moi, Claire, Serge et Luca restent figés, chacun perdu dans ses pensées. Je peux voir leurs regards qui cherchent encore une explication à ce qui vient de se passer. Nous étions plongés dans une obscurité suffocante il y a quelques instants à peine, et voilà que tout semble avoir changé.Mais c’est une illusion. Je le sais. L’obscurité n’a pas disparu. Elle s’est simplement tapie, attendant le bon moment pour ressurgir.Les derniers mots de la silhouette lumineuse résonnent en moi :"Tournez-vous vers l’obscurité, comprenez-la, et c’est là que réside votre véritable pouvoir."Une vérité troublante. Une invitation que je ne suis pas certain de vouloir accepter.Claire brise le silence, sa voix douce mais emplie de prudence.— On dirait que la salle
AnibalLa porte cède sous ma pression, un léger grincement brisant le silence dans lequel nous étions plongés depuis notre arrivée. L’espace derrière elle, une lumière d’un blanc éclatant, me frappe en plein visage. L’intensité de la lumière est si forte que mes yeux se ferment automatiquement sous l’assaut. Pendant un instant, je suis aveuglé, comme si la lumière voulait effacer toutes mes pensées, toute la noirceur de mon esprit.Quand mes yeux s’habituent enfin, je découvre la pièce dans laquelle nous sommes. Une vaste salle circulaire, dont le plafond semble se perdre à une hauteur infinie, noyé dans l’éclat aveuglant de la lumière. Les murs sont recouverts de miroirs, parfaitement alignés, qui capturent chacune de nos silhouettes. Mais ce ne sont pas des reflets ordinaires. Ils ne se contentent pas de nous renvoyer notre image, mais distordent, modifient, altèrent ce que nous croyons être.Je frissonne. Ce n’est pas simplement un jeu de lumière ou de réflexion. C’est comme si ces
Par AnibalLe groupe avance à travers le long corridor, chaque pas résonnant dans l'espace. La lumière dorée qui nous guidait jusqu’ici s’est dissipée, laissant place à une lueur pâle qui peine à éclairer le chemin devant nous. La tension qui s’est un peu relâchée dans la salle des miroirs est maintenant revenue, imperceptible au début, mais de plus en plus présente, presque oppressante. Je sens cette pression sur mes épaules, mais je n’y prête plus attention. Quelque chose en moi a changé depuis la confrontation avec nos reflets. J'ai l’impression d’être plus léger, détaché, mais en même temps, une lourdeur pèse sur mon cœur, comme si chaque étape nous rapproche d’une vérité qu’aucun de nous ne veut vraiment connaître.Je brise le silence qui nous enveloppe, une idée qui me taraude depuis un moment. "Vous avez vu vos reflets, comme moi", dis-je d’une voix calme. "Nous avons accepté nos parts d’ombre. Mais il nous reste encore à comprendre ce que nous allons faire de ce savoir."Clair
AnnibalLa porte claque doucement derrière nous. Pas de cris. Pas de menace. Pas de guerre. Juste… le silence.Je dépose les clés. Claire retire ses bottes en soupirant. Elle ne dit rien. Mais je la sens trembler, même sous ses vêtements. Je me retourne, la fixe.Elle me regarde, fatiguée, les yeux rouges mais clairs.Elle est belle comme ça.Vraie.Brisée, mais vivante.Et mienne — si elle le veut encore.— Ça fait combien de temps qu’on n’a pas été seuls, Claire ?Elle sourit, à peine.— Trop longtemps. J’avais oublié le son de ton silence.Je m’approche. Elle ne recule pas. Je tends la main et touche son visage. Sa joue est froide. Je veux la réchauffer.— On peut s’arrêter ce soir. Juste pour ce soir. Pas de Luca. Pas de monstres. Pas de souvenirs. Juste toi et moi.Elle ferme les yeux, s’approche, pose son front contre le mien.— Tu crois qu’on mérite ça ? Ce genre de paix ?Je pose mes mains sur sa taille, l’attire contre moi.— Je crois qu’on a traversé assez d’enfer pour mérit
---ClaireIl est là.Je le reconnaîtrais entre mille.Même couvert de sang séché, même amaigri, même l’âme en lambeaux…Annibal reste Annibal.Je cours. Je m’effondre contre lui. Il ne dit rien. Mais ses bras me serrent. Fort.Plus fort que je l’aurais cru possible.Comme si me toucher était la seule chose réelle ici.— Tu m’as retrouvée, je souffle.Il ferme les yeux. Sa main dans mes cheveux.— Je t’ai suivie jusqu’en enfer, Claire. Et ce n’est pas fini.---AnnibalLe monde est brisé. Mais Claire est là.Et tant qu’elle respire, j’ai une raison de continuer.Je ne pose pas de questions. Pas encore.Parce que je vois dans ses yeux les réponses que je redoute.Elle est différente.Quelque chose l’a touchée là-bas. Quelque chose l’a marquée.— Luca est avec toi ? je demande.Elle hoche la tête.— Oui. Mais il change. Il rêve d’elle. Il l’entend.Elle ne prononce pas son nom.Mais je sais de qui elle parle.Sali.Celle qui a volé la lumière de Claire. Celle qui a tenté de m’arracher m
LucaLe sol est stable. L’air est lourd, mais réel.On est de retour.Enfin… presque.Claire tient ma main si fort que je sens mes os craquer.Mais je ne dis rien. Parce qu’elle pleure. Et que je n’ai jamais vu Claire pleurer.— On l’a perdue, je dis.Elle secoue la tête.— Non. Elle s’est perdue. Nous, on s’est retrouvés.Et quand je regarde autour de nous, je sais que ce n’est que le début.Parce que le monde ne nous appartient plus.Mais nous savons où frapper.---ClaireCe n’est pas le monde que j’ai quitté.Les rues sont silencieuses. Les lampadaires crépitent comme des néons malades. L’air sent le métal et la pluie.Mais ce n’est pas ça, le pire.Le pire, c’est le regard des gens.Ils ne nous voient pas vraiment. Comme si nous étions flous, transparents à leurs yeux.Ou peut-être qu’ils ont appris à ne plus voir.Peut-être qu’ils savent… que ceux qui reviennent ne sont plus les mêmes.Luca titube à mes côtés. On n’a rien dit depuis l’apparition. Rien depuis le départ de Sali.O
ClaireLe sol n’est plus le même.Depuis que j’ai franchi cette rue — la rue, celle que personne n’ose nommer —, tout semble suspendu. Le vent ne bouge plus les feuilles. Les lampadaires ne font plus d’ombre.Je sens la trace de Luca. Une chaleur qui palpite encore sur le bitume, comme un cœur qui ne veut pas cesser de battre.Je le suis.Mais plus j’avance, plus je me perds.Mes souvenirs deviennent brumeux. Le nom de ma mère m’échappe. La couleur de mes yeux me fuit.Je me raccroche à une seule chose : Sali.Si je la retrouve, je retrouve Luca. Et peut-être… peut-être que je me retrouve moi-même.SaliElle est là.Elle marche dans mon sillage sans même comprendre.Je l’ai rêvée mille fois, Claire. Je l’ai vue tomber, se relever, tomber encore. Toujours humaine. Toujours trop humaine.Mais maintenant, elle est presque prête.Je tends les doigts, à travers la membrane qui sépare nos mondes. Je touche son esprit. Juste un peu.Elle tremble. Elle résiste.Elle est parfaite.Mais elle ne
ClaireTrois jours.Trois jours sans Anibal. Trois jours sans Serge. Trois jours que le bunker est devenu un tombeau muet, sans porte, sans écho. Et pourtant, parfois, la nuit, je crois entendre une voix murmurer mon prénom.Je reste assise sur le seuil du monde. Là où l’herbe recommence à pousser, là où le vent sent encore un peu la vie. Luca dort la plupart du temps. Quand il se réveille, il parle peu. Il a vu quelque chose là-bas, quelque chose qu’il refuse de mettre en mots.Et moi… moi, je tiens. Je veille. Parce que quelqu’un doit le faire.LucaJe ne rêve plus. Ou peut-être que je ne me réveille plus.Depuis que Claire m’a tiré hors de ce trou béant, je flotte entre deux états. Comme si mon corps était resté là-bas, avec Serge. Comme si mon esprit était resté accroché aux derniers mots d’Anibal.Il a murmuré assez. Mais est-ce que ça a compris ce qu’il voulait dire ?Claire me parle parfois. Elle me raconte des souvenirs, de l’avant. Des rires, des nuits étoilées, des bières tr
ClaireQuand je retrouve Anibal, il a le regard vide, les mains tremblantes.— Elles sont là, je dis.Il hoche lentement la tête.— Je sais.On rejoint Luca et Serge dans ce même café où tout avait basculé. Mais cette fois, personne ne fait semblant.Serge a les yeux injectés de sang, Luca tremble comme une feuille. Et moi… j’ai mal. Une douleur sourde au creux du ventre, comme si quelque chose me rongeait de l’intérieur.Anibal prend la parole, froid, déterminé.— On doit retourner là-bas.— Tu es malade, je murmure.— Non. On les a laissées passer. Elles ont franchi la faille. Ce monde… elles veulent le dévorer. Il faut refermer la porte.— Mais on ne sait même pas comment elle s’est ouverte !— Si, dit Serge. C’est nous.Un silence. Puis Claire comprend. Elle se lève lentement, les larmes aux yeux.— On l’a ouverte. En survivant.---LucaOn rentre chez nous cette nuit-là, mais quelque chose a changé. Les murs grincent comme des bêtes blessées. Les ombres bougent quand on ne regard
AnibalIl y a des soirs où tout semble basculer. Où l’air devient trop lourd, trop dense. Où chaque silhouette croisée dans la rue paraît familière, comme un souvenir lointain qui refuserait de mourir. Ce soir est l’un de ces soirs.Je marche seul dans les ruelles du quartier, les mains dans les poches, incapable de rester enfermé plus longtemps. Trop de silences. Trop de souvenirs coincés entre les murs. La pluie s’est remise à tomber, fine, persistante. Elle trace des lignes tremblantes sur le bitume, comme si le monde lui-même était en train de fondre doucement.Depuis notre retour, je ne me reconnais plus. Mes gestes sont mécaniques. Je souris quand il faut sourire. Je parle quand on me parle. Mais à l’intérieur, c’est le chaos. Il y a quelque chose d’inachevé. Comme une porte qu’on aurait refermée trop vite, sans vérifier ce qu’on laissait de l’autre côté.Je m’arrête devant un vieux kiosque fermé, les néons clignotants d’un bar éclairant la vitrine poussiéreuse. Dans le reflet,
AnibalLe retour à la réalité est brutal. Une sensation de vertige me secoue tandis que je sens enfin un sol familier sous mes pieds. L’air est plus dense, plus frais, chargé d’odeurs que je reconnais : celles de la ville, du bitume mouillé, de la vie normale. J’ouvre les yeux avec prudence, craignant un instant d’être encore prisonnier de l’autre monde.Mais non. Nous sommes bien là.Autour de moi, Claire, Luca et Serge reprennent lentement leurs esprits. On est tous sonnés, comme si on venait de vivre un rêve trop réel. Le silence qui nous entoure est presque irréel après tout ce que nous avons traversé. Plus de voix mystérieuses, plus de lieux étranges défiant la logique. Juste le bruit lointain des voitures, le clapotis d’une flaque sous une goutte de pluie, un chien qui aboie au loin.Claire se redresse d’un mouvement raide, ses yeux balayant les environs avec nervosité. "C’est bien… chez nous ?"Je hoche lentement la tête. "Oui. Je crois."Luca se passe une main sur le visage, c
AnibalL’espace autour de nous se tord et se plie sous une force invisible. Nous sommes prisonniers d’un monde qui ne nous appartient pas, un entre-deux où le temps lui-même semble hésitant. Depuis des jours – ou peut-être des semaines – nous errons dans ce royaume de brume et d’ombres, cherchant une issue qui semble toujours se dérober sous nos pas.Nous avons traversé des ruines hantées par des murmures indistincts, franchi des ponts suspendus au-dessus de gouffres sans fond, et marché sous des cieux où flottent des étoiles mortes. Partout où nous allons, ce monde cherche à nous garder en lui, nous séduisant par des visions de puissance et de liberté. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous voulons rentrer.Claire est la plus affectée par ces illusions. Parfois, elle s’arrête en plein milieu du chemin, ses yeux vides, fascinée par une scène que nous ne pouvons voir. Des fragments de son passé, ou peut-être du futur. Luca et Serge doivent la secouer pour la ramener à la réalité.Moi, je