Les jours passent, mais Inès ne les vit plus comme avant.
Quelque chose en elle a changé. Pas uniquement parce qu’elle est enceinte. Mais parce qu’elle a ouvert une porte qu’on lui a toujours appris à garder fermée : celle de la vérité. Et maintenant, elle ne peut plus faire marche arrière. Elle a pris la décision de garder cet enfant. Elle ne sait pas encore comment elle va tout gérer. Mais elle sait que le pire, ce n’est pas la grossesse. C’est le regard des gens. Pas les inconnus. Pas les passants. Les siens. La famille. Les tantes. Les voisines. Les “gens de la communauté”. Les “on dit”. Les “mais comment elle a pu ?” Les “elle a ramené la honte à la maison”. Inès a grandi avec ces phrases. “Ne sors pas comme ça, que va dire la voisine.” “Une fille bien ne fait pas ça.” “Tu salis ton père avec ton comportement.” Et aujourd’hui, elle les entend dans sa tête comme des lames. Elle se sent traquée, même quand personne ne sait. Elle marche dans la rue et elle a l’impression que tout le monde devine. Comme si son ventre criait ce qu’elle tente encore de cacher. Elle évite les cafés. Les regards. Les retrouvailles familiales. Elle coupe ses notifications. Elle se replie. Mais dans ce silence, une autre voix commence à naître. Pas celle de la peur. Celle de la survie. Elle commence un carnet. Pas un journal. Non. Un carnet pour elle et son bébé. Chaque jour, elle y écrit une phrase. Pas forcément belle. Pas forcément poétique. Mais vraie. “Aujourd’hui, j’ai eu honte de croiser une voisine. Et pourtant, je suis restée droite.” “Je me suis regardée dans le miroir. J’ai encore peur. Mais j’ai vu mes yeux. Et ils tiennent bon.” “Je me suis parlé comme à une amie. Pas comme à une ennemie.” Elle ne cherche pas à guérir. Elle cherche à tenir. Son corps change. Lentement. Elle commence à avoir faim à nouveau. À avoir mal au dos. À sentir que ce n’est plus dans sa tête. C’est réel. Elle vit une grossesse. Et elle le vit en arabe, en fille, en faute. Mais elle refuse que son existence devienne un châtiment. Un soir, sa mère l’attrape alors qu’elle sort de la salle de bain, serviette autour du ventre. — Tu prends des vitamines ? Inès hoche la tête. — Et tu veux que je te prépare un truc que t’aimes ? Chorba, peut-être ? Elle baisse les yeux. Elle ne s’attendait pas à cette tendresse. Pas comme ça. Pas dans une question banale. Mais ça lui fait du bien. Immensément. Parce que dans cette maison, au moins ici, elle ne se cache plus. Mais dehors… Dehors, c’est une autre histoire. Elle le sait : le jour où la vérité sortira, elle sera jugée. Elle sera critiquée. Peut-être rejetée. On dira qu’elle a tout gâché. Qu’elle n’a pas respecté ses parents. Qu’elle est “mal tombée”. Mais elle a aussi compris quelque chose : Ce n’est pas son enfant qui est une honte. C’est le silence qu’on impose aux femmes comme elle. Inès s’endort ce soir-là sans l’angoisse habituelle dans la gorge. Le monde ne l’a pas pardonnée. Peut-être qu’il ne le fera jamais. Mais elle n’a plus besoin de l’approbation des autres pour respirer. Elle a un ventre qui s’arrondit, un cœur qui s’endurcit et un amour qui grandit. Et même si son nom susurré dans les réunions de famille sera peut-être sali, elle, elle ne se salira plus elle-même. Elle ne portera plus la honte des autres sur ses épaules. Elle portera juste son enfant. Et ce sera plus que suffisant.Depuis des semaines, Inès avait fait semblant d’oublier Rayane.Elle avait rangé son prénom quelque part dans un coin sombre de sa mémoire, derrière les douleurs, les regrets, la colère.Elle n’en parlait plus, même dans son carnet. Même dans ses prières.Mais l’oubli volontaire a ses limites.Tout a recommencé dans une boulangerie.Une simple conversation entre sa mère et une voisine.— Le fils de Farida, tu sais ? Rayane… il va se fiancer. Avec une fille du bled. Une “propre”, cette fois.Inès a senti le sang se retirer de ses joues.Pas à cause de lui.Mais à cause de cette dernière phrase.“Une propre.”Elle, alors ? Elle était quoi ? Une saleté ? Une erreur ? Une tache ?Elle est rentrée chez elle, droite, digne, le visage fermé.Mais une fois seule dans sa chambre, elle a craqué. Pas de cris. Pas de larmes.Juste ce vide immense.Avant de dormir, Inès écrit une dernière phrase dans son carnet :“Un nom ne fait pas une famille. Un abandon ne fait pas une malédiction. Ce bébé por
Le ventre d’Inès commence à se voir. Pas encore franchement, mais assez pour qu’elle y pense chaque fois qu’elle s’habille.Les pantalons ne ferment plus. Les hauts flottent différemment.Elle adapte. Elle camoufle.Mais elle sait que bientôt, elle ne pourra plus cacher.Et elle sait que dans leur monde, une grossesse ne se vit pas en silence.Elle s’annonce en famille, entourée de henné, de gâteaux, de youyous.Elle se vit avec une bague au doigt et un mari à côté.Pas comme ça.Un matin, sa mère entre dans sa chambre pendant qu’elle se change.Elle la regarde.Longtemps.Puis détourne les yeux.— Ça commence à se voir, dit-elle simplement.Inès serre les dents.Elle ne répond pas.Parce que qu’est-ce qu’elle peut dire ?“Je sais.”“Je suis désolée.”“Je ne voulais pas.”Elle ne sait même plus si elle regrette.Elle est juste… fatiguée.Fatiguée de vivre chaque jour dans la peur que quelqu’un découvre.Une cousine. Une voisine. Une tante.Il suffirait d’une remarque, d’un regard trop
Trois jours. Trois jours que son cœur bat plus vite chaque fois qu’elle passe devant la pharmacie au coin de la rue. Trois jours qu’elle évite de compter sur ses doigts. Trois jours qu’elle sait. Sans vouloir se l’avouer. Inès s’assoit au bord de son lit, les doigts tremblants autour du sachet en papier. À l’intérieur, un test. Le genre de chose qu’on voit dans les films, qu’on imagine jamais tenir pour de vrai. Elle inspire, puis expire, comme si ça allait changer quoi que ce soit. Mais rien ne change. Le silence de sa chambre est le même, un peu trop lourd, un peu trop vrai. Rayane lui a dit qu’il l’aimait. Il lui a juré qu’elle était différente. Il lui a caressé les cheveux comme on le fait dans les romans. Mais aujourd’hui, elle est seule. Il ne répond pas à ses messages. Il a dit qu’il avait “besoin de réfléchir”. À quoi, elle ne sait pas. Elle, elle ne réfléchit plus. Elle vit entre battements d’angoisse et espoir naïf. Elle entre dans la salle de bain, referme doucemen
Le test est bien caché, glissé au fond de la pochette zippée de sa trousse de maquillage. Elle l’a nettoyé, essuyé, comme pour effacer les preuves. Comme si c’était un secret sale. Comme si c’était de sa faute.Elle entend la clé tourner dans la serrure.Sa mère est rentrée.Inès sort de la salle de bain, le visage neutre. Pas trop souriante. Pas trop fermée. Juste… normale. C’est ce qu’il faut maintenant : paraître normale.— Salam, ma fille.— Wa aleykoum salam, maman.Elle pose son sac à l’entrée, retire ses chaussures, puis vient déposer un bisou sur le front d’Inès.— T’as mangé ?— Un peu. J’avais pas très faim.Mensonge numéro un. Elle n’a rien avalé depuis hier. Pas par choix. Juste… l’estomac trop noué.— T’es pâle. T’es sûre que ça va ?— Oui, un peu fatiguée, c’est tout.Mensonge numéro deux.Mais sa mère ne creuse pas. Elle part dans la cuisine, sort quelques légumes, parle du boulot, des courses, de sa collègue qui s’est encore plainte pour rien. La vie continue. Comme si
Les jours passent.Lents. Lourds. Silencieux.Et elle, elle joue.Elle joue à la fille normale.À l’étudiante concentrée. À la fille qui va bien. À la jeune femme dont la vie n’a pas basculé en une seconde rose sur un test blanc.Le matin, elle se lève.Elle sourit à sa mère. Elle dit “oui” quand on lui demande si tout va bien.Elle mange un peu, quand elle y pense.Elle répond à ses amies avec des emojis, des “mdrrr”, des “tkt”.Mais personne ne voit ce qu’il y a derrière.Elle sent son corps changer.Juste un peu.La fatigue plus intense. Les odeurs qui l’écœurent.Ses règles qui ne viennent pas.Elle tape sur Google :“Combien de semaines sans règles = enceinte ?”“Peut-on cacher une grossesse pendant les premiers mois ?”“Comment faire face seule ?”Elle n’en parle à personne.Pas à ses copines.Pas à sa mère.Pas à elle-même, parfois.Parce que mettre des mots, ce serait rendre tout ça réel.Et elle n’est pas prête.Pas encore.Le soir, elle s’allonge sur son lit et parle au bébé
Les jours passent et se ressemblent, mais le poids en elle grandit.Pas seulement le bébé.La fatigue.Le secret.Les nuits sans sommeil.Les silences qu’elle étouffe derrière des sourires mécaniques.Inès devient experte en camouflage.Elle rit quand il faut. Elle parle peu. Elle répond “oui” à tout. Elle évite les regards insistants.Et sa mère, toujours prise dans le tourbillon de ses journées, ne voit rien.Ou ne veut rien voir.Mais ce soir-là, quelque chose craque.Inès est dans sa chambre, allongée sur le dos, une main posée sur son ventre. Une douleur sourde remonte dans le bas de son dos. Rien de grave. Juste la fatigue, sûrement.Mais elle n’a pas la force de bouger. Pas ce soir.Sa mère frappe à la porte.— Inès ? T’as pas mangé, ma fille. Tu veux que je te ramène un truc ?— Non maman… j’ai pas faim.— Encore ? Mais t’as maigri, je trouve. T’es bizarre ces derniers temps.Inès ferme les yeux. Son cœur bat plus vite. Elle le sent. Cette question va venir.— Inès… dis-moi. Y
Le rendez-vous est à 10h30.Inès est debout depuis l’aube. Pas parce qu’elle ne dormait pas — pour une fois, elle avait dormi profondément, lovée dans le silence calme de la nuit et la chaleur réconfortante de sa mère. Mais ce matin, quelque chose est différent. Comme une vibration nouvelle dans son ventre, dans sa tête, dans sa poitrine.Elle ne sait pas si c’est du courage. Ou juste l’épuisement de vivre dans l’attente.Mais aujourd’hui, elle a décidé d’agir.Dans la salle de bains, elle se regarde longuement. Le visage encore un peu gonflé par le sommeil. Les yeux cernés, mais plus éveillés. Elle passe de l’eau fraîche sur ses joues, attache ses cheveux, se maquille légèrement. Elle ne veut pas “faire jolie”. Elle veut juste avoir l’air… forte.Sa mère lui a proposé de venir. Elle a refusé.— J’ai besoin de le faire seule, avait-elle dit.Elle a pris le rendez-vous hier soir, en ligne. Un simple formulaire, quelques clics, et une case à cocher : “Première consultation grossesse.”L
Le ventre d’Inès commence à se voir. Pas encore franchement, mais assez pour qu’elle y pense chaque fois qu’elle s’habille.Les pantalons ne ferment plus. Les hauts flottent différemment.Elle adapte. Elle camoufle.Mais elle sait que bientôt, elle ne pourra plus cacher.Et elle sait que dans leur monde, une grossesse ne se vit pas en silence.Elle s’annonce en famille, entourée de henné, de gâteaux, de youyous.Elle se vit avec une bague au doigt et un mari à côté.Pas comme ça.Un matin, sa mère entre dans sa chambre pendant qu’elle se change.Elle la regarde.Longtemps.Puis détourne les yeux.— Ça commence à se voir, dit-elle simplement.Inès serre les dents.Elle ne répond pas.Parce que qu’est-ce qu’elle peut dire ?“Je sais.”“Je suis désolée.”“Je ne voulais pas.”Elle ne sait même plus si elle regrette.Elle est juste… fatiguée.Fatiguée de vivre chaque jour dans la peur que quelqu’un découvre.Une cousine. Une voisine. Une tante.Il suffirait d’une remarque, d’un regard trop
Depuis des semaines, Inès avait fait semblant d’oublier Rayane.Elle avait rangé son prénom quelque part dans un coin sombre de sa mémoire, derrière les douleurs, les regrets, la colère.Elle n’en parlait plus, même dans son carnet. Même dans ses prières.Mais l’oubli volontaire a ses limites.Tout a recommencé dans une boulangerie.Une simple conversation entre sa mère et une voisine.— Le fils de Farida, tu sais ? Rayane… il va se fiancer. Avec une fille du bled. Une “propre”, cette fois.Inès a senti le sang se retirer de ses joues.Pas à cause de lui.Mais à cause de cette dernière phrase.“Une propre.”Elle, alors ? Elle était quoi ? Une saleté ? Une erreur ? Une tache ?Elle est rentrée chez elle, droite, digne, le visage fermé.Mais une fois seule dans sa chambre, elle a craqué. Pas de cris. Pas de larmes.Juste ce vide immense.Avant de dormir, Inès écrit une dernière phrase dans son carnet :“Un nom ne fait pas une famille. Un abandon ne fait pas une malédiction. Ce bébé por
Les jours passent, mais Inès ne les vit plus comme avant.Quelque chose en elle a changé. Pas uniquement parce qu’elle est enceinte. Mais parce qu’elle a ouvert une porte qu’on lui a toujours appris à garder fermée : celle de la vérité.Et maintenant, elle ne peut plus faire marche arrière.Elle a pris la décision de garder cet enfant. Elle ne sait pas encore comment elle va tout gérer. Mais elle sait que le pire, ce n’est pas la grossesse.C’est le regard des gens.Pas les inconnus. Pas les passants.Les siens.La famille. Les tantes. Les voisines.Les “gens de la communauté”.Les “on dit”. Les “mais comment elle a pu ?”Les “elle a ramené la honte à la maison”.Inès a grandi avec ces phrases.“Ne sors pas comme ça, que va dire la voisine.”“Une fille bien ne fait pas ça.”“Tu salis ton père avec ton comportement.”Et aujourd’hui, elle les entend dans sa tête comme des lames.Elle se sent traquée, même quand personne ne sait.Elle marche dans la rue et elle a l’impression que tout le
Le rendez-vous est à 10h30.Inès est debout depuis l’aube. Pas parce qu’elle ne dormait pas — pour une fois, elle avait dormi profondément, lovée dans le silence calme de la nuit et la chaleur réconfortante de sa mère. Mais ce matin, quelque chose est différent. Comme une vibration nouvelle dans son ventre, dans sa tête, dans sa poitrine.Elle ne sait pas si c’est du courage. Ou juste l’épuisement de vivre dans l’attente.Mais aujourd’hui, elle a décidé d’agir.Dans la salle de bains, elle se regarde longuement. Le visage encore un peu gonflé par le sommeil. Les yeux cernés, mais plus éveillés. Elle passe de l’eau fraîche sur ses joues, attache ses cheveux, se maquille légèrement. Elle ne veut pas “faire jolie”. Elle veut juste avoir l’air… forte.Sa mère lui a proposé de venir. Elle a refusé.— J’ai besoin de le faire seule, avait-elle dit.Elle a pris le rendez-vous hier soir, en ligne. Un simple formulaire, quelques clics, et une case à cocher : “Première consultation grossesse.”L
Les jours passent et se ressemblent, mais le poids en elle grandit.Pas seulement le bébé.La fatigue.Le secret.Les nuits sans sommeil.Les silences qu’elle étouffe derrière des sourires mécaniques.Inès devient experte en camouflage.Elle rit quand il faut. Elle parle peu. Elle répond “oui” à tout. Elle évite les regards insistants.Et sa mère, toujours prise dans le tourbillon de ses journées, ne voit rien.Ou ne veut rien voir.Mais ce soir-là, quelque chose craque.Inès est dans sa chambre, allongée sur le dos, une main posée sur son ventre. Une douleur sourde remonte dans le bas de son dos. Rien de grave. Juste la fatigue, sûrement.Mais elle n’a pas la force de bouger. Pas ce soir.Sa mère frappe à la porte.— Inès ? T’as pas mangé, ma fille. Tu veux que je te ramène un truc ?— Non maman… j’ai pas faim.— Encore ? Mais t’as maigri, je trouve. T’es bizarre ces derniers temps.Inès ferme les yeux. Son cœur bat plus vite. Elle le sent. Cette question va venir.— Inès… dis-moi. Y
Les jours passent.Lents. Lourds. Silencieux.Et elle, elle joue.Elle joue à la fille normale.À l’étudiante concentrée. À la fille qui va bien. À la jeune femme dont la vie n’a pas basculé en une seconde rose sur un test blanc.Le matin, elle se lève.Elle sourit à sa mère. Elle dit “oui” quand on lui demande si tout va bien.Elle mange un peu, quand elle y pense.Elle répond à ses amies avec des emojis, des “mdrrr”, des “tkt”.Mais personne ne voit ce qu’il y a derrière.Elle sent son corps changer.Juste un peu.La fatigue plus intense. Les odeurs qui l’écœurent.Ses règles qui ne viennent pas.Elle tape sur Google :“Combien de semaines sans règles = enceinte ?”“Peut-on cacher une grossesse pendant les premiers mois ?”“Comment faire face seule ?”Elle n’en parle à personne.Pas à ses copines.Pas à sa mère.Pas à elle-même, parfois.Parce que mettre des mots, ce serait rendre tout ça réel.Et elle n’est pas prête.Pas encore.Le soir, elle s’allonge sur son lit et parle au bébé
Le test est bien caché, glissé au fond de la pochette zippée de sa trousse de maquillage. Elle l’a nettoyé, essuyé, comme pour effacer les preuves. Comme si c’était un secret sale. Comme si c’était de sa faute.Elle entend la clé tourner dans la serrure.Sa mère est rentrée.Inès sort de la salle de bain, le visage neutre. Pas trop souriante. Pas trop fermée. Juste… normale. C’est ce qu’il faut maintenant : paraître normale.— Salam, ma fille.— Wa aleykoum salam, maman.Elle pose son sac à l’entrée, retire ses chaussures, puis vient déposer un bisou sur le front d’Inès.— T’as mangé ?— Un peu. J’avais pas très faim.Mensonge numéro un. Elle n’a rien avalé depuis hier. Pas par choix. Juste… l’estomac trop noué.— T’es pâle. T’es sûre que ça va ?— Oui, un peu fatiguée, c’est tout.Mensonge numéro deux.Mais sa mère ne creuse pas. Elle part dans la cuisine, sort quelques légumes, parle du boulot, des courses, de sa collègue qui s’est encore plainte pour rien. La vie continue. Comme si
Trois jours. Trois jours que son cœur bat plus vite chaque fois qu’elle passe devant la pharmacie au coin de la rue. Trois jours qu’elle évite de compter sur ses doigts. Trois jours qu’elle sait. Sans vouloir se l’avouer. Inès s’assoit au bord de son lit, les doigts tremblants autour du sachet en papier. À l’intérieur, un test. Le genre de chose qu’on voit dans les films, qu’on imagine jamais tenir pour de vrai. Elle inspire, puis expire, comme si ça allait changer quoi que ce soit. Mais rien ne change. Le silence de sa chambre est le même, un peu trop lourd, un peu trop vrai. Rayane lui a dit qu’il l’aimait. Il lui a juré qu’elle était différente. Il lui a caressé les cheveux comme on le fait dans les romans. Mais aujourd’hui, elle est seule. Il ne répond pas à ses messages. Il a dit qu’il avait “besoin de réfléchir”. À quoi, elle ne sait pas. Elle, elle ne réfléchit plus. Elle vit entre battements d’angoisse et espoir naïf. Elle entre dans la salle de bain, referme doucemen