Klauss bossait. Il était seul dans sa pièce, à jongler entre ses différentes caméras.Stan entra par la porte extérieure, depuis le désert.—J’arrive pas à dormir, dit-il en se frottant les yeux face à tant de lumières dans la pièce.Pourtant tout était éteint, seuls les écrans illuminaient de couleurs mélangées le Q.G. du pro des fantômes. L’horloge indiquait 4h10.—C’est un peu normal au début. On en apprend tellement que ça fait travailler la tête.Klauss avait installé un lit de camp avec un ventilateur à ses pieds. Un large Dreamcatcher tournait doucement au-dessus de la porte d’entrée intérieure. Klauss lui en avait expliqué l’utilité la veille.—Même s’il est interdit entre Nefilim de s’introdui
Il existe derrière le monde visible un monde invisible, un monde qui, au début, demeure caché aux sens et à l’entendement lié aux données de ces sens. Mais l’homme peut développer en lui des facultés latentes, grâce auxquelles, il aura accès dans ce monde invisible (Rudolf Steiner).Stan remonta les sections une par une, lampe frontale allumée. Plus il se rapprochait, plus il sentait la tension monter. Il pensa que s’il devait parler, sa voix tremblerait. Klauss l’entendrait. Et il ne voulait pas ça, surtout pas paraître faible.Arrivé devant la porte de séparation dans le couloir qui donnait sur la Section 4, il éteignit la lampe sur son front. Tout devint d’un noir d’encre. Il patienta deux minutes pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité quasi-totale.C’est maintenant que l’aventure commençait.Toutes les communications se faisaient par casque audio avec un
Ida inscrivit des notes au hasard sur son carnet, assise à son nouveau bureau ovale qu’on lui avait installé quelques heures plus tôt. Le bureau des boss…Depuis qu’elle était rentrée de Nanterre, de chez les parents de Stan, un truc la travaillait. Ou plusieurs trucs, en fait. Elle avait la sale impression d’avoir manqué quelque chose, un petit quelque chose d’essentiel, de profondément important. Elle avait beau revivre chaque instant de sa visite chez les Kross, ce petit bidule qui était une clef, inlassablement, lui échappait.Mettre des notes comme elles lui venaient sur sa feuille, l’aidait à essayer de trouver de quoi il s’agissait. Son crayon courait sur la feuille :Fantôme ? Sûr ? ; pas mal de copines ; un seul pote : Bibi ; ruines autour de la maison ; père avec fusil ; littérature importante et d’un niveau élevé, plus de 1000 livres ; pas d’ordi ni de tablettes. Étrange. Cahiers en cuir : la phi
Stan avait réellement disparu pendant 12 minutes et 43 secondes.Sur les enregistrements vidéo, on le voyait tomber en arrière dans le couloir, frappé de peur par l’horrible cri qui n’était ni féminin ni masculin avant de disparaître complètement pendant ces 12 minutes et 43 secondes.Durant ces 12 minutes et quelques, le nuage glacial du fantôme avait lui aussi disparu pour réapparaître en même temps que Stan.Puis il s’était évaporé dès que Stan avait rallumé sa frontale.—Tu as fait un Transit avec le fantôme dont tu n’as gardé aucun souvenir. C’est tout ce que je vois comme explication, dit Théophile en marchant de long en large devant les écrans. Et c’est la première fois que je vois un Nefilim faire un Transit dans les rêves d’une morte.—A moins que ce soit
Chang fut livré comme dans le Silence des Agneaux : attaché debout à une épaisse structure en acier qui roulait, poussée par deux militaires costauds en tenue de combat avec une cagoule dissimulant leur visage.Le prisonnier, les mains et les pieds fixés à d’épaisses menottes métalliques qui l’empêchaient de bouger le moindre doigt, un masque sur le visage avec seulement des trous pour la respiration, ressemblait à une momie. Une tenue psychiatrique blanche l’enveloppait du cou aux chevilles, l’empêchant totalement de bouger. Il venait de faire douze heures de vol comme ça. Une torture !Ida vit aussi plusieurs perfusions plantées à différents endroits de son corps. Les aiguilles étaient reliées à des tas de poches de produits chimiques, une bonne dizaine au moins.—C’est quoi ce bordel ? demanda Ida au pied de l’avion, révulsée par ce qu’elle voyait
—Ida. Chérie…La voix de Claude la réveilla.Il était agenouillé devant elle et caressait ses cheveux. Il la regardait tendrement. Elle l’enlaça et se blottit contre son cou. Comme un réflexe. Mais aussi comme l’immense plaisir de le voir lui plutôt que n’importe quoi d’autre à son réveil. Elle sentait que tout son maquillage avait transformé son visage en monstre de Walking Dead à force d’avoir pleuré toute une partie de la journée, surtout après le coup de fil donné à sa mère.Quelle heure il était, elle n’en avait aucune idée. Avec ce bâtiment sans fenêtres, il était impossible de savoir s’il faisait jour ou nuit. Mais son corps biologique semblait lui souffler qu’il faisait nuit. Qu’il était au moins minuit, peut-être plus, sûrement plus.Sans même regarder, son visage toujours blotti dans le cou de son homme, elle tapota
—Je vais devoir partir en mission pendant 3 ou 4 jours, glissa Stan à l’oreille de Prisca.Ils étaient enlacés à l’arrière du motel, à l’abri des yeux indiscrets, collés ensemble dans le foin d’une charrette pourrie qui avait dû connaître les frères Dalton et qui servait aux Croop à la déco pour touristes.La nuit tombait, la fraîcheur avec.Prisca s’enfuyait de ses programmes de formations obligatoires dès qu’elle en avait l’occasion, ignorant avec insousciance les réprimandes qu’elle subissait à son retour.Stan l’enveloppa de sa veste.—C’est dangereux ? demanda-t-elle tout aussi doucement.—Non, juste la routine. Théo va venir me chercher et on va aller loin d’ici, en Europe.
Ida s’avança d’un pas lent et déchira la veste de prisonnier en papier vert que Chang portait. Elle tira dessus à grands coups secs jusqu’à ce que la veste soit en deux parties, qu’elle écarta complètement.Ida voulait marquer le coup vis-à-vis de Prax et Santoro.C’était important pour son plan ; l’ordre dans lequel les choses devaient se passer était évident, comme une check-list dont elle n’aurait qu’à cocher mentalement les étapes les unes après les autres.Elle venait de cocher la première.Chang, les poignets attachés à la table par deux énormes menottes en acier renforcé, fermées électroniquement, les pieds enserrés dans des cercles d’aciers de trois centimètres d’épaisseur rivés au sol, se laissa faire, impuissant.Il rugissait dans son cœur comme un lion en cage. Ida le sentit.Un tatouage complexe, compo
Le Maître des Serpents – Jiingua, dans la langue de cette tribu d’Amazonie que l’occident n’avait pas encore découverte et qu’Abraham nommait les Amatrides –, s’approcha doucement du Boa emmêlé à la branche d’arbre.Il n’était qu’à cent mètres du village, pas plus.On entendait les enfants jouer et nager dans la rivière Iomitria, la rivière du Dieu Serpent. 400 kilomètres au sud, la rivière se noyait dans l’Amazone, mais aucun de ces indiens n’était jamais descendu jusque-là.Don Lapuana – peau blanche dans leur langue – n’était qu’à un mètre derrière Jiingua. Il plaçait chacun de ses pas dans ceux de l’Indien. Depuis deux ans qu’il était là, Don Lapuana avait appris leur dialecte et leur système d’écriture à base d’iconographies. Il avait trois femmes, une hutte, cinq enfants et on lui enseignait jour après jour la vie quotidienne de la tribu.Jiingua commença à incanter. C’était u
La punition due à celui qui s’égare, c’est de l’éclairer (Critias – Platon)La chambre forte était recouverte de plomb. De plaques de plomb épaisses d’au moins dix centimètres, scellées entre elles pour qu’aucune faille ni aucun trou ne puissent exister. Partout. Sur le sol, les murs, le plafond, la porte, partout.Les lumières arc-en-ciel se dispersèrent doucement, beaucoup plus lentement que d’habitude.Stan avait la bouche pâteuse. Il était complètement dans les choux, dans le flou, dans le vague. Cela n’avait rien d’un Transit habituel. C’était forcé.Théophile, en tenue militaire noire, des rangers reluisantes aux pieds qu’il avait dû cirer durant des heures jusqu’à pouvoir se mirer dedans, se tenait devant la porte, aussi sérieux qu’une peau de vache travaillée à la main par un tanneur trop vigoureux.Au niveau de son cœur, sur son
Stan s’éveilla doucement.Prisca, allongée, contre lui, dormait, son bras passé sur son torse. Ils étaient sur un matelas défoncé, dans une pièce sombre. Des planches clouées à la va-vite obstruaient les fenêtres. Des débris de sachets de bouffe gisaient partout par terre.Doucement, il se leva sans réveiller Prisca. Elle avait les yeux gonflés, elle avait dû pleurer beaucoup.A tâtons, il trouva une porte et l’ouvrit, encore un peu dans le coton. Tout le monde était là : Akihiro, Klauss, Tenebra, Oliver et Sorina. Ida etAntonio.Klauss vint le soutenir par l’épaule.—Ben mon gars, tu l’as joué super-héros sur ce coup-là. Ça va mieux ?—On est où ?—Ak
Le moteur du camion rugit dans l’aube naissante. Antonio avait bien sûr choisi de voler le camion sans remorque. Avec 660 chevaux sous le capot, un pare-buffle à écrabouiller un troupeau de mammouths en furie, un habitacle derrière les sièges pour vivre, dormir, manger, regarder la télé ou se connecter à Internet avec un ordinateur intégré à la tête du lit, un petit salon qu’on installait en faisant basculer des planches, un frigo, il était exactement ce qui leur fallait.Lentement, il roula vers le regroupement de Nefilims cernés par les non- vivants.Les fantômes qui avaient accompagné Antonio jusqu’à la cabine s’engouffrèrent dans le restaurant. Et personne n’en sortit. Ils dormaient tous.Les non-morts ne leur avait pas ôté la vie.Ils s’étaient contentés de leur donner du sommeil en surplus.Stan ressentit qu’il dormait tous, l’un de
Devant eux, à trente mètres, se tenait toute l’Entité. Plus de vingt personnes au total. Et une dizaine de mercenaires du Camp 3, armés jusqu’aux dents, qui les braquaient, à droite et à gauche.Les points de leurs lasers de visée se promenaient sur les torses ou les visages d’Antonio, d’Ida et de lui-même.Dans le genre foireux et foiré, son évasion venait de planter dans le mille.Derrière lui, à l’ouest, une toute petite partie du soleil apparaissait, mais les nuages restaient rouge sang, s’étalant en largeur sur toute l’horizon.Théophile se tenait en avant du groupe, cinq pas devant, dans sa tenue du Mat, une espèce de vagabond aux couleurs hétéroclites, un masque étrange enserrant ses joues et son crâne, lui déformant le visage – et on pouvait à peine le reconnaître – et il tenait un bâton rouge, rouge comme ses chaussures qui semblaient avoir servi depuis
L’Inconscient préside à l’accomplissement de toutes nos actions, quelles qu’elles soient. (E. Coué)—Si j’entre dans ma chambre, Annabelle va se réveiller et courir prévenir Théophile que je fais mes bagages.Stan, qui ferma son sac à dos d’un geste ferme après avoir mis tout ce qu’il fallait dedans, vint vers elle pour la rassurer.—On te trouvera des affaires propres en cours de route, c’est pas grave. Tu as ton petit carton avec la spirale ?Elle l’extirpa de la poche de sa chemise à carreaux. C’est d’une voix basse, tremblante et la tête baissée, qu’elle dit :—Tout le monde va nous prendre en chasse. Absolument tout le monde. On n’aura jamais nulle part où on sera sûrs d’être tranquilles. Il y aura toujours quelqu’un pour
—Il a vraiment dit ça ?Prisca, enroulée dans les draps de son lit double que Stan venait de quitter nu pour aller chercher de l’eau fraîche dans la bonbonne, fit oui de la main.Ils venaient de baiser pendant deux heures. Ils suaient et respiraient mal à cause de la chaleur. Les vitres fermées couvertes de buée entouraient leur couche.Comme convenu, Stan la trouva chez lui, à l’attendre dans son lit, après être parti de chez Théophile en claquant la porte, sous le regard incrédule des trois vétérans devant leur volaille qui grillait doucement au-dessus de leur feu de camp.Stan et Prisca n’avaient pas parlé, ils s’étaient juste jetés dessus comme deux amoureux pour qui le monde extérieur ne compte plus.—« Elle est à part et tu n’es qu’un errant ». Paf ! Dans ta
—Vous connaissez l’Homme aux Bottes. Il a fait partie de l’Entité. Vous l’avez formé comme vous me formez moi. Et tout comme moi, il a choisi la lame de l’Ermite. Et vous connaissez son vrai nom. Et un petit détail physique qui le rattache lui et moi. Soyez franc. Pour une fois. Ça changera !Théophile terminait de faire cuire les steaks pour des burgers-maison. Il avait déjà préparé les pains, les frites, le fromage, les sauces, les oignons, la salade, les concombres, les tomates tout en écoutant Stan, silencieux et concentré dans ses gestes.Devant le mobil-home rouge qu’il s’était attribué, juste à l’entrée du Camp 1, Klauss et Krishla la discrète (qui n’enlevait jamais ses lunettes noires, de jour comme de nuit) se préparaient à rôtir de la volaille au-dessus du feu.Ils surveillaient à la fois les entrées et les sorties du camp, clamaient l’exti
Ils passèrent leur journée à errer dans la bourgade sans vie. De temps à autre, un poids lourd passait sur la route principale en laissant derrière lui un nuage de poussière et de sable qui mettait des heures à retomber.Prisca participa à une partie de Soft-Ball avec d’autres membres de l’Entité qui avaient dessiné dans le désert un terrain complet, pendant que Stan l’applaudissait et l’encourageait depuis le coin d’herbes où il avait posé ses fesses. Il aurait donné tout ce qu’il possédait – c’est-à-dire à peu près rien – pour jouer avec sa copine au lieu d’être là, la canne abandonnée dans l’herbe à côté de lui, les jambes en lambeaux.Ils errèrent dans le quartier des maisons. Toutes étaient fermées, à part celles de la famille Croop.Ils mangèrent des pancakes au beurre de cacahuète au bar. Ils s’embrassèrent longuement dans la charrette des Daltons.Ils mar