Eléonore Je ferme les yeux un instant, essayant d’ignorer l’angoisse qui monte en moi. Ce combat n’est pas terminé. Léo n’était pas seulement un ennemi à vaincre, il était une part de notre passé que nous avions laissée inachevée.Et tant que ce passé n’était pas totalement enterré, il trouverait un moyen de nous hanter.— On doit partir d’ici.La voix d’Andréas est basse, pressante.Il a raison. Nous sommes trop faibles pour un autre affrontement.Je l’aide à se relever tant bien que mal, et nous quittons la crypte en titubant.La nuit est froide, l’air chargé d’une humidité pesante. La pleine lune éclaire le cimetière abandonné qui entoure l’entrée de la crypte, projetant des lueurs blafardes sur les pierres tombales usées par le temps.Chaque pas que nous faisons semble résonner dans l’obscurité.J’ai l’impression d’être observée.Je resserre mon manteau autour de moi et j’accélère le pas, traînant Andréas avec moi.— Éléonore…Je me fige.Ce n’est pas la voix d’Andréas.C’est un
ÉléonoreAndréas est juste derrière moi. Je l’entends respirer, lentement, comme s’il pesait chacun de ses souffles. Il est fatigué, vidé, et pourtant, il avance.Nous n’avons pas le choix.— La bibliothèque, murmure-t-il.Je hoche la tête.Nous avons toujours su que les réponses se trouvaient là-bas.Les couloirs nous enferment dans une obscurité pesante. Le manoir a toujours eu cette manière étrange de se refermer sur ceux qui tentent d’y percer ses mystères. C’est une bête endormie, attendant de dévorer ceux qui osent fouiller trop profondément.Lorsque nous arrivons devant les grandes portes de la bibliothèque, Andréas hésite.Je pose ma main sur le bois massif. Une sensation glaciale remonte le long de mon bras.Il y a quelque chose derrière cette porte.— Prête ? demande-t-il.— Jamais.Il pousse la porte.Le grincement résonne comme un cri dans le silence.La bibliothèque est immense, une cathédrale de savoir maudit. Les étagères s’élèvent jusqu’au plafond, remplies de livres a
Andréa Elle ouvre la bouche, mais avant qu’elle ne puisse répondre, la bibliothèque tremble soudainement.Le sol vibre sous nos pieds, les étagères se mettent à trembler, et une rafale glaciale balaie la pièce, éteignant les dernières bougies.Une voix résonne dans l’obscurité.— Tu veux vraiment savoir, Andréas ?Mon corps se tend immédiatement.Léo.Il est revenu.Mais cette fois-ci, il ne se contente pas d’être une ombre.Cette fois, il est là, entièrement.Son corps spectral s’est matérialisé devant nous, et ses yeux—ces yeux autrefois si doux—sont brûlants d’une lueur que je ne lui connaissais pas.Une lueur de vengeance.— Tu es resté dans l’ombre trop longtemps, dis-je en serrant les poings. Si tu veux te battre, alors montre-toi.Son sourire est glacial.— Me battre ? Il éclate de rire. Pourquoi ferais-je ça, alors que je peux simplement… lui rappeler ce qu’elle a fait ?Éléonore frissonne contre moi.— Léo…Il pose sur elle un regard tendre, presque affectueux.— Je t’ai tou
ÉléonoreMa propre voix est un murmure brisé.— Et pourtant, nous y sommes, toi et moi, répond-il, s’approchant.Son regard est tendre, et c’est cette douceur qui me terrifie le plus. Parce que je sais ce qu’elle cache.— Léo…Il lève la main et pose ses doigts sur ma joue. Je sursaute au contact. Il est chaud. Vivant.Mon cœur tambourine contre ma poitrine.— Ce n’est pas réel, je chuchote. Ce n’est qu’un souvenir…— Et si c’était plus que ça ?Sa main glisse dans mes cheveux, et une vague de nostalgie m’envahit.Je me souviens.De nos nuits volées sous les étoiles. De ses baisers qui promettaient l’éternité. De la promesse silencieuse que nous avions faite, celle de ne jamais nous abandonner.— Tu m’as oublié, Éléonore.Son souffle caresse ma peau.— Non…— Tu as effacé tout ce que nous étions. Tu as laissé Andréas prendre ma place.Je ferme les yeux, cherchant à repousser cette voix, cette douleur.Mais il a raison.J’ai enterré ces souvenirs.Parce qu’ils me faisaient trop mal.Pa
Eléonore Les souvenirs tourbillonnent autour de nous, m’enveloppant dans leur étreinte suffocante.Je me débats contre ce poids invisible.Non.Je ne suis pas cette fille-là.Je ne suis plus cette fille-là.Mais alors, qui suis-je vraiment ?Un cri traverse l’espace. Un cri déchirant.— ÉLÉONORE !Mon cœur rate un battement.C’est sa voix.Andréas.Un frisson me traverse, et soudain, l’espace autour de moi se fissure.Des éclats de lumière s’infiltrent dans le néant, brisant l’emprise de cette illusion.Léo recule, son visage se tordant de douleur.— Il ne peut pas t’aimer comme moi, murmure-t-il. Il ne te connaît pas comme moi.— Peut-être, dis-je, la gorge serrée. Mais il est là.Une bourrasque m’emporte soudain, et le monde explose en un tourbillon aveuglante .---AndréasJe tombe à genoux, le souffle court.Le rituel que j’ai lancé consume mon énergie, mais je refuse de faiblir.Éléonore est quelque part, piégée entre les mondes.— Ramène-la-moi…J’appuie mes mains sur les symbo
ÉléonoreIl est devenu une partie de moi.Et si nous ne faisons rien, il finira par me posséder entièrement.— Éléonore.Je relève la tête.Andréas s’est approché, ses doigts frôlant les miens dans une caresse hésitante.— Ne laisse pas la peur te contrôler, murmure-t-il.Je laisse échapper un rire sans joie.— Ce n’est pas la peur qui me contrôle, Andréas.Il arque un sourcil.— Alors qu’est-ce que c’est ?Je serre les dents.— Le doute.Je vois son regard vaciller une fraction de seconde avant qu’il ne reprenne son air impassible.— Tu doutes de quoi ?Je ferme les yeux un instant.Puis je murmure :— De ce que je ressens pour lui.Un silence tombe entre nous.Andréas ne dit rien.Mais je sens la tension dans son corps. L’orage qui menace sous la surface.Je sais que ces mots lui font mal.Et pourtant, je n’ai pas pu les retenir.Je les ai prononcés parce qu’ils sont vrais.Léo a été mon premier amour. Mon âme sœur.Il était mon univers, mon ancre dans ce monde.Comment suis-je cens
ÉléonoreIl répond presque immédiatement.Une bourrasque glaciale s’engouffre dans la serre, éteignant une des bougies.Une forme vaporeuse apparaît devant moi.Léo.Il est comme je me le rappelle : ses cheveux noirs tombant en mèches désordonnées sur son front, ses yeux d’un bleu profond, son sourire empreint de cette mélancolie qui le caractérisait tant.— Éléonore…Sa voix est un murmure qui s’accroche à l’air, incertain, vacillant.— Je suis là, dis-je doucement.Il tend la main vers moi, et un frisson me traverse.Son toucher est éthéré, comme une brise d’hiver.— Tu veux me chasser, murmure-t-il.Ce n’est pas une question.— Je veux te libérer.Ses yeux s’assombrissent.— Non…Un vent violent se lève, faisant trembler la serre. Andréas s’approche instinctivement, prêt à intervenir.Mais je lève une main pour l’arrêter.— Léo, dis-je, ma voix ferme. Ce n’est pas ta place. Tu dois partir.Il secoue la tête, désespéré.— Tu ne comprends pas, Éléonore. Je ne peux pas partir.— Si, t
ÉléonoreUn rire s’élève, lent, menaçant.— Un ami… ou peut-être un ennemi. Cela dépend de toi.Mon cœur bat à tout rompre.Je ne sais pas où je suis, mais je sais que je ne suis pas seule.Et le pire, c’est que je sens une étrange familiarité dans cette présence.Comme si elle m’attendait depuis longtemps.Comme si tout cela n’était qu’un début.Le noir m’engloutit. Il n’y a ni haut ni bas, ni air ni lumière. Juste un néant oppressant qui m’écrase de toutes parts. Mon corps est suspendu dans cette obscurité, privé de tout repère.La voix continue de résonner, douce et funeste à la fois.— Tu es enfin là…Je tente de bouger, de me débattre, mais une force invisible me maintient captive. Mon souffle est court, mes muscles crispés.— Qui êtes-vous ?!Un rire léger, presque amusé, s’élève autour de moi.— Voyons, Éléonore… tu le sais déjà.Un frisson me parcourt. Cette voix, je ne l’ai jamais entendue… et pourtant, elle me semble étrangement familière.— Non… je ne sais pas.— Oh, mais s
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en