ÉléonoreUne onde de stupeur me frappe.— Tu veux dire que c’est toi qui as fait de lui… un revenant ?— Pas intentionnellement, murmure-t-elle. Mais c’est ce que mon vœu a engendré. L’entité m’a accordé ce que je voulais… mais sous ses propres conditions. Elle a pris ma vie et a lié la sienne à un état entre les mondes. Ni vivant, ni mort.Le poids de cette révélation me cloue sur place.Je me remémore le regard hanté d’Andréas, sa douleur silencieuse, cette aura de mélancolie qui l’entoure.Tout cela vient de ce pacte.— Il sait ? soufflé-je.Éléonore détourne les yeux.— Non. Il a oublié une partie de la vérité. Il ne se rappelle que des fragments… et de la douleur.Je prends une inspiration tremblante.— Alors, est-ce qu’il existe un moyen d’y mettre fin ?Elle me regarde avec une intensité brûlante.— Oui. Mais le prix à payer sera terrible.Je ravale ma salive.— Dis-moi.Elle avance vers moi, et sa silhouette semble vaciller, comme si elle était sur le point de disparaître.— S
ÉléonoreJe vois dans ses yeux la vérité brute, celle qu’Éléonore ne m’a pas révélée.Il savait.Il savait ce qu’elle avait fait.Et il l’a suivie malgré tout.— Tu l’aimais…Les mots s’échappent de mes lèvres avant que je ne puisse les retenir.Il ne répond pas immédiatement.Puis, il murmure :— Plus que ma propre vie.Le poids de cette déclaration me frappe comme une tempête.Je devrais me sentir jalouse, blessée.Mais au lieu de ça…Je ressens une peine profonde.Pas pour moi.Pour lui.Parce que je comprends enfin.Ce n’est pas seulement la malédiction qui le lie à ce manoir.C’est l’amour.Un amour mort depuis des siècles, mais qui refuse de s’éteindre.Je sens ma gorge se serrer.— Alors pourquoi suis-je là ? demandé-je dans un souffle.Son regard s’adoucit légèrement.— Parce que le passé ne cesse de se répéter.Il pose une main glacée sur ma joue.— Et cette fois… je refuse que l’histoire se termine de la même manière.Un frisson me traverse.Il s’approche, son souffle effleu
ÉléonoreSon regard se voile d’une tristesse infinie.— Que notre amour nous a détruits autrefois. Et qu’il pourrait encore nous détruire aujourd’hui.Mon cœur se serre.— Tu crois que l’histoire va se répéter ?Il effleure ma joue du bout des doigts, et je frissonne.— Je ne crois pas.Ses yeux se plongent dans les miens, et sa voix s’abaisse à un murmure rauque.— Je le sais.Un silence lourd s’installe entre nous.Puis, lentement, il glisse une main derrière ma nuque.Mon corps se tend sous l’intensité de son regard.Et alors qu’il s’approche, prêt à sceller nos destins une fois encore…Un bruit assourdissant retentit.La porte claque violemment derrière nous, et un souffle glacial envahit la pièce.Un rire résonne.Féminin.Cruel.Je me fige.Une silhouette émerge de l’ombre.Et mon sang se glace lorsque je reconnais son visage.Éléonore de Valmeray.— Vous pensiez vraiment que je vous laisserais briser la malédiction si facilement ?Son sourire est tranchant comme une lame.André
ÉléonorePuis, une lumière s’allume devant moi.Une simple lanterne, vacillante, suspendue dans le vide.Et sous cette lumière…Moi.Je me fige, le cœur battant à tout rompre.Une femme identique à moi se tient là, vêtue d’une robe ancienne, noire et brodée d’or. Ses yeux, d’un gris profond, sont fixés sur moi avec une intensité qui me glace le sang.— Éléonore de Valmeray, murmure-t-elle, et sa voix résonne comme un écho du passé. Enfin, nous nous rencontrons vraiment.Je recule d’un pas, mon souffle saccadé.— Non… Tu n’es pas réelle. Tu n’es qu’une illusion.Elle esquisse un sourire triste.— C’est ce que tu aimerais croire. Mais tu le sais au fond de toi, n’est-ce pas ? Je suis toi. Celle que tu étais. Celle que tu as oublié.Mon esprit hurle, refuse d’accepter.— Je ne suis pas toi ! Je suis Éléonore, mais pas celle du passé !Son regard s’adoucit, mais une tristesse infinie s’y reflète.— Alors explique-moi… Pourquoi ressens-tu cette douleur en moi ? Pourquoi, chaque fois que tu
Eleanore Je veux nier, mais ce serait un mensonge.À cet instant, la douleur d’Andréas est presque tangible. Je sens sa lutte intérieure, son désir de m’épargner, mais aussi sa détermination à ne pas reculer.Puis, mon père sort une dague.Un geste trop rapide.Andréas réagit instinctivement.Il s’interpose.Il y a un éclat métallique, un bruit sourd…Puis plus rien.Je me réveille en sursaut, le souffle court.Mon corps est tremblant, comme si je venais réellement de revivre cette nuit.Les fragments du passé sont plus clairs que jamais.Mon père… cette nuit-là…Le poids de la révélation m’écrase, mais je sais une chose : je ne peux plus l’ignorer.Et si ce souvenir refait surface aujourd’hui, c’est parce qu’il a un sens.Un avertissement.Ou une seconde chance.AndréasLa nuit s’étire, pesante, et pourtant, je ne ressens aucune fatigue. Ce n’est pas la première fois que je revis ce souvenir, mais jamais il n’avait été aussi net, aussi réel.Je suis resté figé un long moment, scruta
Eleanore La nuit est tombée lorsque nous quittons le manoir.Les bois qui entourent Valmeray sont plus sombres que jamais, comme si les arbres eux-mêmes murmuraient des avertissements.Andréas marche à mes côtés, sa présence rassurante malgré l’inquiétude que je perçois en lui.Nous avançons sans un mot, chacun perdu dans ses pensées.Puis, un frémissement.Une ombre glisse entre les arbres.Je m’arrête brusquement, mon souffle suspendu.— Elle sait que nous venons.Andréas hoche lentement la tête.Un rire résonne dans l’obscurité.Un rire qui me ramène des années en arrière.Et lorsqu’elle apparaît enfin devant nous, je comprends que nous avons commis une erreur.Nous ne la traquions pas.Elle nous a attirés.AndréasL’obscurité est dense, presque palpable. L’air est chargé d’une énergie ancienne, familière et pourtant terrifiante. Je sens Éléonore se raidir à côté de moi, son souffle suspendu alors que la silhouette se matérialise lentement devant nous.Un frisson me parcourt.Elle
ÉléonoreLa sorcière sourit, un éclat de triomphe dans les yeux.— Je n’ai fait que te montrer la vérité, ma chère.Andréas n’a pas bougé, mais je vois sa mâchoire se contracter. Il analyse, il cherche une faille, un mensonge. Il veut me croire. Mais cette scène… cette lame dans ma main…— Ce n’était pas moi, répété-je plus fort.Cette fois, il lève les yeux vers moi.Je m’accroche à cet infime espoir.— Je n’aurais jamais fait ça.Mon souffle est court. La panique me guette.— Je sais.La voix d’Andréas est calme, mais tendue.Et pourtant, en cet instant, c’est le seul fil auquel je peux me raccrocher.Mais la sorcière rit doucement.— Crois ce que tu veux, Andréas. Mais quelque chose en toi le sait déjà, pas vrai ?Il serre les poings, mais ne répond pas.Elle recule d’un pas, satisfaite, comme si elle avait déjà gagné cette bataille.— Ce n’est que le début, murmure-t-elle avant de disparaître dans un souffle d’ombres.Le silence revient, écrasant.---Je veux fuir.M’éloigner de c
ÉléonoreLa cabane est là, perdue entre les arbres noueux.Je n’y ai pas mis les pieds depuis des années, mais mes mains connaissent encore le bois rugueux de la porte.Je pousse.Un souffle de poussière et d’air rance m’accueille.Tout est figé, comme figé dans le temps.Et sur la table, il y a un livre.Un livre que je n’ai jamais vu.Ou que j’ai oublié.Je m’approche, mon cœur battant plus fort.Les pages sont jaunies, l’encre presque effacée.Mais je distingue les mots.Un serment.Un pacte.Un rituel interdit.Et mon nom.Mon estomac se noue.Je tourne la page.Une date.Il y a trois cents ans.Mon souffle se coupe.Et là, au centre du parchemin, une seule phrase me transperce l’âme :"Par ce serment, nous nous lierons pour l’éternité. Et si l’un trahit, que la mort les sépare… encore et encore."Une larme coule sur ma joue.Je comprends maintenant.Notre amour n’a jamais été maudit.C’est nous qui avons forgé cette malédiction.Et nous en payons le prix.Encore.Et encore.Et en
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en