AndréasJe fixe Éléonore, l’impression dérangeante que quelque chose nous a été arraché.Mais quoi ?Je me souviens d’elle, du lien qui nous unit, du désir incandescent qui me consume chaque fois que je la regarde.Je me souviens de nos nuits hantées, de son souffle chaud contre ma peau, de son regard rempli de douleur et de force mêlées.Mais…Une part de mon passé est floue.Comme si quelqu’un avait effacé une ligne de mon histoire, la remplaçant par du vide.— Andréas ?Sa voix tremble légèrement.Je me redresse, serrant sa main dans la mienne.— Ça va.Mensonge .Mais elle ne le relève pas.Léandre referme le grimoire, ses traits marqués par la fatigue.— Vous devriez vous reposer. Ce rituel a drainé beaucoup de votre énergie.Repos ?Je ne sais même pas si je peux encore rêver.Depuis que je suis revenu à cette vie d’entre-deux, mes nuits sont faites d’ombres et de souvenirs brisés.Mais Éléonore, elle, est exténuée.Je l’attrape doucement par la taille et l’aide à se lever. Elle
AndréasLe vent hurle à travers les arbres, portant avec lui un murmure ancestral.Nous avons quitté le manoir au crépuscule, suivant Léandre jusqu’à un cercle de pierres levées, caché dans l’épaisseur de la forêt.Un lieu ancien .Un lieu de mémoire.Éléonore marche à mes côtés, sa main glacée serrée dans la mienne. Elle ne dit rien. Mais je peux sentir son corps vibrer d’une tension sourde, comme si chaque pas la rapprochait d’un gouffre invisible.Moi aussi, je ressens cette peur .Mais je ne peux pas la laisser seule face à ça.— Nous y sommes, annonce Léandre en s’arrêtant au centre du cercle.Les pierres noircies par le temps nous entourent comme des sentinelles silencieuses.Je ressens la magie ancienne imprégnant ce lieu, lourde et pesante, chargée de souvenirs oubliés.Léandre ouvre un grimoire et murmure une incantation.Le sol vibre sous nos pieds.Une lueur bleutée s’élève des gravures runiques inscrites sur les pierres.Puis le silence.Un silence plus épais que la nuit e
ÉléonoreL’air est glacial .Même en plein cœur de la nuit, ce froid n’a rien de naturel.Il s’infiltre sous ma peau, jusqu’à mes os, jusqu’à mon âme.Je tremble, mais pas seulement à cause de la température.Je ressens cette peur sourde, viscérale, qui serre ma poitrine et m’empêche de respirer pleinement.Andréas est près de moi, son regard brûlant d’une détermination implacable.Léandre, lui, est en train de préparer le rituel.Je l’observe tracer des symboles au sol avec une poudre argentée.— Tu es sûre de vouloir faire ça ? demande-t-il sans lever les yeux.Je serre les poings.— Oui.— Même si ce que tu découvriras risque de te détruire ?Je frémis.Mais je ne reculerai pas .— Je dois savoir.Il soupire et termine son cercle.— Très bien.Il lève alors son grimoire et commence à psalmodier une incantation.Les runes s’illuminent.Un vent violent se lève soudain, tourbillonnant autour de nous, emportant feuilles et poussière dans une spirale lumineuse.Je sens mon cœur cogner c
ÉléonoreIl me regarde .— Parce que ceux qui ont fait ça… sont les mêmes qui détiennent ton destin, Éléonore.Je fronce les sourcils.— Que veux-tu dire ?Il détourne le regard.— Ce sont eux qui t’ont créé .Le silence tombe comme une chape de plomb.Andréas me regarde avec stupeur.Moi, je sens mon monde vaciller.— Ce sont eux qui ont fait de toi… ce que tu es aujourd’hui.Le Néant ne nous a pas seulement montré un enfant volé.Il vient de nous révéler un secret encore plus grand.Un secret qui risque de tout bouleverser.Le monde s’effondre sous mes pieds.Les mots de Léandre résonnent en moi comme une condamnation."Ce sont eux qui ont fait de toi ce que tu es aujourd’hui."Je le fixe, incapable de formuler une seule pensée cohérente.Je sens le regard brûlant d’Andréas posé sur moi, cherchant à comprendre, à assembler les pièces de ce puzzle infernal.— Explique-toi, murmuré-je d’une voix tremblante.Léandre détourne légèrement les yeux, comme s’il redoutait ma réaction.— Éléo
ÉléonoreL’air est lourd, saturé d’une magie ancienne et oppressante.Le manoir qui se dresse devant nous est plus qu’une simple bâtisse. C’est un tombeau, une prison pour des âmes oubliées, un lieu de sacrifice où l’essence même du temps semble s’être figée.Je sens la peur et la colère se mêler en moi dans un tourbillon insupportable.Et je suis prête à tout pour le retrouver.— On y va, murmuré-je en avançant.Andréas attrape mon bras, m’arrêtant brusquement.— Attends. On ne peut pas foncer tête baissée. Ce lieu est piégé, je le sens.Léandre opine, observant la façade lugubre du manoir avec une expression grave.— Il a raison. Si nous entrons sans préparation, nous risquons de ne jamais en ressortir.Ma respiration s’accélère.— Il est là-dedans ! siffle-je. Je refuse de perdre du temps !— Et c’est précisément pour ça que nous devons être prudents, insiste Andréas.Son regard cherche le mien, et malgré ma rage, je vois l’inquiétude sincère dans ses yeux.Je ferme les poings.Je
ÉléonoreL’atmosphère du sous-sol est lourde, saturée d’un parfum ancien de cire fondue et de vieux grimoires. Les murs de pierre suintent l’humidité, rendant l’endroit encore plus oppressant.Face à moi, la Sorcière Originelle m’observe avec une expression indéchiffrable. Son regard perçant me traverse comme si elle sondait mon âme.— Tu ressens l’appel, n’est-ce pas ? murmure-t-elle .Je me tiens droite, refusant de montrer le moindre signe de faiblesse.— Je ressens surtout le poids de tes erreurs, répliqué-je calmement.Elle esquisse un sourire fin, presque amusé.— Et pourtant, tu portes mon sang. Tu es liée à moi, que tu le veuilles ou non.Je serre les poings. C’est vrai. Mon ascendance ne peut être niée. Mais cela ne signifie pas que je suis condamnée à suivre son chemin.Un frisson me parcourt lorsque je sens l’énergie vibrer autour de nous, comme un courant invisible prêt à se déchaîner.— Tu es venue ici avec l’intention de me défier, mais sais-tu seulement ce que cela impl
ÉléonoreLa Sorcière Originelle me fixe.— Maintenant, tu comprends, murmure-t-elle.Mes mains tremblent.— Qu’est-ce que cela signifie ?Elle s’approche encore, posant une main glacée sur mon bras.— Cela signifie que ce que vous vivez aujourd’hui n’est qu’un écho de ce qui a déjà été.Je recule brusquement.— Non…Elle penche la tête.— Tu veux la vérité, Éléonore ? La voici : vous êtes liés par une malédiction plus ancienne que vous deux. Vous avez aimé et perdu, encore et encore. Chaque vie vous ramène l’un à l’autre… mais chaque fois, quelque chose vous sépare.Je secoue la tête, refusant d’accepter ces paroles.Mais au fond de moi, une voix murmure que c’est vrai.Andréas – Le manoir en éveilUn courant d’air glacé traverse le couloir tandis que je me tiens devant une porte en bois massif.De l’autre côté, je ressens la présence d’Éléonore.Mais quelque chose ne va pas.L’énergie autour d’elle est différente, plus instable.Je tends la main vers la poignée, mais avant que je pui
ÉléonoreUne femme aux longs cheveux d’argent se tient entre nous.Son regard est empli de colère et de tristesse.— Vous avez brisé l’ordre naturel des choses, dit-elle d’une voix glaciale.Elle lève les bras, et un vent violent balaie la salle.— Vous ne pourrez jamais être ensemble sans en payer le prix.Une lumière aveuglante jaillit.Je ressens la douleur comme si c’était maintenant.Puis tout disparaît.Je suis de retour dans la salle voûtée.Andréas me regarde avec une infinie tristesse.— Nous avons été maudits, Éléonore. Condamnés à nous retrouver et à nous perdre à jamais.Un sanglot m’échappe.— Et cette fois ?Il hésite, puis murmure :— Cette fois, tu peux changer les choses.Mon souffle se bloque .Je sens une énergie familière s’élever autour de moi.Puis la vision éclate.Je reviens brutalement à la réalité.Et la première chose que je vois, c’est la porte qui s’ouvre.Andréas est là.Nos regards se croisent.Et je sais.Tout a changé.Andréas est devant moi, figé sur
ÉléonoreLe monde s’est tu. Plus de cris, plus de bataille, plus de peur. Juste le silence paisible d’un matin naissant, baigné d’une lumière douce et dorée. Je laisse mes yeux dériver sur l’horizon, savourant la quiétude après tant d’épreuves.Mais plus que le paysage, c’est lui que je ressens. Son souffle contre ma peau, son cœur battant sous ma paume, sa chaleur qui m’entoure comme un bouclier invincible.Andréas me serre contre lui, son étreinte forte et apaisante. Son menton repose sur le sommet de ma tête, et je ferme les yeux, laissant mon corps se détendre complètement. Plus besoin de lutter. Plus besoin de fuir. Nous sommes là, ensemble, et c’est tout ce qui compte.— Je n’aurais jamais cru connaître un instant comme celui-ci, murmure-t-il contre mes cheveux.Sa voix est rauque, fatiguée, mais remplie d’une tendresse infinie.Je lève la tête vers lui, ancrant mon regard au sien. Il y a tant de choses que je pourrais dire, mais à quoi bon ? Il sait déjà. Il a toujours su.Je t
ÉléonoreL’aube étire ses premiers rayons sur les ruines encore fumantes du champ de bataille. Le silence n’est plus celui de la fin, mais celui d’un commencement. Les survivants se relèvent, se cherchent, se retrouvent. Et moi, je reste là, ancrée dans le regard d’Andréas.Il ne dit rien. Je ne dis rien non plus. Nos âmes parlent pour nous, dans ce langage silencieux que seuls ceux qui ont traversé l’enfer peuvent comprendre. Ses yeux, d’un bleu profond, me transpercent, cherchant en moi quelque chose que je suis enfin prête à lui donner.Lui.Moi.Nous.Il avance d’un pas. Son souffle se mélange au mien. Ses doigts frôlent ma joue, hésitants, comme s’il craignait encore que tout cela ne soit qu’un mirage, une illusion née du combat et de la douleur. Mais je ne suis pas une illusion. Je suis là. Vivante. Prête.Alors, c’est moi qui brise la distance. Mes mains s’accrochent à lui, à cette présence qui a été mon ancre dans la tempête. Il ne recule pas. Il m’accueille, il me retient. Et
ÉléonoreJe sens les battements précipités de mon cœur résonner contre ma cage thoracique. Mon corps tremble sous le poids de l’épuisement, de l’adrénaline retombée, de la douleur qui commence à s’ancrer dans chaque fibre de mon être.Andréas me tient fermement, comme s’il craignait que je disparaisse à mon tour, emportée par les cendres encore tièdes de ce combat. Son souffle est erratique, et lorsqu’il me serre un peu plus contre lui, je ressens toute la tension qui l’a habité, toute l’angoisse qu’il a contenue.— Tu es là, souffle-t-il, comme pour se convaincre. Tu es vivante.Je hoche faiblement la tête contre son épaule, incapable de formuler une réponse. Une vague de chaleur me traverse, non pas de mon pouvoir, mais de lui. Il est ma certitude, mon ancre, celui qui m’a toujours vue telle que je suis, même lorsque je doutais.Mais tandis que mes yeux se perdent dans le ciel, un frisson parcourt mon échine. La nuit est encore lourde, l’air chargé d’un silence pesant. La victoire a
ÉléonoreLe vent hurle autour de nous, emportant avec lui des volutes de poussière et de cendres.Le ciel, chargé de nuages noirs, semble retenir son souffle.Face à moi, Gauvain se tient droit, son corps frémissant d’énergie obscure.Son regard d’acier croise le mien, et je ressens l’ombre qui palpite autour de lui, prête à fondre sur moi à la moindre ouverture.— Tu crois pouvoir me vaincre, Éléonore ? murmure-t-il, un sourire narquois étirant ses lèvres. Tu n’es qu’une enfant jouant avec un feu qui la consumera.Je ne réponds pas.Les mots ne servent plus à rien.Ce combat est la dernière étape.Celle qui décidera du destin des âmes enchaînées à cette malédiction.Celle qui scellera mon propre sort.Les Ombres DéchaînéesGauvain attaque le premier.D’un geste, il invoque un torrent d’ombres qui s’élève autour de lui, déferlant vers moi comme une vague prête à m’engloutir.Je n’ai pas le temps de réfléchir.J’agis.Mon corps bouge avec une rapidité que je ne me connaissais pas, port
ÉléonoreDerrière moi, Andréas retient son souffle.— Ne le sous-estime pas, Éléonore, murmure-t-il.Comme si c’était possible.Je serre les poings, invoquant la magie qui pulse dans mes veines.Si je dois me battre, alors ce sera sans retenue.Je refuse d’être brisée.Pas par lui. Pas par eux.L’Attaque FoudroyanteGauvain ne me laisse pas le temps d’agir.Il tend la main, et une colonne d’ombre fuse vers moi.Je l’évite de justesse en me jetant sur le côté, sentant l’air vibrer sous l’impact.Le sol se crevasse là où j’étais quelques secondes plus tôt.— Pas mal, murmure-t-il. Mais pas suffisant.Il disparaît.Non, il se fond dans l’ombre.Mon cœur bondit.Je me retourne juste à temps pour voir sa silhouette réapparaître derrière moi.Trop tard.Il me frappe de plein fouet, un choc brutal qui m’envoie rouler sur le sol.La douleur explose dans mon corps.Je me redresse en grimaçant, le goût du sang dans ma bouche.Gauvain m’observe, le regard indéchiffrable.— Tu es lente.Je serre
ÉléonoreNous ne faisons que quelques pas avant que la porte du manoir ne s’ouvre brusquement.Ils sont là.Tous les Anciens.Le Conseil.Le poids de leurs regards me cloue sur place.Léandre s’avance le premier, son visage fermé, plus grave que jamais.— Éléonore Valmeray, annonce-t-il d’une voix qui fait frissonner l’air autour de nous.— Nous devons parler.Je n’ai pas le choix.Je le savais déjà.Un jugement sans appelLa salle est glaciale.Les chandeliers projettent des ombres mouvantes sur les murs de pierre, rendant l’atmosphère encore plus oppressante.Je me tiens droite face à eux, Andréas légèrement en retrait, prêt à intervenir à la moindre menace.Léandre me fixe longuement avant de prendre la parole.— Nous avons ressenti ce qui s’est passé.Un murmure parcourt l’assemblée.— Tu as touché à ce qui n’aurait jamais dû être réveillé.Je ne détourne pas le regard.— Je l’ai fait pour comprendre.Un silence.Puis un rire amer s’élève.— Comprendre ? répète une femme aux cheve
AndréasLa lumière nous engloutit, brûlante et aveuglante.Mon instinct me hurle de courir vers Éléonore, de la protéger, mais la force qui émane d’elle est insondable. Le vent se lève dans la salle du sanctuaire, soulevant la poussière et les cendres des siècles passés. Les symboles gravés sur les murs vibrent d’une lueur surnaturelle, pulsant au rythme du cœur d’Éléonore.Et puis, tout s’arrête.Un silence funèbre.Elle est là, debout, ses cheveux flottant comme s’ils étaient portés par une brise invisible. Ses yeux ont changé. Plus brillants, plus intenses. Une aura dorée danse autour d’elle, entrelacée d’ombres mouvantes.Elle a fait son choix.Mais lequel ?— Éléonore…Je tends la main vers elle, mais un frisson me traverse quand elle pose son regard sur moi.Ce n’est plus tout à fait elle.Ou peut-être est-ce elle, enfin complète.L’Architecte esquisse un sourire.— Impressionnant.Sa voix résonne dans la pièce comme un écho lointain, empli de satisfaction et d’attente.Éléonore
Andréas Je me retourne vivement.Et je le vois.Une silhouette se dessine dans le néant, imposante, drapée dans un manteau sombre.L’Architecte.— Tu es un poison pour elle, Andréas.Sa voix résonne dans l’espace vide.Je serre les poings, prêt à attaquer.— Tu ne sais rien de nous.Un rire moqueur vibre autour de moi.— Vraiment ?Le décor change brusquement.Les ombres s’écartent, dévoilant une vaste salle, aux murs de pierre couverts d’inscriptions anciennes.Et au centre…Éléonore est à genoux.Une lumière crépusculaire l’entoure, et devant elle se tient l’apparition de sa mère.Elle pleure.Jamais je ne l’ai vue ainsi.Mon cœur se serre.— Elle se souvient, murmure l’Architecte.— Se souvient de quoi ?Il ne répond pas.Mais je le vois.Le regard d’Éléonore est perdu dans le passé.Et la silhouette de sa mère s’illumine.Les Larmes du PacteÉléonoreLes souvenirs affluent en moi.Je vois une autre époque, un autre temps.Je vois ma mère, jeune et puissante, défiant les sorciers
ÉléonoreJe lève les yeux vers le ciel nocturne. Les étoiles semblent plus ternes, comme si elles aussi avaient ressenti l’impact de notre lutte.— Il va revenir.La voix d’Andréas est rauque, presque un murmure.Je le sais. L’Architecte ne nous laissera pas en paix. Il a perdu une bataille, mais la guerre ne fait que commencer.— Nous devons partir d’ici, dis-je en me redressant.Autour de nous, les ruines du sanctuaire s’effondrent lentement. Les pierres noircies par la magie maléfique s’effritent, emportées par le vent. Ce lieu n’est plus sûr.Andréas hoche la tête et se lève, bien que son équilibre soit incertain. Je passe un bras autour de sa taille pour le soutenir, et ensemble, nous avançons à travers les décombres.Mais à chaque pas, un poids invisible s’alourdit sur ma poitrine.Quelque chose ne va pas.Je le ressens dans l’air, une présence insidieuse qui s’attarde, cachée dans l’ombre.Nous ne sommes pas seuls.L’Éveil des SpectresAndréasChaque muscle de mon corps est en