DavidJe suis assis dans l’obscurité, le dos appuyé contre le mur froid de ma chambre.Le silence est lourd.Oppressant.Je n’ai pas bougé depuis des heures, incapable de détacher mon regard de la marque sur mon bras.La lueur rougeâtre s’est estompée, mais je peux encore la sentir sous ma peau, une présence sourde et menaçante.Les mots du Corbeau, du Hibou et de la Mouche Tsé-Tsé résonnent en boucle dans ma tête.— Tu ne peux pas lutter contre ce que tu es.Mes poings se serrent.Je refuse d’accepter leur vérité.Je ne suis pas comme elles.Je ne serai jamais comme elles.Pourtant, une partie de moi sait que quelque chose a changé.Depuis cette nuit, je ressens tout différemment.L’air semble plus lourd.Les ombres paraissent plus profondes.Et parfois… parfois, je crois entendre des murmures, juste à la lisière de mon esprit.Je secoue la tête violemment, tentant de chasser ces pensées.Non.Ce n’est qu’un piège.Un jeu qu’elles veulent que je perde.Je me lève d’un bond.Il faut qu
DavidElles m’encerclent.Le Corbeau, le Hibou et la Mouche Tsé-Tsé.Leurs silhouettes se découpent dans l’ombre, menaçantes, immobiles.Elles ne se précipitent pas.Elles attendent.Elles savent que je suis piégé.Que je n’ai nulle part où fuir.Le froid s’infiltre dans mes os, bien plus profond que l’air glacial de la nuit.C’est un froid ancien.Un froid qui s’accroche à mon âme.Je serre les lettres contre moi, comme si elles pouvaient me protéger.— Alors, David ?Le Corbeau fait un pas en avant.Son sourire est lent, cruel.— As-tu compris maintenant ?Je ne réponds pas.Je ne peux pas.Je suis encore sous le choc de ce que je viens de lire.Je suis leur offrande.Leur tribut.Le dernier héritier du pacte de sang.Elles m’attendaient depuis toujours.Et maintenant que mon grand-père n’est plus là pour me protéger, elles comptent bien réclamer leur dû.Mon regard glisse sur la cabane, cherchant désespérément une échappatoire.Mais il n’y en a pas.Seule la porte derrière elles me
DavidLa cabane est vide, mais son ombre plane encore sur moi.Les cendres du parchemin noirci par l’incantation reposent à mes pieds, vestiges fragiles d’un combat que je viens à peine de gagner.Elles ont disparu.Mais la maison garde leur empreinte.Chaque poutre, chaque planche de bois semble imprégnée de leur présence.Le silence est trompeur.Il m’enveloppe d’un calme illusoire, comme si la nuit elle-même retenait son souffle.Je ne peux pas rester ici.Pas après ce que je viens de voir.Pas après ce que j’ai fait.Je dois partir.Mais où ?Je jette un regard autour de moi.Tout ce qui appartenait à mon grand-père semble m’observer.Les vieux meubles rongés par le temps.Les lampes à pétrole éteintes, figées dans leur lueur éteinte.Les photos accrochées aux murs, témoins silencieux d’un passé que je commence à peine à comprendre.Et au centre de la pièce, ce coffre.Celui que j’ai brisé.Celui qui contenait le parchemin.Je m’agenouille et passe les doigts sur le métal froid.S
DavidLa nuit s’étire autour de moi, silencieuse et oppressante.Je suis sur cette route de terre battue, loin de la cabane, loin d’elles, mais le froid dans mon dos ne disparaît pas.C’est comme si un poids invisible s’accrochait à moi, me tirant vers l’obscurité que je tente de fuir.J’ai grandi dans cette famille maudite.J’ai appris à reconnaître les ombres qui se cachent derrière les visages familiers.À sentir la menace dans un simple regard.Mais ce soir, pour la première fois, je comprends.Ce n’était pas qu’une peur d’enfant.Ce n’était pas mon imagination.C’était réel.Mon grand-père m’avait prévenu.Ses femmes n’étaient pas ordinaires.Elles étaient le mal incarné.Et maintenant, elles savent que je sais.Elles ne me laisseront pas partir.Un frisson me parcourt alors que je reprends ma marche, mon souffle court, mon cœur battant à un rythme incontrôlable.La forêt qui borde la route semble plus sombre qu’avant.Je sens les arbres me scruter, chuchoter dans une langue anci
DavidJe cours.La nuit déchire mon souffle, l’air froid s’engouffre dans mes poumons comme une lame.Derrière moi, le rire du Corbeau résonne encore.Il n’est ni moqueur ni cruel.Il est patient.Sourd.Comme si elle savait déjà l’issue de cette course.Je ne veux pas savoir.Je veux juste fuir.Mais mes jambes sont lourdes, comme entravées par une force invisible.Le village est si proche.Je peux presque voir les premières maisons au loin, leurs toits sombres se découpant contre l’horizon nocturne.Si j’y arrive…Si j’y parviens…Peut-être que—Une ombre fuse devant moi.Un éclat argenté.Je m’arrête net.Mon cœur cogne dans ma poitrine.Quelque chose est là.Quelqu’un.Et je sais avant même de lever les yeux.La Mouche Tsé-Tsé.Elle ne parle pas.Elle est juste là, dressée sur mon chemin, sa silhouette à peine visible dans l’obscurité.Mais je ressens sa présence.Son pouvoir.Sa menace.Elle n’a pas besoin de crier, de hurler, de se moquer comme le Corbeau.Elle agit dans le sile
DavidL’air du village est plus lourd que je ne l’avais imaginé.Assis sur une vieille chaise en bois, les bras croisés sur ma poitrine, j’attends.L’homme qui m’a ouvert la porte est reparti aussitôt chercher le prêtre, me laissant seul dans cette pièce où chaque craquement du bois me semble un avertissement.Je fixe la flamme de la lampe à huile posée sur la table. Elle vacille légèrement, comme si un courant d’air invisible la menaçait.Comme si elles étaient là.Je secoue la tête et me pince l’arrête du nez.Non. Elles ne peuvent pas être ici.Elles ne peuvent pas entrer.Mais ce sentiment d’oppression ne me quitte pas.La porte s’ouvre brusquement.Je sursaute, me levant d’un bond.C’est un homme grand, maigre, au visage émacié par les ans. Ses yeux sont sombres, perçants. Il porte une soutane noircie par le temps, et un médaillon en argent pend à son cou.— David…Sa voix est grave, profonde.Je hoche la tête.— Père, j’ai besoin d’aide.Il s’approche, lentement, referme la porte
DavidLa lame est froide dans ma main.Le prêtre me regarde avec gravité, attendant que je pose la question qu’il sait déjà sur mes lèvres.— Qu’est-ce que je dois faire ?Il inspire profondément, puis tourne les pages du vieux livre jusqu’à une section couverte de symboles tracés à l’encre brune.Du sang séché.— Ce rituel n’a été accompli que par un seul homme avant toi… Et il en est sorti brisé.Un frisson me parcourt.— Mais il a survécu.Le prêtre hoche lentement la tête.— Oui. Il a survécu. Mais à quel prix ?Je serre les dents.— Je veux savoir.Il me jauge un instant avant de poursuivre.— Tu dois les affronter dans leur propre domaine. Si tu veux briser leur emprise sur toi, tu dois descendre là où elles tirent leur pouvoir.Il désigne un passage du livre.— Le monde des ombres.Un silence.Mon cœur tambourine dans ma poitrine.— Elles ne me laisseront jamais entrer.Le prêtre esquisse un sourire triste.— Elles t’attendent déjà.Je serre la lame plus fort.— Alors dites-moi
DavidL’obscurité m’avale tout entier.Un gouffre sans fond, où les murmures suintent à travers les ombres, tissant un piège invisible autour de moi. Mon corps tombe, encore et encore, sans fin ni repère. Je ne ressens ni sol, ni ciel, seulement un froid qui s’infiltre sous ma peau, serpentant jusqu’à mes os.Puis, brutalement, je m’écrase.Le choc me coupe le souffle.Je suis au sol.Mes mains rencontrent une surface humide et poisseuse. Du sang.Je redresse lentement la tête.Le Corbeau est là, debout devant moi, la lame encore plantée dans son flanc. Mais elle ne saigne pas.Elle sourit.— Tu n’es pas prêt.Sa voix est un frémissement d’ombre.Je serre les dents et tente de me relever, mais mes membres sont lourds. Comme s’ils étaient entravés par des chaînes invisibles.— Laisse-moi sortir.Son rire claque comme un fouet.— Sortir ? Mais tu viens à peine d’entrer.Un bruissement dans mon dos. Je me retourne d’un coup.Deux silhouettes émergent des ténèbres.La Mouche Tsé-Tsé et Le
DavidLe vent hurle à travers la nuit, soulevant la poussière et les cendres laissées par le combat. Mon souffle est court, mon corps meurtri, mais je tiens debout. J’observe les ruines du sanctuaire, là où, quelques instants plus tôt, la Déesse du Corbeau et le Hibou Silencieux tentaient encore de m’anéantir.Elles ont disparu.Mais je sais qu’elles reviendront.Elles ne renoncent jamais.Je serre les poings, sentant encore l’écho du feu sacré dans mes veines. Une force ancienne s’est réveillée en moi, une puissance que je ne contrôle pas encore totalement. Mais une chose est sûre : je ne suis plus celui qu’elles pouvaient manipuler à leur guise.J’avance lentement à travers les décombres, mes pas résonnant sur les pierres brisées. L’odeur de suie et de souffre imprègne l’air, un rappel amer de la bataille qui vient de se jouer.Et pourtant, ce n’est que le début.— "David…"Une voix.Faible.À peine un murmure.Je me fige.Mon cœur rate un battement.Je tourne la tête, scrutant les
DavidLe vent hurle à travers les ruines du sanctuaire. Les colonnes brisées projettent des ombres difformes sur le sol de pierre, et la chaleur de mon feu sacré se mêle au froid surnaturel qui suinte de la Déesse du Corbeau et du Hibou Silencieux.Je suis pris entre elles.Elles avancent lentement, comme des prédateurs certains de leur victoire.— "Tu ne comprends toujours pas, n’est-ce pas ?" murmure la Déesse du Corbeau.Elle tend une main pâle vers moi.L’air se charge d’une énergie glaciale.Un mur invisible m’écrase la poitrine, me clouant au sol.Mes genoux frappent la pierre dure.Je suffoque.Mais je ne baisse pas les yeux.Elles veulent me voir briser.Elles veulent voir la peur.Je leur refuse ce plaisir.Mon feu crépite, luttant contre leur influence.Le Hibou Silencieux lève son bras.Elle ne parle jamais.Mais ses gestes suffisent.Un chuintement traverse l’air.Un trait noir fuse vers moi.Je roule sur le côté.Juste à temps.Le sol où je me trouvais un instant plus tôt
DavidLe feu danse autour de mon bras, vibrant d’une puissance ancestrale. Il ne me consume pas. Au contraire, il me reconnaît. Comme s’il savait.Ce n’est pas seulement une arme.C’est un héritage.Un don laissé par ceux qui ont combattu avant moi.Et un poids immense s’abat sur mes épaules.Je ne suis plus seulement une proie.Je suis celui qui peut les détruire.Mais pour ça…Je dois comprendre.Je dois savoir ce qu’elles veulent vraiment.Et je dois être prêt à affronter la vérité.---Le sanctuaire tremble encore sous la force du feu sacré.Je ferme les yeux et inspire profondément.Mon grand-père m’a toujours appris à écouter avant d’agir.À sentir le danger avant qu’il ne frappe.Et en cet instant, je le ressens.Quelque chose approche.Un murmure glisse entre les colonnes effondrées.Une voix trop basse pour être humaine.Puis…Le silence.Mais ce n’est pas un silence ordinaire.C’est un vide.Comme si quelque chose venait d’aspirer tout le son autour de moi.Je me retourne le
DavidL'obscurité m’enveloppe alors que je continue de courir. Mes jambes brûlent, mes poumons hurlent, mais je ne m'arrête pas. Derrière moi, l’ombre des trois sorcières plane toujours. Invisibles, mais terriblement présentes.Je ne suis plus un enfant. Je le leur ai prouvé en brûlant leur marionnette d’ombre. Pourtant, elles n’abandonneront pas. Elles veulent me récupérer. Elles veulent m’anéantir ou me plier à leur volonté.Mais je ne suis pas comme elles.Je suis autre chose.Quelque chose qu’elles n’ont pas prévu.---La route s’étend devant moi, interminable, comme si elle voulait me conduire quelque part où tout changerait. Où je pourrais enfin leur échapper.Mais je sais que c’est un mensonge.On ne fuit pas les ombres en courant.Je dois les affronter.Un vieux panneau surgit sur le bas-côté : "Prochaine ville : Black Hollow - 12 km"Black Hollow… Ce nom fait remonter en moi un souvenir ancien.Mon grand-père m'en avait parlé autrefois."Si un jour tu dois fuir, trouve la lum
DavidLe noir.Un gouffre sans fond, sans lumière.Je tombe.Ou peut-être que je flotte.Je ne sais plus.Je n’ai plus de corps. Plus de poids. Seulement une conscience suspendue dans l’éther.Puis, une voix.— David…Elle murmure mon nom, sinueuse, caressante, s’enroulant autour de mon esprit comme un serpent lové dans l’ombre.Je veux fuir, mais où courir quand on est prisonnier du vide ?Un frisson me parcourt.Je ne suis pas seul ici.Quelque chose… quelqu’un m’observe.Et soudain, le néant s’efface.---Je me réveille en sursaut.La douleur me frappe d’un coup, fulgurante.Mes tempes battent. Mon corps est glacé.Lentement, je me redresse.Où suis-je ?Le salon. Ma maison.Mais quelque chose ne va pas.L’odeur.L’air sent l’encens brûlé, le soufre et… quelque chose d’autre. Quelque chose de pourri.Mon regard balaie la pièce.Et je les vois.Les trois.Assises en cercle dans mon propre salon.Elles me fixent.Le Corbeau, grande et imposante, le regard tranchant comme une lame.La
DavidLa porte se referme derrière moi dans un bruit sourd.Un courant d’air glacé me traverse.Ma grand-mère ne parle pas tout de suite.Elle me scrute de ses yeux fatigués, usés par trop d’années de secrets.Puis elle soupire, s’assoit dans son vieux fauteuil en bois et me fait signe de m’asseoir en face d’elle.— Tu es venu pour des réponses.Je hoche la tête.— Elles ne vont pas te plaire.Elle tend la main vers la table basse, attrape une boîte en fer cabossée. Ses doigts tremblent légèrement quand elle l’ouvre.À l’intérieur, des lettres jaunies, un médaillon en argent terni, et un morceau de tissu rouge sombre.Rouge… ou taché de sang séché ?— Ceci appartenait à ton grand-père.Elle me tend le médaillon.Je l’attrape du bout des doigts.Le métal est froid, trop froid.Je l’ouvre.À l’intérieur, une photo en noir et blanc.Mon grand-père, jeune, debout à côté d’une femme.Une femme que je ne connais pas.---— Qui est-ce ?Ma grand-mère détourne le regard.— Sa véritable épouse
DavidLe bracelet en cuir repose sur la table de nuit. Petit, insignifiant en apparence, mais il pèse plus lourd que du plomb sur ma poitrine.Mon grand-père ne s'en séparait jamais. Il disait que c'était une protection. Un rempart contre leurs pouvoirs.Alors pourquoi est-il ici ?Je tends la main, hésitant. Mon instinct me crie de ne pas le toucher. Pourtant, mes doigts frôlent la surface usée, et aussitôt, une sensation glaciale me traverse.Un murmure résonne dans la pièce.— David...Je sursaute, mon cœur tambourinant violemment contre ma cage thoracique.L'hôtel est silencieux.Le murmure n'existe que dans mon esprit.Je serre les dents et attrape le bracelet, le glissant autour de mon poignet d’un geste nerveux.Si elles veulent me hanter, alors qu’il en soit ainsi.Mais je ne fuirai plus.---La journée est lourde.Je marche dans la ville, tentant d’oublier ce qui s’est passé cette nuit. Les passants me frôlent, indifférents à l’angoisse qui me ronge.Mais je les sens.Leurs r
DavidL'air du matin est glacé. L'humidité s'infiltre jusque dans mes os alors que je referme ma valise usée, seul bagage que je peux emporter. Mon grand-père m'observe en silence, debout dans l’ombre du couloir. Ses yeux sont fatigués, marqués par des années de lutte contre ces femmes qui gangrènent notre famille.— Tu pars maintenant.Sa voix est ferme, mais je perçois l’émotion derrière. Il ne veut pas me voir partir, mais il sait que c'est ma seule chance.Je hoche la tête.Le silence s’installe.Puis il ajoute, plus bas :— Ne regarde pas en arrière. Quoi que tu entendes, quoi que tu ressentes, ne te retourne jamais.Un frisson court le long de mon échine.Je sers la lanière de ma valise entre mes doigts.Puis je sors.---L’air du dehors est plus lourd que d’habitude. Comme si quelque chose s’accrochait à mes épaules, m’écrasant de son poids invisible.Je traverse la cour, le pas rapide.Mais alors que je m’approche du portail en fer, un murmure me parvient.Faible. Doux. Envoût
DavidLa nuit s’étire, lourde et oppressante. Je suis allongé sur mon matelas de fortune, dans la chambre qui m’a été attribuée, mais le sommeil me fuit comme une ombre insaisissable.Les mots du Corbeau résonnent encore en moi."Tu es des nôtres."Non.Je refuse.Mais quelque chose en moi vacille.Je ressens encore la chaleur qui a couru dans mes veines, cette sensation étrange de puissance brute, ce battement sourd qui ne m’appartient pas totalement.Je passe une main tremblante sur mon front. Froid. Glacé.Autour de moi, le silence est pesant. La maison semble retenir son souffle.Même mon grand-père n’a pas reparu depuis notre confrontation avec le Corbeau. Comme s’il savait qu’il devait me laisser seul. Comme s’il comprenait ce qui se passe mieux que moi.Et puis…Un bruit.Un chuchotement.Infime, à peine perceptible, mais bien là.Je me redresse brusquement, mon cœur tambourinant dans ma poitrine.— Qui est là ?Rien.Je tends l’oreille.Puis, soudain, un grattement à ma porte.