Les ombres de la lune

Les Ombres de la Lune

La nuit enveloppait la Meute de l'Éclipse Lunaire comme un voile sombre et impénétrable. Les arbres gigantesques, aux branches entrelacées, se dessinaient dans l'obscurité, leurs silhouettes tordues semblant veiller sur l'imposant château au cœur de la forêt. La lune, haute dans le ciel, était une ombre pâle et froide, baignant la vallée d'une lumière spectrale. Élodie se tenait à la fenêtre de sa chambre, les bras croisés sur le rebord, les yeux fixés sur le paysage qui défilait sous elle. L'air frais de la nuit se glissait à travers la fenêtre ouverte, caressant son visage et ses cheveux éparpillés autour de ses épaules.

Elle se sentait comme un étranger dans ce lieu. Le silence était oppressant, et pourtant, elle avait la sensation que tout bouillait en elle, que des forces invisibles la tiraient dans des directions opposées. Les ombres des arbres semblaient se déplacer dans la pénombre, des murmures portés par le vent faisaient vibrer ses pensées.

Elle n'avait pas demandé à être ici. Elle n'avait pas demandé à être sauvée, ni à ce que son destin croise celui de Théo, le Roi Alpha de la Meute de l'Éclipse Lunaire. Mais maintenant qu'elle y était, elle ne savait plus si elle devait se réjouir ou se battre. Se battre pour sa liberté, se battre pour ce qu'elle avait perdu.

Ses pensées furent soudainement interrompues par le bruit discret de la porte qui s'ouvrait derrière elle. Elle se tourna lentement, croisant les yeux de Théo, qui s'était glissé dans la pièce sans un mot. Il s'était approché d'elle d'un pas silencieux, comme une ombre parmi les ombres.

Il la regarda longuement, sans rien dire, mais elle pouvait lire dans ses yeux une complexité infinie : de l'inquiétude, de la chaleur, de la douleur peut-être. Un mélange de tout cela.

« Tu n'arrives pas à dormir, n'est-ce pas ? » demanda-t-il doucement.

Élodie haussait les épaules, un air distrait sur le visage. « Je ne crois pas que ce soit une question de sommeil. C'est... la situation. Tout ce qui se passe. » Elle soupira, ses mains se crispant sur le rebord de la fenêtre. « Je ne sais pas pourquoi je suis ici, Théo. Je veux dire, pourquoi moi ? Pourquoi tu m'as choisie ? »

Le Roi Alpha s'avança encore, jusqu'à ce qu'il soit à quelques pas d'elle. Il scrutait ses yeux comme s'il y cherchait une vérité qu'il ne trouvait pas. Il s'arrêta, sa présence imposante mais étrangement douce. « Ce n'est pas une question de choix, Élodie. C'est une question de destin. Nous sommes liés d'une manière que je ne peux expliquer. »

Elle le regarda avec perplexité. « Le destin ? Vraiment ? » Elle secoua la tête. « Et si ce n'était qu'une illusion ? »

Il la fixa un moment, et un silence lourd s'installa entre eux. Ses yeux brillaient d'une lumière étrange, comme s'il portait un fardeau invisible qu'il n'était pas prêt à partager. « La lune ne se trompe jamais », murmura-t-il finalement. « Elle nous guide. Nous tous. Et toi, Élodie, tu fais partie de ce chemin. »

Elle détourna le regard, sentant son cœur s'emballer à l'évocation de ces mots. « Et Marcus ? » demanda-t-elle, la voix brisée par une question qu'elle ne voulait pas poser. « Que va-t-il faire ? »

Théo se tendit légèrement, ses poings serrés. « Il viendra, c'est certain. Marcus n'est pas du genre à accepter la défaite. Mais nous le savons tous les deux, il ne comprend pas ce que nous avons ici. Et ce n'est pas quelque chose que l'on peut lui expliquer. »

Un frisson parcourut l'échine d'Élodie. Elle savait ce que cela signifiait. La guerre. La violence. Le déchirement des liens qui les unissaient à lui, à cette meute qu'elle avait quittée. Et pourtant, dans le fond de son cœur, un sentiment étrange de soulagement persistait. Elle n'avait plus à se cacher. Elle n'avait plus à se soumettre à quelqu'un qui ne la voyait que comme une propriété.

Mais les souvenirs de Marcus la hantaient. Leur histoire. Leur amour. Et tout ce qui s'était brisé entre eux.

La porte s'ouvrit à nouveau, cette fois de manière plus brusque. Gabriel entra, l'air aussi grave que jamais, et Théo tourna immédiatement son regard vers lui. Il n'eut même pas besoin de demander. Gabriel savait ce qu'il fallait dire.

« Marcus arrive », annonça-t-il d'un ton sec. « Il mène une armée de guerriers. Ils approchent rapidement. »

Théo ferma les yeux un instant, la mâchoire serrée, avant de se tourner vers Élodie. « Il est temps. »

Élodie se leva lentement, son cœur battant plus fort. Un tourbillon de pensées la submergea : était-elle prête pour cela ? Elle avait quitté Marcus, elle s'était libérée de son emprise, mais le prix serait lourd. Et pourtant, à côté de Théo, elle se sentait protégée. Pas encore prête à l'accepter, mais elle sentait que son avenir se dessinait désormais loin de ce qu'elle avait connu.

Le Roi Alpha posa une main réconfortante sur son épaule. « Tu es en sécurité ici, Élodie. »

Elle lui lança un regard lourd de doutes et d'espoirs. « Est-ce que c'est vrai, Théo ? Est-ce que je serai jamais en sécurité, avec lui qui me poursuit ? »

Un long silence s'installa. Théo regarda au loin, vers la fenêtre. Il voyait déjà les ombres de la guerre se dessiner sur l'horizon, mais il savait que rien ne pourrait les empêcher de se battre pour ce qu'ils croyaient juste. « Tu as un choix, Élodie. Et tu as toujours été plus forte que tu ne le crois. »

Elle inspira profondément, essayant de calmer l'agitation qui bouillonnait en elle. « Je ferai face à ce qui vient. »

Le groupe se dirigea vers la grande salle, où les membres de la meute étaient rassemblés. Théo s'arrêta à l'entrée, se retournant un instant vers Élodie, qui le suivait en silence. Il lui offrit un dernier regard rassurant, comme pour lui rappeler qu'il ne la laisserait jamais seule dans cette guerre. Et, pour la première fois depuis qu'elle avait quitté Marcus, Élodie sentit que, peut-être, elle n'était pas seule.

Les portes s'ouvrirent sur un monde plus vaste et plus impitoyable qu'elle n'avait jamais imaginé. Le conflit s'annonçait inévitable. Les chaînes du passé se brisaient une à une. La guerre était à la porte. Et la lune était témoin de tout.