Émily Il n’y a plus de fuite. Plus de question. Il y a ses lèvres sur les miennes, ses mains qui me soulèvent, qui me tiennent, qui m’emmènent loin de tout ce qui blesse.Je m’accroche à lui comme à une bouée dans une mer déchaînée. Et pourtant, c’est moi l’orage.Les vêtements tombent, oubliés. La pudeur, elle aussi, se dissout dans le feu.Il est partout. Contre ma peau. Dans ma chair. Dans mon souffle.Quand il me fait l’amour, ce n’est pas une conquête. Ce n’est pas une victoire. C’est une offrande. Comme s’il m’ouvrait les portes d’un sanctuaire dont je ne connaissais pas l’existence.Je gémis son nom, il m’appelle la sienne. Il me retient contre lui quand je vacille, il s’effondre contre moi quand je tremble.Et dans la nuit, alors que nos corps s’unissent encore et encore, je comprends que ce n’est pas la fin du monde.C’est le commencement.DarelJe la regarde dormir. Sa peau nue contre les draps, son dos fragile que je caresse du bout des doigts, ses cheveux en désordre.Je
RaoulJe les observe. Elle, droite malgré l’angoisse. Lui, en retrait mais prêt à frapper. Ils se tiennent comme deux éclats d’un même miroir. Et je sais qu’ils tiendront, tant qu’ils seront ensemble.Mais la guerre à venir ne fera pas de place aux hésitations.— Ton père veut te capturer vivante, Emily. Pas pour te punir. Pas pour te tuer. Il veut utiliser ce que tu portes en toi. Ce qui a été enfermé pendant des générations.Elle fronce les sourcils.— La porte. Celle qui s’est ouverte en moi, cette nuit.Je hoche la tête.— Elle n’est pas censée s’ouvrir seule. Elle réagit à une invocation ancienne. À une clé. Et cette clé, c’est toi.Darel recule d’un pas.— Une clé pour quoi ?Je baisse les yeux sur la carte. Un cercle y est tracé en rouge sombre.— Pour ce qu’il veut libérer. Une entité plus vieille que les lignées, plus ancienne que les trônes. Quelque chose qu’on a oublié. Qu’on a scellé.Emily devient pâle. Mais elle ne tremble pas.— Tu veux dire que je suis la dernière barr
EmilyLa nuit est une coulée de velours. Elle nous enveloppe, nous étouffe presque, mais je m’y love comme dans une seconde peau. Darel respire lentement contre ma nuque, sa chaleur me tient ancrée à cette réalité qui m’échappe un peu plus chaque jour.Je ne dors pas.Mes paupières sont closes, mais tout en moi veille. Le cercle a laissé une trace sous ma peau. Comme si mon sang battait à présent en plusieurs temps, rythmé par des tambours anciens que moi seule entends.— Tu penses encore, murmure Darel.— Toujours.Il me serre un peu plus fort, sa main sur mon ventre. J’aurais voulu rester là. Juste là. À exister dans ses bras. Mais le monde s’écaille. La surface se fissure. Et sous les failles, quelque chose m’attend.— Tu regrettes ? souffle-t-il.Je me retourne, nos visages presque confondus.— Non. J’ai l’impression de respirer pour la première fois. Mais ce souffle... il sent la cendre.Il m’embrasse. Lentement. Comme s’il voulait m’imprimer le goût de la vie. Puis il murmure :
EmilyJe ne dors pas. Je ne dors plus.Depuis que l’Écorché m’a touchée sans me toucher, tout a changé. Quelque chose s’est ouvert en moi. Un puits. Une faille. Une lumière qui brûle plus qu’elle n’éclaire. Et cette sensation… comme si chaque cellule de mon corps se préparait à quelque chose que je ne peux pas encore nommer.Darel dort à moitié, la main posée sur mon ventre comme s’il voulait m’ancrer. Mais même lui, même son souffle, ne suffit plus à calmer la tempête.Raoul est resté dans le couloir. Silencieux. Présent. Prêt.Moi, je me lève.Je m’habille.Je descends.Et je m’enferme dans la bibliothèque.Les livres sont anciens, reliés à la main. Certains portent des marques étranges, comme des brûlures. Je ne sais pas ce que je cherche, mais je sais que c’est ici. Entre les pages oubliées.Et je finis par tomber sur lui.Un volume relié de cuir pâle, avec un mot griffonné à l’encre sombre : Haec Porta.Je l’ouvre.Et le monde bascule.DarelJe me réveille en sursaut. Emily n’est
DarelJe ne sais pas si je dois hurler ou me prosterner.Emily est là, debout, l’épée brandie, mais elle n’est plus tout à fait la même. Son ombre vacille. Elle tremble de puissance.Et c’est là qu’il entre.L’Écorché.Sans bruit. Sans menace. Juste une présence. Inéluctable.— Tu as brisé le pacte, dit-il.— J’ai brisé leurs chaînes, réplique Emily.Ils se regardent. Longuement.Et l’Écorché incline la tête.— Alors je ne suis plus ton ennemi.Raoul tressaille.— Qu’est-ce que tu veux dire ?L’Écorché regarde Emily.— Je veux dire… que je sers l’Obsidienne. Mais je respecte la flamme. Et si elle brûle contre eux, alors je brûlerai avec elle.Emily ne dit rien. Mais je la sens frémir.Une alliance improbable vient de naître. Dans le chaos. Dans la peur. Dans le refus.EmilyJe baisse l’épée.Et je prononce les mots que je n’aurais jamais pensé dire un jour.— Je jure de ne plus jamais fuir. Qu’ils viennent. Qu’ils m’éprouvent. Je les attends.Mon sang est en feu. Mais mon cœur, lui, e
EmilyJe ne ressens plus le sol sous mes pieds.Tout vacille.Tout brûle.Mais je tiens.L’épée d’onyx vibre dans mes mains, comme si elle reconnaissait enfin mon sang. Ou peut-être qu’elle a attendu ce moment, depuis toujours : le point de rupture. Le vrai début.Face à moi, les Trois se déploient dans un mouvement parfait, irréel. L’homme sans visage dégaine une lame faite d’oubli, la femme aux bras couverts de runes tend les paumes, et l’enfant… l’enfant ne bouge pas. Il me fixe. Ses yeux d’argent me traversent.— Tu trembles, murmure-t-il.Je ne réponds pas. Je frappe.DarelEmily s’élance. Elle est lumière et cri. Elle attaque sans attendre.Je suis juste derrière elle.J’abats ma hache contre le sol pour briser le cercle d’énergie que la femme trace. Un éclair de feu jaillit. Elle recule.Raoul, à ma gauche, psalmodie une ancienne formule. Des chaînes d’air s’enroulent autour de l’homme sans visage, le ralentissant, le contraignant.Mais ce n’est pas suffisant.— Raoul ! — Je cr
RaoulElle l’a fait.Elle a traversé le Souffle Noir.Elle a choisi.Je la vois revenir, pas comme avant, mais transformée.Une nouvelle lumière brille dans ses yeux. Elle n’est plus la même.Et ce que je pressentais, ce que je craignais, se confirme :Elle va tout changer.EmilyJe sens son corps contre le mien.Darel.Il est là.Mais je ne peux pas m’arrêter.Il y a encore une dernière bataille à livrer.Il y a mon père.Lui.EmilyIl est là, tout près, mais mon esprit est ailleurs, englouti dans les échos de ce que je viens de traverser. La lumière en moi s’estompe lentement, mais l'énergie, cette force nouvelle, reste. Elle me traverse comme une rivière calme, mais capable d'inonder tout ce qui se trouve sur son passage.Darel est près de moi, mais il semble lointain, comme si tout autour de lui se dissolvait. Il me regarde, ses yeux remplis d’inquiétude, mais aussi d’un espoir que je n'avais jamais vu chez lui avant. Il sait. Il sait que tout a changé.— Tu as réussi, dit-il douc
EmilyLa tension dans l'air est palpable. Mes muscles sont tendus, mes mains serrées dans mes poches comme pour y retenir l'explosion imminente. Raoul a prononcé des mots que je n'aurais jamais cru entendre un jour. Ce que mon père veut faire… ce qu'il est prêt à sacrifier pour réécrire le passé, tout cela me semble irréel.Et pourtant, je sens la vérité se poser sur mes épaules, lourde et inébranlable. Ce n’est pas seulement un combat pour survivre. Ce n'est pas juste une question de choix entre vivre ou mourir. C'est une bataille pour l'âme même de ce monde, un monde que je n'ai jamais voulu manipuler.Darel se tient près de moi, à un mètre, mais son regard est comme une ancre qui me maintient dans le présent. Il m’a toujours soutenue, mais là, je sens qu'il est prêt à tout. Il le faut. Il doit être prêt.— Tu penses toujours que c’est possible ? demandai-je, ma voix faible.Il me regarde, un sourire à peine esquissé sur ses lèvres.— Je n'ai jamais cessé d'y croire, répond-il, son
EmilyLa lumière douce de l'après-midi filtre à travers les rideaux en soie, projetant des ombres légères sur le sol. Il n'y a pas de bruit assourdissant, seulement le murmure discret de l'air qui entre par la fenêtre légèrement ouverte. Le palais, avec tous ses couloirs animés et ses messagers pressés, semble soudain lointain, comme un autre monde. Là, dans cette chambre tranquille, je me sens à l'abri. Tout autour de nous est calme, paisible, comme si le temps lui-même avait suspendu son vol.Je suis assise près de Darel, sur le grand canapé de velours, mes jambes repliées sous moi. L'air semble suspendu, empli de cette douce chaleur qui précède le soir. À côté de moi, Darel est silencieux, son regard posé sur le feu crépitant dans la cheminée. Son visage, habituellement marqué par la détermination du roi, est ici apaisé, détendu. Il n'y a plus de couronne à porter, plus d'ennemis à combattre. Il est simplement l'homme que j'aime, et cela suffit à remplir l'espace autour de nous.Je
Emily Le matin s’élève lentement sur le royaume, baignant de lumière dorée les vastes terres qui s’étendent à perte de vue. Dans la grande salle du palais, des préparatifs frénétiques s’effectuent sous l’œil vigilant de la cour. Aujourd’hui, un événement historique se déroule : le couronnement de la Reine Émily, l’épouse du roi Darel, désormais officiellement reconnue comme la souveraine légale de ce royaume qu’ils ont bâti ensemble.Les pierres de la salle du trône, froides et immobiles, semblent vibrer sous l’effervescence des habitants, des nobles et des invités venus des quatre coins du royaume pour assister à la consécration de cette nouvelle ère. Les voiles suspendus dans les airs captent la lumière, répandant des teintes de bleu et d’or qui dansent comme des ombres légères. Les étendards frappés du blason royal flottent, déployés au-dessus des têtes.Je suis là, dans les coulisses, observant la scène se préparer, la lourdeur de l’histoire pèsant sur mes épaules. Le trône, vide
EmilyLa maison est silencieuse, trop silencieuse. Les bruits de la vie semblent lointains, comme un écho d’un monde que nous avons laissé derrière nous. Je me tiens devant la fenêtre, regardant la lumière du matin qui se lève lentement, baignant la vaste étendue de terres que nous avons conquises et défendues. La pluie tombe doucement sur le toit, comme un murmure de réconfort après la tempête.Je ferme les yeux, me concentrant sur le bruit de la pluie, sur les souvenirs qui se mélangent dans mon esprit. Tout a changé. Tout. Il y a encore des cicatrices, des parts d’ombres qui hantent les murs de cette maison, mais je sens aussi un souffle nouveau, un air différent qui s’impose peu à peu.Darel entre dans la pièce, sa silhouette se découpant dans l’encadrement de la porte. Nos regards se croisent, et, comme toujours, il y a cette compréhension silencieuse entre nous. Il sait ce que je ressens. Il sait ce que j’ai sacrifié pour arriver ici.— Tu es prête, me dit-il d’une voix douce ma
EmilyJe me tiens là, les bras croisés, observant Caleb et Rafael Alcatraz se redresser lentement. Ils sont toujours loin d’être ce qu’ils étaient, mais l’humilité dans leurs regards est un signe que j’ai marqué un tournant. Ils savent que je les ai épargnés. Ce geste, je le ferai une seule fois. Pour l’instant. Mais je sais que ce monde exige plus que de simples gestes symboliques.Darel se tient à côté de moi, silencieux, mais je sens son regard lourd de fierté. Il sait comme moi que ce moment n’a pas seulement été une démonstration de pouvoir, mais un avertissement. Un avertissement pour ceux qui penseraient encore qu’ils peuvent me défier.Je fixe mes yeux sur les Alcatraz, et je sens une part de moi qui reste vigilante, mais détendue. Leur position a changé. Mais qu'en est-il des autres ? D'autres forces sont prêtes à surgir, à profiter de la moindre faiblesse. Ils ne m’effraient plus. Pas après ce que j’ai vécu, pas après ce que j’ai surmonté.— Vous avez perdu votre arrogance,
EmilyLe calme n’est plus qu’un souvenir. Je sens la rage et l’énergie bouillonner en moi, prête à éclater. Tout ce qui m'a conduite à ce moment, tout ce que j’ai affronté, tout ce que j’ai sacrifié, prend forme dans une explosion de pouvoir. Je n’ai pas l’intention de me laisser dicter ma conduite. Je suis l’héritière, la nouvelle force de ce monde, et ils vont devoir l’accepter.Les frères Alcatraz, qui pensaient nous intimider, m’ont sous-estimée. Ce n’est plus un simple affrontement de pouvoir. C’est ma démonstration de ce que je peux accomplir quand je lâche prise. Quand la vengeance, la douleur, et la détermination se rencontrent dans une union parfaite, il ne reste que des spectres de ceux qui ont voulu me faire tomber.J’avance lentement, chaque pas résonnant dans la pièce comme un écho dans un abîme. Mes yeux sont rivés sur Caleb et Rafael, qui me fixent avec un mélange d’arrogance et d’incrédulité. Ils ne savent pas encore à quel point ils sont proches du point de rupture. J
EmilyL’air dans la salle est épais de tension, comme une corde prête à se rompre. Je sens la présence de Caleb et Rafael, lourde et menaçante. Mais il n’y a pas de place pour la peur, pas maintenant. Nous avons tout sacrifié pour arriver jusqu’ici, et je ne vais pas reculer face à eux. Darel se tient près de moi, son regard fixé sur les Alcatraz, ses muscles tendus, prêt à réagir à la moindre menace.Caleb, toujours implacable, brise le silence qui pèse sur nous.— C’est étrange, Emily, dit-il d’un ton mielleux. Tu crois vraiment que tu peux tenir le pouvoir que ton père a laissé derrière lui. Tu n’as même pas idée de ce qu’il a fallu pour le garder. Tu penses que l’alliance que nous avons forgée était pour toi, mais elle n’a jamais été qu’un moyen de consolidation. Une simple étape dans un jeu plus vaste.Je ne cille pas, malgré la provocation évidente dans ses paroles. Les mots sont des armes, mais je sais les manier aussi bien que n’importe quel autre.— Je ne suis pas ici pour jo
EmilyLe vent secoue les fenêtres de la voiture alors que nous roulons en direction de la capitale. L’ombre des événements à venir plane sur nous, et chaque kilomètre qui nous sépare du palais semble lourd de promesses et de menaces. Je suis silencieuse, perdue dans mes pensées, mes mains crispées sur mes genoux. Le visage de Darel à mes côtés est impassible, mais je sais qu’il ressent la même tension que moi. Raoul, à l’arrière, semble pensif, observant le paysage défiler. Chacun de nous, dans sa propre réflexion, se prépare à l’inévitable.Nous n’avons pas échappé à la tempête, elle est juste retardée, suspendue dans l’air, prête à éclater. Les Alcatraz sont de retour dans nos vies, et leur loyauté est tout sauf acquise. L’alliance que j’ai forgée avec eux, bien qu’indispensable, est fragile. Mais il n’y a pas de retour en arrière. Nous devons aller de l’avant.La voiture s’arrête finalement devant le grand portail du palais. Nous sommes arrivés. Le sol sous nos pieds semble plus lo
EmilyLe pacte est formellement signé. Le mariage est programmé. Ce n’est plus une question de volonté, mais de stratégie. Caleb et Rafael ont accepté de faire partie de l’accord, mais l’essentiel, ce n’est pas cet instant. L’essentiel, c’est de savoir qu’il reste encore du chemin à parcourir. Le mariage ne marque que le début de quelque chose de plus grand. Et tout doit être parfait. Mais je n’oublie pas une chose : chaque mouvement que nous faisons, chaque alliance que nous tissons, est une bataille gagnée sur le long terme.Et maintenant, il est temps de mettre en œuvre la deuxième phase de notre plan : renforcer cette alliance tout en élevant la position de chacun de nous. Cette partie sera plus délicate. Les Alcatraz doivent sentir qu’ils ont gagné autant que nous, sans que l’équilibre ne soit perturbé.Je me tourne vers Darel. Un dernier regard échangé, et nous savons que le chemin à venir ne sera pas facile. Mais ensemble, nous sommes prêts.Le vent souffle fort ce matin-là. L’
EmilyLe silence est lourd autour de la table où les Alcatraz et nous, membres de l’alliance naissante, nous retrouvons enfin pour poser les bases d’une entente. Darel, Raoul et moi sommes prêts à commencer. Mais l’air est saturé d’une tension palpable, chacun d’entre nous pesant ses mots, craignant ce qui pourrait se passer si l’un d’entre nous franchit une ligne invisible.Les Alcatraz, bien que sous le choc de notre offre, sont désormais contraints d’accepter. Caleb, d’un regard dur, semble s’être fait une raison. Rafael, quant à lui, garde son esprit suspicieux et son air d’un homme qui se sait lié à un serpent, qu’il n’arrive pas encore à dévorer.Le pacte est fragile, mais nécessaire. Ce mariage, que j’ai proposé comme une solution pour calmer leur désir de vengeance, est plus qu’une alliance de pouvoir. C’est un pas vers un équilibre plus stable dans un monde qui ne connaît que la guerre et la manipulation. Je suis convaincue que c’est la seule issue pour éviter un bain de sang