À leur retour à Nemtaba, Aïcha et Malik furent accueillis avec des acclamations chaleureuses. La nouvelle de leur succès à Bakar s'était déjà répandue, et le peuple célébrait la consolidation de l'alliance avec enthousiasme. Pourtant, derrière cette apparente sérénité, Aïcha sentait que de nouveaux défis se profilaient à l'horizon.Dans la salle du trône, Aïcha convoqua immédiatement un conseil pour faire le point sur la situation. Tahar, Malik, Marwan et quelques autres conseillers influents étaient présents.— Félicitations pour votre succès à Bakar, Majesté, commença Tahar avec un sourire satisfait. Grâce à votre diplomatie, nous avons évité une guerre civile chez nos alliés.Marwan, plus prudent, ajoute :— Cela dit, nous devons rester vigilants. La stabilité de Bakar est encore précaire, et certaines factions peuvent toujours fomenter des troubles en sous-main.Aïcha acquiesce.— Vous avez une raison. Nous devons surveiller la situation de près et maintenir nos canaux de communic
Le palais de Nemtaba était en effervescence. Des drapeaux aux couleurs des trois royaumes flottaient fièrement au-dessus des remparts. Les préparatifs pour le grand sommet battaient leur plein, et Aïcha supervisait chaque détail avec une attention minutieuse.La tenue de ce sommet était une étape cruciale pour consolider l'alliance tripartite entre Nemtaba, Alkazar et Toran. Le moindre faux pas risquait de nuire aux efforts de paix construits jusqu'ici.Malik et Tahar, postés près des portes principales, coordonnaient les équipes de sécurité. La tension était palpable, mais l'atmosphère restait disciplinée.— Tout est en place ? demanda Aïcha en approchant.Malik hocha la tête.— Oui, tous les accès sont sécurisés et les troupes sont positionnées de manière stratégique. Nous avons doublé les patrouilles autour du palais.Tahar a ajouté :— Les émetteurs des trois royaumes sont déjà en route. Arkanis arrivera au premier, suivi de Darian. Kadir, représentant Toran, est déjà sur place po
Le lendemain de la signature du traité tripartite, Nemtaba se réveilla sous un ciel radieux, comme si même les éléments célébraient cette nouvelle ère de paix. Mais dans les couloirs du palais, l'effervescence de la fête avait laissé place à l'agitation administrative.Aïcha se trouvait dans la salle du conseil, entourée de ses plus proches conseillers. Malik et Tahar étaient présents, ainsi que Marwan, qui, bien que désormais plus conciliant, continuait de veiller aux intérêts de Nemtaba avec une prudence méticuleuse.— Nous avons reçu les premiers rapports de coordination des troupes tripartites, annonce Tahar en déroulant une carte sur la table. La zone frontière entre Bakar et Alkazar est la priorité pour la mise en place de la Garde de la Paix.Malik hocha la tête.— C'est la zone la plus vulnérable aux attaques de dissidents. Cependant, certains soldats de Bakar refusent encore d'accepter les troupes d'Alkazar à leurs côtés.Marwan soupira.— Les blessures de la guerre ne se ref
La Garde de la Paix, formée d’hommes issus des trois royaumes, était désormais opérationnelle. Sous le commandement de Malik, elle patrouillait sur les routes commerciales reliant Nemtaba, Alkazar et Bakar. Malgré la solennité de la cérémonie et l'enthousiasme initial, les défis pratiques se révélèrent rapidement plus complexes qu’anticipé.Malik se tenait au centre du campement établi près de la route principale menant à Alkazar. Les tentes étaient érigées avec une précision militaire, mais l’ambiance restait tendue. Des disputes éclataient régulièrement entre les soldats de différents royaumes, et Malik savait que la cohésion de l’unité était encore fragile.Tahar arriva avec un rapport en main, visiblement préoccupé.— Des tensions cette nuit encore, murmura-t-il. Un soldat de Bakar et un d’Alkazar en sont venus aux mains pour une histoire de ration partagée.Malik soupira, sentant le poids de la responsabilité sur ses épaules.— Ce n’est pas qu’une question de nourriture. C’est la
Le soleil matinal baignait Nemtaba de sa lumière dorée lorsque Aïcha se rendit dans la salle du conseil. Après le succès de l’opération menée par Malik et la Garde de la Paix, l’enthousiasme semblait palpable. Pourtant, elle savait que ce n’était que le début.En entrant dans la grande salle, elle trouva Marwan en train d’examiner des cartes avec Tahar. Malik, de retour depuis la veille, était également présent, discutant avec un officier de la Garde.— Majesté, dit Marwan en la voyant arriver, nous avons reçu des rapports concernant les routes commerciales. Certaines caravanes ont été retardées par des barrages improvisés, et il semblerait que des groupes locaux manifestent leur mécontentement.Aïcha fronça les sourcils, visiblement agacée.— Quel genre de mécontentement ?Malik répondit en posant un parchemin sur la table.— Les populations locales ne comprennent pas pourquoi des soldats étrangers patrouillent dans leurs régions. Ils craignent que la Garde de la Paix ne devienne une
De retour à Nemtaba, Aïcha ne pouvait s'empêcher de penser à la rencontre avec les Gardiens de l’Indépendance. Leur hostilité était palpable, mais elle avait aussi perçu une hésitation, une peur enfouie sous leur colère.Malik la rejoignit dans la salle des cartes, où elle examinait les zones sensibles sur la carte du royaume.— Tu penses qu'ils reviendront ? demanda-t-il en posant une main rassurante sur son épaule.— Je ne sais pas, répondit-elle en soupirant. Ils sont partagés entre la haine des anciens ennemis et la peur de perdre leur identité.Malik haussa légèrement les sourcils.— Leur crainte est légitime, mais leur obstination est dangereuse. Si nous les laissons prospérer dans les montagnes, ils finiront par attirer d'autres mécontents.Aïcha acquiesça.— Nous devons trouver un moyen de les intégrer sans les humilier. Si nous les confrontons avec la force, nous les radicaliserons davantage.Tahar entra, portant un message fraîchement reçu.— Majesté, un rapport de nos espio
L’effervescence de la grande foire de l’alliance résonnait encore dans les rues de Nemtaba. Les échanges fructueux entre marchands de différents royaumes avaient apaisé bien des réticences, et les Gardiens de l’Indépendance eux-mêmes semblaient admettre que l’alliance n’était pas la menace qu’ils redoutaient.Aïcha, depuis les balcons du palais, observait la ville vibrer d’une énergie nouvelle. La confiance renaissait peu à peu, et elle savait que cet équilibre fragile devait être soigneusement entretenu.Malik arriva, vêtu d’une tunique simple mais élégante, et se posta à ses côtés.— La ville semble plus vivante que jamais, observa-t-il.Aïcha sourit, fière du chemin parcouru.— Oui, mais cette paix est encore jeune. Il suffit d’une rumeur, d’un malentendu pour tout faire basculer.— Alors nous ferons en sorte que cela n’arrive pas, répondit Malik d’un ton déterminé.Elle tourna les yeux vers lui, reconnaissante de sa présence indéfectible.— Aujourd’hui, nous avons prouvé que la pa
La forteresse de Tarok se dressait fièrement sur une colline escarpée, protégée par des remparts épais et des tours de guet veillant sur les vallées environnantes. Aïcha, Malik, Darian et Kadir observaient les fortifications depuis un promontoire voisin, entourés de la Garde de la Paix.Malik fronça les sourcils, analysant les défenses.— Ils ont consolidé l'entrée principale et disposent d’archers sur les remparts. Une attaque directe causerait trop de pertes.Darian soupira.— Ces hommes étaient autrefois mes alliés les plus fidèles. Mais ils ne supportent pas que Toran s'ouvre au monde.Aïcha posa une main sur son bras.— La peur du changement est souvent plus forte que la peur de l’ennemi. Nous devons leur offrir une porte de sortie honorable.Kadir acquiesça.— Peut-être pourrions-nous proposer une rencontre sur un terrain neutre ? Une médiation directe pour éviter le conflit.Malik approuva.— Si nous faisons preuve de force sans pour autant attaquer, ils pourraient accepter de
Ils marchaient depuis deux jours sans croiser âme qui vive.Le paysage avait changé.Les arbres étaient devenus plus rares, plus noueux.Le ciel semblait plus proche.Et l’air, plus dense.Pas étouffant.Chargé.Comme si les pierres, les herbes, la terre elle-même retenaient leur souffle.À chaque pas, le silence s’intensifiait.Non pas vide, mais attentif.Ils sentaient qu’ils s’approchaient de quelque chose.Quelque chose de haut.Et soudain… elle fut là.Une tour.Plantée au centre d’une plaine nue.Ni forêt autour.Ni collines.Juste elle.Étrange.Brute.Presque organique.Elle semblait née de la terre, plutôt que bâtie.Pas de porte visible.Pas d’escaliers.Aucune ouverture.Juste cette masse haute, droite, impossible à ignorer.Et pourtant… étrangement invitante.Ils s’approchèrent.Chaque pas vers elle semblait plus lourd.Comme si la tour pesait sur l’air lui-même.Ou sur leurs épaules.Sur leurs pensées.Et en arrivant à sa base, ils virent une inscription gravée dans la pi
Le matin se leva sans hâte, étirant ses couleurs comme on déploie une couverture sur un corps endormi.Les enfants, encore enveloppés dans les souvenirs vibrants de la montagne d’échos, marchaient d’un pas calme, presque méditatif.Leur silence n’était plus pesant.Il était plein.Plein de ce qu’ils avaient déposé là-haut.Plein de ce qu’ils ne savaient pas encore nommer.Et dans l’air, une douceur.Un parfum de terre, de mousse, de promesse.Ils ne savaient pas où ils allaient, mais ils savaient que quelqu’un les attendait.Et ils avaient appris, désormais, à faire confiance au chant du monde.Au milieu de la journée, ils atteignirent une vallée.Fermée.Paisible.Presque retenue.Comme un lieu qui ne veut pas trop s’offrir.Le sentier descendait doucement, bordé de fleurs pâles, de pierres rondes.Et au fond, une maison.Ou plutôt, une forme.Faite de bois, de tissus, de silence.Elle ne ressemblait à aucune autre.Elle semblait tissée d’absence.Et pourtant, tout en elle disait : e
Le vent avait changé de ton.Plus sec.Plus franc.Comme s’il voulait leur dire que ce qu’ils s’apprêtaient à vivre ne serait pas une traversée douce, mais une confrontation.Les enfants marchaient côte à côte, mais chacun enfermé dans sa propre pensée.Il y avait quelque chose dans l’air.Pas une odeur.Pas une vibration.Un appel.Une urgence tranquille.Comme quand on sent que le temps du détour est passé.Et que, désormais, il faut monter.La montagne apparut à l’horizon dans une brume presque dorée.Étrangement simple.Sans neige.Sans pics.Sans menace.Mais elle imposait le respect.Pas par sa hauteur.Par son présence.Elle ressemblait à une épaule ancienne posée sur le monde.Et quand ils posèrent le pied sur son flanc, quelque chose en eux se figea.Comme si elle les écoutait.Déjà.Avant même le premier mot.Ils avancèrent lentement.Le sol était rocailleux mais pas hostile.Chaque pierre semblait placée là pour une raison.Comme les notes d’une partition muette.— Cette mo
Le chemin qui suivit la rivière était lumineux.Pas tant par le soleil, mais par l’intérieur.Quelque chose en eux avait bougé.Une retenue relâchée.Une fissure devenue passage.Ils marchaient côte à côte, sans se parler, mais plus proches que jamais.Et à l’approche du crépuscule, alors que le ciel se teintait d’un orange doux comme la peau d’un fruit mûr, ils aperçurent une forme étrange au loin.Rectangulaire.Silencieuse.Une maison.Ou du moins… ce qu’il en restait.Elle n’avait pas de toit.Ni porte.Ni fenêtres.Juste quatre murs de pierre, couverts de mousses et d’empreintes.Et un silence épais, pas hostile… attentif.Ils entrèrent.Et aussitôt, sentirent que ce lieu n’était pas vide.Il écoutait.— C’est une maison ? demanda Komi.— C’est un écho, répondit Naya.— Elle n’a pas de toit… parce qu’elle appartient au ciel aussi.Salimata s’approcha d’un mur.Elle y vit des marques.Des lettres.Des traces de mains.Et au centre, une phrase gravée, presque effacée :“Ici, aucun
Ils avaient marché toute la matinée, la brise tiède sur leurs visages et les fleurs de l’homme encore tièdes dans leurs poches.Chacun d’eux gardait le silence, non par fatigue, mais par respect pour ce qu’ils venaient de vivre.Ils sentaient que quelque chose se préparait.Un moment.Un lieu.Un face-à-face.Et comme souvent, ce fut la nature qui les guida.Le sentier descendit doucement, bordé d’arbres fins et hauts comme des silences dressés.Puis le vent s’arrêta.Et devant eux, elle apparut.La rivière.Elle était là.Immobile.Mais pas asséchée.Pétrifiée.L’eau, translucide, semblait suspendue dans son propre mouvement.Des vagues arrêtées en plein geste.Des gouttes figées au bord des rochers.Le lit de la rivière brillait d’un bleu glacé.— Elle ne coule plus, dit Salimata.— Depuis quand ? murmura Komi.Un écriteau de bois penchait au bord du sentier, gravé d’une main ancienne :"Je suis la rivière de ce que l’on ne s’avoue pas.Je ne coule que lorsque le cœur se parle à lui
Ils avaient quitté la ville au petit matin, les poches remplies de silences brisés et les cœurs vibrants de cette vérité qu’ils n’avaient pas cherché à imposer, mais simplement à révéler.Le vent était doux.L’air, plus léger.Ils marchèrent sans se presser.Comme s’ils attendaient que le monde lui-même leur souffle la prochaine rencontre.Et il le fit.Au détour d’un sentier bordé d’herbes hautes et de pierres moussues…Ils virent un jardin.Mais sans sol.Sans clôture.Sans limite.Un jardin humain.Au centre du champ, un homme.Assis sur un tronc renversé.Tête basse.Dos voûté.Et sur ses épaules, ses bras, son cou…des fleurs.De toutes les formes.De toutes les couleurs.Elles ne semblaient pas posées sur lui.Elles poussaient.De sa peau.De ses pores.Comme si son corps entier portait une terre silencieuse, fertile de mots qu’il n’avait jamais dits.Ils s’approchèrent en silence.L’homme leva les yeux.Son regard était profond, mais pas triste.Plutôt… saturé.Comme une mer pl
Ils quittèrent la colline au lever du jour, le silence encore accroché à leurs peaux, comme une rosée invisible.Ils marchèrent longtemps, les souvenirs d’ombres encore chauds dans leur poitrine.Le monde autour d’eux reprenait forme : les chemins, les herbes hautes, le ciel vaste.Et soudain, à l’horizon…Une cité.Colorée.Chaleureuse.Vibrante.Des murs recouverts de fresques.Des toits qui scintillaient au soleil.Et surtout…des voix.On chantait là-bas.Partout.Dans les ruelles, sur les marchés, aux fenêtres.Les enfants couraient en rimes.Les marchands criaient leurs prix en mélodies.Les vieillards conversaient en chœurs graves et doux.C’était… beau.Éblouissant.Presque irréel.Les enfants furent accueillis avec joie.Des colliers de fleurs.Des fruits offerts.Des danses improvisées.Et des sourires.Beaucoup de sourires.— C’est trop beau, chuchota Komi.— Peut-être, répondit Naya, que c’est ça… le piège.Ils passèrent la première journée comme enveloppés.La ville les b
La nuit était tombée douce, sans heurt, comme un drap léger posé sur la peau du monde.Les enfants avaient marché sans trop parler.Leur souffle seul servait de rythme, ponctué par le chant discret des insectes et les craquements tendres des herbes sèches sous leurs pas.Au loin, une lueur.Pas un feu.Pas une maison.Un halo.Flottant.Vibrant.Comme une invitation discrète.Ils avancèrent, attirés sans savoir pourquoi.Et découvrirent une colline.Petite.Ronde.Presque nue.Mais tout en haut, une silhouette.Une jeune fille.Seule.Debout, face au ciel.Les bras levés.Son ombre s’étirait derrière elle, gigantesque, projetée par une lumière invisible, comme si le soleil couchant s’était logé en elle.Autour d’elle, d’autres ombres.Qui bougeaient.— Ce sont… des gens ? chuchota Komi.— Non, répondit Isma. Regarde bien… il n’y a que ses gestes.Et pourtant, l’ombre derrière elle dansait à plusieurs.Des formes humaines.Des scènes entières.Un père.Une femme.Un enfant recroquevill
Ils sortirent de la caverne au moment où le ciel se teintait d’ocre et de pourpre.Le vent avait changé.Pas plus fort.Plus… présent.Comme s’il reconnaissait leur passage.Comme s’il murmurait : Bienvenue à ceux qui sont revenus.Mais rien autour d’eux ne semblait vraiment différent.Les arbres étaient toujours là.La poussière, la lumière, les pierres.Et pourtant, dans leur regard…Tout avait basculé.Le monde ne leur apparaissait plus comme une carte à lire, mais comme une page à écouter.Chaque brin d’herbe vibrait.Chaque silhouette au loin portait une note suspendue.Ils ne marchaient plus en quête de réponses.Ils marchaient avec.Avec le chant.Avec ce qu’ils étaient devenus.Avec ce qu’ils avaient à transmettre.Et c’était peut-être cela, le plus effrayant.Et le plus doux.Ils atteignirent un village au troisième jour.Un petit hameau oublié, niché dans une vallée de terre rouge.Les enfants y jouaient.Les adultes y travaillaient en silence.Personne ne chantait.Personne