Le retour à Nemtaba se fit sous un ciel limpide, comme si même les éléments célébraient la réussite de la mission à Kandara. Les routes construites facilitaient grandement la traversée, et les caravanes marchandes se croisaient en chemin, chargées de minéraux et de tissus précieux.Aïcha chevauchait en tête de la délégation, le visage apaisé mais l'esprit encore en éveil. Malik, à ses côtés, observe les alentours avec sa vigilance habituelle.— Tout cela semble enfin porter ses fruits, murmura-t-il en désignant les convois qui se déplaçaient sans crainte.Aïcha hocha doucement la tête.— La paix à un goût particulier, tu ne trouves pas ? murmura-t-elle.— Un goût de victoire méritée, répondit Malik avec un sourire.Tahar rejoint le duo, une expression satisfaite sur le visage.— Nos éclaireurs ont confirmé que la route est totalement sécurisée jusqu'à Nemtaba. Les caravanes circulent sans encombre.Aïcha soupira de soulagement.— Excellent travail. Nous allons organiser une grande fêt
Les premières lueurs de l'aube enveloppaient Nemtaba d'une douce clarté, alors que la cité se réveillait lentement après la nuit de célébration. La fête en l'honneur de l'alliance avec Kandara avait été un succès rémanent, et la liesse collective avait laissé place à une atmosphère apaisée et sereine.Aïcha se tenait dans la grande salle du conseil, relisant des rapports économiques envoyés par les provinces. Les résultats étaient encourageants : les échanges commerciaux avec Alkazar et Kandara avaient considérablement renforcé l'économie locale. Les artisans avaient enfin un débouché pour leurs créations, et les récoltes abondantes des terres fertiles découvrent preneur au-delà des frontières.Malik entre discrètement, un sourire léger aux lèvres.— Je t'ai cherché dans tout le palais, murmura-t-il. Encore plongée dans les rapports ?Aïcha lui adressa un sourire complice.— La paix n'est pas seulement un rêve, Malik. C'est un chantier permanent.Il hocha la tête en s'installant à ses
Le matin suivant, Aïcha se réveilla avec un sentiment d'urgence. Les mots de l'émissaire d'Alkazar tournaient encore dans son esprit, laissant planer l'ombre d'un conflit potentiel qui pourrait ébranler l'équilibre qu'elle avait si durement construit.Elle convoqua immédiatement un conseil restreint avec Malik, Tahar et Marwan dans la salle de guerre. Les cartes des routes commerciales étaient déployées sur la table, marquées de points rouges indiquant les zones sensibles.— La situation avec Bakar est instable, commença Aïcha en désignant la frontière nord. Nous devons anticiper les conséquences si le royaume se divise.Tahar, toujours pragmatique, hocha la tête.— Si les dissidents de Bakar continuent à attaquer les convois d'Alkazar, les routes commerciales entre nos royaumes seront coupées. Cela pourrait aussi inciter des bandes de piliers à exploiter la situation.Marwan croisa les bras, visiblement soucieux.— Nous avons renforcé nos propres routes, mais si le commerce avec Alka
Le matin était déjà bien avancé lorsque la place centrale de Bakar commençait à se remplir. Des habitants de tous les quartiers, curieux et inquiets, affluaient pour assister à l'assemblée publique annoncée par le roi Darian lui-même. Les soldats postés tout autour de la place gardaient un œil vigilant sur la foule.Aïcha, vêtue de sa tenue officielle de souveraine de Nemtaba, se tenait aux côtés de Malik et Tahar, tandis que le roi Darian prenait place sur une estrade surélevée. La tension était palpable, et même si les murmures étaient sourds, Aïcha pouvait sentir la méfiance flottant dans l'air.— Tout est prêt ? demande-t-elle à Malik.— Oui, les documents incriminants sont entre les mains de Tahar. Nous les exposons au moment opportun.Darian leva la main, et le silence s'installe sur la place.— Peuple de Bakar ! commença-t-il d'une voix puissante. Vous êtes ici parce que des rumeurs de rébellion et de trahison se propagent dans notre royaume. Certains accusent votre roi de faib
À leur retour à Nemtaba, Aïcha et Malik furent accueillis avec des acclamations chaleureuses. La nouvelle de leur succès à Bakar s'était déjà répandue, et le peuple célébrait la consolidation de l'alliance avec enthousiasme. Pourtant, derrière cette apparente sérénité, Aïcha sentait que de nouveaux défis se profilaient à l'horizon.Dans la salle du trône, Aïcha convoqua immédiatement un conseil pour faire le point sur la situation. Tahar, Malik, Marwan et quelques autres conseillers influents étaient présents.— Félicitations pour votre succès à Bakar, Majesté, commença Tahar avec un sourire satisfait. Grâce à votre diplomatie, nous avons évité une guerre civile chez nos alliés.Marwan, plus prudent, ajoute :— Cela dit, nous devons rester vigilants. La stabilité de Bakar est encore précaire, et certaines factions peuvent toujours fomenter des troubles en sous-main.Aïcha acquiesce.— Vous avez une raison. Nous devons surveiller la situation de près et maintenir nos canaux de communic
Le palais de Nemtaba était en effervescence. Des drapeaux aux couleurs des trois royaumes flottaient fièrement au-dessus des remparts. Les préparatifs pour le grand sommet battaient leur plein, et Aïcha supervisait chaque détail avec une attention minutieuse.La tenue de ce sommet était une étape cruciale pour consolider l'alliance tripartite entre Nemtaba, Alkazar et Toran. Le moindre faux pas risquait de nuire aux efforts de paix construits jusqu'ici.Malik et Tahar, postés près des portes principales, coordonnaient les équipes de sécurité. La tension était palpable, mais l'atmosphère restait disciplinée.— Tout est en place ? demanda Aïcha en approchant.Malik hocha la tête.— Oui, tous les accès sont sécurisés et les troupes sont positionnées de manière stratégique. Nous avons doublé les patrouilles autour du palais.Tahar a ajouté :— Les émetteurs des trois royaumes sont déjà en route. Arkanis arrivera au premier, suivi de Darian. Kadir, représentant Toran, est déjà sur place po
Le lendemain de la signature du traité tripartite, Nemtaba se réveilla sous un ciel radieux, comme si même les éléments célébraient cette nouvelle ère de paix. Mais dans les couloirs du palais, l'effervescence de la fête avait laissé place à l'agitation administrative.Aïcha se trouvait dans la salle du conseil, entourée de ses plus proches conseillers. Malik et Tahar étaient présents, ainsi que Marwan, qui, bien que désormais plus conciliant, continuait de veiller aux intérêts de Nemtaba avec une prudence méticuleuse.— Nous avons reçu les premiers rapports de coordination des troupes tripartites, annonce Tahar en déroulant une carte sur la table. La zone frontière entre Bakar et Alkazar est la priorité pour la mise en place de la Garde de la Paix.Malik hocha la tête.— C'est la zone la plus vulnérable aux attaques de dissidents. Cependant, certains soldats de Bakar refusent encore d'accepter les troupes d'Alkazar à leurs côtés.Marwan soupira.— Les blessures de la guerre ne se ref
La Garde de la Paix, formée d’hommes issus des trois royaumes, était désormais opérationnelle. Sous le commandement de Malik, elle patrouillait sur les routes commerciales reliant Nemtaba, Alkazar et Bakar. Malgré la solennité de la cérémonie et l'enthousiasme initial, les défis pratiques se révélèrent rapidement plus complexes qu’anticipé.Malik se tenait au centre du campement établi près de la route principale menant à Alkazar. Les tentes étaient érigées avec une précision militaire, mais l’ambiance restait tendue. Des disputes éclataient régulièrement entre les soldats de différents royaumes, et Malik savait que la cohésion de l’unité était encore fragile.Tahar arriva avec un rapport en main, visiblement préoccupé.— Des tensions cette nuit encore, murmura-t-il. Un soldat de Bakar et un d’Alkazar en sont venus aux mains pour une histoire de ration partagée.Malik soupira, sentant le poids de la responsabilité sur ses épaules.— Ce n’est pas qu’une question de nourriture. C’est la
Ils marchaient depuis deux jours sans croiser âme qui vive.Le paysage avait changé.Les arbres étaient devenus plus rares, plus noueux.Le ciel semblait plus proche.Et l’air, plus dense.Pas étouffant.Chargé.Comme si les pierres, les herbes, la terre elle-même retenaient leur souffle.À chaque pas, le silence s’intensifiait.Non pas vide, mais attentif.Ils sentaient qu’ils s’approchaient de quelque chose.Quelque chose de haut.Et soudain… elle fut là.Une tour.Plantée au centre d’une plaine nue.Ni forêt autour.Ni collines.Juste elle.Étrange.Brute.Presque organique.Elle semblait née de la terre, plutôt que bâtie.Pas de porte visible.Pas d’escaliers.Aucune ouverture.Juste cette masse haute, droite, impossible à ignorer.Et pourtant… étrangement invitante.Ils s’approchèrent.Chaque pas vers elle semblait plus lourd.Comme si la tour pesait sur l’air lui-même.Ou sur leurs épaules.Sur leurs pensées.Et en arrivant à sa base, ils virent une inscription gravée dans la pi
Le matin se leva sans hâte, étirant ses couleurs comme on déploie une couverture sur un corps endormi.Les enfants, encore enveloppés dans les souvenirs vibrants de la montagne d’échos, marchaient d’un pas calme, presque méditatif.Leur silence n’était plus pesant.Il était plein.Plein de ce qu’ils avaient déposé là-haut.Plein de ce qu’ils ne savaient pas encore nommer.Et dans l’air, une douceur.Un parfum de terre, de mousse, de promesse.Ils ne savaient pas où ils allaient, mais ils savaient que quelqu’un les attendait.Et ils avaient appris, désormais, à faire confiance au chant du monde.Au milieu de la journée, ils atteignirent une vallée.Fermée.Paisible.Presque retenue.Comme un lieu qui ne veut pas trop s’offrir.Le sentier descendait doucement, bordé de fleurs pâles, de pierres rondes.Et au fond, une maison.Ou plutôt, une forme.Faite de bois, de tissus, de silence.Elle ne ressemblait à aucune autre.Elle semblait tissée d’absence.Et pourtant, tout en elle disait : e
Le vent avait changé de ton.Plus sec.Plus franc.Comme s’il voulait leur dire que ce qu’ils s’apprêtaient à vivre ne serait pas une traversée douce, mais une confrontation.Les enfants marchaient côte à côte, mais chacun enfermé dans sa propre pensée.Il y avait quelque chose dans l’air.Pas une odeur.Pas une vibration.Un appel.Une urgence tranquille.Comme quand on sent que le temps du détour est passé.Et que, désormais, il faut monter.La montagne apparut à l’horizon dans une brume presque dorée.Étrangement simple.Sans neige.Sans pics.Sans menace.Mais elle imposait le respect.Pas par sa hauteur.Par son présence.Elle ressemblait à une épaule ancienne posée sur le monde.Et quand ils posèrent le pied sur son flanc, quelque chose en eux se figea.Comme si elle les écoutait.Déjà.Avant même le premier mot.Ils avancèrent lentement.Le sol était rocailleux mais pas hostile.Chaque pierre semblait placée là pour une raison.Comme les notes d’une partition muette.— Cette mo
Le chemin qui suivit la rivière était lumineux.Pas tant par le soleil, mais par l’intérieur.Quelque chose en eux avait bougé.Une retenue relâchée.Une fissure devenue passage.Ils marchaient côte à côte, sans se parler, mais plus proches que jamais.Et à l’approche du crépuscule, alors que le ciel se teintait d’un orange doux comme la peau d’un fruit mûr, ils aperçurent une forme étrange au loin.Rectangulaire.Silencieuse.Une maison.Ou du moins… ce qu’il en restait.Elle n’avait pas de toit.Ni porte.Ni fenêtres.Juste quatre murs de pierre, couverts de mousses et d’empreintes.Et un silence épais, pas hostile… attentif.Ils entrèrent.Et aussitôt, sentirent que ce lieu n’était pas vide.Il écoutait.— C’est une maison ? demanda Komi.— C’est un écho, répondit Naya.— Elle n’a pas de toit… parce qu’elle appartient au ciel aussi.Salimata s’approcha d’un mur.Elle y vit des marques.Des lettres.Des traces de mains.Et au centre, une phrase gravée, presque effacée :“Ici, aucun
Ils avaient marché toute la matinée, la brise tiède sur leurs visages et les fleurs de l’homme encore tièdes dans leurs poches.Chacun d’eux gardait le silence, non par fatigue, mais par respect pour ce qu’ils venaient de vivre.Ils sentaient que quelque chose se préparait.Un moment.Un lieu.Un face-à-face.Et comme souvent, ce fut la nature qui les guida.Le sentier descendit doucement, bordé d’arbres fins et hauts comme des silences dressés.Puis le vent s’arrêta.Et devant eux, elle apparut.La rivière.Elle était là.Immobile.Mais pas asséchée.Pétrifiée.L’eau, translucide, semblait suspendue dans son propre mouvement.Des vagues arrêtées en plein geste.Des gouttes figées au bord des rochers.Le lit de la rivière brillait d’un bleu glacé.— Elle ne coule plus, dit Salimata.— Depuis quand ? murmura Komi.Un écriteau de bois penchait au bord du sentier, gravé d’une main ancienne :"Je suis la rivière de ce que l’on ne s’avoue pas.Je ne coule que lorsque le cœur se parle à lui
Ils avaient quitté la ville au petit matin, les poches remplies de silences brisés et les cœurs vibrants de cette vérité qu’ils n’avaient pas cherché à imposer, mais simplement à révéler.Le vent était doux.L’air, plus léger.Ils marchèrent sans se presser.Comme s’ils attendaient que le monde lui-même leur souffle la prochaine rencontre.Et il le fit.Au détour d’un sentier bordé d’herbes hautes et de pierres moussues…Ils virent un jardin.Mais sans sol.Sans clôture.Sans limite.Un jardin humain.Au centre du champ, un homme.Assis sur un tronc renversé.Tête basse.Dos voûté.Et sur ses épaules, ses bras, son cou…des fleurs.De toutes les formes.De toutes les couleurs.Elles ne semblaient pas posées sur lui.Elles poussaient.De sa peau.De ses pores.Comme si son corps entier portait une terre silencieuse, fertile de mots qu’il n’avait jamais dits.Ils s’approchèrent en silence.L’homme leva les yeux.Son regard était profond, mais pas triste.Plutôt… saturé.Comme une mer pl
Ils quittèrent la colline au lever du jour, le silence encore accroché à leurs peaux, comme une rosée invisible.Ils marchèrent longtemps, les souvenirs d’ombres encore chauds dans leur poitrine.Le monde autour d’eux reprenait forme : les chemins, les herbes hautes, le ciel vaste.Et soudain, à l’horizon…Une cité.Colorée.Chaleureuse.Vibrante.Des murs recouverts de fresques.Des toits qui scintillaient au soleil.Et surtout…des voix.On chantait là-bas.Partout.Dans les ruelles, sur les marchés, aux fenêtres.Les enfants couraient en rimes.Les marchands criaient leurs prix en mélodies.Les vieillards conversaient en chœurs graves et doux.C’était… beau.Éblouissant.Presque irréel.Les enfants furent accueillis avec joie.Des colliers de fleurs.Des fruits offerts.Des danses improvisées.Et des sourires.Beaucoup de sourires.— C’est trop beau, chuchota Komi.— Peut-être, répondit Naya, que c’est ça… le piège.Ils passèrent la première journée comme enveloppés.La ville les b
La nuit était tombée douce, sans heurt, comme un drap léger posé sur la peau du monde.Les enfants avaient marché sans trop parler.Leur souffle seul servait de rythme, ponctué par le chant discret des insectes et les craquements tendres des herbes sèches sous leurs pas.Au loin, une lueur.Pas un feu.Pas une maison.Un halo.Flottant.Vibrant.Comme une invitation discrète.Ils avancèrent, attirés sans savoir pourquoi.Et découvrirent une colline.Petite.Ronde.Presque nue.Mais tout en haut, une silhouette.Une jeune fille.Seule.Debout, face au ciel.Les bras levés.Son ombre s’étirait derrière elle, gigantesque, projetée par une lumière invisible, comme si le soleil couchant s’était logé en elle.Autour d’elle, d’autres ombres.Qui bougeaient.— Ce sont… des gens ? chuchota Komi.— Non, répondit Isma. Regarde bien… il n’y a que ses gestes.Et pourtant, l’ombre derrière elle dansait à plusieurs.Des formes humaines.Des scènes entières.Un père.Une femme.Un enfant recroquevill
Ils sortirent de la caverne au moment où le ciel se teintait d’ocre et de pourpre.Le vent avait changé.Pas plus fort.Plus… présent.Comme s’il reconnaissait leur passage.Comme s’il murmurait : Bienvenue à ceux qui sont revenus.Mais rien autour d’eux ne semblait vraiment différent.Les arbres étaient toujours là.La poussière, la lumière, les pierres.Et pourtant, dans leur regard…Tout avait basculé.Le monde ne leur apparaissait plus comme une carte à lire, mais comme une page à écouter.Chaque brin d’herbe vibrait.Chaque silhouette au loin portait une note suspendue.Ils ne marchaient plus en quête de réponses.Ils marchaient avec.Avec le chant.Avec ce qu’ils étaient devenus.Avec ce qu’ils avaient à transmettre.Et c’était peut-être cela, le plus effrayant.Et le plus doux.Ils atteignirent un village au troisième jour.Un petit hameau oublié, niché dans une vallée de terre rouge.Les enfants y jouaient.Les adultes y travaillaient en silence.Personne ne chantait.Personne