Il avançait depuis des jours.Le vent avait changé de texture. Il n’était plus cette caresse invisible qui le portait. Il était devenu plus lourd, plus chaud, chargé de murmures indéchiffrables. Comme si le monde parlait dans une langue que seuls les arbres comprenaient.Lamine ne ralentit pas.Il suivait une chose plus profonde que la direction.Une fréquence.Chaque pas s’accordait à un battement plus ancien que lui.Et lorsque le ciel vira au cuivre et que le sol se couvrit de racines entrelacées, il sut.
Le village s’appelait Djino.Un nom court, coupé, comme un souvenir mal cicatrisé. Il ne figurait plus sur les cartes. Il n’était relié à aucune route. Même les voyageurs l’évitaient, non par peur, mais par oubli.Djino était là sans être là.Et ses habitants avaient désappris le chant.Pas seulement les mélodies. Les rythmes. Les mots.Non.Ils avaient désappris le réflexe du c
Il arriva sans prévenir.Pas à pied.Pas en charrette.Il arriva dans le silence, comme un souvenir mal rangé.On l’aperçut à l’entrée du village, vêtu de coton noir, un long bâton noué de perles rouges à la main. Il n’était ni courbé par l’âge ni affaibli par les années. Mais son visage portait les traits d’un temps rigide.Certains le reconnurent.— C’est Ma&ici
Ils arrivèrent un par unSans signal.Sans tambour.Sans cri.Juste un pas après l’autre.Comme des graines portées par le vent.Le premier venait du sud, peau claire comme l’écorce d’un baobab pelé. Il s’appelait Yëlé. Son village était tombé dans le silence après une guerre de frontières. On disait que chez lui, même les bébés naissaient muets depuis trois générations.Mais lui fredonnait.
Ils marchaient depuis six jours.Pas d’un pas rapide.Pas d’un pas calculé.Un pas d’écoute.Parfois, ils s’arrêtaient sans raison.Parfois, ils faisaient demi-tour sans explication.Mais chacun de leurs gestes semblait s’accorder à quelque chose d’invisible.Un matin, alors que le vent venait du sud et portait avec lui des odeurs de bois brûlé et de millet, ils atteignirent un village au bord d’un plateau rocheux. Le sol y était sec, les arbres r
Le vent changea encore de direction.Il devint plus doux, presque timide.Comme s’il savait qu’il approchait d’un lieu où ses murmures ne seraient pas entendus.Après huit jours de marche, les enfants virent surgir à l’horizon un village étrange.Tout y était en mouvement.Mais rien n’y faisait de bruit.Pas de rires.Pas de disputes.Pas même les coqs.Un silence si profond qu’il semblait sculpté
La terre changea encore.Sous leurs pieds, elle devint grise.Pas poussiéreuse.Pas sèche.Grise. Comme frottée d’un feu ancien.Le paysage était plat, sans relief. Les arbres y étaient rares, tordus, leurs branches comme des doigts recroquevillés vers le ciel.— Il y a eu un feu, dit Komi.— Mais pas un feu de forêt, murmura Isma. Un feu de mémoire.Ils marchèrent en silence, plus lents.
Ils avaient quitté la plaine depuis deux jours.Devant eux, la terre montait.Pas abruptement.Mais avec lenteur.Comme si le sol lui-même leur murmurait : Prenez le temps d’arriver.La montagne s’appelait N’dari.Un nom peu connu.Elle ne figurait sur aucune carte récente.Mais les anciens la désignaient parfois à demi-mots, comme la montagne aux soupi
La montagne s’éloignait dans leur dos.Devant eux, une plaine sans fin.Pas un arbre.Pas une colline.Juste une étendue pâle, poussiéreuse, que le vent peinait à traverser.Le sol était dur, craquelé.Mais l’air, lui, était étrange.Chargé d’un parfum que les enfants ne reconnaissaient pas.— On dirait le sable, mais plus doux, murmura Komi.— On dirait…
Ils avaient quitté la plaine depuis deux jours.Devant eux, la terre montait.Pas abruptement.Mais avec lenteur.Comme si le sol lui-même leur murmurait : Prenez le temps d’arriver.La montagne s’appelait N’dari.Un nom peu connu.Elle ne figurait sur aucune carte récente.Mais les anciens la désignaient parfois à demi-mots, comme la montagne aux soupi
La terre changea encore.Sous leurs pieds, elle devint grise.Pas poussiéreuse.Pas sèche.Grise. Comme frottée d’un feu ancien.Le paysage était plat, sans relief. Les arbres y étaient rares, tordus, leurs branches comme des doigts recroquevillés vers le ciel.— Il y a eu un feu, dit Komi.— Mais pas un feu de forêt, murmura Isma. Un feu de mémoire.Ils marchèrent en silence, plus lents.
Le vent changea encore de direction.Il devint plus doux, presque timide.Comme s’il savait qu’il approchait d’un lieu où ses murmures ne seraient pas entendus.Après huit jours de marche, les enfants virent surgir à l’horizon un village étrange.Tout y était en mouvement.Mais rien n’y faisait de bruit.Pas de rires.Pas de disputes.Pas même les coqs.Un silence si profond qu’il semblait sculpté
Ils marchaient depuis six jours.Pas d’un pas rapide.Pas d’un pas calculé.Un pas d’écoute.Parfois, ils s’arrêtaient sans raison.Parfois, ils faisaient demi-tour sans explication.Mais chacun de leurs gestes semblait s’accorder à quelque chose d’invisible.Un matin, alors que le vent venait du sud et portait avec lui des odeurs de bois brûlé et de millet, ils atteignirent un village au bord d’un plateau rocheux. Le sol y était sec, les arbres r
Ils arrivèrent un par unSans signal.Sans tambour.Sans cri.Juste un pas après l’autre.Comme des graines portées par le vent.Le premier venait du sud, peau claire comme l’écorce d’un baobab pelé. Il s’appelait Yëlé. Son village était tombé dans le silence après une guerre de frontières. On disait que chez lui, même les bébés naissaient muets depuis trois générations.Mais lui fredonnait.
Il arriva sans prévenir.Pas à pied.Pas en charrette.Il arriva dans le silence, comme un souvenir mal rangé.On l’aperçut à l’entrée du village, vêtu de coton noir, un long bâton noué de perles rouges à la main. Il n’était ni courbé par l’âge ni affaibli par les années. Mais son visage portait les traits d’un temps rigide.Certains le reconnurent.— C’est Ma&ici
Le village s’appelait Djino.Un nom court, coupé, comme un souvenir mal cicatrisé. Il ne figurait plus sur les cartes. Il n’était relié à aucune route. Même les voyageurs l’évitaient, non par peur, mais par oubli.Djino était là sans être là.Et ses habitants avaient désappris le chant.Pas seulement les mélodies. Les rythmes. Les mots.Non.Ils avaient désappris le réflexe du c
Il avançait depuis des jours.Le vent avait changé de texture. Il n’était plus cette caresse invisible qui le portait. Il était devenu plus lourd, plus chaud, chargé de murmures indéchiffrables. Comme si le monde parlait dans une langue que seuls les arbres comprenaient.Lamine ne ralentit pas.Il suivait une chose plus profonde que la direction.Une fréquence.Chaque pas s’accordait à un battement plus ancien que lui.Et lorsque le ciel vira au cuivre et que le sol se couvrit de racines entrelacées, il sut.