Alba RicciL’odeur du cuir, du métal et du parfum boisé de Gabriel flotte dans l’espace confiné du jet privé.Je devrais me détendre. Profiter du calme avant la tempête. Mais impossible.Milan.Chaque kilomètre qui nous rapproche de cette ville resserre un étau invisible autour de ma poitrine.Je ne suis jamais revenue depuis ma fuite. Depuis la nuit où tout a changé.Je sens le regard de Gabriel sur moi. Il est assis en face, une main posée sur son menton, l’autre jouant distraitement avec la montre à son poignet.— Tu veux me dire pourquoi cette ville te met dans cet état ?Je redresse les épaules.— Ce n’est pas Milan. C’est ce que j’y ai laissé.Il ne répond pas tout de suite. Il observe, jauge, comme il le fait toujours.Puis il lâche :— Ton père.Je serre les dents.— Entre autres.Un silence.Puis Gabriel se lève et s’approche. Il pose une main sur l’accoudoir de mon fauteuil et plonge son regard dans le mien.— Il est hors de question que je te laisse seule là-bas.— Je sais.
Gabriel MorettiMilan m’a toujours semblé hostile. Même quand j’étais adolescent, même avant d’avoir du sang sur les mains. Cette ville a des ruelles trop étroites, des regards trop perçants, des souvenirs trop lourds.Mais aujourd’hui, ce n’est pas mon passé qui nous menace.C’est celui d’Alba.Je la vois, debout devant la grande baie vitrée de l’entrepôt, les bras croisés, le regard perdu dans la nuit milanaise. Sa silhouette est figée dans une tension que je reconnais trop bien.Elle sait.Elle sait qu’on est allé trop loin pour reculer.Je m’approche sans bruit et pose une main sur son épaule.— Tu ne dors pas.Elle ne sursaute même pas.— Comment tu veux que je dorme après ça ?Elle se tourne vers moi, et dans ses yeux, je vois le poids de ce qu’elle essaie de contenir. Matteo Santini nous a balancé une bombe. Une purge. Enzo Conti, vivant. Un plan en marche.Et elle savait, au fond.Peut-être pas dans les détails, mais elle savait que quelque chose la poursuivait.Je l’observe u
Gabriel MorettiLe restaurant est silencieux.Trop silencieux.Je tiens encore Don Ricci par le col, mon poing prêt à s’écraser contre sa mâchoire, mais il ne bronche pas. Il me regarde avec ce sourire calme, cette arrogance glaciale qui me donne envie de lui briser les os.— Alba n’appartient à personne, je crache, la voix basse et tranchante.Ses yeux noirs s’attardent sur moi, un éclat d’amusement au fond des prunelles.— C’est ce que tu crois ?Mon poing part. Un coup sec, précis. Son visage se tourne sous l’impact, un filet de sang perle à la commissure de ses lèvres.Les hommes de Ricci bougent aussitôt. Luca et Adriano réagissent avant même que j’aie besoin de donner un ordre.Les canons des armes brillent sous la lumière tamisée.Personne ne tire.Mais l’air est chargé d’électricité.Alba s’interpose entre son père et moi, son regard brûlant de colère et de douleur mêlées.— Tu savais. Tu savais qu’il me poursuivait et tu n’as rien fait.Ricci s’essuie lentement la bouche, pui
Gabriel MorettiJe sens un poids sur mon épaule.Sa main.Je tourne légèrement la tête.Ses yeux cherchent les miens, mais elle ne parle pas.Elle n’a pas besoin.Je sais ce qu’elle pense. Ce qu’elle redoute.Mais il est trop tard pour reculer.— On y va, je murmure.Je descends du yacht, Alba sur mes talons. Adriano et Luca nous emboîtent le pas.Direction la villa d’Enzo Conti.---Alba RicciLes ruelles napolitaines sont vivantes, pleines de bruits et de mouvements.Et pourtant, alors que nous avançons, tout semble se figer autour de nous.Gabriel marche devant moi, son allure prédatrice attirant les regards. Son costume sombre contraste avec les lumières chaudes des lampadaires. Chaque pas qu’il pose est une déclaration de guerre.Je serre mon arme dans ma paume.Il m’a donné un pistolet avant de quitter le yacht.Je ne lui ai pas demandé pourquoi.Je connais la réponse.Je devrai peut-être l’utiliser.Luca siffle doucement en apercevant la villa au bout de la rue.— Pas très disc
Gabriel MorettiL’obscurité m’enveloppe, mais le sommeil refuse de venir.Le yacht tangue légèrement sous mes pieds. Le bruit des vagues frappe contre la coque, rythmé, presque apaisant. Pourtant, dans ma tête, tout est chaos.Un frère.Je serre les dents.J’ai passé ma vie à ne rien devoir à personne. À être seul. À ne faire confiance à personne, parce que personne ne le méritait. J’ai bâti mon empire sur cette certitude.Et voilà qu’un fantôme surgit, un frère que je n’ai jamais connu.Je pourrais croire qu’Enzo me manipule.Mais Alba a vu autre chose.Et Alba ne se trompe pas.Je quitte la cabine et monte sur le pont. L’air nocturne est chargé de sel et de tension. À l’autre bout du bateau, Luca et Adriano montent la garde près de la cale où Enzo est enfermé.Je ne vais pas lui parler maintenant.Pas encore.J’ai besoin de contrôler cette rage qui brûle en moi.Derrière moi, des pas légers.— Tu ne dors pas, souffle Alba.Je ne réponds pas tout de suite. Elle s’approche, ses cheveu
Alba Naples – La vérité dans le sangLe yacht accoste discrètement.Naples est bruyante, vivante, imprévisible.Nous nous déplaçons en silence à travers les ruelles, Luca et Adriano en tête, Alba à mes côtés.L’adresse que nous avons est un club privé. Alessandro y est chaque soir.Lorsque nous entrons, je ressens immédiatement une tension familière. Des regards qui se tournent vers nous, des murmures.Nous sommes en territoire ennemi.Un serveur s’approche nerveusement.— Vous êtes attendus.Je ne réagis pas.Bien sûr que nous sommes attendus.On nous conduit à une pièce à l’étage.Je pousse la porte.Alessandro est là.Il est grand, élancé, son regard clair aussi perçant que le mien.Il se lève lentement, sans quitter mon visage des yeux.Puis, il murmure :— Tu es venu.Sa voix est posée, mais il y a une tension dans ses traits.Je ferme la porte derrière moi.Alba reste près de moi, silencieuse.— Dis-moi que c’est une putain d’erreur, lâché-je.Il secoue la tête.— Ce n’est pas
Alba Un entrepôt abandonné.Un cercle de témoins.Et un homme à genoux, les mains liées.Alessandro se tient devant lui, une arme à la main.— C’est un des traîtres de notre père, explique Gabriel d’un ton neutre. Il nous a vendu aux Espagnols il y a cinq ans.Alessandro ne pose aucune question.Il pointe le pistolet sur la tête de l’homme.— Attends, supplie-t-il.BANG.Le silence est absolu.Alessandro abaisse son arme et fixe Gabriel.— Ça te va comme preuve ?Gabriel sourit lentement.Et moi, je comprends qu’un pacte vient d’être scellé.Gabriel MorettiLa nuit napolitaine est lourde, chargée d’un parfum de pluie qui n’éclatera jamais.Je fixe Alessandro, son arme encore fumante dans la main.Le corps à ses pieds est déjà oublié.Ce qui importe, c’est ce qui vient de se passer.Il a tiré sans hésiter.Il a suivi mes règles sans discuter.Il a prouvé qu’il était prêt à plonger dans mon monde, sans retour possible.Mais je ne suis pas un idiot.Il veut quelque chose.Et je déteste
Gabriel MorettiLes journées s’enchaînent. L’équilibre est fragile, mais il tient. Pour l’instant.Alessandro est là. Toujours en retrait, toujours en train d’observer. Il n’a pas encore fait de faux pas. Pas encore.Mais il en fera un.Tout le monde en fait un, un jour ou l’autre.Et moi, j’attends.— Les hommes d’Antonelli ont bougé, me dit Luca en entrant dans mon bureau.Je relève la tête.— Où ?— Au nord. Ils testent nos défenses, rien de sérieux.Je me lève, ajustant les manches de ma chemise.— Fais exécuter deux de leurs gars. Et laisse les corps en évidence.Luca hoche la tête.— Message clair.Il sort, me laissant seul avec mes pensées.Antonelli joue avec mes nerfs.Il veut me pousser à l’erreur.Mais c’est lui qui va la faire.Il suffit d’attendre.— Tu es toujours aussi impitoyable ?Je lève les yeux.Alessandro est appuyé contre la porte, l’air amusé.— Toujours.Il sourit.— Je suppose que c’est pour ça que tu es à la tête de tout ça.Je ne réponds pas.Il entre et s’a
Gabriel22h00 – Le poids de l’éternitéLe ciel est sombre, une couverture d’étoiles éparpillées à travers les cieux. La ville s’est calmée, son bourdonnement s’estompe avec les heures qui passent. Tout est paisible, presque trop paisible après tout ce que nous avons traversé. Je suis assis près de la fenêtre avec Alba, sa tête reposant sur mon épaule, nos mains entrelacées. Nous n’avons pas besoin de mots en cet instant ; le simple fait d’être ensemble suffit.Mais je sais que le silence entre nous porte un poids plus grand—quelque chose d’important. Ce soir, c’est comme si le monde retenait son souffle. Comme si tout ce qui nous avait menés ici, à cet instant précis, n’avait été qu’une longue préparation.Alba bouge légèrement, ses doigts effleurant les miens. Je sens son regard peser sur moi avant même de me tourner vers elle. Quand je le fais, ses yeux sont remplis d’une émotion que je peine à identifier—de la douceur, de la vulnérabilité, mais aussi une force tranquille.— « Je ne
Gabriel22h00 – Un instant de répitLa pièce est baignée par la douce lueur de la lune qui filtre à travers les rideaux, projetant des ombres mouvantes sur le sol. Alba est allongée à côté de moi, sa tête posée sur mon torse, sa main traçant de lents cercles sur ma peau. Il y a une tension dans l’air, quelque chose qui s’est accumulé entre nous depuis des jours et qui, maintenant, semble enfin se libérer.Le silence n’est pas vide. Il est chargé de tout ce que nous n’avons pas encore dit, de ces émotions que nous avons trop longtemps redouté d’affronter. Mais ce soir, il n’y a plus de peur. Ce soir, tout semble à sa place.Je tends la main pour repousser une mèche de cheveux derrière son oreille, effleurant sa peau au passage. Elle bouge légèrement, lève les yeux vers moi. Son regard est sombre, empreint d’une intensité que je ne parviens pas à nommer—du désir, de la passion, mais aussi quelque chose de plus fragile, de plus brut.— Je n’aurais jamais cru ressentir ça à nouveau, murmu
Gabriel23 h 30 – Tension SilencieuseLe silence de la nuit nous enveloppe comme un manteau, doux et chaud. Après le dîner, après tous les mots échangés et ceux restés en suspens, il ne reste plus que notre présence. Alba est là, juste à côté de moi. Je sens le léger mouvement de sa respiration, la chaleur de son corps si proche du mien. Nous avons parlé, nous nous sommes confiés, et maintenant… maintenant, la suite semble inévitable.Mais rien n’est précipité. Il n’y a ni urgence, ni pression. Ce n’est pas le besoin qui nous pousse, mais quelque chose de plus profond. Une connexion qui s’est tissée entre nous, silencieuse, mais indéniable. Ce soir n’a rien à voir avec le chaos d’avant. Ce soir parle de ce que nous avons construit, de ce que nous avons trouvé l’un en l’autre, au milieu des ruines.Je baisse les yeux vers elle et, un instant, je vois sa vulnérabilité. Elle ne la cache plus, pas comme avant. Elle s’est ouverte, pas totalement, mais suffisamment pour que je distingue la
Gabriel19h00 – Mise en scèneLa ville s’est calmée, le soleil n’est plus qu’un souvenir lointain alors que la nuit étend son étreinte fraîche sur tout ce qui l’entoure. Le silence est revenu, ce genre d’accalmie qui suit une tempête. La tension dans l’air s’est dissipée, ne laissant qu’un calme presque irréel.J’ai prévu quelque chose pour ce soir. Alba mérite un moment spécial, quelque chose qui soit rien qu’à nous. Après tout ce que nous avons traversé, elle mérite de se sentir… appréciée. Je ne peux pas effacer le passé, mais peut-être que je peux lui offrir une soirée sans le poids du monde sur ses épaules.Je me tiens dans la petite cuisine de l’appartement que nous avons pris pour la nuit, la pièce baignée par la lueur douce des bougies que j’ai disposées. La table est simple—rien d’extravagant—mais suffisamment soignée pour donner de l’importance à ce moment. Une bouteille de vin rouge trône au centre, les verres déjà à moitié remplis, attendant l’instant opportun. Une musique
Gabriel7h00 – Un nouveau jourLa lumière du soleil traverse la fenêtre, projetant de longues ombres dans la pièce. Je suis encore allongé à côté d’Alba, mon bras autour d’elle, sa tête posée sur ma poitrine. La chaleur de son corps contre le mien me semble être une bouée de sauvetage. C’est étrange, à quel point tout a changé en si peu de temps, comment, il y a encore quelques heures, nous n’étions pas sûrs de ce que l’avenir nous réservait. Mais maintenant, sous cette lumière douce du matin, tout semble différent. Comme si nous avions entamé un nouveau chapitre de notre vie, même si nous ignorons encore où il nous mènera.Je ne veux pas bouger. Je ne veux pas troubler cette paix fragile que nous avons trouvée. Mais je sais que nous ne pouvons pas rester ici éternellement. Le monde extérieur nous attend, avec son chaos et son incertitude.Alba remue à côté de moi, sa main pressant légèrement ma poitrine alors qu’elle bouge. Elle n’ouvre pas les yeux, mais ses gestes sont lents, délib
Et quoi qu’il arrive, nous l’affronterons avec la même force qui nous a portés à travers nos jours les plus sombres.Parce que nous ne sommes plus seuls.Et ensemble, nous pouvons tout reconstruire.---1h00 – Un instant de calmeLa pièce est plongée dans l’obscurité, seulement éclairée par la lueur tamisée des lampadaires dehors. La pluie tombe toujours, créant une rythmique apaisante contre la fenêtre. Un calme étrange s’installe, celui qui semble irréel après des semaines de tension et de chaos. Comme un instant suspendu, volé à la réalité.Je suis assis au bord du lit, les coudes sur les genoux, observant Alba. Elle est installée dans le fauteuil près de la fenêtre, les jambes repliées contre sa poitrine, le regard perdu au-delà des gouttes de pluie. Elle semble fatiguée, pas seulement physiquement, mais profondément épuisée, vidée par tout ce qu’elle a dû traverser. Pourtant, elle reste droite, résiliente, comme si elle refusait de s’effondrer.Je devrais dire quelque chose. Bris
Gabriel22h00 – Le prix de la victoireL’après-coup est silencieux. La tempête est passée, mais la destruction qu’elle a laissée derrière elle est omniprésente. L’entrepôt est un cimetière de caisses brisées, de munitions éparpillées et de taches de sang sur le béton. Il ne reste aucune trace des soldats qui remplissaient ces lieux, seulement les vestiges de leur passage, des rappels du combat que nous venons de mener—et de gagner.Mais la victoire a un prix.Je regarde Alba. Son visage est fatigué mais déterminé, son corps couvert de bleus et d’entailles. Sa main est toujours fermement agrippée à son arme, mais son attitude s’est adoucie. L’adrénaline retombe, ne laissant derrière elle que le poids de tout ce que nous venons d’endurer.Elle croise mon regard et hoche la tête, comme pour confirmer ce que nous savons tous les deux. La bataille est terminée, mais la guerre en nous ne l’est pas. Pas encore.— Tu tiens le coup ? demandé-je, la voix rauque après des heures de lutte.Elle m
Gabriel19h00 – En plein brasierLe chaos nous engloutit. Les coups de feu résonnent dans l’entrepôt, noyant tous les autres sons. Des explosions projettent des éclats de métal et de bois dans les airs, et l’odeur âcre de la fumée et du fer brûlé sature l’atmosphère. Notre monde est devenu un champ de bataille.J’entraîne Alba derrière un pilier d’acier, le sifflement des balles vrillant mes tympans. Elle se déplace avec une précision implacable, son regard perçant scrutant chaque recoin, chaque ombre. Je peux lire la détermination sur son visage. Elle ne se bat pas seulement pour sa survie. Elle se bat pour autre chose. Pour elle-même. Pour nous.Nous sommes allés trop loin pour reculer maintenant.Je croise son regard, mon souffle court sous l’effort.— On doit bouger. Vite.Elle n’a pas besoin de m’entendre pour comprendre. Déjà, elle est debout, arme levée, sondant le couloir devant nous. Je la suis de près, chaque muscle tendu, chaque nerf à vif.L’entrepôt semble se refermer sur
Gabriel18h00 – Au cœur de la batailleLe monde se meut au ralenti. Mes sens sont exacerbés, chaque bruit amplifié. L’air est chargé de tension, et je sens la sueur couler le long de mon dos tandis que je tiens ma position. Les pas derrière moi se rapprochent, pressants, et je sais que cette fois, il n’y aura pas d’échappatoire.Ils nous attendaient. Tous.Nico. Adriano. Leurs hommes. Ils ont tout planifié dans les moindres détails. L’entrepôt n’est plus un simple bâtiment—c’est un champ de bataille. Un lieu où nous ferons face ou où nous serons engloutis par l’ombre qui nous poursuit depuis trop longtemps.Je jette un regard à Alba, juste à côté de moi. Son visage est pâle, mais son expression est résolue. Je ne sais pas ce qui traverse son esprit, mais une chose est sûre—elle ne reculera pas. Elle ne fuira pas.Nous avons trop avancé pour faire demi-tour.Je lève mon arme, vérifie une dernière fois la sécurité, puis lui fais signe d’avancer. Nous n’avons plus une seconde à perdre.L