La voiture filait à toute vitesse à travers la ville endormie. Élisa, assise à l’arrière, gardait un œil fixé sur Morel, les poignets entravés par des menottes métalliques. Malgré la douleur visible sur son visage, il souriait. Un sourire qui n’annonçait rien de bon.— Vous avez une idée de l’ampleur du nid de vipères dans lequel vous venez de mettre les pieds ? lança-t-il d’un ton presque amusé.Adrian, au volant, serra la mâchoire.— Épargne-nous ton monologue, Morel. Tu parleras quand on sera arrivés.Morel rit doucement.— C’est là que vous vous trompez. C’est moi qui décide quand je parle… et surtout, ce que je dis.Élisa croisa les bras.— Tu es dans une position de faiblesse, Morel. Tu vas parler, que tu le veuilles ou non.Son sourire s’élargit.— Oh, mais je vais parler. Parce que vous avez besoin de moi plus que vous ne l’imaginez.Elle soutint son regard, refusant de montrer la moindre faille.— On verra ça.La voiture s’enfonça dans une ruelle sombre avant de s’arrêter dev
L’adresse donnée par Morel tournait en boucle dans l’esprit d’Élisa. Un simple lieu sur une carte, mais elle savait qu’il représentait bien plus. Une porte vers un monde dont elle ne pourrait plus sortir une fois franchie.Ils roulèrent en silence jusqu’à une zone industrielle en périphérie de la ville. Les entrepôts abandonnés se succédaient le long de la route, vestiges d’un passé révolu. L’endroit était parfait pour des affaires clandestines, loin des regards indiscrets.Adrian gara la voiture à une centaine de mètres du bâtiment indiqué par Morel. Les vitres étaient teintées, l’endroit plongé dans l’ombre, mais des voitures de luxe étaient garées non loin.— Ils sont là, murmura Novak en tapant sur son ordinateur. J’ai réussi à capter un signal venant de l’intérieur. Beaucoup de mouvements.Margot observa les alentours.— On est sûrs qu’on veut entrer là-dedans ?Élisa prit une profonde inspiration.— Non. Mais on n’a pas le choix.Elle ouvrit la portière et descendit. Adrian l’ar
Le silence dans la voiture était pesant. Élisa tenait le dossier entre ses mains, le fixant comme s’il contenait le poids de son destin. Adrian, au volant, jetait des regards furtifs vers elle, attendant qu’elle parle. Margot et Novak, assis à l’arrière, retenaient leur souffle.— Si ce que Langley nous a donné est vrai, murmura Novak en tapotant nerveusement sur son ordinateur, alors Bellerive est en train d’acheter le soutien des derniers fidèles de Lemoine. Une fois qu’il aura consolidé son pouvoir, il sera intouchable.Margot secoua la tête, l’air contrariée.— Ce type joue sur plusieurs tableaux. Il veut nous éliminer tout en négociant sa place dans une organisation plus grande. Si on ne fait rien, il aura bientôt plus d’alliés que nous.Adrian serra les mains sur le volant.— On doit l’attaquer avant qu’il soit trop tard.Élisa ouvrit enfin le dossier et parcourut les documents. Des relevés bancaires, des lieux de rendez-vous, des noms. Chaque page était une preuve de la montée
L’ambiance dans la voiture était lourde, presque étouffante. Élisa regardait défiler les lumières de la ville par la vitre, son esprit encore embrouillé par les événements de la soirée. Elle venait de mettre fin aux ambitions de Bellerive sans tirer une seule balle. Un coup magistral. Mais elle savait que ce genre d’hommes ne disparaissaient pas si facilement.Adrian, assis à côté d’elle, semblait lire dans ses pensées. Il fixa la route, son regard dur.— Il ne va pas laisser passer ça, murmura-t-il.Elle hocha la tête.— Je sais.Margot croisa les bras depuis la banquette arrière.— On l’a humilié devant ses alliés, il a perdu tout soutien… alors il ne lui reste plus qu’une chose : la vengeance.Novak, les yeux rivés sur son écran, tapota nerveusement sur son clavier.— Il a quitté le restaurant il y a vingt minutes. Je surveille les caméras de la ville, mais il a été malin. Il a changé de voiture, impossible de savoir où il est allé.Élisa soupira et appuya sa tête contre le dossier
Le silence s’installa dans la maison après l’attaque. Le sol était couvert de débris, des éclats de verre parsemaient le tapis luxueux du salon, et l’odeur de la poudre persistait dans l’air. Élisa était toujours accroupie devant sa mère, le cœur battant à tout rompre.— Comment ça, ce n’est que le début ? demanda-t-elle, la voix plus dure qu’elle ne l’aurait voulu.Sa mère releva lentement la tête, son regard empreint d’une émotion trouble, quelque chose entre la peur et un secret trop longtemps gardé.— Bellerive n’est pas le seul à vouloir ta perte, Élisa.Le sang d’Élisa se glaça.Adrian s’approcha lentement, restant sur ses gardes.— Expliquez-vous, madame De Lemoine.Elle secoua la tête, visiblement hésitante.— Ce monde ne fonctionne pas comme vous le pensez. Ton père… il n’était pas au sommet. Il suivait des ordres. Comme Bellerive, comme d’autres.Élisa sentit une colère sourde monter en elle.— Pourquoi tu ne me l’as jamais dit ?— Parce que je voulais te protéger ! s’écria
Les phares des voitures poursuivantes se rapprochaient dangereusement dans le rétroviseur. Adrian appuya sur l’accélérateur, faisant rugir le moteur alors qu’ils s’engouffraient dans une série de virages serrés. Élisa, assise à l’avant, jetait des regards furtifs derrière elle, sentant la tension lui broyer la poitrine.— Combien sont-ils ? demanda-t-elle à Novak.— Trois voitures, confirmées, mais je parie qu’il y en a d’autres en approche. Ils ne nous lâcheront pas, répondit-il en tapotant nerveusement sur son clavier.Margot, à l’arrière, serrait son arme entre ses doigts, prête à réagir.— On ne peut pas simplement fuir. Ils nous rattraperont tôt ou tard.Adrian grinça des dents, manœuvrant à toute vitesse à travers la ville déserte.— Alors il faut les ralentir.Élisa attrapa son arme et abaissa la vitre.— Novak, dis-moi quand l’une d’elles se rapproche assez.Il scrutait l’écran avec fébrilité.— Maintenant !Elle se redressa, visant le véhicule le plus proche. Une détonation f
La nuit était encore sombre lorsque la voiture s'arrêtait dans une ruelle discrète, loin des regards curieux. Élisa est sortie sans un mot, son visage marqué par la fatigue et la tension. Elle avait pris sa décision : ils allaient frapper en premier. Il n'y avait plus de place pour l'hésitation.Adrian referma la portière et la rejoignit.— Si on s'attaque à Bellerive maintenant, il va comprendre qu'on ne joue plus.— C'est ce que je veux, répondit Élisa d'une voix froide.Margot et Novak sortent à leur tournée.— D'accord, mais il va falloir être intelligent. Il est affaibli, mais il n'est pas seul, rappelle Margot.Novak tapotait déjà sur son ordinateur portable.— D'après mes sources, Bellerive s'est répondu dans une de ses planques. Il ne se montre plus en public, il sait qu'il est en danger.Élisa fixe l'écran où s'affichait une image satellite d'un immeuble en périphérie.— C'est là qu'on va le trouver.Adrian plisse les yeux.— Sécurisé ?Novak hocha la tête.— Très. Des hommes
La voiture filait à toute allure vers la zone portuaire, le moteur grondant dans la nuit silencieuse. L'adrénaline pulse dans les veines d'Élisa, plus forte que jamais. Sa mère était en danger, et cette fois, elle n'avait plus le luxe d'attendre ou de jouer sur les apparences. Tout allait se jouer maintenant.Adrian accélérait, les mains croustillantes sur le volant.— On doit agir vite. Si Bellerive nous a donné cette information, c'est qu'il a une autre carte en main.Margot vérifia son chargeur, son regard sombre.— Il sait qu'il est fini. Il joue son dernier atout.Novak tapotait furieusement sur son clavier, imposant de trouver des images de surveillance des entrepôts du port.— Je capte des mouvements suspects, mais la zone est mal couverte. Il y a au moins cinq véhicules sur place. Beaucoup trop d'hommes pour une simple mise en scène.Élisa serre les poings.— Il veut qu'on vienne. Il nous attend.Adrian hocha la tête, le regard fixé sur la route.— Alors on va lui donner ce qu
Il avait neigé dans la nuit. Pas beaucoup, juste assez pour déposer une pellicule blanche sur les branches, les toits, les pas oubliés de la veille. Le jardin semblait figé dans un souffle, comme suspendu entre deux pensées. Aucun oiseau ne chantait encore. Même le vent semblait hésiter à reprendre.Élisa ouvrit la fenêtre de sa chambre et respira profondément. L’air avait cette clarté particulière des lendemains de silence, quand tout paraît neuf sans avoir été effacé. Elle observa le paysage, ce blanc léger, inégal, presque timide, et ressentit une paix étrange, fragile, mais pleine.Elle descendit sans se presser. Dans la cuisine, le feu crépitait doucement. Ana dormait encore, et Lila avait laissé un mot sur la table, griffonné à la hâte : « suis partie marcher, ne m’attendez pas ». Élisa sourit. Elle ne savait pas depuis combien de temps cette phrase lui faisait du bien. Le simple fait qu’on ne s’attende pas, mais qu’on se retrouve quand même.Elle prépara du thé, découpa quelque
Le vent avait soufflé toute la nuit, sans violence, mais avec cette insistance qui oblige à écouter. Il avait tourné autour du centre comme une main invisible, glissant entre les tuiles, secouant les volets, murmurant dans les interstices des murs. Et au matin, tout semblait un peu déplacé. Un peu bousculé. Mais toujours debout.Élisa ouvrit les yeux lentement. Elle n’avait pas mal dormi, mais quelque chose en elle flottait. Un élan suspendu. Comme si elle s’était levée trop tôt dans une journée trop fragile. Elle resta un instant assise au bord du lit, observant ses mains posées sur ses genoux. Elles lui paraissaient plus vieilles ce matin. Non pas usées. Marquées.Dans le couloir, elle croisa Ana qui portait un seau rempli de torchons mouillés.— Le vent a tout fait claquer cette nuit, dit-elle en souriant doucement. Même les rideaux ont voulu partir.— Et toi ? demanda Élisa.— Je crois que j’ai laissé s’envoler un ou deux regrets. On verra bien s’ils reviennent.En bas, la cuisine
Le ciel était clair, mais le froid mordait les joues avec tendresse. L’air avait ce goût précis des matins d’hiver, entre le silence du gel et la promesse d’un feu allumé quelque part. Le sol crissait sous les pas, la terre était dure, mais pas hostile. Juste figée dans son attente.Élisa marchait lentement dans la cour, les mains enfouies dans les poches de son manteau. Il n’était pas si tôt, pourtant tout paraissait encore endormi. Rien ne bougeait. Seul un chat, roulé en boule sur le rebord de la fenêtre, ouvrit un œil à son passage, puis le referma comme pour lui dire : rien ne presse, tu peux marcher lentement.En entrant dans la salle commune, elle sentit immédiatement que quelque chose avait changé. Il y avait une odeur de cire chaude et de bois, mais surtout, une atmosphère plus... ouverte. Comme si un poids avait été posé quelque part hier et qu’il avait permis à l’air de mieux circuler.Sur la table centrale, le pot en verre rempli des confidences de la veille avait été dépl
La pluie avait repris au petit matin, mais d’une façon douce, presque protectrice. Pas un déluge, juste un filet régulier qui tapotait les vitres comme un vieux compagnon discret. Il n’y avait pas de vent. Pas de fureur. Juste ce rythme régulier de l’eau, comme un murmure qui disait : reste encore un peu, il n’y a pas de course aujourd’hui.Élisa se leva plus tard que d’habitude. Son sommeil avait été profond, sans rêves, mais en se réveillant, elle avait senti une présence diffuse. Une sensation étrange, comme si quelque chose qu’elle avait enfoui depuis longtemps était remonté à la surface sans faire de bruit. Elle ne savait pas quoi. Mais elle savait que c’était là.En descendant, elle croisa Ana dans le couloir. Elles ne dirent rien. Juste un regard, un sourire un peu fatigué, et le froissement des vêtements dans l’air humide. La cuisine était tiède, remplie d’odeurs familières : cannelle, café, pain grillé. Mais ce matin, personne ne parlait vraiment. C’était une sorte de silence
La lumière filtrait à travers les rideaux comme une respiration lente. Le jour s’étirait doucement, sans brusquer personne, s’invitant sur les murs, sur les draps, sur les visages encore endormis. C’était un matin sans urgence, sans bruit, sans promesse tapageuse. Juste une présence discrète, comme un ami silencieux assis au bord du lit.Élisa se leva sans précipitation. Son corps semblait plus lourd que d’habitude, mais pas par fatigue. Plutôt comme si chaque membre pesait davantage parce qu’il portait quelque chose d’important. Elle n’aurait pas su dire quoi exactement. Mais elle savait que ce jour serait différent.En bas, la cuisine était vide. La théière encore tiède, quelques miettes sur la table, un bol abandonné dans l’évier. Des traces de passage, comme un souffle d’histoire déjà en cours. Elle se servit un reste de tisane, s’assit seule et laissa ses pensées flotter.Lila entra sans bruit, les bras croisés sur sa poitrine, les yeux dans le vague.— Tu sens, toi aussi ? deman
Le jour s’était levé sans faire de bruit. Un matin clair, limpide, presque transparent. L’air avait perdu un peu de sa morsure, et un léger parfum de bois sec flottait dans les couloirs du centre. Tout semblait plus léger, comme si la nuit avait effacé quelque chose que personne n’avait su nommer.Élisa ouvrit les yeux lentement, encore habitée par les rêves. Ce n’était pas des images précises, plutôt une sensation : celle d’avoir traversé une forêt avec les yeux fermés, guidée uniquement par l’odeur de la mousse et le bruit des feuilles. Elle resta un instant allongée, à écouter le silence. Un silence calme, posé, qui donnait envie de rester là encore un peu.En bas, dans la cuisine, la lumière filtrait à travers les vitres encore embuées. Lila était déjà là, accroupie devant le four, guettant la cuisson de petits pains.— J’ai rêvé que je ne savais plus rien, dit-elle sans détourner le regard de la porte du four.Élisa s’assit doucement, prenant une tasse qu’elle remplit d’eau chaud
Le jour se leva lentement, comme s’il hésitait à venir. Un voile de brume s’était glissé sur les collines alentour, estompant les contours familiers du paysage. On distinguait à peine les arbres du fond du jardin, réduits à de simples silhouettes mouvantes. Tout semblait retenu, suspendu entre nuit et jour, comme si le monde entier retenait son souffle.Élisa descendit plus tôt que d’habitude. Dans la cuisine, il n’y avait encore personne. Le silence y était dense, presque vivant. Elle fit chauffer de l’eau, sortit deux bols, sans vraiment savoir pour qui. Juste un geste, une habitude, ou peut-être un pressentiment.Lorsqu’Ana entra, les yeux encore mi-clos, elle s’assit sans un mot. Elles échangèrent un regard et restèrent là, côte à côte, à boire leur thé dans une lenteur presque cérémonieuse. Il n’y avait rien à dire. Il y avait seulement à être là.Un peu plus tard, la vie reprit, doucement. Des pas dans les escaliers, un rire étouffé, le bruit d’une chaise tirée. Mais l’ambiance
Un ciel clair, sans un nuage, recouvrait le centre d’un bleu profond, presque transparent. Le froid avait aiguisé l’air du matin, chaque respiration devenait visible, et chaque bruit semblait résonner un peu plus fort. Il n’y avait plus de feuilles dans les arbres. Seulement leurs ombres fines, étirées sur le sol, comme une écriture oubliée.Élisa marchait doucement dans la cour, les mains dans ses poches, les yeux levés vers ces branches nues. Elle les aimait comme ça. Dépouillées, sincères, sans ornement. Il y avait une vérité silencieuse dans cette nudité-là. Quelque chose qui disait : voilà ce que je suis, même sans fleurs.En entrant dans la salle commune, elle fut frappée par un calme inhabituel. On chuchotait. On marchait lentement. Et surtout, on se regardait. Longtemps. Comme si la parole, ce jour-là, avait décidé de se reposer.Au centre de la pièce, un petit écriteau avait été posé sur la grande table :“Aujourd’hui, on parle avec les yeux.”Elle reconnut l’écriture de Mali
Il avait plu toute la nuit, une pluie fine et régulière, comme une berceuse oubliée. Et maintenant que le matin se levait, tout semblait lavé, déplié, comme neuf. L’air avait cette netteté rare qui rend les choses plus visibles, mais sans les agresser. C’était un matin tendre, feutré, et pourtant vibrant. Le genre de matin où l’on perçoit des choses qu’on ne savait pas attendre.Élisa s’éveilla avec cette sensation étrange d’avoir grandi un peu dans son sommeil. Non pas en taille, ni en âge, mais en profondeur. Elle descendit sans bruit, croisant dans l’escalier les traces humides de pas d’un enfant déjà parti dehors. À l’étage du bas, la chaleur venait du pain qu’on venait de sortir du four et du feu qui craquait dans le poêle.Dans la cuisine, Lila posait doucement des tranches de pain grillé dans un panier. À côté, une petite assiette de miel, une autre de beurre aux herbes, une troisième de confiture de coing, préparée la semaine dernière.— C’est un matin à poser les choses douce