~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ C’est irréel. Je la regarde, assise sur cette scène, et j’ai du mal à croire ce que je vois. Cassandra. Ma Cassandra. Celle qui n’avait que des rêves flous, qui vivait de peu, de choses simples. Celle que je tenais contre moi quand le monde devenait trop bruyant. Elle est là maintenant, au centre de toutes les attentions, sous les projecteurs, applaudie par une foule de visages inconnus. Greg la présente comme une légende. Une muse. Une déesse, presque. Et moi, je me demande : qu’est-ce qu’il lui est arrivé ? Elle a changé. Bien sûr qu’elle a changé. Mais c’est plus que ça. Elle s’est transformée. Tout en elle est devenu tranchant, précis, comme s’il ne restait plus une seule faille. Son port de tête, son regard, sa façon de marcher… Chaque geste semble calculé, contrôlé. Une femme que rien n’atteint. Et pourtant, je la connais. Enfin… je crois. Je n’arrive pas à détacher mes yeux d’elle. Elle est sublime. Intouchable. Sa robe, son allure… tout est p
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~ Je marche au bras de Greg, le sourire posé sur mes lèvres comme un bijou soigneusement choisi. Tout ici est savamment orchestré. Cette réception a été pensée dans les moindres détails. Greg aime ce genre d’ambiance. Il s’y épanouit, comme un poisson dans l’eau. À ses côtés, il semble rayonner davantage à chaque minute, fier de sa place, fier de moi. Quant à moi, je joue mon rôle à la perfection. J’ai accepté d’être présente. Juste pour ce soir. Dès que nous pénétrons dans la grande salle de réception, je sens les regards converger vers nous. L’attention est palpable. Les murmures naissent et s’éteignent rapidement. Pourtant, je n’y accorde que peu d’importance. J’ai appris à évoluer dans ce genre d’environnement, à apprivoiser les regards et à maîtriser les apparences. Si je suis ici, ce n’est que par loyauté envers Greg. Il me l’a demandé, et j’ai consenti à le suivre, uniquement pour lui. Cependant, alors que tout semblait sous contrôle, m
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Je la fixe. Et plus je la regarde, plus je me demande si c’est vraiment elle. Elle bouge, elle parle, elle sourit, mais tout semble appartenir à une autre Cassandra. Cette femme qui se tient devant moi n’est plus la jeune fille que j’ai connue. Et pourtant, chaque mot qu’elle prononce, chaque geste, chaque silence, me ramène brutalement à ce passé que je n’ai jamais réussi à effacer. Je reste silencieux un moment, parce que je ne sais pas comment réagir. Elle me coupe l’herbe sous le pied. Elle garde l’avantage, elle anticipe. Et moi, je suis là, planté devant elle, incapable de trouver les bons mots. C’est étrange de se sentir étranger face à la personne qu’on a le plus aimée. _ Je ne te suis pas, Cassandra, dis-je finalement, ma voix basse mais ferme. Je t’ai vue t’éloigner. J’ai passé six ans à essayer de comprendre pourquoi. Elle ne dit rien. Elle se contente de me fixer avec ce regard qui a gagné en dureté. Pourtant, je perçois une tension d
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~Elle tourne les talons pour s’éloigner, mais je n’en peux plus. Mon corps bouge avant même que ma tête ait le temps de réfléchir. Je l’attrape par le bras. Pas violemment, mais fermement. Je la tire vers moi, assez pour qu’elle se retrouve tout contre mon torse. Trop près. Bien trop près. _ Tu ne pars pas comme ça, Cassandra. Pas cette fois. Ses yeux se lèvent vers moi, furieux et surpris. Son souffle s’accélère, tout comme le mien. Mon cœur bat si fort que je le sens cogner contre ma poitrine. Et je sais qu’elle le sent aussi. Sa main se crispe légèrement contre ma chemise. Elle ne dit rien, pas tout de suite. _ Tu vas me dire ce qu’il s’est passé. Tu vas m’expliquer. Parce que moi, je suis resté dans le vide. Et toi… toi, tu as disparu. Avec mon fils. Tu ne peux pas juste disparaître, me rayer de ta vie, de celle de Roy, et prétendre que j’ai mérité ça. Tu me dois une explication. Tu me dois la vérité. Elle déglutit. Je sens son parfum. Je po
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~Je la regarde s’éloigner. Elle vient de larguer une bombe au beau milieu de cette salle et s’éclipse comme si de rien n’était. Comme si mon cœur n’était pas en train de se débattre dans ma poitrine. Comme si ses mots ne venaient pas de m’arracher ce qu’il restait de mon calme. Je sens encore la chaleur de son bras sous mes doigts. J’ai eu envie de la retenir. De la secouer. De lui crier à quel point elle m’a manqué. À quel point je l’ai cherchée. Mais je n’ai rien fait. Parce que même au plus fort de ma colère, je ne peux pas lui faire de mal. Et ça, elle le sait. Elle le sait trop bien. _ C’était donc elle, dit Greg à côté de moi, le ton plus bas. Cette femme dont tu m’as parlé. Je hoche lentement la tête. J’ai du mal à répondre, les mots s’accrochent à ma gorge comme des épines. _ Et le petit… ton fils… _ Roy, ouais. Il avait à peine un an. Et du jour au lendemain, ils ont disparu. Je les ai cherchés pendant des mois. J’ai retourné chaque pier
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Après un trajet lourd de silence, nous arrivons au manoir, elle et moi. Je claque la portière un peu trop fort. Je n’ai même pas attendu qu’elle descende de la voiture. Je suis déjà dans l’entrée, les mâchoires serrées, la poitrine en feu. Elle entre juste après moi. Je l’entends refermer la porte dans un calme qui m’agace encore plus. _ Tu ne vas même pas dire un mot ? demande-t-elle derrière moi, glaciale. Je me retourne d’un bloc. _ Un mot ? Tu veux un mot, Veronica ? Très bien. Trahison. C’est le seul qui me vient. Elle fronce les sourcils et joue la surprise. Comme si elle ne voyait pas venir ce que j’allais dire. Mais je vois le voile dans ses yeux. Elle sait très bien. Elle a toujours su. _ Tu veux m’expliquer pourquoi tu as donné ces photos à Cassandra ? Elle croise les bras. _ Je ne vois pas en quoi c’est important maintenant. _CE N’EST PAS IMPORTANT ? TU Te Fous De Moi ?! Il Y A SIX ANS, QUAND CASSANDRA EST PARTIE DU
~~~~~ Veronica White ~~~~~ Je le regarde monter les marches. Il ne se retourne même pas. Pas un regard, pas un mot. Juste cette distance glaciale qu’il a posée entre nous, comme un mur infranchissable. Je serre les bras contre moi. Il dort dans la chambre d’amis. Pour la première fois. Et tout ça à cause d’elle. À cause de Cassandra. Toujours elle. Je m’effondre sur le canapé, incapable de retenir mes larmes. J’ai beau savoir pleurer avec justesse, ce soir, ce ne sont pas des larmes de théâtre. C’est autre chose. C’est l’humiliation. C’est la peur. C’est le sentiment d’avoir perdu une bataille que je pensais déjà gagnée. Je me répète que j’ai tout fait pour lui. J’ai été là, quand il n’était plus que l’ombre de lui-même. J’ai effacé Cassandra de son décor. Lentement, patiemment. J’ai payé le prix. J’ai joué le rôle de la femme parfaite, dévouée, loyale. Et maintenant, il ose douter de moi ? Je renifle et j'essuie rageusement mes joues. Non, je ne vais pas le laisser
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~Le soleil vient de se lever. Je suis déjà debout depuis un moment, les pieds nus sur le carrelage froid de la kitchenette, à préparer le petit-déjeuner. Je remue doucement les œufs dans la poêle pendant que le pain grille. Je jette un œil vers la table déjà dressée. Trois bols colorés, trois cuillères assorties, trois verres de jus d’orange. Je dépose la dernière assiette sur la table et me recule un peu. Tout est prêt. Je jette un coup d’œil à la montre posée sur le comptoir : 8h12. Encore quelques heures avant de repartir.Je prends une inspiration et hausse la voix : _ Les enfants, le petit déjeuner est prêt ! Il ne faut que quelques secondes pour entendre des petits pas précipités. Roy est le premier à sortir de la chambre, toujours le plus rapide, les cheveux en bataille et les yeux à moitié fermés. Il grogne un peu, mais je sais qu’il est content. Il s’installe à une place, en face de moi. _ Bonjour, mon cœur. Il me répond d’un murm
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Je sors de son bureau et je referme doucement la porte derrière moi, mais dans mon cœur, c’est un fracas. Je serre la mâchoire et je me sens brûler de l’intérieur, consumé par la colère et le désir. Je traverse le couloir de l’hôpital en m'efforçant de ne pas laisser transparaître mon trouble, mais bordel... elle a failli craquer, je l'ai vu dans ses yeux. Elle ment. Elle me hait peut-être, mais elle ne m'a pas oublié. Je quitte le bâtiment sans ralentir et je respire enfin plus librement en sentant l'air vif sur mon visage. Je m'arrête sur le trottoir et passe une main dans mes cheveux, frustré. Ce n'était pas le bon moment. Cassandra est sur la défensive, elle est encore blessée... et méfiante. Je devrais le savoir mieux que quiconque : la forcer n’amènera rien. Je prends une profonde inspiration. J'ai attendu six ans alors je peux attendre encore un peu. Je fouille dans la poche intérieure de ma veste et je sors mon téléphone. J’ai
Il attrape mon poignet si brusquement que je sursaute et il me bascule presque contre lui. Mon cœur s'emballe et mon souffle se bloque dans ma gorge. Ses yeux... Ses yeux me dévorent et pendant un court instant, je sens son pouce effleurer ma peau, et une vague de souvenirs me traverser comme une décharge. Je me ressaisis violemment. D'un geste sec, je me dégage et lui crache, le regard noir : _ COMMENT OSES-TU ME TOUCHER ? JE T'INTERDIS de refaire ce que tu viens de faire, SINON... Je me stoppe net. Il me fixe d'un air impassible avant de faire quelques pas vers moi. _ Sinon quoi ? demande-t-il d'une voix basse, presque provocante. Je recule d'un pas sans même m'en rendre compte. Ma main tremble légèrement, mais je la cache derrière mon dos. Il avance encore, le regard cloué au mien, et lâche, moqueur : _ Tu vas me gifler ? Sa voix est douce, presque moqueuse, mais je perçois l’amertume qui suinte derrière. Il s'arrête juste devant moi, si près que je pourrais
~~~~~ Cassandra Hurber ~~~~~ Je suis en train de parler à une patiente et je lui donne des conseils pour améliorer sa santé alors qu'on marché dans le couloir de l'hôpital. Mon cœur s'est allégé depuis que je suis à Boston et que je n'ai pas eu de signe de Melrick ni de Veronica. J'ose croire que ce n'est pas le calme avant la tempête. Peut-être m'ont-ils réellement oubliée. Peut-être ont-ils repris le cours de leur vie, celui qu'ils menaient sans moi depuis six ans. Je retiens un soupir, puis laisse échapper un léger souffle, presque un soupir de soulagement, en esquissant un sourire chaleureux à ma patiente. _ À très bientôt, lui dis-je doucement. Prenez soin de vous. Elle me remercie avec un sourire sincère avant de quitter la pièce. Je m'apprête à regagner mon bureau, lorsque j'aperçois un silhouette familière. Je regarde bien et... Mon cœur rate un battement. C'est Melrick. Et je comprends immédiatement qu'il m'a vue aussi, car il se lève, brusquement et se d
~~~~~ Veronica White ~~~~~ Je traverse les couloirs de White Jewelry avec un sourire que je ne cherche même plus à dissimuler. Tous ceux que je croise me saluent avec politesse, certains s’attardent, intrigués par cette joie qui irradie de moi comme un soleil au zénith. Et comment leur en vouloir ? Je suis tout simplement épanouie. Rick… Mon Rick. Il a été parfait. Plus qu’un amant, plus qu’un partenaire. Cette semaine, il m’a rappelé pourquoi je me bats pour lui. Pourquoi il est à moi et pourquoi il restera à moi. Il m’a couverte de cadeaux, de tendresse, de baisers et de gestes fous. Il n’a même pas attendu que je le supplie. Il m’a fait l'amour comme s’il avait attendu des années pour ça. Chaque nuit, chaque matin. Et entre-temps ? Des mots doux, des caresses, des rires, des surprises… Il m’a regardée comme une déesse, comme si j'étais la seule. Il m’a même dit qu’il avait été idiot d’imaginer qu’une femme comme Cassandra pouvait être la bonne. Il m’a demandé pardon et m
~~~~~ Veronica White ~~~~~ Il me dit qu’il m’aime, que c'est moi et seulement moi qui gouverne son cœur. Il me dit que Cassandra est partie et qu’elle avait tourné la page. Il me dit qu'il regrette son comportement de ces derniers jours. Oh mon Dieu !! Dites-moi que ce n'est pas un rêve et que je ne vais pas me réveiller. Dites-moi que ce n'est pas une hallucination et que tout ça est vrai. Je jubile intérieurement alors qu'il me parle. Je me retiens de sourire trop fort, de crier victoire trop vite mais je veux savourer ce moment et l’enfermer dans un écrin. Mais je ne veux pas seulement des mots, je veux plus. Je veux son corpsw je veux l’acte qui confirme tout, celui qui efface Cassandra, Roy, Greg, Zurich, et toutes leurs conneries. Alors, je me lève lentement et m’approche de lui. Je m’assois sur ses genoux, sans le quitter des yeux. _ Si tu m’aimes vraiment, Rick… alors prouve-le-moi. Je dégrafe un bouton de sa chemise, doucement. Il ne dit rien et continue
Je pousse la porte du salon et, comme je le pensais, Veronica est là, assise dans son fauteuil préféré, une coupe de vin rouge à la main, l’air fièrement tranquille. Je pousse la porte du salon et, comme je le pensais, Veronica est là, assise dans son fauteuil préféré, une coupe de vin rouge à la main, l’air fièrement tranquille. Je prends une profonde inspiration et m’avance vers elle et je m’assois lentement face à ell. Puis je pose mes coudes sur mes genoux et j'incline la tête, comme si j’étais accablé de regrets. _ Veronica… je suis désolé. Elle m’observe sans rien dire, elle a l'air méfiante mais je poursuis, la voix cassée volontairement. _ J’ai eu des nouvelles de Cassandra. Elle… elle a quitté le pays. Elles est à Zurich avec Roy et Greg. J’ai tout eu ce matin. Elle est partie sans même se retourner. Veronica cligne lentement des yeux. Elle tente de cacher sa réaction, mais je la vois se détendre légèrement. Je continue, posant ma main sur la sienne. _
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Je redémarre la voiture en trombe. Mon cœur tambourine contre ma poitrine, pas à cause de la colère, mais du mélange explosif d’humiliation et de trahison. On a voulu me faire passer pour un idiot. On a menti sur Cassandra. Sur Greg. Et peut-être sur Roy. Je ne peux pas laisser passer ça. Je m’arrête net devant l’immeuble miteux où le détective m’avait donné rendez-vous quelques jours plus tôt. Il est seul, dans ce bureau sans charme, avec ses dossiers empilés comme les mensonges qu’il me sert depuis le début. Je claque la porte derrière moi et j'entre sans frapper. Il sursaute en me voyant. _ Monsieur Hart ? Je m’avance lentement, les yeux braqués sur lui. Il essaie de masquer sa nervosité, mais son regard fuyant le trahit. _ Vous m’avez menti, lancé-je. Ma voix est posée, mais froide et tranchante. _ Pardon ? Je ne comprends pas. Je balance le dossier qu’il m’a remis sur son bureau. _ Zurich ? Greg ? Des conneries. Cassandra
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Il est déjà neuf heures. Je suis dans mon bureau, penché sur les dossiers que je tente de lire depuis une heure, mais rien ne rentre. L’image de Cassandra s’impose dans mon esprit. Et Roy... ce gamin, mon fils, que je n’ai pas vu grandir. Mes poings se serrent. J’ai raté tant d’années. Puis j'entends un léger coup à la porte. Marcy n’est plus là, évidemment. C’est moi qui ai viré mon assistante. C’est Félix, l’un des agents de sécurité, qui entre en silence. _ Il y a un homme pour vous. Il dit que c’est... personnel. Je sais déjà de qui il s’agit. Je lui fais signe de le faire entrer. Le détective privé, Oscar Menley, entre dans le bureau. Il semble hésiter, presque gêné. _ J’ai du nouveau, Monsieur Hart. Je me lève, l'air impatient. _ Parlez. Il sort un dossier qu’il pose sur mon bureau. _ La femme que vous cherchiez, Cassandra Hurber, a quitté Newark peu après votre passage à l’hôtel Eden Park. _ Où est-elle allée ? je demande c
~~~~~ Melrick Hart ~~~~~ Je ne sais plus exactement à quel moment je perds le contrôle. Peut-être quand ses doigts glissent sur ma peau avec cette précision cruelle que seuls les souvenirs savent ranimer. Peut-être quand elle murmure ces mots, ses mots d’autrefois. Ceux qu’elle prononçait les nuits où je croyais encore qu’on avait un avenir. _ Tu me voulais chaque nuit… Oui. Je l’ai voulue... follement, passionnément. J’ai cru que je l’aimais et j'ai cru qu’elle m’aimait. Mais aujourd’hui, ce n’est plus ça. Ce qu’on partage là, maintenant, c’est une erreur. Une échappatoire. Et pourtant… Son corps contre le mien, sa voix qui me supplie, sa peau qui brûle la mienne… Tout me ramène à ce passé que j’essaie d’enterrer depuis trop longtemps. Et moi, comme un idiot, je me noie dedans. Je m’accroche à cette illusion, à cette chaleur qui ne guérit rien mais qui masque tout, l’espace d’un instant. Je la prends avec rage, avec besoin, avec une frustration que je n’avais mê