mardi 6 mars 2108Un cri meurt dans ma bouche et quelqu’un me secoue violemment par l’épaule. Je me redresse et regarde autour de moi.—Xalyah? Qu’est-ce qui se passe?Effrayée, je recule et le dévisage. Thomas. Dans la pénombre, il a l’air inquiet. J’ai chaud, j’ai froid. Je n’arrive pas à contrôler les tremblements de mon corps.—Je… j’ai… il…Il s’assied à côté de moi et me serre contre lui. Je ferme les yeux et m’agrippe à ses bras avec la même force que dans l’hôpital en construction. La douleur me vrille le cerveau, me déchire le flanc.—Je n’ai rien pu faire…, murmuré-je d’une voix vacillante.L’obscurité s’abat à nouveau sur moi et je replonge dans mes souvenirs cauchemardesques. Un œil vert, un œil marron. Tous deux me regardent avec insistance.—Comment tu fais pour sortir de la simulation? s’étonne-t-il. Théo
jeudi 8 mars 2108Durant tout le chemin du retour, je n’ai pas ouvert une seule fois la bouche, me contentant de poser ma tête sur l’épaule de Thomas pour regarder le paysage défiler à toute vitesse autour de nous. Mon compagnon est resté silencieux également, plongé dans ses propres pensées. Depuis qu’il est venu s’excuser une deuxième fois dans ma chambre, nous ne nous sommes plus adressé la parole. Je ne lui en veux pas de ce qui s’est passé à Belary. Il n’y est pour rien. Il me faut juste encore un peu de temps et dans ces cas-là, le silence a toujours été mon meilleur ami. Il me permet de faire le tri dans mes pensées, de prendre du recul, d’analyser, de digérer, puis d’aller de nouveau de l’avant.Le plus dur a été de devoir faire bonne figure lorsque, la veille, j’ai rencontré les futures recrues de mon bataillon. Le général les avait regroupés dans un hangar vide et il a fallu que je leur tienne la jambe pendant de longues heures. Mes sourires à Kal
samedi 17 mars 2108La semaine s’est écoulée sans qu’aucun rapport ne vienne remettre en cause la tenue de la mission visant à capturer Stephen Kraeffer. Les quelques personnes dépêchées sur place pour espionner le NGPP resteront jusqu’à ce que nous les rejoignions. Il a été décidé que je mènerai personnellement les opérations avec le concours de Mervin. Khenzo a insisté pour faire partie de la mission, mais là aussi j’ai refusé.—Tu m’en veux encore? lui demandé-je en portant le goulot de ma bouteille de bière à la bouche.—Je sais pas.Le jeune homme affiche une mine boudeuse avant d’avaler une gorgée à son tour. Autour de nous, l’ambiance est festive sur le toit de l’entrepôt. Comme cet endroit nous sert souvent pour nous réunir et décompresser un peu, de vieux canapés ont été montés et disposés près des braseros qui nous éclairent. Tidji a apporté sa nouvelle guitare trouvée dans la salle de dépôt et nous joue un air entr
dimanche 18 mars 2108Une agréable présence me sort de mon rêve étrange et je croise le regard de Khenzo, penché au-dessus de moi, qui me dévisage. Sa main dessine les contours de ma poitrine, descend le long de mon abdomen et continue doucement vers mes hanches.—C’est déjà le matin? marmonné-je.—Non, mais j’ai du mal à résister à la tentation.Et je crois qu’il va en être de même pour moi. Je l’attire et le serre dans mes bras. Ses lèvres embrassent les miennes avec beaucoup de sensualité et il n’hésite pas à jouer de sa langue pour me faire frissonner. Puis, doucement, sa main remonte le long de mon corps et il se glisse entre mes cuisses pour me prendre avec passion.Ses coups de reins m’arrachent des gémissements de plus en plus intenses et peu de temps après nous jouissons une nouvelle fois ensemble. Essoufflé, il pose son front sur le mien, avant de se retirer pour s’allonger à mes côtés. Je passe une main sur
mardi 20 mars 2108L’obscurité vient enfin de s’abattre sur les lieux, signant bientôt l’heure du départ du convoi. À travers mes lunettes infrarouges, qui peuvent aussi faire office de jumelles, j’observe les hommes et femmes qui s’activent en contrebas autour des véhicules. Comme le prévoyait le rapport de Kristie, Tung et Khenzo, Kraeffer n’a mobilisé que cinq hommes armés pour l’occasion afin de protéger une dizaine de blouses blanches et bureaucrates en plus de lui.Pour le moment je n’en compte que huit et aucune trace de l’homme tant recherché. Un tic nerveux agite mon index sur le bord de mes lunettes et le bout de mes nouvelles bottes tape en cadence le sol caillouteux sur lequel nous sommes allongés pour surveiller la position ennemie. À mes côtés, Mervin me fait comprendre que cela l’agace. Je me reprends aussitôt pour maîtriser mon anxiété.Même à plus d’une centaine de mètres, et sachant qu’il ne se doute pas de ma présence, je me sens m
mercredi 21 mars 2108La nuit a été courte. Les soldats ont régulièrement effectué des rondes bruyantes afin de s’assurer que nous étions toujours dans nos cellules et, par la même occasion, nous empêcher de dormir. Plusieurs d’entre eux ont tenté de me provoquer, en vain. Je suis restée allongée sur ma couchette tout du long, tournée vers le mur.Je contemple le plafond de ma cellule depuis un long moment lorsque j’entends à nouveau la porte du fond du couloir s’ouvrir. Sauf que cette fois-ci, au lieu de taper leurs matraques sur les barreaux, les hommes de main de Kraeffer nous font sortir un à un. À chaque fois le rituel est le même; ils ouvrent la porte, demande à la personne de sortir en croisant les mains derrière la tête, puis ils la menottent, lui couvrent les oreilles avec un casque antibruit et la tête avec un sac en tissu opaque. Je suis la dernière à être escortée de la sorte.N’ayant plus que l’odorat comme sens pour me guider, je
«Épuisée. C’est bien le mot. Cela fait plusieurs jours que je n’ai ni dormi ni mangé. J’ai eu seulement droit à un peu d’eau, mais ma bouche sèche me rappelle que ce n’est pas suffisant pour m’éviter la déshydratation. Depuis combien de temps suis-je enfermée ici? J’ai perdu le compte rapidement, mais ça fait au moins des mois, ça j’en suis certaine, peut-être bientôt un an. Des mois à lutter avec acharnement pour ne pas céder au désespoir. Et d’après les gardiens, j’aurais même reçu la palme d’or de l’endurance. Mais je crois que je suis arrivée au bout de ce que je peux supporter. Revoir la mort de cet enfant, encore et encore est sur le point de m’achever. Je n’en peux plus. Je n’en peux plus de cette violence. Je n’en peux plus de me sentir si impuissante face à cet acte de barbarie sans nom. Je suis fatiguée de leur petit jeu qui n’a aucun sens pour moi.—On rêvasse?Surprise, je me redresse sur un coude. Matieu se tient debout, à c
lundi 2 avril 2108Un grincement nous fait soudain tressaillir. Comme un seul homme, nous avons tous tourné la tête vers la porte qui vient de s’ouvrir, laissant le passage à trois hommes: un en blouse blanche et deux autres en costume gris. Ils s’arrêtent un instant pour nous regarder, comme s’ils hésitaient.—Par qui est-ce qu’on commence ce matin, doc?L’interpellé s’avance pour nous passer en revue un à un. Une fois son tour terminé, il revient vers Fana.—Elle.La jeune femme pousse un gémissement et lorsque les deux soldats viennent lui retirer ses chaînes pour l’entraîner derrière eux, elle se débat et les supplie de ne pas l’emmener.—Je n’ai rien à vous dire, sanglote-t-elle. Je… je ne sais rien de ce que… ce que vous vou… voulez. C’est elle… elle qui a toutes les… les réponses à vos questions, pas moi!Elle arrive à se dégager un bras de l’emprise des deux molosses pour me dési
vendredi 11 novembre 2129vendredi 14 avril 2124Mon Aurore,Si tu lis cette lettre, sache qu’où que je sois, quoi qu’il me soit arrivé, tu es et resteras ma plus grande fierté. J’aurais tellement voulu continuer à contempler ton si joli sourire, à observer tes yeux innocents découvrir le monde et ton visage s’illuminer avec émerveillement. Malheureusement, j’ai été rattrapée par l’appel du devoir, tout comme ton père. C’est avec un déchirement sans pareil que nous avons décidé de te laisser derrière, à l’abri du danger. Nous aurions pu t’emmener, mais quelle vie nous t’aurions offerte? Ici, tu seras toujours plus en sécurité qu’à côté de nous, sur le front.Heureusement, je garde en mémoire les merveilleuses années que j’ai pu passer auprès de toi, et notamment les mois entourant la naissance de ton frère. Tu n’avais que cinq ans alors, peut-être en as-tu gardé quelques souvenirs? Ces longues journées passées au bord de
mercredi 17 avril 2109- Lui -Mes yeux se posent sur le lit. Putain, j’aime cette fille à en crever. Couchée sur le côté, sa chevelure blonde emmêlée forme une auréole autour de sa tête et sur ses épaules. Elle respire profondément et le drap, collé sur son corps, laisse deviner ses formes exquises. Une de ses jambes dépasse et j’aimerais poser ma main sur sa cheville, remonter le long de son mollet et de sa cuisse puis explorer à nouveau chaque parcelle de son corps afin de m’enivrer de sa peau si douce. Mais je ne le ferai pas. Elle a fini par s’endormir et son visage paisible suffit pour l’instant à me combler de bonheur.Notre première rencontre a été houleuse et il s’en est fallu de peu qu’elle ou moi ne sorte son flingue afin d’en finir avec l’autre. Pourtant… elle s’est retenue et moi aussi. Ce que j’ai vu dans son regard ce jour-là… je ne sais pas. L’espace d’une seconde, elle s’est mise à nue devant moi. Ses yeux m’ont
«—Ça fait combien de temps que t’es là, déjà? me demande Josh en s’essuyant le front d’un revers de main.Je m’agrippe à la poignée de la portière tandis que le véhicule fait un bond sur un nid de poule.—Six mois.—T’in, ça passe vite.Je garde le silence. Ouais. Six mois que je suis dans ce trou à rat, putain. J’en peux plus. Il faut que je me tire de là. Il faut que je les retrouve. Maintenant que j’ai totalement récupéré, je n’ai plus aucune raison de rester ici.—À quoi tu penses, poupée?Je grince des dents. Pourquoi les mecs se sentent toujours obligés d’affubler les femmes de surnoms ridicules. Est-ce que moi je l’appelle playboy? À cette idée, je me mets à ricaner toute seule sous le regard inquisiteur de Josh.—Qu’est-ce qui te fait marrer?—Toi.—Et puis-je savoir pourquoi, poupée?Et en plus c’est qu’il persiste et signe, le
vendredi 12 avril 2109—Hey, ma puce? T’es avec nous?Un sourire étire mes lèvres. Il est là. Je sens ses mains qui emprisonnent la mienne et son souffle chaud qui caresse mes doigts. Il est toujours là. Nous nous sommes retrouvés.Des larmes perlent au coin de mes yeux tandis que sa voix continue de me parler, me sortant lentement du sommeil artificiel dans lequel on m’a plongée. Mes cils se décollent difficilement et un grognement sourd s’échappe de ma gorge. Alors que je reprends conscience, la douleur revient avec plus de virulence et cette fois c’est un gémissement qui sort de ma bouche.—Prends ton temps. Je suis là. Je suis là avec toi.Ses mains effectuent une légère pression sur mes doigts et ses lèvres viennent les embrasser pour me prouver qu’il est bel et bien à mes côtés. Je tourne la tête et croise son regard brillant. Il a les yeux rouges. Les yeux rouges de quelqu’un qui a peu ou pas dormi depuis
jeudi 11 avril 2109Une loque. C’est ce que je suis devenue. Une loque humaine. Un chien qu’on trimbale au bout d’une laisse. Un jouet qu’on agite devant les caméras pour rendre les autres fous. J’ai honte.Les images qui tournent en boucle sur l’écran plat descendant du plafond me donnent la gerbe. Ou alors c’est le produit qu’il a de nouveau injecté dans mes veines. Je ne sais pas. Je ne sais plus. J’ai la tête en vrac, le corps en mille morceaux et le cœur... je crois que je n’en ai plus pour le moment. Ce con est parti en vacances se prélasser sur le sable chaud des Antilles pour fuir le regard torturé de Thomas tandis que moi... Putain, pourquoi je dis ça? Je débloque. Mon cerveau aussi s’est barré de l’autre côté de l’Atlantique. Je l’imagine prendre ses petites jambes à son cou et fuir en hurlant et en agitant ses petits bras gringalets: «Haaa, tout sauf être dans le crâne de cette connasse!!»....
dimanche 7 avril 2109Mes mains deviennent moites. Ma respiration, saccadée. De la sueur me coule sur les yeux. Heureusement, je n’ai plus à porter ces foutues lunettes de protection ni ce masque filtrant qui donnent chaud. En revanche, j’ai conservé la combinaison moulante, tout comme mes camarades. Le tissu fin épouse nos formes comme une seconde peau et, truffé de nanotechnologie, il protège du froid en cas de température basse et laisse respirer le corps en cas de forte chaleur. Aujourd’hui il ne fait ni chaud ni froid, mais je transpire déjà.Mes yeux fixent mon fusil d’assaut HK-720 que je tiens sur mes cuisses, le temps de reprendre mes esprits. J’ai déjà vidé deux chargeurs complets. J’en dispose d’encore quatre dans mon sac à dos en plus de ce que je viens d’entamer. Quand j’aurai vidé toutes mes cartouches, il me restera encore mon Wallgon-X et ses trois chargeurs, ainsi que mon Sig Ash 22S et ses quatre chargeurs. Après ça, si je ne me replie pas
«La lumière du jour me fait cligner des yeux. Je tourne la tête vers la fenêtre grande ouverte–dont je n’ai pas pris la peine de fermer les volets la veille–et lâche un grognement peu gracieux. J’ai mal partout. Mon corps est courbaturé et ma tête semble prise dans un étau. Un sourire s’étale néanmoins sur mon visage. Je reprends du poil de la bête et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle.Je ne suis pas encore au meilleur de ma forme, mais je vais mieux, en attestent mes performances aux entraînements quotidiens auxquels je dois me plier depuis un mois. Au départ, je n’étais pas capable de faire ne serait-ce qu’un quart du tour de la propriété en courant. Aujourd’hui, je peux enchaîner deux tours à un rythme moyen sans m’écrouler en crachant mes poumons. Au corps à corps, je n’ai pas encore retrouvé toute ma force, ni ma vitesse ni ma souplesse, mais je progresse bien et j’arrive régulièrement à mettre aux tapis les hommes les plus costauds de Tam
mercredi 3 avril 2109Cette fois je n’ai pas d’échappatoire. Je n’ai quasiment pas fermé l’œil de la nuit et j’ai passé au moins une heure à camoufler mes cernes et les marques laissées par le combat de la veille. Durant tout ce temps, j’ai cherché une excuse pour ne pas y aller, mais à l’évidence, je ne peux pas me défiler. Comme me l’a si bien rappelé Xavier pas plus tard que ce matin, à l’aube, il ne s’agit ni de Khenzo ni de moi, mais de nous. De nous tous, de notre avenir, qui sera déterminé par la réussite ou l’échec d’un assaut mené contre la capitale où se terrent Macrélois et ses soldats.Je me jette un dernier regard à travers le miroir éclaté, ajuste mon pantalon et mon t-shirt puis sors de la salle de bain pour attraper ma veste que j’avais posée sur une chaise, dans le salon. Dehors, un soleil radieux, contrastant fort avec la grisaille et la pluie de ces derniers jours, me fait cligner des yeux. Je marche d’un pas vif, malgré les courbatures q
mardi 2 avril 2109La portière claque bruyamment. Je salue mes compagnons de route qui ont décidé de passer par l’entrepôt avant de rejoindre leur baraquement. Moi, je n’ai pas envie de suivre la foule. Je cale mon masque sous le bras, tenant d’une main mon fusil d’assaut et de l’autre mon sac à dos. D’un pas las, je m’engage dans les ruelles sinueuses qui vont me mener jusque chez moi.Durant tout le chemin, je n’ai pensé à rien, appréciant seulement le silence. Mais lorsque je lève les yeux sur ce visage brisé par les éclats du miroir de ma salle de bain, je me laisse envahir par un flot d’émotions négatives. J’ai mal partout. Au corps et à l’âme. Je suis en colère. Je suis triste. Je suis dégoûtée. Je suis triste d’être dégoûtée. Je suis en colère d’être triste d’être dégoûtée. Et tout ça ne m’avance à rien, parce que je suis enfermée dans un rôle qui me révulse.Pourtant, aujourd’hui nous avons une grande victoire à célébrer. Même si Xavier n’ava