17UNE AMIE VENUE DE LOINLe vol de la compagnie aérienne en provenance directe du Canada se posa sur le tarmac et la grande prêtresse n’attendit pas que les signaux lumineux s’éteignent pour empoigner son sac qu’elle avait gardé sur les genoux et se diriger vers la porte d’où l’hôtesse la regardait d’un sale œil.Passer les douanes, sauter dans un taxi et après une heure d’embouteillages dans les rues de Londres, le chauffeur la déposa devant les grilles de Buckingham Palace. Elle demanda à tous les gardes de bien vouloir la laisser entrer leur indiquant même que ce qu’elle avait à dire à la Reine était de la plus haute importance. Elle n’obtint aucune réaction de leur part, tous restaient de marbre et la grande prêtresse, éprouvée par son long voyage, ne savait plus que faire pour qu’on lui prête attention. Assise sur son sac de voyage, elle fixait les grilles, réfléchissant à un moyen d’entrer, mais aucu
18LE TEMPS PRESSEAu palais originel, le portail magique s’était ouvert dans la grande salle du trône et les dizaines d’apprentis Maîtres de l’Art pénétraient pour la première fois à Faralonn. Mikka avait tout organisé et les guidait jusqu’à leur camp qu’il avait fait établir dans les jardins du palais, non loin des serres. Les professeurs étaient logés dans des chambres et à peine le vortex se referma-t-il, qu’ils se réunirent pour débattre du programme de formations des plus jeunes et les diviser en groupe.Mikka préférait de loin assister le professeur Alfar, il était plus à l’aise avec une épée et préférait cela à la magie qu’il ne maîtrisait que très peu. Insouciants face aux heures sombres qui les menaçaient, les apprentis étaient survoltés et d’un tempérament d’acier, ils donnaient l’impression d’être invincibles. Lady Dule, la dernière directrice de Tanaël, s’attristait en les regardant se prendre
19LONDRES EN PÉRILLa voiture immaculée roulait à vive allure dans les rues de Londres, précédée par l’escorte de motards qui lui ouvrait la route. La Reine et la grande prêtresse constataient avec une frayeur non dissimulée le chaos qui régnait dans les rues. La population avait pourtant été priée de ne pas sortir et de rester à l’abri, mais beaucoup avaient choisi de fuir et les premiers embouteillages déjà, asphyxiaient le centre-ville. Le Tower bridge était inaccessible et les klaxons mélangés aux hurlements des sirènes amplifiaient cette peur qui c’était emparée de la ville. L’invertero avait plongé Londres dans les ténèbres et les premiers éclairs en frappant le sommet des buildings, faisaient exploser leurs parois de verres qui blessaient les innocents en contre-bas dans leur fuite.Depuis le téléphone de sa voiture, la souveraine ordonna que l’Élite qui venait d’être faite prisonnière soit immédiat
20DOULOUREUSES RETROUVAILLESLes images de Londres sens dessus dessous les hantaient encore et leur retour à Faralonn, qui dans d’autres circonstances se serait voulu victorieux et festif, n’avait pas le même goût qu’à l’ordinaire. La masse sombre qui menaçait à présent la terre marquait le point de non-retour, la bataille était inévitable, mais dans tous les esprits la crainte de ce qu’ils devraient affronter se faisait de plus en plus grande. Combattre contre des hommes ou des créatures les aurait bien moins effrayés que de devoir affronter l’Invertero, cette masse obscure et immatérielle face à laquelle personne n’avait la moindre idée sur la manière de s’y prendre ni quel contre-sort utiliser pour venir à bout de ce maléfice. L’Élite restait effrayée par ce qu’ils avaient constaté dans le ciel londonien et bien que leurs préoccupations ne fussent pas des moindres à Faralonn, leurs pensées étaient aussi dédiées à tous ces pauvr
21LA RECONNAISSANCE D’ARADIADans la grande salle des Trônes, Drarion l’attendait. Il n’avait pas honte de lui avoir caché le retour de Kalon et ne lui en voulait pas d’avoir réagi si brutalement, il la comprenait, mais il n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort, les peines de cœur et les reproches n’avaient pas leur place pour l’instant. Il la regardait marcher dans sa direction, les yeux encore humides et rougis par trop de larmes et pour ne pas avoir à parler de ce qui s’était passé, il lui montra le fragment du cœur d’Habask qu’elle et son équipe avaient ramené de Londres.À son doigt, la bague de Léa rougeoya et d’un geste presque mélancolique, elle déplaça le trône qui activa le mécanisme d’ouverture. Le cliquetis raisonna dans toute la salle et l’imposante dalle s’enfonça avant de disparaître. Ils descendirent ensemble l’escalier puis ils longèrent les tunnels qui couraient sous le palais et
22L’INDIGNATION DES GOLEMSC’est Satine et Jubanis qui, ne les apercevant plus dans toute cette cohue, commencèrent à s’inquiéter et qui, après les avoir retrouvés endormis sur leurs trônes, les réveillèrent. Léa et Drarion étaient complètement désorientés et encore très éprouvés par l’imprégnation des runes, ils ne comprenaient pas un mot de ce que leur racontaient leurs amies.— Neimus est de retour ?— C’est ce qu’on se tue à essayer de vous faire comprendre, Drarion.— Il est où ? s’empressa de demander Léa.— Avec les Bihan-Avel, il est salement amoché.Ils se précipitèrent tous les quatre au chevet du vieux mage et la vue de ses plaies béantes, de sa tunique ensanglantée, de sa longue barbe collée par l’hémoglobine eut raison de la sensibilité de Léa qui, après un haut-le-cœur, laissa exploser son chag
23LE SORT EST LEVÉLe vieux Mage avala d’un trait le énième breuvage que les Bihan-Avel lui avaient préparé, et cela lui sembla suffisant à son avis pour sortir de son lit. Les protestations d’Ameline, la gnomine infirmière, et des petits soigneurs ailés ne servirent à rien, car Neimus n’en fit qu’à sa tête. En quittant l’infirmerie, il demanda à Gabriel de l’accompagner.— Tu peux te joindre à nous, Drarion, cela te concerne également.Le ton écorché de sa voix laissa perplexe le reste de l’Élite qui se demandait bien ce que le vieux mage avait de si urgent à s’entretenir avec eux au lieu de se reposer pour se remettre au mieux de ses blessures. Drarion et son père s’exécutèrent, ils suivirent Neimus à travers les longs couloirs du palais originel. Ils s’interrogeaient du regard, se demandant où le vieil homme les conduisait. Arrivés au pied de l’escalier de la Tour Nord, Gabriel
24PRÉPARER LES PLUS FAIBLESDrarion avait besoin de se changer les idées et de mettre de côté ce qu’il venait de vivre dans la chambre de sa mère. Lorsqu’il sortit dans les jardins du palais, il retrouva ses esprits et ses motivations ; celles qui l’avaient poussé à quitter brusquement le chevet d’Elvène reprirent le dessus. Dans les jardins du palais originel, il trouva ce qu’il était venu chercher, ses amis, sa famille. Tous étaient tenus par leurs tâches respectives et Drarion n’attendait plus qu’une chose, leur prêter main-forte, car cela lui éviterait de penser à ce qu’il ressentait. Il s’étonna d’entendre des rires d’enfants et comprit rapidement ce qui les rendait si joyeux. À l’écart, au fond du parc, Gwénaël et Tan faisaient les pitres pour la plus grande joie de ces petits êtres innocents. Tan s’était transformé en Dragon et les laissait jouer sur son dos pendant que Gwénaël bondissait et disparaissait en projetant de fa
32 PEUT-ÊTRE PAS LA FIN Pendant les quelques jours qui suivirent leur réveil, Léa et Drarion durent rester en observation, mais au bout du quatrième jour, Ameline leur annonça qu’ils avaient l’autorisation de faire une sortie dans les jardins de l’hôpital. Un bon bol d’air frais leur ferait le plus grand bien. Leur première bouffée d’oxygène leur tourna un peu la tête et le soleil les aveugla quelque peu, mais la gêne ne dura que quelques secondes. Les jardins étaient fleuris et beaucoup de patients se promenaient tout comme ils s’apprêtaient à le faire. Depuis leur réveil, ils ne parlaient que de ça, et la même question revenait toujours sur le tapis, qu’était-il advenu de cette année qu’ils avaient passée à Faralonn et de leurs amis ? Dans les jardins, la plupart des bancs
31UNE SECONDE CHANCEElle peinait à s’éveiller et sentait que son corps ne répondait plus. De vagues bruits sourds grondaient autour d’elle et lui martelaient le crâne. Elle dut fournir un effort inhumain pour ouvrir les yeux, et ce, malgré la douleur qu’elle ressentait, comme si la lame d’un scalpel glacé lui ouvrait les paupières. Un voile blanchâtre lui gâchait la vision, mais derrière cette brume opaque elle distinguait tout de même quelques formes en mouvance au son de voix méconnaissable.— Léa… elle se… docteur !Des bribes de mots harcelaient ses tympans. Clouée sur son lit, incapable de faire le moindre mouvement, Léa sentit la panique l’envahir.« Qu’est-ce qui m’arrive ? Où suis-je et pourquoi est-ce que je me sens si mal ? » se questionnait Léa.Une puissante lumière blanche transperçait à présent le voile qui lui masqua
30LE CŒUR D’HABASKLorsqu’ils poussèrent les portes de la salle des Trônes, l’émerveillement s’empara d’eux. Ce n’était ni plus ni moins qu’un miracle, pensèrent Léa et Drarion sur l’instant. À l’autre bout de la salle, Elvène les attendait en compagnie des deux gardiens. Celui de la tour du Sud n’était visiblement pas ravi d’avoir été contraint de restituer le dernier fragment du cœur d’Habask qui était en sa possession et son regard en disait long sur ses pensées. Pour lui, Léa et Drarion ne méritaient pas qu’il leur soit restitué de cette manière, il ne les considérait pas dignes d’en être à nouveau les protecteurs, mais de ses états d’âme, les élus n’en avaient que faire.Le morceau de cristal irradiait toute la salle et projetait sa lumière pourpre qui dansait sur les murs de pierre.— Mon fils ! Léa ! Il n’y a plus de temps à perdre !Drarion contempl
29L’ARMÉE DE VEELAL’Invertero était partout, il voyait et entendait tout et c’est sans surprise que Tan et le Simorgh durent éviter ses attaques. Les deux créatures eurent beaucoup de mal à éviter ses assauts et plus d’une fois ils passèrent de justesse à côté d’effluves électriques meurtriers qui leur frôlaient les plumes ou de cette brume maudite qui tentait de les capturer. Mais Tan et le Simorgh n’étaient pas d’humeur à jouer et malgré les contestations de Léa et Drarion, ils voulurent donner à l’exterminateur, une petite leçon. Ils s’apprêtaient à survoler Faralonn et le risque était trop grand, ils ne voulaient pas attirer l’Invertero jusqu’au palais. Depuis le ciel, l’enceinte fortifiée paraissait calme. Les grandes portes étaient fermées, les rues du village étaient désertes et les volets des maisons clos, mais à l’intérieur, tapi dans la peur, battait le cœur de centaines d’innocents qu’ils devaient à tout prix protéger.
28L’AUTRE FRAGMENTProtégés derrière les remparts de Faralonn, les plus jeunes et les plus faibles se terraient dans le silence. Le vent qui soufflait portait jusqu’à eux ce douloureux écho qui leur coupait le souffle, l’insoutenable cacophonie de cette guerre qui se préparait. Les Gnomines s’activaient pour calmer ces innocents pris de panique et qui s’inquiétaient pour le père, le fils ou la mère, partis se battre. Dans leur laboratoire, les Bihan-Avel se hâtaient de préparer leurs potions explosives, car pour sûr, les troupes en manqueraient rapidement.Dans la salle des Trônes, Elvène, en compagnie de Doum, se faisait un sang d’encre pour Gabriel et son fils. Elle faisait les cent pas devant les grandes fenêtres d’où elle pouvait imaginer l’enfer qui se déroulait sur la baie et sur les plages de Sgathân. Doum, le mini-troll, faisait de son mieux pour la rassurer, mais toutes ses tentatives étaient vain
27LES ALLIÉS DE NOKKÉL’armée qui unifiait tous les peuples de Sgathân avait envahi les berges qui encerclaient la baie. Depuis leur position, l’Élite ne distinguait que des masses fourmillantes au-dessus desquelles flottaient les étendards de chacun des clans ayant répondu présents à leur appel.Au cœur de cette vaste étendue d’eau glacée que défigurait une houle incessante siégeaient les ruines de la forteresse noire. Au milieu des blocs d’Onyx brisés, le corps de lady Anya continuait inlassablement de cracher son courroux et l’Invertero qui se nourrissait de sa haine, assiégeait les mondes un à un. Qu’attendait Neimus pour donner le signal que tous attendaient ? Ils étaient tous là, fin prêts à se lancer dans cette guerre qui pour beaucoup d’entre eux serait la dernière. Dans les rangs, les rugissements de leur courage, de leur détermination, faisaient trembler le sol. D’où ils se trouvaient, Neimus et
26L’ESPOIR SOUS L’ÉTENDARDLe manteau obscur et nébuleux de l’Invertero devenait de plus en plus menaçant et si sur la terre ferme les troupes étaient fin prêtes, le ténébreux l’était tout autant. L’armée de Faralonn, guidée par l’Élite, avançait au pas cadencé et chaque pas qui frappait le sol faisait résonner l’hymne de leur détermination. Au loin, sur les rives qui bordaient la baie et enclavaient le rocher sur lequel siégeait, il y avait peu de temps encore la forteresse noire, les étendards des peuples ayant répondu à l’appel de l’Élite flottaient sous le vent tels de gigantesques cerfs-volants. Léa eut des frissons lorsqu’elle en aperçut un en particulier. Bien qu’elle fût loin, elle distingua nettement l’emblème qui y était brodé, un désert de dunes. Gabriel qui l’observait lui adressa un sourire qu’elle lui rendit, il avait tenu sa promesse et même si elle ne savait pas encore comment il avait fait, elle lui en était recon
25LE GRIMOIRE NE RÉPOND PLUSC’est peut-être là le propre de cette espèce, être au pied du mur, proche de la fin, au point de non-retour pour que l’humain réussisse à faire table rase du passé. Qu’il oublie sa rancœur et sa colère pour pardonner, mais à quel prix ? Sans aucun doute, sa prise de conscience du temps qui passe et qui restera perdu à jamais. C’est ce que Léa réalisait tandis que Kalon repartait s’occuper d’armer tous ceux qui seraient en mesure de se battre le moment venu, elle lui avait tout pardonné. Avant qu’elle-même ne retourne dans les jardins du palais pour apporter son soutien au plus grand nombre, elle voulut, une dernière fois, prendre conseil auprès de son amie invisible. Sur son lit, dans sa chambre elle ouvrit son coffret et sortit son grimoire qui s’illumina dès qu’elle le toucha.Un instant de nostalgie l’envahit tandis qu’elle tournait les pages ; avec un sourire empli d’émotio
24PRÉPARER LES PLUS FAIBLESDrarion avait besoin de se changer les idées et de mettre de côté ce qu’il venait de vivre dans la chambre de sa mère. Lorsqu’il sortit dans les jardins du palais, il retrouva ses esprits et ses motivations ; celles qui l’avaient poussé à quitter brusquement le chevet d’Elvène reprirent le dessus. Dans les jardins du palais originel, il trouva ce qu’il était venu chercher, ses amis, sa famille. Tous étaient tenus par leurs tâches respectives et Drarion n’attendait plus qu’une chose, leur prêter main-forte, car cela lui éviterait de penser à ce qu’il ressentait. Il s’étonna d’entendre des rires d’enfants et comprit rapidement ce qui les rendait si joyeux. À l’écart, au fond du parc, Gwénaël et Tan faisaient les pitres pour la plus grande joie de ces petits êtres innocents. Tan s’était transformé en Dragon et les laissait jouer sur son dos pendant que Gwénaël bondissait et disparaissait en projetant de fa