Lorsque Charles a compris que je ne reviendrais plus jamais, il a commencé à sombrer dans l’ivresse, jour après jour.Parfois, ivre jusqu’à perdre toute raison, il m’insultait violemment, hurlait que j’avais fait du mal à Ria, me traitait de vipère, de femme venimeuse.Mais le plus souvent, il passait des heures à crier mon nom, avant de se ruer dans la chambre froide où reposait mon corps, pour embrasser ma dépouille, déjà envahie par la pourriture.Même moi, qui avais autrefois habité ce corps, je ne pouvais m’empêcher d’en être profondément écœurée.Quand ses excès ont commencé à perturber sérieusement les affaires de la meute, les anciens ont perdu patience. Ils ont fait venir Ria, espérant qu’elle pourrait convaincre Charles de se ressaisir.Ria est arrivée juste au moment où il étreignait mon cadavre.Face à la scène, elle est restée figée, submergée par l’incrédulité, avant de tourner brusquement la tête et vomir à plusieurs reprises.« Alpha... que faites-vous ? »Mais Charles,
En voyant Charles dans un tel état, l’inquiétude a immédiatement traversé le visage de Ria.Elle a tenté de détourner maladroitement la conversation :« C’est parce que vous êtes profondément bon, Alpha... »« Même si vous n’aimiez pas Luna, elle restait votre compagne. Sa mort ne pouvait que vous attrister. Mais je suis certaine que vous allez surmonter tout ça très bientôt. »« Parce que vous... ne l’aimiez... pas », a-t-elle martelé, en détachant soigneusement chaque mot.À ces paroles, Charles a eu comme un éclair de lucidité.Tel un homme en train de se noyer qui agrippe une planche de fortune, il s’est raccroché à ses mots et les a répétés à voix basse, presque en se convainquant lui-même :« Oui... oui, tu as raison. Je ne l’aimais pas. Je n’aurais jamais pu... tuer de mes propres mains la femme que j’aimais. »Il a répété encore et encore, jusqu’à ce que peu à peu, sa colère s’apaise.Et, sous le regard attentif de Ria, il a enfin quitté la chambre froide. Peu à peu, il a repri
La voix de Henri a résonné, grave et sourde, pareille au grondement d’un orage contenu. La pointe de sa dague s’est arrêtée juste contre la gorge de Charles.« Le sang que tu verseras paiera la vie de Clara. »Pris de court, Charles a levé le bras pour se protéger, mais les attaques de Henri se sont abattues sur lui comme une tempête — violentes, rapides, implacables. Chaque coup l’a fait reculer, chancelant sous la puissance des assauts.« Tu m’avais juré que tu rendrais Clara heureuse pour toujours. Et c’est à cause de cette promesse que je t’ai aidé à éliminer tes deux frères aînés ! »Un murmure de stupeur a traversé la foule.Tout le monde avait toujours cru que la mort des frères de Charles était un accident. Elle s’est révélée être un complot — une trahison soigneusement orchestrée par Charles.« Henri, tu divagues ! Tu racontes n’importe quoi ! » a crié Charles, tentant d’esquiver tant bien que mal.Mais les griffes de Henri ont fendu l’air à une vitesse fulgurante, visant sa g
Charles a couru longtemps derrière la charrette de Henri, jusqu’à ce que, affaibli par ses blessures, il s’effondre au sol, titubant de douleur.Ria s’est précipitée pour l’aider à se relever.« Alpha, vous allez bien ? »Charles, le regard rempli de détresse, a fixé longuement la direction dans laquelle Henri et les siens avaient disparu. Puis, comme frappé par une pensée soudaine, il s’est tourné vers Ria et a demandé d’une voix haletante :« Ria... quand j’avais douze ans, j’ai encore été piégé par mes frères. Ils m’ont abandonné dans un coin reculé et sauvage. »« Ce jour-là, je me suis blessé les yeux avec des herbes toxiques. Je suis resté aveugle pendant des mois. »« Et toi... toi, tu m’aurais cherché seule dans la nature, marchant des heures dans l’obscurité, au point d’en devenir atteinte de cécité nocturne. »« Dis-moi... celle qui m’a sauvé... c’était vraiment toi ? »Le regard de Ria s’est fait fuyant.« Bien sûr que c’était moi, Alpha... Pourquoi cette question, tout à co
Charles a déboulé chez lui, précipité, et s’est mis à fouiller frénétiquement parmi mes anciens carnets.Depuis l’âge de six ans, j’avais pris l’habitude d’écrire un journal.Le jour de notre mariage, je les avais tous emportés avec moi, soigneusement rangés dans mes affaires personnelles.Ses mains tremblaient lorsqu’il a retrouvé celui de mes douze ans. Il l’a ouvert, fébrile, et s’est mis à lire :Le 17 novembreCe soir, la lune est d’une clarté éclatante. J’ai entendu dire que Charles s’est encore fait malmener par ses deux frères. Je dois vite aller le secourir... Je n’ose pas en parler à Père. S’il apprend que je veux me rendre dans la forêt du sud, il m’en empêchera.Alors j’irai seule.Le 18 novembreLa forêt, la nuit... est-ce toujours aussi effrayant ? Heureusement, j’ai fini par le trouver. Je l’ai aperçu au bord d’un piège. Son pelage argenté était couvert de sève toxique, ses yeux dorés ternis par un voile gris. Il... il ne voyait plus rien ?Le 23 novembreIl m’a demandé
Charles est resté assis dans ma chambre, sans manger ni boire, passant une journée et une nuit entière à lire mon journal intime.C’était comme s’il me découvrait pour la première fois.À la lecture de mes moments de joie, il se laissait aller à de petits rires.Mais lorsqu’il tombait sur mes douleurs, ses yeux s’embuaient, rougis par l’émotion.Ce n’est qu’en refermant le dernier carnet qu’il a compris à quel point je l’avais aimé.Et que presque toutes mes tristesses... venaient de lui.Replié sur lui-même, allongé sur le sol, il serrait mon journal contre sa poitrine et y déposait des baisers légers, comme s’il embrassait mon visage.« Clara... pardon... je suis désolé... »« Je regrette... Reviens, je t’en supplie, reviens vers moi... »Et moi, je me tenais là, assise à ses côtés, le visage impassible, le regard vide, spectatrice muette de sa douleur.Mais à quoi bon, Charles ?À quoi servent les regrets, peuvent-ils ramener un mort à la vie ?Quelques larmes suffiraient-elles à me
Ria a finalement été exécutée — et sa mort a été encore plus brutale que la mienne.Mais, comme elle l’avait dit dans ses derniers instants, je n’en ai tiré aucun soulagement.Parce qu’au fond, celle qui m’a vraiment conduite à la mort... ce n’était pas elle, mais Charles.Depuis ce jour, Charles a semblé perdre tout repère.Il a cessé de s’occuper des affaires de la meute, ne mangeait presque plus, et passait ses journées à errer autour du territoire de la Meute de Lueur d’Étoile, comme un homme en quête d’une rédemption impossible.Il espérait retrouver l’endroit où mon corps avait été inhumé.Henri m’avait effectivement enterrée très tôt, juste à côté de mon père.Mais Charles, lui, ignorait où se trouvait exactement ma tombe.Alors il tournait en rond, inlassablement, dans les environs, consumé par le remords.Henri, depuis longtemps, le détestait.Mais à cause de son statut d’Alpha de la Meute de Griffe Noire, il n’avait jamais pu agir ouvertement.Il avait dû ronger sa colère, pa
Lorsque Charles a vu le cadeau que l'artisan venait d'apporter, il s'est enfin souvenu de moi, qu'il n'avait pas vue depuis plusieurs jours.« Pourquoi Clara n'est-elle plus venue faire des histoires ces derniers temps ? Elle s'est enfin calmée ? »Il a esquissé un sourire, comme s'il venait de confirmer une évidence.« C'était sûr... Elle était bien trop capricieuse. Il fallait qu'elle en bave un peu pour comprendre comment se tenir. »À ses côtés, un subordonné a pris la parole avec prudence :« Alpha... Luna... elle est peut-être toujours au fond du puits. »La main de Charles, qui tenait une plume, s'est figée un instant. Puis, comme si de rien n'était, il a répondu d'un ton désinvolte :« Je croyais qu'elle avait enfin appris à rester tranquille. Dans ce cas, qu'elle y reste encore quelques jours. Il faut que la leçon soit bien apprise. »Le soldat a hésité, visiblement gêné, puis il a ajouté :« Mais cela fait plusieurs jours qu'on ne l'a plus entendue... Et une odeur nauséabonde
Ria a finalement été exécutée — et sa mort a été encore plus brutale que la mienne.Mais, comme elle l’avait dit dans ses derniers instants, je n’en ai tiré aucun soulagement.Parce qu’au fond, celle qui m’a vraiment conduite à la mort... ce n’était pas elle, mais Charles.Depuis ce jour, Charles a semblé perdre tout repère.Il a cessé de s’occuper des affaires de la meute, ne mangeait presque plus, et passait ses journées à errer autour du territoire de la Meute de Lueur d’Étoile, comme un homme en quête d’une rédemption impossible.Il espérait retrouver l’endroit où mon corps avait été inhumé.Henri m’avait effectivement enterrée très tôt, juste à côté de mon père.Mais Charles, lui, ignorait où se trouvait exactement ma tombe.Alors il tournait en rond, inlassablement, dans les environs, consumé par le remords.Henri, depuis longtemps, le détestait.Mais à cause de son statut d’Alpha de la Meute de Griffe Noire, il n’avait jamais pu agir ouvertement.Il avait dû ronger sa colère, pa
Charles est resté assis dans ma chambre, sans manger ni boire, passant une journée et une nuit entière à lire mon journal intime.C’était comme s’il me découvrait pour la première fois.À la lecture de mes moments de joie, il se laissait aller à de petits rires.Mais lorsqu’il tombait sur mes douleurs, ses yeux s’embuaient, rougis par l’émotion.Ce n’est qu’en refermant le dernier carnet qu’il a compris à quel point je l’avais aimé.Et que presque toutes mes tristesses... venaient de lui.Replié sur lui-même, allongé sur le sol, il serrait mon journal contre sa poitrine et y déposait des baisers légers, comme s’il embrassait mon visage.« Clara... pardon... je suis désolé... »« Je regrette... Reviens, je t’en supplie, reviens vers moi... »Et moi, je me tenais là, assise à ses côtés, le visage impassible, le regard vide, spectatrice muette de sa douleur.Mais à quoi bon, Charles ?À quoi servent les regrets, peuvent-ils ramener un mort à la vie ?Quelques larmes suffiraient-elles à me
Charles a déboulé chez lui, précipité, et s’est mis à fouiller frénétiquement parmi mes anciens carnets.Depuis l’âge de six ans, j’avais pris l’habitude d’écrire un journal.Le jour de notre mariage, je les avais tous emportés avec moi, soigneusement rangés dans mes affaires personnelles.Ses mains tremblaient lorsqu’il a retrouvé celui de mes douze ans. Il l’a ouvert, fébrile, et s’est mis à lire :Le 17 novembreCe soir, la lune est d’une clarté éclatante. J’ai entendu dire que Charles s’est encore fait malmener par ses deux frères. Je dois vite aller le secourir... Je n’ose pas en parler à Père. S’il apprend que je veux me rendre dans la forêt du sud, il m’en empêchera.Alors j’irai seule.Le 18 novembreLa forêt, la nuit... est-ce toujours aussi effrayant ? Heureusement, j’ai fini par le trouver. Je l’ai aperçu au bord d’un piège. Son pelage argenté était couvert de sève toxique, ses yeux dorés ternis par un voile gris. Il... il ne voyait plus rien ?Le 23 novembreIl m’a demandé
Charles a couru longtemps derrière la charrette de Henri, jusqu’à ce que, affaibli par ses blessures, il s’effondre au sol, titubant de douleur.Ria s’est précipitée pour l’aider à se relever.« Alpha, vous allez bien ? »Charles, le regard rempli de détresse, a fixé longuement la direction dans laquelle Henri et les siens avaient disparu. Puis, comme frappé par une pensée soudaine, il s’est tourné vers Ria et a demandé d’une voix haletante :« Ria... quand j’avais douze ans, j’ai encore été piégé par mes frères. Ils m’ont abandonné dans un coin reculé et sauvage. »« Ce jour-là, je me suis blessé les yeux avec des herbes toxiques. Je suis resté aveugle pendant des mois. »« Et toi... toi, tu m’aurais cherché seule dans la nature, marchant des heures dans l’obscurité, au point d’en devenir atteinte de cécité nocturne. »« Dis-moi... celle qui m’a sauvé... c’était vraiment toi ? »Le regard de Ria s’est fait fuyant.« Bien sûr que c’était moi, Alpha... Pourquoi cette question, tout à co
La voix de Henri a résonné, grave et sourde, pareille au grondement d’un orage contenu. La pointe de sa dague s’est arrêtée juste contre la gorge de Charles.« Le sang que tu verseras paiera la vie de Clara. »Pris de court, Charles a levé le bras pour se protéger, mais les attaques de Henri se sont abattues sur lui comme une tempête — violentes, rapides, implacables. Chaque coup l’a fait reculer, chancelant sous la puissance des assauts.« Tu m’avais juré que tu rendrais Clara heureuse pour toujours. Et c’est à cause de cette promesse que je t’ai aidé à éliminer tes deux frères aînés ! »Un murmure de stupeur a traversé la foule.Tout le monde avait toujours cru que la mort des frères de Charles était un accident. Elle s’est révélée être un complot — une trahison soigneusement orchestrée par Charles.« Henri, tu divagues ! Tu racontes n’importe quoi ! » a crié Charles, tentant d’esquiver tant bien que mal.Mais les griffes de Henri ont fendu l’air à une vitesse fulgurante, visant sa g
En voyant Charles dans un tel état, l’inquiétude a immédiatement traversé le visage de Ria.Elle a tenté de détourner maladroitement la conversation :« C’est parce que vous êtes profondément bon, Alpha... »« Même si vous n’aimiez pas Luna, elle restait votre compagne. Sa mort ne pouvait que vous attrister. Mais je suis certaine que vous allez surmonter tout ça très bientôt. »« Parce que vous... ne l’aimiez... pas », a-t-elle martelé, en détachant soigneusement chaque mot.À ces paroles, Charles a eu comme un éclair de lucidité.Tel un homme en train de se noyer qui agrippe une planche de fortune, il s’est raccroché à ses mots et les a répétés à voix basse, presque en se convainquant lui-même :« Oui... oui, tu as raison. Je ne l’aimais pas. Je n’aurais jamais pu... tuer de mes propres mains la femme que j’aimais. »Il a répété encore et encore, jusqu’à ce que peu à peu, sa colère s’apaise.Et, sous le regard attentif de Ria, il a enfin quitté la chambre froide. Peu à peu, il a repri
Lorsque Charles a compris que je ne reviendrais plus jamais, il a commencé à sombrer dans l’ivresse, jour après jour.Parfois, ivre jusqu’à perdre toute raison, il m’insultait violemment, hurlait que j’avais fait du mal à Ria, me traitait de vipère, de femme venimeuse.Mais le plus souvent, il passait des heures à crier mon nom, avant de se ruer dans la chambre froide où reposait mon corps, pour embrasser ma dépouille, déjà envahie par la pourriture.Même moi, qui avais autrefois habité ce corps, je ne pouvais m’empêcher d’en être profondément écœurée.Quand ses excès ont commencé à perturber sérieusement les affaires de la meute, les anciens ont perdu patience. Ils ont fait venir Ria, espérant qu’elle pourrait convaincre Charles de se ressaisir.Ria est arrivée juste au moment où il étreignait mon cadavre.Face à la scène, elle est restée figée, submergée par l’incrédulité, avant de tourner brusquement la tête et vomir à plusieurs reprises.« Alpha... que faites-vous ? »Mais Charles,
À part ce bref instant où Charles a laissé transparaître sa tristesse en voyant ma bague, il n’a plus jamais montré le moindre signe de chagrin.Il a poursuivi sa vie comme si de rien n’était, travaillant, dirigeant, impassible.Seulement, lorsqu’il rentrait au château que nous avions partagé, il avait toujours ce geste machinal : il tendait son manteau vers l’arrière, appelant mon nom d’une voix familière.Et puis, en réalisant que je n’étais plus là, son visage se figeait, traversé d’un vide désorienté.Quand les préparatifs de la fête annuelle de la Meute de Griffe Noire ont commencé, ses subordonnés lui ont présenté les listes d’achats et les fournitures nécessaires.Agacé, il a balayé la chose d’un revers de la main :« Ce genre de tâche, c’est Luna qui s’en occupait. Ne venez pas me déranger pour ça. »Mais en voyant le silence gêné de ses hommes, la même expression confuse s’est dessinée sur son visage.Je comprenais très bien cette réaction.Après la mort de mon père au combat,
Charles a été saisi d’un frisson glacial. Chaque poil sur sa peau s’est hérissé. Il a reculé, les yeux écarquillés d’incrédulité.« Qui... qui a mis cette chose atroce dans le puits ? »Son souffle est devenu court, haché, sa poitrine se soulevait de manière erratique.« Où est Clara ? Allez me la chercher ! Elle croit qu’en plaçant un faux cadavre ici, elle pourra échapper à sa punition ? Dépêchez-vous ! Trouvez-la ! »Ses paroles absurdes m’ont fait rire. Mon corps est là, bien réel — où pensent-ils me chercher ?« Alpha... Luna... elle est vraiment morte... Le corps est déjà en décomposition... »« Mensonge ! Tu oses tromper ton Alpha ? » a rugi Charles, hors de lui.Dans un geste fulgurant, il a dégainé l’épée qu’il portait à la ceinture et a décapité d’un coup net le soldat qui venait de parler.« Quiconque ose couvrir les mensonges de Luna subira le même sort ! »« Peu importe ce que cela coûte, je veux que vous me la retrouviez ! »Il a ordonné qu’on scelle le puits avec des blo