CharnelleLe conseil d’administration s’est achevé sur une victoire éclatante, mais je sais qu’il serait naïf de croire Éléonore vaincue. Une femme comme elle n’abandonne pas si facilement. Et dans son regard glacé, au moment où elle a quitté la salle, j’ai lu la promesse d’une guerre silencieuse, plus perverse encore que la précédente.Adrien est resté digne, impassible. Mais dès que la porte s’est refermée sur le dernier des actionnaires, il s’est effondré sur le fauteuil de cuir, le regard vide.— Ce n’est qu’un début, souffle-t-il. Elle va frapper, Charnelle. Elle ne supportera pas cette humiliation.Je le regarde, debout face à lui. Une part de moi tremble, mais je refuse de lui montrer mes failles.— Alors nous frapperons plus fort. Elle a eu son heure de gloire, Adrien. Aujourd’hui, c’est à nous de construire. Elle appartient au passé.Il lève les yeux vers moi, un sourire lasse au coin des lèvres.— Tu es plus implacable que moi.— Parce que je n’ai pas l’intention de te perdr
Le silence règne dans le bureau d’Adrien. Un silence lourd, chargé des relents de cette confrontation chez le notaire. Adrien n’a pas bougé depuis notre retour. Il est là, assis derrière son bureau, les yeux fixés sur le vide, le visage fermé.Je l’observe en silence depuis le canapé, sentant l’orage gronder en lui. Je sais ce qui le hante : la peur que cette dette soudaine ne soit qu’un début, la peur d’être le jouet d’Éléonore encore une fois.Enfin, il relève la tête et son regard vient chercher le mien.— Elle va frapper de nouveau, Charnelle. Cette fois, ce ne sera plus des sous-entendus ou des menaces voilées. Elle va vouloir me détruire.— Laisse-la venir, dis-je d’une voix douce mais ferme. Elle ne sait plus quoi inventer pour t’atteindre. Elle croit encore avoir du pouvoir, mais c’est terminé.— Ce n’est pas moi qu’elle vise, souffle-t-il. C’est toi.Je me fige. Il baisse les yeux.— Elle a compris que je suis faible quand il s’agit de toi. Elle va t’utiliser pour me faire pl
Charnelle Le ciel est d’un gris uniforme lorsque nous quittons la maison ce matin-là. Le silence pèse entre Adrien et moi, lourd de tout ce qui n’a pas été dit et de tout ce qui nous attend. La lettre d’Éléonore, posée sur la table du salon depuis deux jours, nous hante comme une menace silencieuse.Adrien serre le volant, la mâchoire crispée.— Tu es sûre de vouloir m’accompagner, Charnelle ? Elle a demandé à me voir seul.Je tourne les yeux vers lui, froide, déterminée.— Tu crois qu’elle ne m’attend pas, Adrien ? Que c’est toi qu’elle veut détruire ? Non. C’est moi. Elle veut voir jusqu’où je suis capable d’aller pour te garder. Alors oui, j’irai. Je veux qu’elle me regarde dans les yeux quand elle comprendra qu’elle ne gagnera jamais.Il inspire profondément sans répondre, mais je vois à la crispation de sa main qu’il a compris. Cette guerre est autant la mienne que la sienne désormais.Nous arrivons au manoir familial, là où Éléonore a donné rendez-vous. Un lieu symbolique, choi
Charnelle Elle ne nous lâchera pas. Pas aussi facilement. Mais, pour la première fois depuis longtemps, je ressens une force nouvelle en moi. Ce n’est plus la peur qui guide mes gestes, ni la crainte de perdre Adrien. Non, désormais, je sais ce que je vaux. Je sais ce que nous valons.Je me lève doucement, enfilant la chemise d’Adrien abandonnée au pied du lit. Dans la cuisine, le soleil perce timidement à travers les rideaux. Je prépare le café, perdue dans mes pensées.— Tu comptes me laisser dormir seul longtemps ?La voix d’Adrien me tire de ma rêverie. Je me retourne et le découvre adossé à la porte, torse nu, le regard encore embué de sommeil.— Je réfléchissais, murmurai-je.Il s’approche, m’enlace par derrière et dépose un baiser au creux de mon cou.— À quoi ?— À nous. À ce qu’il va falloir affronter encore.Il soupire.— Elle n’a plus d’emprise sur moi. Ni sur nous. Peu importe ce qu’elle fera, ce qu’elle dira… Je n’ai jamais été aussi sûr de ce que je veux. C’est toi, Cha
Charnelle Il se tourne vers moi, son regard s’adoucit, presque tendre.— Quant à vous, Mademoiselle… Vous méritez mieux que de finir écrasée par cette guerre d’héritage. Vous pourriez avoir votre place ici, différemment. Pas en tant que compagne illégitime, mais en tant que collaboratrice respectée.Je le regarde, interdite. L’offre est claire. Il veut me séparer d’Adrien. Me garder près de lui… mais à ses conditions.Adrien éclate d’un rire sans joie.— Tu es pitoyable, Père. Tu veux acheter sa loyauté maintenant ? La séduire avec des promesses d’ascension professionnelle ? Tu ne la connais pas.Je prends la parole à mon tour, la voix ferme malgré la boule dans ma gorge.— Monsieur, je ne suis la propriété de personne. Ni d’Adrien, ni de vous. Ce que nous construisons, Adrien et moi, personne n’a le droit d’y mettre un prix. Je ne veux pas d’une place vide dans vos bureaux si c’est pour perdre ce qui me lie à lui.Un silence de mort tombe dans la pièce. Le père d’Adrien se lève à so
Charnelle Les jours qui suivent marquent un tournant. Plus rien n’a le goût d’avant. Adrien ne se laisse plus dominer par l’autorité de son père. Il prend place à la tête de l’entreprise comme un homme décidé à en finir avec les chaînes familiales. Et moi, Charnelle, je reste à ses côtés, consciente que le moindre faux pas nous coûtera tout.Chaque matin, nous arrivons ensemble au bureau, défiant les regards et les murmures. Le père d’Adrien, désormais plus souvent présent, nous observe en silence. Il a cet air de prédateur qui attend le moment propice pour frapper.— Vous êtes bien silencieuse, Charnelle, me lance-t-il un soir, alors qu’Adrien s’est absenté pour une réunion.Je lève les yeux de mes dossiers, surprise de l’entendre m’adresser la parole.— Je ne suis pas certaine que mon opinion vous intéresse, monsieur.Il sourit, un sourire qui ne réchauffe rien.— Détrompez-vous. Vous êtes là… Vous avez su trouver votre place aux côtés de mon fils. Ce n’est pas un exploit négligeab
CharnelleLe vent tourne. Et je le sens. Cette journée a une odeur de piège. Depuis l’aube, Éléonore parade, sourire carnassier aux lèvres, comme si elle attendait le moment d’abattre sa carte maîtresse. Adrien garde le silence, tendu, les poings serrés sur l’accoudoir de son fauteuil. Moi, je me prépare. Parce qu’au fond, je sais. Elle va frapper.L’occasion arrive plus vite que prévu.Une réunion générale. Tous les cadres. Les associés. Et lui, le père d’Adrien, trônant au bout de la table, impassible.Je m’installe à la place que m’a désignée Adrien, à sa droite. Proche. Trop proche au goût d’Éléonore, je le vois dans ses yeux. Elle me dévisage avec ce mépris qu’elle ne cache plus.— Puisque nous sommes tous réunis… j’aimerais prendre la parole, lance-t-elle soudain, sa voix douce mais vibrante d’un faux respect.Adrien arque un sourcil, me jette un regard en coin.— Parle, Éléonore, dit-il froidement.Elle se lève. Son regard balaie la salle, s’attarde sur moi, puis revient à Adri
Charnelle Quand il se détache, sa voix n’est plus qu’un murmure rauque :— Il ne t’aura pas. Jamais.Je pose ma main sur sa joue.— Alors prouve-le-moi, Adrien. Montre-lui. Montre-leur à tous que je suis à toi. Pas une faiblesse… mais ta plus grande force.Il hoche la tête. Et dans ses yeux, je vois la promesse. La guerre est lancée. Et cette fois… ce n’est plus seulement Éléonore qui est notre ennemie.C’est tout l’empire Moreau .Et on va les brûler.AdrienJe la regarde s’éloigner, Charnelle. Elle ne tremble pas. Pas une seconde. Elle vient d’affronter mon père. Mon putain de père. Et elle a tenu. Droite. Fière. À cet instant précis, je le sais : je ne pourrais plus jamais la laisser partir.Mais ce qu’elle ne voit pas… c’est ce que ça déclenche en moi.Parce que je le connais, ce vieux salaud. Ce n’est pas fini. Ce n’est jamais fini avec lui. La guerre, il l’a déclarée en souriant. Il a pris son temps, m’a laissé croire que je pouvais m’échapper, me bâtir un avenir hors de ses gr
Charnelle Adrien me serre plus fort, et je sens sa respiration devenir plus irrégulière. Ses doigts se crispent autour de moi, comme s’il avait besoin de me sentir, de se rassurer.— Oui, il a accepté. Il… il m’a dit qu’il me laissait tout. Tout ce qu’il a bâti. Et qu’il voulait que je prenne ma place, ma véritable place.Je le regarde, cherchant une trace de doute dans ses yeux, mais il n’y en a pas. Il est déterminé. Plus que jamais.— Alors, c’est fini. Il n’y a plus d’obstacles, n’est-ce pas ? Je le regarde, cherchant dans ses yeux une réponse, une confirmation.Il hoche la tête, une lueur de soulagement et de fierté dans son regard.— Oui. Plus rien ne pourra nous séparer, Charnelle. Nous allons avancer, et ce que ton père n’a pas pu accepter, nous le ferons ensemble. Pour notre futur. Pour ce que nous sommes. Et pour notre enfant.Je souris, le cœur léger. Peu importe ce qui se passera demain. Nous avons franchi cette étape. Et désormais, nous allons écrire notre histoire à deu
CharnelleLes jours passent, et chaque instant qui s’écoule me rapproche un peu plus de ce futur que nous avons imaginé, ensemble. Mon ventre s'arrondit doucement, et avec chaque mouvement de cet enfant qui grandit en moi, je sens une force nouvelle s’éveiller en moi. Une force que je n’avais pas imaginée, mais qui semble guider mes pas. Adrien et moi avançons côte à côte, une main dans l'autre, dans une harmonie nouvelle, plus forte que jamais.La décision de son père, ce changement de dynamique, continue de me travailler. Adrien n’a plus à se battre contre une ombre. Le poids de l’héritage, des attentes, semble enfin avoir été levé. Pourtant, je sais que le chemin devant lui ne sera pas forcément plus simple. Il devra assumer ce rôle avec une force nouvelle, une conviction nouvelle. Et je serai là, toujours. Pour le soutenir. Pour l’aimer.Ce matin-là, après un petit-déjeuner tranquille, nous décidons de sortir de la villa pour prendre l’air. Un moment pour nous deux, loin des respo
CharnelleLes jours qui suivent sont empreints d’une énergie nouvelle, comme si chaque instant était chargé de promesses. Adrien et moi avons pris le temps de célébrer ce moment, cette nouvelle étape qui s’ouvre devant nous. Mais au fond de moi, une certitude s'est installée : je suis prête. Prête à devenir mère, prête à affronter ce futur aux côtés d’Adrien. Ensemble, nous avons traversé tant d’obstacles, et aujourd’hui, un tout nouveau chapitre s’écrit.Ce matin-là, comme tant d’autres, le soleil se lève doucement, effleurant les rideaux de notre chambre avec une lumière dorée. Adrien dort à mes côtés, son corps chaud et rassurant contre le mien. J’aime ces moments de calme, ces instants où la réalité semble s’éloigner, où nous ne sommes plus qu’unis dans la quiétude. Mais mon esprit est aussi rempli de pensées. La nouvelle, cette annonce que j’ai faite à Adrien, résonne encore dans ma tête comme un doux écho : nous allons être parents. Et c’est un bonheur simple, pur, qui me traver
Adrien Je me lève de la table, le cœur battant plus fort maintenant que j’ai pris ma décision. Mon père a peut-être voulu me pousser dans une direction stratégique, mais ce n’est pas pour cela que j’agirai. Ce sera parce que j’aime Charnelle, parce que je suis prêt à l’unir à moi pour la vie. Et cela, c’est ma propre décision.Je lui adresse un dernier regard, un regard déterminé.— Je reviendrai vers toi quand le moment sera venu.Je quitte la pièce, mon esprit déjà tourné vers ce qui doit arriver. Ce n’est pas une simple question de pouvoir. C’est une question de cœur.CharnelleLes jours ont passé, mais quelque chose dans l’air semble encore plus lourd que d’habitude. Adrien est plus distant ces derniers temps, plus concentré sur l'avenir, ses pensées tournées vers des décisions qu’il ne me partage pas encore. Pourtant, je sens cette tension qui persiste entre nous, même lorsque ses mains effleurent les miennes avec une tendresse qui dissimule bien des tourments.Il m’a promis qu’
AdrienLa soirée s'étire dans une atmosphère de tension palpable, alors que je me gare devant la demeure de mon père. La maison, imposante comme toujours, me regarde comme un monstre silencieux. Je la connais bien, chaque recoin, chaque pièce où les secrets se cachent et où l’ombre de mon père semble toujours peser sur tout ce qui se passe sous son toit. Ce soir, je ne suis pas ici pour recevoir des leçons sur le pouvoir ou sur les affaires. Non, ce soir, il y a quelque chose d’autre qui m’attend.Je prends une profonde inspiration et monte les marches menant à l’entrée. Le serveur me laisse entrer et m’accompagne jusqu’à la salle où il m’attend. Je le vois, là, à la tête de la table, son regard toujours aussi acéré, scrutant chaque geste, chaque parole comme une arme. Il me fait signe de m’installer.— Prends place, me dit-il d’un ton neutre, sans chaleur, comme d’habitude.Je m’assois en face de lui, son regard me transperçant. Il semble plus vieux ce soir, fatigué, mais toujours au
AdrienCharnelle et moi échangeons un regard, partagé entre la gratitude et la méfiance. Ce dîner a peut-être été l’occasion de nous annoncer à la famille, mais il a aussi révélé tout un réseau de tensions sous-jacentes, de pouvoirs en jeu et de futurs compromis. La famille, l’entreprise, la nouvelle génération… Tout cela se mêle en une seule et même entité, prête à engloutir ce que nous avons de plus précieux.Et alors que nous nous préparons à partir, je suis plus que jamais convaincu qu’à partir de maintenant, il nous faudra être plus forts que jamais. Pour le bébé. Pour notre avenir. Pour nous.Les jours suivant le dîner ont été une suite d’entretiens avec des partenaires d’affaires, de réunions interminables et de décisions stratégiques. Mon père a fait en sorte de maximiser la visibilité de notre annonce, et maintenant tout le monde sait que nous attendons un enfant. Il n'y a plus de place pour les doutes, et tout le monde attend de voir ce que nous allons faire ensuite.Je le s
AdrienLe jour du dîner arrive rapidement. Mon père a insisté pour organiser une soirée en l'honneur de l’annonce de la grossesse, et même si je sais qu’il agit ainsi pour renforcer son image de patriarche bienveillant, je suis loin d’être convaincu que ce n’est pas une façon de contrôler la situation. Mais, malgré tout, il a insisté, et il est hors de question de refuser son invitation. Charnelle est d'accord pour l'accompagner, bien qu'elle soit un peu nerveuse. Ce genre de réunion ne lui a jamais plu, surtout avec mon père. Je le ressens dans le regard qu'elle porte sur moi, un mélange d'incertitude et de désir de protéger ce qu’on a, ce qu’on est.Quand nous arrivons au restaurant privé de mon père, un endroit aussi élégant qu'exclusif, un silence étrange s’abat sur moi. L’éclairage tamisé, les tables de marbre, les serveurs en costume... Tout cela me paraît irréel. Comme si ce monde dans lequel je suis né était une illusion.— Ne t’inquiète pas, tout ira bien, me dit Charnelle en
AdrienLa nouvelle s’est installée dans la villa, dans le calme qui suit la tempête. Charnelle et moi n’avons pas échangé beaucoup de mots depuis, chaque instant étant un peu trop chargé de ce que nous venons d’apprendre. Elle est là, à mes côtés, et pourtant, quelque chose en elle a changé. Je ne sais pas exactement quoi, mais je peux le sentir, comme une tension dans l’air, une attente silencieuse qui pèse sur nos épaules.Ce matin-là, je suis à mon bureau, plongé dans des papiers que je n’arrive même pas à lire. Mes pensées sont ailleurs. Je ne sais même pas comment réagir face à cette grossesse, ce changement qui surgit dans nos vies de manière inattendue. Mon père, lui, va probablement réagir d'une manière différente. Ce genre de nouvelles l’intéresse toujours, mais il y a cette part de moi qui redoute ses réactions. Que va-t-il en penser ? Je me doute qu'il s’attendait à autre chose de moi. Peut-être pas un enfant, pas maintenant.Je fais une pause, en pensant à ce que j'ai cons
CharnelleEnfin, quand l’extase nous emporte tous les deux, il y a une douceur dans la folie. Une douceur infinie, qui s’étire dans le silence, un silence qui est notre seule réponse à ce que nous venons de vivre. Nous restons là, l’un contre l’autre, le corps fatigué mais le cœur plein de cette vérité qu’aucune peur, aucun obstacle ne pourra jamais effacer.Il est à moi, et je suis à lui. Et cette nuit-là, nous nous appartenons, à jamais.Deux jours après notre escapade, nous sommes de retour en ville. La transition entre les moments de passion intense et la réalité quotidienne est toujours aussi brutale. Adrien est là, à mes côtés, et pourtant, quelque chose en moi semble s'être modifié. Je ne peux l'expliquer, mais une étrange sensation de malaise s'est installée en moi, comme une brume persistante, un poids invisible.Le retour à la villa est calme. Trop calme. Adrien se plonge immédiatement dans le travail, mais je sens qu'il est différent, comme si quelque chose bouillonnait sou