Chapitre 2

J’ai envie de me détourner et de m’enfuir, mais je reste figée sur place.

Le bruit d’un rire venant de l’entrée du bâtiment attire leur attention. Nick rompt le baiser, et son regard se porte rapidement là où je me tiens.

Je me sens si mal que je me plie en deux et vomis sur le trottoir. Il commence à s’approcher avec Még, mais je tends la main pour les arrêter.

« Ça va. Je crois que j’ai mangé quelque chose de mauvais. Ça va aller. », dis-je d’une voix tremblante.

Je sens leurs regards sur moi. Si je ne me ressaisis pas, Még devinera ce que cette situation me fait. Elle ne peut pas savoir pour Nick et moi, ni pour mes sentiments envers lui.

Je me redresse avant de tourner le dos aux deux.

« Sara. », m’appelle ma meilleure amie. « Où vas-tu ? »

Je ne peux pas encore lui faire face. Je ne peux pas la regarder dans les yeux, alors je continue de marcher.

« Sara ? »

« Je dois aller chercher quelque chose pour mon estomac. », je réponds sans me retourner.

Il l’embrassait en public ? Le même Nick qui a une peur morbide de simplement me parler devant les gens ? Je suis sa compagne. Et n’est-ce pas contre les règles de son stupide contrat ?

Mais après tout, Még n’est pas une oméga. Még est bien meilleure que moi. Il n’y aurait pas beaucoup de scandale si les gens les voyaient ensemble. Alors que moi, je suis la fille de la cuisinière qui travaille dans la maison de Nick. Mon père est salarié de sa famille tout comme je le suis.

Je ne peux toujours pas supporter le fait que, pendant que je l’attendais pour qu’on puisse parler, il se montrait intime avec ma meilleure amie. Je suppose que cela signifie que c’est vraiment fini entre nous. Je me demande ce qui se passerait si je violais maintenant son accord de non-divulgation.

J’entends des pas derrière moi, mais je ne m’arrête pas. J’ai l’impression que mon cœur saigne à chaque pas.

Alors que j’atteins le pâté de maisons suivant, une main forte attrape mon bras et me fait pivoter. Nick me regarde avec colère sous ses épais cils.

J’utilise toute ma force que j’arrive à rassembler pour me dégager de sa prise et continue de marcher. La colère et la douleur me donnent la force de l’ignorer alors qu’il grogne mon nom.

« Sara ! » Cette fois, il attrape mon poignet.

« Je te parle, Sara ! Arrête-toi ! » Sa voix est dure, tranchante. On dirait qu’il a le droit d’être en colère ?

Sans réfléchir, je libère mon poignet de sa main et lui assène une gifle retentissante. La surprise éclaire ses yeux, mais il se ressaisit rapidement. Attrapant de nouveau mon poignet, cette fois avec une prise ferme, il me plaque contre la grande voiture garée au bord de la route.

« Tu as violé les termes en premier ! », dit-il entre ses dents serrées.

« En lâchant accidentellement ces trois petits mots ? » Je le repousse, et il me relâche rapidement, comme si être trop près de moi le dégoûtait.

« C’était une erreur, Nick. J’ai essayé de te joindre pour te l’expliquer. J’ai attendu deux heures pour te voir. »

« Comment as-tu pu penser qu’on se verrait encore aujourd’hui ? Ce truc entre nous ? J’allais y mettre fin. Ce soir ! Plus besoin de se voir jusqu’à la pleine lune. Je vais te rejeter, et chacun prendra son chemin. »

Mon cœur se brise douloureusement en moi. Ma première réaction est de hocher la tête. « Tu aurais dû y mettre fin avant d’embrasser ma colocataire devant tout le campus. »

« Oui, j’aurais dû, mais je ne l’ai pas fait. Tu veux savoir pourquoi ? Parce que tu n’es pas la seule à pouvoir briser les règles ! », réplique-t-il avec un sourire sarcastique.

« Eh bien, bravo à toi. Tu as pris ta revanche. Pourquoi ne retournes-tu pas auprès de... d’elle avant que quelqu’un ne te voie parler avec la fille de la cuisinière. » Je commence à m’éloigner.

« Merci pour ton conseil. Au moins, tu as compris le message, Sara. », rétorque-t-il.

Je m’arrête net.

« Qu’il y ait un lien de compagnon entre nous ou pas ne changerait pas le fait que je ne t’aimerai jamais. Ce qu’on avait, c’était juste du sexe, rien de plus, tu m’entends ? »

Je sens qu’il se retourne pour partir, mais il s’arrête et ajoute : « Oh, et n’oublie pas que tu as signé un accord de confidentialité. Si tu te mets à raconter aux membres de la meute ce qui s’est passé entre nous, je ne serai pas responsable de ce qui arrivera à ton père. »

Je ne peux m’empêcher de jeter un regard par-dessus mon épaule vers son visage. Peut-être que je veux confirmer s’il pensait vraiment ce qu’il disait. Mais il est déjà en train de se détourner et de s’éloigner.

***

J’ai tellement envie de rentrer chez moi, auprès de mon père. Mais chez moi, c’est l’un des petits cottages derrière le manoir des Reign. Je retourne donc au dortoir après avoir erré sans but pendant un temps que seule la Déesse pourrait mesurer.

Még n’est pas encore rentrée. Mon soulagement de ne pas avoir à lui faire face est mêlé à une immense nausée. Elle est sûrement encore avec Nick, sans aucun doute.

Rapidement, je me rends dans ma chambre pour m’y enfermer. Mais au fil de la nuit, il devient clair que c’était inutile. Je reste allongée, les yeux grands ouverts jusqu’à l’aube. Még n’est jamais rentrée.

Elle devrait être de retour tôt le lendemain matin, et je tiens toujours à l’éviter. Alors j’essaie de partir rapidement pour assister aux cours.

Ma simple routine matinale se transforme en corvée. Je suis prise d’une très forte nausée. Mon estomac se tord comme si j’avais vraiment mangé quelque chose de mauvais. Je passe une bonne partie de la matinée la tête plongée dans la cuvette des toilettes. Assise sur le carrelage froid, à bout de souffle, l’image de Nick et Még se rejoue en boucle dans ma tête.

Plus tard, lorsque la nausée s’est atténuée, j’ai renoncé à assister aux cours pour cette journée. Je reste assise sur mon lit, le regard dans le vide, quand un coup retentit à ma porte. Sans attendre de réponse, Még ouvre la porte et se tient dans l’embrasure.

« Attends, tu es vraiment malade ? », demande-t-elle avec un froncement de sourcils.

« Ça ira. », je réponds.

« J’en doute. » Son ton est étrangement haineux. Il n’y a aucune trace de plaisanterie dans sa voix, comme d’habitude.

« Après avoir osé séduire l’héritier alpha ? » Elle fait un pas dans ma chambre. « Je doute que ça aille, Sara. »

Mon cœur se serre. Est-ce que Nick est allé jusqu’à tout lui raconter après m’avoir menacée avec son ridicule accord de confidentialité ?

Elle ricane en voyant l'expression sur mon visage. « Je ne suis pas idiote, Sara James. Je le sais depuis un moment maintenant ! Ce n’est qu’une question de temps avant que la meute ne l’apprenne. »

Au début, je suis confuse sur ce qu’elle veut dire. Connaît-elle toute l’histoire ?

« Tu pensais vraiment que tu pourrais continuer à venir à l’école, te faufiler tout en profitant des Reign après cette trahison ? » Elle croise les bras sur sa poitrine.

« De quoi tu parles ? » Ma colère monte, mais elle est mêlée de peur. Ils ne révoqueraient pas ma bourse pour ça. L’alpha et la luna ne sont pas au courant de nous.

« Tu essaies de faire l’ignorante ? »

Je soupire, décidant qu’il n’y a aucun intérêt à continuer ce jeu. « Tu le sais depuis quand ? », je demande.

« Savoir quoi ? Que tu mens en prétendant faire des courses pour ton père et que tu pars te prostituer chez les Reign ? »

« Oui, Még. Depuis combien de temps tu le sais ? » Ma voix est tranchante, empreinte d’agacement. Peut-être est-ce une résurgence de la nuit dernière, lorsque je l’ai vue embrasser mon compagnon. Mon ancien compagnon.

« Tu sais qu’il est fiancé, non ? », demande-t-elle au lieu de répondre à ma question.

Je ressens une vive douleur à cette révélation. Elle surprend la souffrance dans mes yeux et sourit.

« Tu savais qu’il était fiancé et tu es quand même allée vers lui ? », dis-je en essayant de retourner ses paroles contre elle. « Maintenant, je suppose que tu l’as poursuivi uniquement parce qu’il était avec moi. »

« Avec toi ? Il t’a payée pour te sauter, Sara. Nick Reign n’a jamais été avec toi ! Tu n’es personne. Juste une prostituée bon marché. Quoi, tu pensais que je ne découvrirais pas ? Le fait qu’une fille comme toi puisse se permettre de partager cette suite avec moi était un indice évident. »

Mes poings se serrent. Mon père a payé chaque centime pour cet appartement. La bourse me permettait d’acheter d’autres choses que je n’aurais pas pu me permettre. Mais ça n’a aucun intérêt que je lui dise tout ça.

Elle secoue la tête avant de continuer. « Néanmoins, tu es revenue à la réalité maintenant. Nick en a fini avec toi et la luna est au courant. »

Mon esprit s’engourdit à cette dernière phrase.

« Qui te l’a dit ? La luna n’est pas au courant. »

« J’ai envie de vomir rien qu’en t’imaginant avec lui. » Elle grimace. La haine dans ses yeux est incroyable alors qu’elle ignore ma question.

« Ma mère disait toujours que les gens comme toi ne savaient pas rester à leur place. Je comprends ce qu’elle voulait dire maintenant. »

« Tu as dit à la luna ce qui se passait entre nous ? Tu sais pour nous depuis un moment. » Je la fixe avec horreur.

« Quoi, tu fais confiance à Nick pour ne pas en parler à sa maman ? S’il ne lui dit pas, qui va régler tout ça aussi vite que possible pour empêcher la meute de l’apprendre ? » Ses yeux brillent d’une satisfaction malveillante en parlant. Il est difficile de croire qu’il s’agit de ma meilleure amie depuis sept ans.

Je suis trop découragée pour dire quoi que ce soit d’autre. La peur commence à me gagner. Comment la luna réglerait-elle ça pour éviter que ça ne s’ébruite ? Je veux quitter la pièce, mais mes jambes refusent de bouger.

« D’ailleurs, tu as dit que je l’ai poursuivi. Ce n’est pas vrai. C’est un coureur de jupons, Sara, et c’est tout le temps qu’il lui reste avant de devenir alpha et de s’installer avec la luna déjà choisie. Tu pensais qu’il serait fidèle dans une situation de sexe comme la vôtre ? » Elle éclate de rire amer. « À quelqu’un comme toi, en plus. »

« Je n’attends rien de lui, Mégan. Mais je ne m’attendais pas non plus à ça de ta part. Je pensais qu’on était amies... »

« Peut-être qu’on l’était. Mais tout est fini quand tu as posé tes griffes sur l’héritier de l’empire Reign ! Le futur leader de Lune de Forêt ! »

Je ne l’ai jamais vue si haineuse, mais j’aurais dû m’en douter depuis longtemps.

Soudain, des souvenirs des dernières semaines me reviennent en mémoire. Comment ma meilleure amie était toujours rapide à me rappeler mon statut social. Ou le fait que je suis une étudiante boursière. J’avais tout ignoré. Mais maintenant, je réalise qu’elle savait pour Nick et moi depuis au moins un mois.

« Je suis tellement contente de ne plus avoir à faire semblant avec toi. Tu vas être virée et disparaître de ma vue, et tout reviendra normal ! » Elle commence à s’éloigner, puis s’arrête.

« Il ne sera jamais à toi, Sara. Le fait que tu aies pensé qu’il le pourrait est juste... écœurant, pour dire le moins. »

Je n’ai aucune réponse à cette remarque. Mon téléphone se met à sonner avant que je puisse digérer ses paroles pleines de haine.

Je le saisis et glisse sur le bouton pour répondre sans regarder l’écran.

« Allô, c’est Sara James ? »

« Oui, qui est-ce ? » Je regarde rapidement l’écran. Le numéro est inconnu.

« Je vous appelle de la maison médicale de Lune de Forêt. Vous devez venir rapidement. Votre père s’est effondré et a été amené ici il y a un instant. »