Il était 7h30 du matin, et le soleil se levait lentement sur la ville. La lumière pénétrait par les rideaux légèrement ouverts, laissant un éclat pâle dans la chambre de Viel. Dans l’ombre de ses murs gris, l’odeur d’un café fraîchement préparé flottait, mais rien ne semblait vraiment briser le silence pesant. Viel, les yeux à peine ouverts, regarda le plafond blanc, se remémorant la routine qui se répéterait encore aujourd’hui. Il n’y avait rien de nouveau sous le ciel ; il était, comme d’habitude, seul.
Viel avait 24 ans. Il vivait seul dans un petit appartement au dernier étage d’un immeuble qui commençait à prendre de l’âge. Chaque matin, après avoir fait un rapide petit déjeuner, il se rendait dans la salle de bain pour effectuer son rituel. Ce n’était pas juste une routine de toilette, mais une préparation minutieuse. D’un geste automatique, il se débarrassait de ses vêtements et se regardait dans le miroir, les yeux se perdant sur son reflet. Un corps fin, avec une taille marquée, des hanches plus larges que la moyenne, et une poitrine légèrement développée. Il avait toujours peur de ce qu’il voyait, mais il avait appris à vivre avec. Il saisissait la bande élastique et la passait autour de son torse, compressant doucement sa poitrine, dans l’espoir de la dissimuler sous ses vêtements amples. Ce geste, qu’il répétait chaque matin depuis des années, était devenu une part de lui-même, un fardeau qu’il portait en silence. Après tout, personne ne devait savoir. Pas ses collègues, pas les passants dans la rue, pas même ses camarades de fac. La peur du rejet le rongeait depuis longtemps. Cette peur, il l’avait eue dès son adolescence, lorsqu’il avait tenté de s’approcher de quelqu’un. L’échec de cette tentative le hantait encore : une jeune fille, pleine de curiosité et d’envie au début, mais qui, en le découvrant nu, s’était rapidement détournée, dégoûtée par son corps. Ce rejet silencieux, cette froideur glacée, était encore en lui comme une plaie qu’il n’osait effleurer. Depuis ce jour, il avait pris la décision de ne plus jamais laisser personne s’approcher de trop près. Il enfila une chemise trop grande, des pantalons amples, comme à son habitude. Ces vêtements étaient devenus sa carapace. Ils le cachaient. Ils l’aidaient à se fondre dans la masse. Même son visage, avec ses cheveux bruns coupés courts toutes les deux semaines – ils poussaient vite, trop vite pour qu’il puisse les laisser pousser comme bon lui semblait – était une sorte de masque. Ses yeux verts brillaient derrière des lunettes discrètes, mais il les dissimulait aussi, ne laissant personne voir l’angoisse qui les habitait. En descendant les escaliers de son immeuble, il évita de croiser le regard des autres. Il était toujours seul, et il se sentait plus à l’aise ainsi. Il n’avait pas de véritables amis, à part Martine, son amie d’enfance, et Hubert, un collègue de la banque où il faisait son stage. Martine, depuis toutes ces années, était la seule personne à connaître son secret. Elle ne lui en avait jamais fait de reproches, ne lui avait jamais posé de questions, mais Viel savait qu’elle savait. Hubert, quant à lui, ignorait tout. Viel n’en parlait à personne, et il n’avait pas l’intention de le faire. La vérité, la sienne, il la portait comme une ombre derrière son sourire timide et ses gestes mesurés. Arrivé à la banque, il s’installa à son bureau, l’air concentré sur les tâches qui lui étaient confiées. La routine de la journée se déroulait comme un train-train monotone, ponctué de quelques échanges avec Hubert, toujours cordiaux, mais superficiels. Viel était studieux, appliqué, mais chaque mouvement qu’il faisait, chaque mot qu’il prononçait, portait un poids. Il ne laissait rien paraître, mais à l’intérieur, il se sentait épuisé, constamment sur le qui-vive. Le moindre regard, la moindre remarque pouvait le faire déraper. Alors, il se tenait à distance. À l’heure du déjeuner, il alla s’asseoir dans un coin isolé de la banque, là où les collègues ne venaient jamais. Il n’aimait pas les repas collectifs, la convivialité forcée. Il préférait la solitude. À l’extérieur, le monde continuait de tourner, mais il restait dans son cocon, enfermé dans sa bulle, écoutant le bruit lointain des conversations sans jamais y participer. Une fois la journée terminée, il rentra chez lui, se retrouvant à nouveau face à lui-même. La solitude était devenue une vieille amie, et il la connaissait bien. Mais parfois, la solitude devenait lourde. Parfois, la solitude ne suffisait plus à calmer ses pensées. Il s’allongea sur son lit, fermant les yeux, mais il ne put éviter de penser à cette partie de lui qu’il ne pouvait jamais montrer, une partie qu’il n’acceptera jamais vraiment. Les doutes, les peurs, les angoisses se bousculaient dans son esprit. Quel avenir pourrait-il avoir dans un monde qui n’acceptait pas ceux qui étaient différents ? Les minutes passaient, puis les heures. Viel se leva, se regarda dans le miroir une fois de plus, et la même question revint : Pourquoi ne puis-je pas être comme les autres ? La nuit s’étendait autour de lui, et il savait que demain serait pareil. La même solitude, la même peur, le même secret. Mais à l’intérieur de lui, une lueur persistait, faible mais tenace, celle de l’espoir. Espérer que, peut-être, un jour, il pourrait enfin vivre sans cette crainte qui le paralysait. Mais pour l’instant, il se contentait de respirer, de se fondre dans l’anonymat, et de survivre. Viel venait de terminer de préparer son dîner, une simple assiette de pâtes accompagnée d’une sauce tomate maison qu’il faisait souvent pour gagner du temps. Il n’avait pas d’appétit particulier, mais c’était la seule chose qui lui semblait acceptable à cet instant. Alors qu’il s’apprêtait à manger, son téléphone vibra sur la table, interrompant le calme de la soirée. Il regarda l’écran : c’était Marc, son chef de service. Il hésita un instant, puis décrocha. « Oui, Viel ? » la voix de Marc était claire et autoritaire, comme toujours. Marc était le genre de chef qui ne laissait aucune place à la discussion, une personnalité bien tranchée dans un milieu où les attentes étaient élevées. « Je voulais te donner les directives pour demain. Il y a quelques ajustements à faire sur le dossier du client XYZ. On doit préparer une réunion pour la fin de semaine. Assure-toi de bien revoir tous les documents avant de la rencontrer. » Viel écoutait attentivement, notant mentalement chaque détail. Il savait que son rôle dans cette banque n’était pas seulement de faire de la paperasse ; il devait aussi prouver, chaque jour, qu’il était compétent, que sa place était méritée. Malgré son silence, Marc continuait. « Et aussi, veille à la présentation. On te demandera de prendre en charge la présentation des chiffres. » Il marqua une pause, puis ajouta, comme une note supplémentaire : « Je compte sur toi pour ne rien laisser au hasard, Viel. » Une petite bouffée d’anxiété monta en lui. Cela faisait déjà quelques mois qu’il travaillait dans cette banque, et bien que ses résultats aient toujours été satisfaisants, il ne pouvait jamais s’empêcher de se sentir à l’étroit, comme s’il était constamment sur le point de se faire démasquer. Il s’efforça de garder sa voix stable. « D’accord, Marc. Je m’en charge. » Sa réponse était rapide, mais il pouvait entendre dans le ton de Marc qu’il avait fini la conversation. Il raccrocha, et un silence s’installa à nouveau dans la pièce. Le téléphone reposa sur la table, mais Viel n’eut pas le cœur à reprendre son dîner. Il se leva lentement, attrapa son carnet qui traînait sur le bureau. Ce carnet était un autre de ses compagnons silencieux, toujours à ses côtés. Il n’y écrivait pas seulement des choses professionnelles, mais aussi ses pensées, ses doutes. Chaque soir, avant de se coucher, il y consignait ce qu’il devait faire le lendemain. Cela lui permettait de structurer sa journée, de calmer l’anxiété qui lui nouait l’estomac. En s’asseyant à son bureau, Viel commença à griffonner sur la première page, ses yeux se concentrant sur les mots qui formaient petit à petit une liste d’objectifs pour le lendemain. L’impression qu’il n’avait pas assez d’espace, ni dans son esprit, ni dans sa vie, se fit plus vive. Marc était exigeant, mais c’était une exigence qu’il s’efforçait de satisfaire, tout en gardant une distance invisible avec ses collègues. Il n’avait pas le droit à l’erreur. Jamais. Il s’arrêta un moment en relisant ses notes. La tâche était claire, mais cela ne faisait qu’ajouter à la pression. Demain, il devra faire face à une réunion importante avec des clients. Le genre de moment où chaque geste, chaque mot comptait. Il y avait des yeux qui l’observaient constamment, des attentes non formulées mais toujours présentes. Et dans cette situation, Viel savait qu’il ne pouvait pas se permettre d’être vulnérable, pas même un instant. Il prit une profonde inspiration, tentant de repousser cette montée d’angoisse qui commençait à l’envahir. Revenir à la tâche l’aidait toujours à se recentrer. Il continua à écrire, à organiser les directives de Marc, à les disséquer pour s’assurer de n’oublier aucun détail. Chaque chiffre, chaque graphique, chaque conversation à préparer… Rien ne devait être laissé au hasard. Il n’y avait pas de place pour la faiblesse. Quand il eut fini d’écrire, il relut une dernière fois ses notes. C’était bon. Tout était en ordre. Mais même en sachant qu’il avait fait son travail correctement, une question persistait : était-ce suffisant ? Était-ce jamais suffisant ? Il posa son carnet et retourna à sa table, reprenant son dîner froid. Le goût de la sauce tomate ne l’intéressait pas vraiment. Ce soir encore, comme chaque soir, la solitude était sa seule compagne. Peut-être que, demain, cela irait mieux. Peut-être qu’il trouverait un moyen de se sentir moins hors de place, moins écrasé par le poids de ses propres contradictions. Mais pour l’instant, il se contenta de manger en silence, sous la lueur faible de la lune.La nuit s’était installée depuis un moment, enveloppant la ville d’un calme profond, presque oppressant. Viel avait passé le reste de sa soirée à se noyer dans ses pensées, une routine qu’il connaissait bien. Une fois son dîner fini, il se leva lentement, comme si chaque geste nécessitait un effort supplémentaire. Son esprit tourbillonnait encore autour des directives données par Marc, mais plus profondément, il y avait cette autre question, cette douleur persistante qui le suivait partout : Pourquoi suis-je ainsi ?Il se rendit dans la salle de bain, éteignant les lumières du salon derrière lui. En entrant dans la pièce froide, il laissa échapper un long soupir. Il ferma la porte derrière lui, s’assurant qu’il serait seul, qu’il ne serait dérangé par rien ni personne. Dans le silence de la salle de bain, il s’approcha du miroir, les yeux fuyants, comme s’il redoutait ce qu’il allait voir.Il se déshabilla, ses gestes lents et précautionneux, comme un automate, en partie détaché de s
Il se leva précipitamment, n’ayant même pas pris le temps de préparer un petit-déjeuner. Ses pensées étaient en désordre, mais une chose était certaine : il devait arriver à l’heure à Elsia Bank. C’était un impératif. Travailler, se concentrer sur ce qu’il savait faire, c’était ce qui lui permettait de tenir. Il n’avait pas le droit de faillir, pas dans ce domaine. Son esprit, encore marqué par la veille, s’accrocha à cette pensée.Il enfila son manteau et ses chaussures sans un regard dans le miroir. Il avait encore du mal à affronter l’image qui lui était renvoyée, à affronter le visage du Viel qui ne parvenait jamais à se sentir à sa place. Il sortit rapidement de chez lui, attrapant son sac en passant. Le taxi était déjà là, garé devant son immeuble. Il monta sans un mot, murmura à peine un salut au chauffeur, et se laissa emporter dans les rues encore désertes de la ville.La route jusqu’à la banque parut interminable, mais ses pensées se concentrèrent sur les instructions de Mar
La matinée passa à une vitesse vertigineuse. Viel était concentré, son esprit absorbé par le projet qu’il devait présenter à la réunion de l’après-midi. Chaque chiffre, chaque détail de son travail, il les avait méticuleusement révisés. C’était dans ces moments-là qu’il se sentait vraiment compétent, hors de toute comparaison. Mais il savait aussi qu’à l’issue de cette présentation, il devrait revenir à sa réalité, à la froideur de son quotidien. Le regard des autres, l’intimité qu’il s’efforçait de maintenir à distance.Alors que l’heure de la réunion approchait, Viel se leva de son bureau et attrapa son dossier. Hubert, déjà prêt, se tourna vers lui, un sourire confiant sur les lèvres.« T’es prêt ? » lui demanda-t-il, d’un ton léger, mais avec cette pointe de curiosité dans les yeux.Viel hocha la tête, un sourire fin apparaissant sur son visage. Il n’était pas vraiment sûr d’être prêt. Mais il n’avait pas le choix. Il devait l’être. C’était un moment important pour lui, et il ne v
Viel et Hubert se dirigèrent vers le restaurant à proximité, un endroit tranquille qu’ils fréquentaient souvent pour leurs déjeuners. Le soleil de midi réchauffait l’air, et la ville semblait vibrer au rythme de la journée. Viel se sentit un instant détendu, loin des pressions du travail. Il était rare qu’il prenne le temps de souffler, mais aujourd’hui, il se laissait porter par le moment.« Alors, t’as prévu quelque chose pour les vacances ? » demanda Hubert en prenant place à une table près de la fenêtre. Son regard s’éclaira d’enthousiasme à l’idée des quelques jours de congé à venir.Viel haussait légèrement les épaules en signe de réflexion. Il n’était pas du genre à s’encombrer de projets, et encore moins lorsqu’il savait que ses vacances se limiteraient probablement à de longues journées passées chez lui, seul avec ses pensées.« Non, pas vraiment, » répondit-il, un peu distrait. « Je vais probablement rester à la maison, profiter de quelques jours de tranquillité. » Il y avai
En rentrant chez lui ce soir-là, Viel se sentait un peu vidé. La journée avait été longue, et bien qu’il fût satisfait du projet qu’il avait présenté, il n’arrivait pas à se débarrasser du poids qui pesait sur lui. Alors qu’il fermait la porte de son appartement et déposait son sac, son téléphone vibra dans sa poche. Il sortit l’appareil et vit le nom de sa mère s’afficher sur l’écran. Un soupir échappa à ses lèvres.Il n’était pas étonné de recevoir un appel de sa mère. Celle-ci avait toujours été présente dans sa vie, même si la distance entre eux s’était accrue au fil des années. Elle vivait dans une ville un peu plus éloignée, avec son mari, et les visites devenaient de plus en plus rares. Les conversations téléphoniques, elles, étaient plutôt fréquentes. Mais ce soir-là, il sentait que quelque chose n’allait pas. Il répondit au téléphone, tentant de dissimuler sa fatigue dans sa voix.— Allô, maman ?La voix de sa mère, tremblante, se fit entendre de l’autre côté du fil.— Viel,
La vérité était qu’il se sentait prisonnier de son propre corps. Tout ce qu’il voyait dans le miroir lui rappelait sa différence. Ce mélange de traits masculins et féminins, cette poitrine légère, ses hanches trop larges pour correspondre à l’image d’un homme « viril », et ce petit pénis qui ne correspondait pas à l’idée qu’il se faisait de la masculinité. À chaque regard dans le miroir, il se sentait plus seul. Plus éloigné de tout ce qu’il aurait voulu être. Plus éloigné de la vie qu’il aurait souhaitée.L’opération, l’idée de pouvoir tout effacer, tout remettre en ordre pour se fondre dans la norme… Cela aurait été tellement plus simple. Mais ses parents avaient choisi de ne pas le faire, de ne pas lui offrir cette possibilité. Il avait toujours cru que c’était à cause de la peur. Peur qu’il souffre, peur de ce que cette intervention aurait pu signifier pour lui. Mais à quoi servait la peur, maintenant ? Pourquoi l’avaient-ils laissé se débrouiller avec une identité partagée, une c
Après quelques instants de jeux et de bavardages, les deux enfants se lancèrent dans une autre course effrénée, cette fois-ci avec leur frère aîné qui ne pouvait s’empêcher de se joindre à eux. Viel se laissa emporter, oubliant l’inquiétude qui l’avait envahi juste avant. Il se sentait à sa place, comme s’il retrouvait une part de lui qu’il avait longtemps négligée. Mais ce moment de bonheur, aussi simple et éphémère soit-il, n’était pas exempt de ses propres démons. Lorsqu’il aperçut leur mère, Madeleine, à l’intérieur de la maison, un léger nœud se forma dans son estomac. Les retrouvailles avec ses parents étaient toujours un mélange de réconfort et de tension.Il prit une profonde inspiration avant d’avancer vers la porte d’entrée. L’odeur familière du bois vieilli et du savon maison envahit ses narines dès qu’il franchit le seuil de la maison. Madeleine, qui préparait le dîner dans la cuisine, se tourna en entendant le bruit de la porte. Son regard s’éclaira dès qu’elle aperçut Vi
Après quelques instants de jeux et de bavardages, les deux enfants se lancèrent dans une autre course effrénée, cette fois-ci avec leur frère aîné qui ne pouvait s’empêcher de se joindre à eux. Viel se laissa emporter, oubliant l’inquiétude qui l’avait envahi juste avant. Il se sentait à sa place, comme s’il retrouvait une part de lui qu’il avait longtemps négligée. Mais ce moment de bonheur, aussi simple et éphémère soit-il, n’était pas exempt de ses propres démons. Lorsqu’il aperçut leur mère, Madeleine, à l’intérieur de la maison, un léger nœud se forma dans son estomac. Les retrouvailles avec ses parents étaient toujours un mélange de réconfort et de tension.Il prit une profonde inspiration avant d’avancer vers la porte d’entrée. L’odeur familière du bois vieilli et du savon maison envahit ses narines dès qu’il franchit le seuil de la maison. Madeleine, qui préparait le dîner dans la cuisine, se tourna en entendant le bruit de la porte. Son regard s’éclaira dès qu’elle aperçut Vi
La vérité était qu’il se sentait prisonnier de son propre corps. Tout ce qu’il voyait dans le miroir lui rappelait sa différence. Ce mélange de traits masculins et féminins, cette poitrine légère, ses hanches trop larges pour correspondre à l’image d’un homme « viril », et ce petit pénis qui ne correspondait pas à l’idée qu’il se faisait de la masculinité. À chaque regard dans le miroir, il se sentait plus seul. Plus éloigné de tout ce qu’il aurait voulu être. Plus éloigné de la vie qu’il aurait souhaitée.L’opération, l’idée de pouvoir tout effacer, tout remettre en ordre pour se fondre dans la norme… Cela aurait été tellement plus simple. Mais ses parents avaient choisi de ne pas le faire, de ne pas lui offrir cette possibilité. Il avait toujours cru que c’était à cause de la peur. Peur qu’il souffre, peur de ce que cette intervention aurait pu signifier pour lui. Mais à quoi servait la peur, maintenant ? Pourquoi l’avaient-ils laissé se débrouiller avec une identité partagée, une c
En rentrant chez lui ce soir-là, Viel se sentait un peu vidé. La journée avait été longue, et bien qu’il fût satisfait du projet qu’il avait présenté, il n’arrivait pas à se débarrasser du poids qui pesait sur lui. Alors qu’il fermait la porte de son appartement et déposait son sac, son téléphone vibra dans sa poche. Il sortit l’appareil et vit le nom de sa mère s’afficher sur l’écran. Un soupir échappa à ses lèvres.Il n’était pas étonné de recevoir un appel de sa mère. Celle-ci avait toujours été présente dans sa vie, même si la distance entre eux s’était accrue au fil des années. Elle vivait dans une ville un peu plus éloignée, avec son mari, et les visites devenaient de plus en plus rares. Les conversations téléphoniques, elles, étaient plutôt fréquentes. Mais ce soir-là, il sentait que quelque chose n’allait pas. Il répondit au téléphone, tentant de dissimuler sa fatigue dans sa voix.— Allô, maman ?La voix de sa mère, tremblante, se fit entendre de l’autre côté du fil.— Viel,
Viel et Hubert se dirigèrent vers le restaurant à proximité, un endroit tranquille qu’ils fréquentaient souvent pour leurs déjeuners. Le soleil de midi réchauffait l’air, et la ville semblait vibrer au rythme de la journée. Viel se sentit un instant détendu, loin des pressions du travail. Il était rare qu’il prenne le temps de souffler, mais aujourd’hui, il se laissait porter par le moment.« Alors, t’as prévu quelque chose pour les vacances ? » demanda Hubert en prenant place à une table près de la fenêtre. Son regard s’éclaira d’enthousiasme à l’idée des quelques jours de congé à venir.Viel haussait légèrement les épaules en signe de réflexion. Il n’était pas du genre à s’encombrer de projets, et encore moins lorsqu’il savait que ses vacances se limiteraient probablement à de longues journées passées chez lui, seul avec ses pensées.« Non, pas vraiment, » répondit-il, un peu distrait. « Je vais probablement rester à la maison, profiter de quelques jours de tranquillité. » Il y avai
La matinée passa à une vitesse vertigineuse. Viel était concentré, son esprit absorbé par le projet qu’il devait présenter à la réunion de l’après-midi. Chaque chiffre, chaque détail de son travail, il les avait méticuleusement révisés. C’était dans ces moments-là qu’il se sentait vraiment compétent, hors de toute comparaison. Mais il savait aussi qu’à l’issue de cette présentation, il devrait revenir à sa réalité, à la froideur de son quotidien. Le regard des autres, l’intimité qu’il s’efforçait de maintenir à distance.Alors que l’heure de la réunion approchait, Viel se leva de son bureau et attrapa son dossier. Hubert, déjà prêt, se tourna vers lui, un sourire confiant sur les lèvres.« T’es prêt ? » lui demanda-t-il, d’un ton léger, mais avec cette pointe de curiosité dans les yeux.Viel hocha la tête, un sourire fin apparaissant sur son visage. Il n’était pas vraiment sûr d’être prêt. Mais il n’avait pas le choix. Il devait l’être. C’était un moment important pour lui, et il ne v
Il se leva précipitamment, n’ayant même pas pris le temps de préparer un petit-déjeuner. Ses pensées étaient en désordre, mais une chose était certaine : il devait arriver à l’heure à Elsia Bank. C’était un impératif. Travailler, se concentrer sur ce qu’il savait faire, c’était ce qui lui permettait de tenir. Il n’avait pas le droit de faillir, pas dans ce domaine. Son esprit, encore marqué par la veille, s’accrocha à cette pensée.Il enfila son manteau et ses chaussures sans un regard dans le miroir. Il avait encore du mal à affronter l’image qui lui était renvoyée, à affronter le visage du Viel qui ne parvenait jamais à se sentir à sa place. Il sortit rapidement de chez lui, attrapant son sac en passant. Le taxi était déjà là, garé devant son immeuble. Il monta sans un mot, murmura à peine un salut au chauffeur, et se laissa emporter dans les rues encore désertes de la ville.La route jusqu’à la banque parut interminable, mais ses pensées se concentrèrent sur les instructions de Mar
La nuit s’était installée depuis un moment, enveloppant la ville d’un calme profond, presque oppressant. Viel avait passé le reste de sa soirée à se noyer dans ses pensées, une routine qu’il connaissait bien. Une fois son dîner fini, il se leva lentement, comme si chaque geste nécessitait un effort supplémentaire. Son esprit tourbillonnait encore autour des directives données par Marc, mais plus profondément, il y avait cette autre question, cette douleur persistante qui le suivait partout : Pourquoi suis-je ainsi ?Il se rendit dans la salle de bain, éteignant les lumières du salon derrière lui. En entrant dans la pièce froide, il laissa échapper un long soupir. Il ferma la porte derrière lui, s’assurant qu’il serait seul, qu’il ne serait dérangé par rien ni personne. Dans le silence de la salle de bain, il s’approcha du miroir, les yeux fuyants, comme s’il redoutait ce qu’il allait voir.Il se déshabilla, ses gestes lents et précautionneux, comme un automate, en partie détaché de s
Il était 7h30 du matin, et le soleil se levait lentement sur la ville. La lumière pénétrait par les rideaux légèrement ouverts, laissant un éclat pâle dans la chambre de Viel. Dans l’ombre de ses murs gris, l’odeur d’un café fraîchement préparé flottait, mais rien ne semblait vraiment briser le silence pesant. Viel, les yeux à peine ouverts, regarda le plafond blanc, se remémorant la routine qui se répéterait encore aujourd’hui. Il n’y avait rien de nouveau sous le ciel ; il était, comme d’habitude, seul.Viel avait 24 ans. Il vivait seul dans un petit appartement au dernier étage d’un immeuble qui commençait à prendre de l’âge. Chaque matin, après avoir fait un rapide petit déjeuner, il se rendait dans la salle de bain pour effectuer son rituel. Ce n’était pas juste une routine de toilette, mais une préparation minutieuse. D’un geste automatique, il se débarrassait de ses vêtements et se regardait dans le miroir, les yeux se perdant sur son reflet. Un corps fin, avec une taille marqu